Tous complices

Tous complices de Benoit Marchisio aux éditions Les Arènes Equinox

“ Vingt et une vitesses, selle soudée, deux paires de suspensions : c’est tout ce qu’Abel a retenu . […] Abel a devant lui son futur outil de travail. Il est livreur, oui. Mais surtout micro entrepreneur. Il a le statut depuis peu, ča lui cinq minutes sur le site de la chambre de commerce et d’industrie. Il a finalement opté pour cette forme de société parce qu’il n’en pouvait plus des contraintes du salariat, même occasionnel. […] Il est son propre patron, maître de son destin. ”

Avec l’intention d’aider sa mère financièrement, Abel se lance dans la livraison de repas à domicile et devient micro entrepreneur, persuadé d’avoir fait le bon choix. Mais pour commencer il doit également télécharger : l’Appli, qui lui permettra de recevoir des commandes qu’il devra livrer en un temps records pour être sûr d’être payer.

Des collègues. Il en croise de nombreux sur son chemin. Beaucoup sont voûtés sur leur vélo vieillissant, mais certains sont d’une élégance folle. Filiformes sur leur cadre fuselé, ils foncent comme des fusées et fondent dans le trafic fluide de cette fin de journée. Bientôt, Abel sera comme eux : rapide, précis et irrattrapable.

Lui qui habite de l’autre côté du périphérique, il prends plaisir à découvrir Paris et ses quartiers sur son vélo low-cost. Certains immeubles le fascinent, il se sent presque privilégié d’y pénétrer même si le plus souvent il ne voit guère plus que l’entrée des appartements.

Il va vite se retrouver face à des livreurs mineurs, ou des sans-papiers, le monde parallèle des livreurs clandestins, et fera la connaissance de Lena une sans-abri qui leur donne un coup de main pour réparer leurs deux roues. Le désenchantement commence.

Sans parler des challenges de l’Appli, véritables jeux de dupes.

[…] Non, il est sûr : il n’a fait aucune erreur. Il n’aurait pas pu aller plus vite. Même s’il était monté sur les trottoirs, avait coupé les ronds-points, adopté un comportement délirant – en plus des risques qu’il a déjà pris à griller les feux rouges et les priorités, sans cesse poussé par les trois notes à pédaler en surrégime – il aurait livré aussi rapidement. Le problème, c’est le temps d’attente entre les commandes. Si lui n’a pas fait d’erreur, c’est que l’Appli l’a volontairement fait patienter pour éviter qu’il touche la prime mise en jeu. ”

Et puis il y a cet avocat qui cherche à se faire un nom, et puis cette vidéo qui met le feu aux poudres, et ce journaliste qui ne semble pas étouffer par les scrupules.

Ce boulot prends des allures de cauchemar, les dégradations de travail s’enchaînent, il est peut-être temps de libérer sa colère.

Il a toute les infos pour déclencher la révolte et démarrer les livraisons à domicile très spéciales.

Ce que j’en dis :

Alors que Marin Ledun s’attaque à l’industrie du Tabac à travers son dernier roman noir, Benoit Marchisio nous plonge dans l’enfer des livreurs de repas qui pédalent sans relâche pour assouvir les envies gustatives de la population à toute heure du jour et de la nuit. En plus d’être mal payés, ils sont également maltraités physiquement et moralement subissant sans parfois s’en rendre compte le harcèlement lié à ce travail harassant.

Depuis la pandémie, un nouveau marché s’est développé, lucratif pour certains comme pour tous les dérivés de L’Appli style Deliveroo, Uber Eat et compagnie mais une belle arnaque pour tous ceux qui ont besoin de passer par ces plateformes pour ne pas voir leurs commerces s’éteindre et une question de survie pour toutes ces personnes qui se sont tournées vers ce travail de livreur, n’ayant plus de ressources. Une revenu d’appoint mais à quel prix ?

Benoit Marchisio nous ouvre les yeux et nous livre une fiction qui rejoint la dure réalité de notre société uberisée.

Un bel hommage à tous ces travailleurs précaires.

C’est extrêmement fort, bluffant parfois violent mais ne sommes-nous pas TOUS COMPLICES ?

Méfions nous, la révolution est en marche et même masquée elle risque de nous livrer un futur qui risque bien de nous étouffer avant la première bouchée.

Pensez-y quand vous passerez votre prochaine commande, ce qui ne sera toujours pas mon cas en ce qui me concerne.

Ce menu révolutionnaire est livré par Équinox complice de la littérature que donne du sens au chaos.

À dévorer sans modération.

Pour info :

Benoit Marchisio a 33 ans. Après plusieurs collaborations avec des magazines de cinéma (SoFilm, Première) il participe à la rédaction d’un ouvrage collectif sur le travail de Paul Verhoeven. En 2017, sort son premier essai, Génération Propaganda (Playlist Society) qui raconte la trajectoire fulgurante de Propaganda Films crée en 1986 par six réalisateurs et producteurs, dont David Fincher. Depuis 2014, il travaille chez France Télévisions.

Je remercie les Arènes pour ce roman noir social explosif.

Lëd

Lëd de Caryl Férey aux Éditions Les Arènes

“ Qui voulait vivre ici ? Il neigeait deux cent soixante jours par an – soit l’équivalent de dix tonnes de neige par habitant –, dont cent trente de tempête, quand le pourga devenait bourane, ce vent arctique qui filait du trente mètres à la seconde. Dès – 30°C, rester dehors présentait un risque mortel. Les jours de blizzard, les ferrailles volaient des toits, les enseignes, des magasins – des dangers constants dont on faisait peu de cas. ”

Perdue au milieu de la Russie, au nord du cercle polaire arctique se situe Norilsk, une ville industrielle qui abrite depuis une centaine d’années une exploitation de nickel et de palladium.

Chaque jour, l’usine rejette un gaz toxique dégageant une odeur épouvantable qui fait de cette endroit la ville la plus polluée du monde, en plus d’être la plus froide avec ses températures extrêmes qui peuvent descendre sous les 60°C.

C’est dans ce décor apocalyptique permanent, que l’on découvre après un ouragan arctique, le corps d’un Nenets, un éleveur de Rennes, près des décombres d’un immeuble.

Boris, flic flegmatique, banni d’Irkoutsk est chargé de l’affaire.

“ Le minerai alimentant l’industrie de la guerre, Norilsk était passée de statut de ville secrète sous Staline à celui de ville fermée : aujourd’hui encore, on n’y parvenait qu’avec l’assentiment du FSB, lequel delivryles tampons aux comptes gouttes. Il n’était pas question que le lieutenant Ivanov en revienne : une prison en liberté, voilà le sort qu’on lui avait réservé… Les adieux à l’aéroport d’Irkoutsk avaient été terribles, avec son père surtout.

Enfin Boris s’était fait à ses chaînes.

L’âme russe était né pour ça. ”

Dans cette prison à ciel ouvert, au cours de son enquête, Boris va faire connaissance avec cette jeunesse qui s’épuise à la mine, cherchant des échappatoires parfois dangereux au milieu de la corruption qui règne en maître, où chacun se surveille mutuellement et semble suspect.

La pollution tue a petit feu la population, et dans ce climat glacial une nouvelle menace rôde apportant dans son sillage une violence extrême qui détruira les entêtés cherchant à faire justice.

Sa présence est un obstacle à leur chute à venir, ils ne le savent pas et lui non plus : il avance au portant, car le vent s’est relevé. Le calme n’était qu’une escarmouche, relatif et mordant le blanc nocturne qui luit sous ses yeux. Pas de suspension sur ce nid de tonnerres, de repos en ces moments décharnés, les proies sont rares et les abris peu sûrs. Des blocs de pierre qui sentent la pisse froide et leur humeur domestique. […] Il le sent là au fond des trop, ce cri qui lui remonte à la gorge ; non, impossible de le retenir, de contenir cet instinct…Il cherche quelqu’un à tuer. ”

Ce que j’en dis :

Déjà 25 ans que cet écrivain baroudeur nous offre des romans noirs assez déchirants, puisant son inspiration dans les pays où il se rend, rendant hommage aux personnages qu’ils croisent sur son chemin en les mettant admirablement en scène dans ses histoires.

C’est en 2012 que je le découvre à travers Mapuche, une enquête qui nous transporte au cœur de l’Argentine. Un roman noir époustouflant, avec des personnages inoubliables qui m’ont bouleversé et qui ont fait de moi une lectrice fidèle à cette plume rebelle, engagée, incontournable.

Si vous pensiez avoir déjà croisé l’enfer dans ses précédents romans, attendez-vous à pire une fois débarqué à Norilsk. Et pourtant dans cette ville glaciale, délabrée, polluée, déprimante, de premier abord si peu accueillante vous risquez de tomber amoureux de certains personnages, ces russes courageux toujours prêt à tant de sacrifices.

Une enquête qui semble servir de prétexte pour nous permettre de faire connaissance avec les habitants de Norilsk en nous plongeant dans leur quotidien, où malgré la dureté de leur vie, ils savent prendre du bon temps, s’accrochant pour certains à un rêve même s’il sont conscients que leur espérance de vie est courte et se consume plus vite qu’une cigarette.

La plume stylée de Caryl Férey, toujours engagée et pleine d’humanité nous offre un récit dense, intense où malgré la noirceur de l’histoire les aurores boréales illuminent le cœur de chaque personnage lié à cette histoire. Un magnifique hommage à cette jeunesse Russe qui a croisé sa route dont on comprend qu’il en revienne bouleversé avec une folle envie de les coucher sur papier pour ne jamais les oublier.

Une fois de plus il revient de l’enfer avec dans ses bagages de nouveaux souvenirs, de nouveaux amis, de nouvelles anecdotes et un nouveau roman noir stupéfiant qui m’a fait verser quelques larmes tant les émotions sont fortes.

Il entre dans l’Arène, toujours fidèle à Aurélie Masson, et nous offre un spectacle glaçant qui le conduit pourtant au sommet de son art.

Fidèle je suis, fidèle je resterai.

Pour info :

Caryl Férey écrit des romans noirs dont l’action se situe le plus souvent à l’étranger ainsi qu’une série consacrée à l’enquêteur borgne Mc Cash. Breton de cœur, vivant à Paris, il écrit aussi pour la musique, le cinéma, la radio, le théâtre, la jeunesse et participe à des revues de voyage.

Je remercie Les Arènes pour virée glaciale qui pourtant réchauffe le cœur.

L’un des tiens

L’un des tiens de Thomas Sands aux Éditions Les Arènes

H7N9 c’est le nom du virus qui circule entre ces pages, exterminant sur son passage la population, la faune et bientôt la flore.

“ Les autorités ont dit que le virus avait éclos sur les rives du Gange, au sud de Calcutta. Sur son passage, il en avait fauché des millions. Et au fond, cela avait arrangé tout le monde. Il restait si peu pour subsister. ”

Le monde s’effondre. La violence rôde. A bord d’une voiture volée, un homme et une femme se connaissant à peine roulent à travers le pays ravagé par la peur et les épidémies.

Lui espère retrouver son frère disparu tandis qu’elle, s’efforce d’oublier son amour tué récemment par des flics.

“ La mort, l’odeur de la mort, lourde et âcre, l’absence… et la mémoire pourrissante.

[…] Alors elle comprend que son pays est mort, qu’il ne se relèvera pas. ”

Ensemble ils apprennent à aimer ce qui leur manque tout en essayant de garder un brin d’espoir dans ce chaos en poursuivant leur route.

“ Quelques bourrasques, un peu de pluie. Rien de durable, le temps des cauchemars, la vacuité des songes.

Toute la vie. ”

Et quelques part un autre homme, peut-être celui tant recherché, réfugié près d’un village, en danger lui aussi…

“ La nature poursuit son vaste récit, son roman de ténèbres et de lumières. Elle affirme que le monde est en vie, que rien ne meurt vraiment. Et pourtant, certains signes ne trompent pas.Timothée veut rester ici, sur le chemin d’altitude, dans sa baïta. Il veut entendre ce chant, l’éprouver. Se savoir, se sentir humble devant ses mouvements, ses humeurs, sa volonté irrémédiable. Il est le dernier témoin de la grâce. ”

Ce que j’en dis :

Découvrir ce roman en pleine pandémie planétaire peut entraîner certains lecteurs vers une psychose perturbante, car même si on est encore loin de l’apocalypse comme dans ce roman, la situation actuelle laisse à penser qu’on s’en approche à grand pas si notre conscience ne se réveille pas.

Ici l’espoir est parti depuis longtemps et la noirceur a prit toute la place. La seule beauté présente entre ces pages est l’écriture de l’auteur. Sa plume puissante et lyrique nous emporte au centre du chaos en nous laissant le cœur en miette.

C’est absolument bouleversant, terriblement inquiétant emplis de désespoir, mais porté par une plume tellement belle qu’il mérite que l’on s’y attarde avant que notre monde s’écroule.

Mais avec prudence tout de même car c’est quand même flippant de découvrir en avant première ce qui nous pend au nez un jour ou l’autre…

Thomas Sands, semble être un véritable visionnaire, alors n’hésitez pas à le découvrir même si vous risquez de ne pas en sortir indemne.

“ Munissez-vous de masques. Ne laissez aucun étranger pénétrer sur vos territoires, dans vos maisons. Restez chez vous. Priez. ”

Pour info :

Thomas Sands a vingt-sept ans. Un feu dans la plaine est son premier livre. Voyageur solitaire, il est aussi photographe. Dans son premier roman Du feu dans la plaine, Thomas Sands anticipait l’avènement d’Emmanuel Macron et les mouvements virulents de l’hiver dernier.

Je remercie les Éditions les Arènes pour ce magnifique roman qui m’a effectivement broyé le cœur.

The cry

The cry d’ Helen Fitzgerald aux Éditions les Arènes / Équinox

Traduit de l’anglais par Alexandre Civico

” La faute à la sécurité de l’aéroport.

Si elle n’avait pas eu à acheter ces deux petits flacons transparents de cent millilitres chez Boots, si elle n’avait pas eu à transvaser les médicaments, agenouillée devant la librairie WH Smith, si elle n’avait pas eu à faire la queue une heure de plus devant la sécurité, seins douloureux… Si elle n’avait rien eu à faire de tout ça, son bébé serait encore auprès d’elle. “

Le vol depuis Glasgow jusqu’à Melbourne fut un véritable cauchemar pour Johanna et Noah, son jeune bébé de 9 mois. Malgré tout elle était loin d’imaginer qu’ils allaient être séparés à jamais l’un de l’autre.

Alistair son compagnon, le père de Noah, prends les choses en main, mais rien n’empêchera Johanna de plonger dans une terrible dépression au bord de la folie.

Le scénario mis en place par Alistair ne fait que la culpabiliser davantage et l’entraîne jour après jour au plus profond de l’abîme.

Mais que s’est-il réellement passé au cours de ce vol ?

Connaît on vraiment ceux qui partagent notre vie ?

Ce que j’en dis :

Comme dans quasiment 80 % de mes lectures, j’ai commencé celle-ci à l’aveugle, sans rien lire sur ce roman au préalable, pas même la quatrième de couverture pour garder un maximum de suspens et de surprises, je ne vous en dirai donc pas plus sur le synopsis et même beaucoup moins que la présentation au dos du livre.

Mais une chose est sûre, une fois que vous commencerez ce thriller psychologique de haut-vol, absolument machiavélique, tout comme moi, vous ne pourrez plus le quitter avant de le terminer, autant vous prévenir pour éviter toute frustration et donc prévoir une belle plage de lecture.

Car si dès le départ vous allez vite découvrir le sort de cet enfant, vous n’en demeurerez pas moins intrigué. Tout comme les personnages, vous vous retrouverez piégé, le cœur brisé, cherchant désespérément une once d’empathie pour Alistair ce pervers narcissique et un brin de compassion pour cette mère désespérée qu’on semble vouloir mettre au pilori.

Helen Fitzgerald va mettre vos nerfs à rude épreuve en vous entraînant au cœur d’une histoire perverse où la manipulation est reine, et où le chemin de la rédemption ne sera possible qu’en prenant des chemins de traverse aux allures diaboliques.

Pas étonnant que ce roman qui a inspiré une série de la BBC, devenue un véritable phénomène sur la chaîne fasse un carton.

C’est sidérant, complètement addictif, ça vient de paraître et c’est à mettre absolument dans ses lectures estivales.

Encore une belle entrée dans les Arènes d’Aurélien Masson.

Pour info :

Née en 1966 à Melbourne (Australie), Helen FitzGerald est autrice et scénariste.

Elle a travaillé dix ans comme assistante sociale pour la justice pénale puis auprès de délinquants sexuels en prison.

Elle vit aujourd’hui à Glasgow avec son mari et ses deux enfants.

Un grand merci aux éditions les arènes pour ce thriller étourdissant.

Marseille 73

Marseille 73 de Dominique Manotti aux Éditions Équinox / Les Arénes

1973. Grasse, charmante cité provençale, ses fleurs, ses parfums, ses trente mille habitants, et son petit milliers de travailleurs immigrés, souvent tunisiens, ouvriers agricoles, ouvriers du bâtiment, tous travailleurs au noir.

Durant l’automne 1972, le gouvernement français prends de nouvelles mesures à l’encontre des immigrés, résidents en France ou souhaitant y entrer. La circulaire Marcellin leur impose désormais d’être munis d’un contrat de travail et d’avoir un logement s’ils souhaitent bénéficier d’une carte de séjour afin d’éviter les expulsions prévues dès l’été 73.

À l’approche de l’échéance, Ordre nouveau, mouvement d’extrême droite, nationaliste et néofasciste, s’engouffre dans la brèche ouverte pat le gouvernement et lance, le 9 juin 1973, une campagne nationale « Halte à l’immigration sauvage ».

La France va alors connaître une vague d’assassinats. Des arabes, surtout des algériens, sont pris pour cible, notamment à Marseille, épicentre du terrorisme raciste.

Quelque chose de grave est en train de naître, qui porte un nom : le racisme.

Le jeune commissaire Daquin, bien d’être nommé à l’Évèché , l’hôtel de police de Marseille, est bien décidé à mettre un terme à cette violence, même s’il doit mettre au pilori certains collègues.

(…) Nous sommes confrontés ici à Marseille à une vague de terrorisme anti-immigrés maghrébins, dans le prolongement de la guerre d’Algerie, et sans doute dans le prolongement du terrorisme de l’OAS. Et apparemment, la consigne donnée à la police et à la justice est de regarder ailleurs. Cela ne peut pas être sans conséquence. Les répercussions seront lourdes sur la société, mais aussi sur le fonctionnement de nos services. Vous le savez aussi bien que moi.

Dans cette ville portuaire du sud de la France, cette histoire basée sur des faits réels, portée par la plume légendaire de Dominique Manotti nous fait découvrir cette tragédie à travers une enquête menée de main de maître, et fête le retour de notre héros, l’inspecteur Daquin.

Ce que j’en dis :

Il n’est jamais trop tard pour faire connaissance avec une belle plume retardée j’avoue par le côté polar politique qui m’effrayait et pourtant je ne regrette pas cette découverte, bien au contraire.

Pour sortir de mes zones de confort, c’est bien souvent comme pour le cinéma, il suffit que ce soit basée sur des faits réels, d’après une histoire vraie ou d’un fait historique pour que je sois attirée.

En 73, j’étais bien trop jeune pour me souvenir de ces tragiques événements mais grâce à ce récit et à travers cette enquête policière, brillamment menée mes lacunes sont comblées.

Car Dominique Manotti a fait de sacrés recherches en amont pour nous offrir ce roman d’une noirceur effrayante.

Tout comme certains auteurs, elle n’hésite pas à toucher certains points sensibles qui rappellent étrangement certains faits récents de notre actualité. Sous couvert de leur uniforme, il est vrai que certaines professions s’accordent quelques passes droits.

À travers ce roman, elle nous confronte à une terrible réalité et nous plonge au cœur même de la corruption policière gangrenée par le racisme.

Qu’ils soient du bon ou du mauvais côté, ses personnages interpellent, bouleversent, révulsent, aucun ne peut nous laisser indifférent.

Une écriture remarquable qui véhicule à travers une tension extrême une multitude d’émotions, qui en font un véritable page-Turner difficile à quitter et impossible à oublier.

Percutant, dérangeant, époustouflant, c’est à lire absolument.

Pour info :

Née en 1942, Dominique Manotti a enseigné à l’université l’histoire écono­mique contemporaine.

Autrefois militante politique et syndicale, elle publie à partir de 1995 une dizaine de romans noirs, dont trois mettant en scène le commissaire Daquin.

L’un de ces romans, Nos fantastiques années fric, a été adapté au cinéma sous le titre Une affaire d’État. Après Bien connu des services de police, Trophée 813 du Meilleur roman noir francophone en 2010, elle a reçu pour L’Honorable société, écrit avec DOA, le Grand Prix de Littérature policière 2011.

Ses livres sont traduits dans une dizaine de langues. Racket (ed. Les arènes, 2018) , Marseille 73 est son treizième roman.

Je remercie les Éditions Les Arénes pour ce récit bluffant.

Joueuse

Joueuse de Benoit Philippon aux Éditions Les arènes

” Certaines batailles tracent leur histoire sur la peau, d’autres sous les chairs. Ces blessures, on peut choisir de les appréhender de deux façons radicalement différentes : geindre dans la boue en espérant susciter la compassion d’une âme miséricordieuse, ou en arborer les cicatrices comme des trophées, témoignages de combats menés dont on est ressorti, abîmé certes, mais victorieux. Zack a choisi la seconde attitude. “

Zack a été élevé à la dur par son père, l’élève a fini par dépasser le maître et devenu joueur professionnel.

Avec son pote Baloo, il forme une sacré équipe jusqu’à ce qu’il croise la route d’une nana et tombe sous son charme.

” Zack s’est taillé une belle réputation de joueur d’exception qui lui vaut l’intérêt de gros poissons. Mais il sait rester prudent , tenter sa chance juste ce qu’il faut pour ne pas finir la soirée éventré entre deux poubelles.

Pour l’instant.

Il s’avère que cette nana en connaît un rayon sur le bluff, et pour obtenir ce qu’elle veut elle n’hésite pas à se servir de ses charmes, des atouts indiscutables qui mettent vite Zack au tapis.

Maxine a des comptes à régler avec un gros joueur, et Zack pourrait bien l’aider à gagner cet partie, à condition qu’il accepte le deal qu’elle lui propose.

” Les jeux sont fait. Rien ne va plus. “

” La bataille se prépare, elle sera sanglante, et sans pitié. “

Ce que j’en dis :

Cabossé, son tout premier roman m’avait déjà conquise, puis il a récidivé avec Mamie Luger, un roman absolument jubilatoire avec une héroïne hors du commun qu’il est impossible d’oublier, mais alors là, Joueuse m’a bluffer. En même temps c’était plus ou moins à prévoir étant donné les parties de poker qui se jouent par ici.

Benoit Philippon, fidèle à son style nous fait cadeau d’une nouvelle héroïne, au caractère bien trempé, sans pourtant oublier Mamie Luger, à laquelle il n’oublie pas de faire un petit clin d’œil bien mérité.

À travers une plume aussi fleurie que les chemises dont il raffole, l’auteur nous entraîne dans une spirale infernale sous haute tension, un véritable tournoi de poker où chaque partie risque de te mettre au tapis pour un temps plus ou moins limité voir éternel. Et même s’il est question d’arnaque, pas question d’arnaquer le lecteur qui en aura pour sa mise de départ. Il garde dans son jeu quelques joker pour protéger la gente féminine, des pires crapules des bas-fonds et autre lieu de perdition.

Sous la plume de Benoit Philippon, les coupables ne restent pas impunis. Ici on respecte les femmes ou on passe à la casse.

Avec une once d’humanité, une dose d’humour et d’esprit, de l’action et du suspens et même un peu d’amour, Joueuse nous offre une partie endiablée qui risque d’en surprendre plus d’un.

Je n’ai pas aimé, non, j’ai adoré ♥️

Pour info

Benoît Philippon passe son enfance en Côte d’Ivoire, aux Antilles, puis entre la France et le Canada. 

Il devient scénariste à vingt ans pour le cinéma et l’animation. 
Il réalise son premier long-métrage, Lullaby for Pi, avec un casting international (Forest Whitaker, Clémence Poésy, Rupert Friend), sorti en 2010 ; puis un film d’animation (coréalisé avec Alexandre Heboyan), Mune, le gardien de la Lune (prix du meilleur film à Tokyo, Toronto, Erevan), qui fut le septième plus gros succès français à l’étranger en 2015. 

Benoît Philippon aime mélanger les codes et naviguer entre les genres. 
Après Cabossé  (Prix du Goéland Masqué 2018, Prix Transfuge du meilleur espoir Polar 2016) publié dans la Série Noire, Mamie Luger (Equinox/Les Arènes) son deuxième roman noir publié en 2018 a reçu le prix Cezam inter CE en 2019.

Joueuse (Équinox /Les Arénes) est son troisième roman.

Je remercie les Éditions Équinox/ Les Arénes pour cette partie endiablée absolument exquise.

City of Windows

City of Windows de Robert Pobi aux Éditions Les arènes

Traduit fe l’anglais (États-Unis) par Mathilde Helleu

 » La vue sur Park Avenue ressemblait à une tranchée étroite, ce qui faisait paraître le tir plus simple qu’il n’était. En réalité, ce salaud avait dû composer avec une multitude de paramètres : le vent, la neige, le manque de visibilité, les réglages du fusil (ainsi que sa potentielle défaillance) , l’habillement et la distance. Il n’avait qu’une infime fenêtre de temps pour tout ajuster. Ce n’était pas un coup que le premier tireur venu pouvait faire. (…) Tirer d’ici, c’était comme essayer d’enfiler un fil à coudre sur le dos d’un taureau mécanique. Cela ne laissait qu’un infime instant pour viser, inspirer, calculer la distance et appuyer sur la détente.

Quasiment impossible. “

Malgré la tempête de neige qui s’est abattue sur New-York, paralysant toute la ville, un sniper a réussi le tir parfait, en tuant par la même occasion un agent du FBI au volant de sa voiture.

Suite à cet exploit, entre en scène l’ancien agent Lucas Page, censé aider le FBI, à comprendre d’où le tir est parti.

Lucas Page semble posséder un don surnaturel pour lire les scènes de crime. Il analyse et comprend en un clin d’œil les angles et les trajectoires d’où proviennent les tirs. Il est le plus à même à trouver cet impitoyable sniper.

Ce premier meurtre annonce les hostilités du tueur, le début d’une longue séries d’exécutions méticuleuses…

” Dehors, la neige tombait toujours par paquet et enfouissait la ville sous un nouvel âge de glace. Presque tout Manhattan était paralysé d’une manière ou d’une autre. Les infrastructures et commerces essentiels n’étaient plus à même de fonctionner normalement. Les taxis et leurs homologues de troisième ordre étaient les seules voitures dehors ; la plupart des automobilistes craignaient trop la neige pour sortir dans la féerie arctique … (…) Comme disait dans leur jargon les urbanistes du XXI° siècle, c’était un sacré bordel.

Mais pas pour l’homme au fusil. En moins d’une semaine, il avait gagné sa place dans les livres d’histoire. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, rien n’arrêtait ce type. Il ferait parler de lui pendant des années et intégrerait les manuels de l’Académie à Quantico. (…) Il serait immortel.

Mais qui était-ce ?

Ce que j’en dis :

À peine arrivé dans Les Arènes Équinox, et déjà le grand Robert Pobi se fait remarquer avec ce Page Turner épatant , du premier choix aux qualités taille américaine xxxxxllll. C’est juste pour que vous fassiez vite fait un aperçu de la grandeur de ce thriller aussi haute que les buildings de Manhattan.

On pourrait croire à une histoire banale de sniper américain mais ce serait sans compter sur le talent de l’auteur que j’avais déjà adoré dans son premier récit : L’invisible.

Car cette histoire n’a vraiment rien de banal, vous verrez, je ne vais quand même pas spolier. Et puis le sniper aussi exceptionnel soit-il, même si évidemment il est impossible d’y faire abstraction, se fait gentiment voler la vedette par Luca Page, un personnage extrêmement attachant et intéressant qui a une fâcheuse tendance à énerver ses supérieurs tellement il est bon. Un personnage hors norme, atypique, au physique très particulier (ça aussi vous verrez) et avec un passé peu commun qui le conduira à devenir un homme reconnaissant.

On peut déjà se réjouir, il est fort probable que ce soit le début d’une longue série d’histoires, toutes aussi spectaculaires où l’on retrouvera Luca avec un grand plaisir, en tout cas je l’espère.

Inutile de vous en dire plus, ce thriller palpitant a tout pour vous plaire avec sa méga dose de suspense, ses personnages fascinants, son histoire remplie de tiroirs secrets qui risquent de vous amener vers une procrastination inévitable.

Retenez bien ce titre : City of Windows, cet auteur: Robert Pobi et cette maison d’éditions : Les arènes, vous avez devant vous le trio gagnant du parfait thriller de la rentrée littéraire 2020, à ne surtout pas manquer.

Vous voilà prévenus.

Pour info :

Inlassable voyageur, Robert Pobi est un écrivain canadien.

Il a travaillé dans le monde des antiquités avant d’écrire son premier roman L’Invisible (2012), suivi de Les Innocents (2015), tous deux publiés chez Sonatine. Ses romans sont traduits dans plus de quinze pays.

Durant son temps libre, il pêche, se passionne pour l’art américain du XX siècle et écoute Motörhead.

City of Windows est son troisième thriller, publié récemment aux Éditions Les arènes.

Je remercie infiniment Les éditions Les arènes pour ce récit absolument fascinant.

Le second disciple

Le second disciple de Kenan Görgün aux Éditions Les Arènes

” Sous la surface policée du monde s’agitent des bêtes d’une autre engeance. “

En prison on purge sa peine plus ou moins longue et c’est l’occasion de faire d’autres mauvaises rencontres, comme cet ancien militaire belge, Xavier Brulein, qui va tomber sous la coupe d’Abu Brahim, un prédicateur islamiste. Abu Brahim est le seul de son réseau à avoir été capturé, le seul membre derrière les barreaux. Il est convaincu d’avoir été sacrifié.

 » Abu Brahim n’a jamais eu la prétention de lui apprendre quoi que ce soit. Il lui a juste parlé de ce qu’il savait, il ne l’a jamais pris de haut. Ils se sont assis par terre, les yeux dans les yeux, et ils ont voulu faire le ménage dans le désordre du monde. Abu Brahim n’a pas discuté ses idées quand elles différaient des siennes, il s’est tu pour respecter sa parole. Assis par terre pour faire le ménage du monde, Abu Brahim lui a dit un jour: « Toi, ton cerveau est bizarre. Mais j’aime ça. Il faut être fait différemment pour faire la différence. »

À sa sortie de prison, il est converti, Xavier est devenu Abu Kassem. Il ne lui reste plus qu’à infiltrer la cellule terroriste qui semble avoir trahi Brahim, et mener à bien sa mission. En comparaison le 11-septembre sera l’enfance de l’art.

” – Personne ne sortira de là vivant. “

” Un acte foudroyant qui ramènera l’Histoire à zéro. “

Ce que j’en dis :

Vu la thématique de ce récit, j’étais loin d’être emballée au départ, mais comme il fait partie de la team des arènes, qui m’a déjà agréablement surprise plus d’une fois, je n’ai pas hésité plus longtemps.

On peut dire que ce roman est absolument hors norme, écrit par un Belge d’origine turque, à travers une construction très particulière et plutôt percutante, il nous entraîne au cœur du terrorisme , mettant en scène un terroriste qui purge sa peine derrière les barreaux et son jeune poulain, un codétenu qu’il a radicalisé avant qu’il ne soit libéré de prison.

L’auteur instaure une tension permanente, et nous offre un scénario on ne peut plus réaliste qui n’est pas s’en rappeler de cruels et meurtriers attentats perpétrés à travers le monde.

Inquiétant, dérangeant ce thriller risque d’en surprendre plus d’un, mais il faut bien avouer qu’il est plutôt surprenant et d’une écriture remarquable même s’il a réveillé en moi certaines peurs inévitables.

Une suite est prévue, vous voilà prévenus, en attendant restez vigilants.

Pour info :

Kenan Görgün est un écrivain belge d’origine turque.

Il fait ses études à Bruxelles dans une école francophone. À quinze ans n’ayant jamais lu, il commence à écrire. Un an plus tard, il découvre Stephen King puis Paul Auster.

Il suit les cours d’écriture du professeur écrivain Gustave Rongy. Il contribue d’abord à la revue « Marginales » avant de publier ses premiers poèmes et nouvelles.

Il est aussi un scénariste primé, membre de l’Association des Scénaristes de l’Audiovisuel.

Il a écrit des chansons pour le groupe de rock O.I.L. .

Je remercie les Éditions les arènes pour cette lecture cruellement inquiétante.

La meute

La meute de Thomas Bronnec aux Éditions Les Arènes

(…) Il s’approche de Castelli êtes met à lui parler tout bas.

– Ici je me sens bien. Je ne me sens bien qu’ici, même. Au milieu des gens. Les vrais. À Paris, tout est factice. L’Élysée même est factice. Il faudrait changer d’endroit. Quelque chose de plus moderne, plus fonctionnel, moins solennel.

Le conseiller lui demande s’il croit vraiment, à ces fadaises sur les artifices de la capitale. François Gabory n’a jamais vécu que pour ces artifices.

– Tu as tort, et tu as raison. Une partie de moi a rêvé d’être un anonyme au milieu de la beauté du monde, indifférent aux luttes ridicules qui m’ont pourtant occupé toute ma vie. Et quand c’est arrivé, je n’ai pensé qu’au jour où je reviendrai. Tu sais pourquoi ?

Il fait non de la tête.

– Parce que le pouvoir, c’est pire qu’une drogue, c’est un poison qu’on t’a inoculé. Un poison délicieux, mais ça reste un poison, quelque chose pour lequel il n’y a pas d’antidote et qui finit par te tuer. Mais avant ça… Profitons !

D’un côté nous avons François Gabory ancien président de la république bien décidé à reprendre sa place.

De l’autre Claire Bontems, une jeune femme plutôt séduisante et sans scrupule que rien n’arrête, prête à tout pour obtenir la première place à l’Elysée.

Au cœur de ce duel, une rumeur qui tel un virus se propage et commence à tuer la vérité et donner vie aux mensonges.

Il n’y a qu’une place à prendre, alors tous les coups semblent permis pour l’obtenir.

Les loups se retrouvent entre eux, la meute est en marche.

Qui réussira à l’arrêter ?

Ce que j’en dis :

Ancien journaliste politique, Thomas Bronnec mets à profit son expérience dans ce milieu pour nous offrir un récit d’un réalisme hallucinant.

Dans ce roman , il nous entraîne au cœur d’une spirale infernale où les hommes et les femmes sont capables du pire pour arriver au pouvoir.

Il suffit d’une rumeur propagée à travers les réseaux sociaux pour mettre un pavé dans la mare et affaiblir son adversaire. Dans cet univers, tous les coups sont permis.

On ne peut évidemment pas s’empêcher de penser à certains personnages politiques et enrager un peu plus contre eux.

En transposant cette histoire dans un futur proche, l’auteur nous amène à réfléchir sur ce qui pourrait arriver si on en venait aux votes électroniques, très facile à truquer, et nous mets en garde contre tous ces tests qui circulent sur le net, pouvant servir de base de données à des fins purement stratégiques et dangereuses.

Pour qui aime l’univers de la politique aussi véreuse soit-elle, ce roman est fait pour vous, pour les rebelles comme moi, détestant tout ce qui touche à ce milieu de chacals, ce sera plus difficile pour les charmer, en dehors de la plume enrichissante et éclairée de l’auteur que j’ai vraiment apprécié.

Une belle découverte même si je ne suis pas sûre de rester fidèle à l’auteur étant donné son thème de prédilection.

Pour info :

Journaliste et auteur de documentaires pour la télévision, Thomas Bronnec a exploré pendant plusieurs années les coulisses du monde politique.

Après Les Initiés et En pays conquis, il poursuit son exploration des élites françaises.

La Meute, son cinquième roman, raconte une société qui voit le modèle patriarcal vaciller, où l’exigence de transparence est devenue une arme de destruction massive capable de se retourner contre ceux qui l’utilisent, une société transformée chaque jour un peu plus en un cirque médiatique scénarisé comme une vulgaire sitcom.

Je remercie les Éditions les arènes pour cette plongée dans les coulisses de la politique.

“ Cherry ”

Cherry de Nico Walker aux Éditions Les Arènes

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard

Et pendant tout ce temps, j’ai essayé de jouer au dur parce que je croyais être un dur et que j’étais censé être un dur. Sauf que je ne l’étais pas. Et je peux vous dire maintenant qu’il y a plein de trucs mieux qu’essayer de se faire passer pour un dur, dont un, et pas des moindres, est d’être jeune, de baiser ta nana et d’en rester là. ”

C’est au cours de l’année 2003, lorsqu’il était étudiant en première année à Cleveland qu’il tomba amoureux d’Emily, une rencontre qui le marquera à vie.

Peut-on remonter dans le temps jusqu’au moment où on a rencontré celle qu’on a aimé le plus et se souvenir exactement de la façon dont ça s’est passé ? Non pas où vous étiez, comment elle était habillée où ce que vous avez mangé ce jour-là, mais plutôt ce que vous avez vu en elle qui vous a fait dire : oui, c’est pour ça que je suis venu ici. Je pourrais inventer une connerie mais, en réalité, je ne sais pas. J’aimais sa façon de jurer. Elle jurait avec une grande beauté.

Et son corps.

Quelle baiseuse…

Il est fou d’elle, et lorsqu’il pense l’avoir perdu, désabusé, il s’engage dans l’armée qui l’envoie comme médecin en Irak.

Le sergent recruteur Cole m’a frappé à la bite sans raison. Mais nous encaissions. Il fallait se souvenir que tout ça, c’était du bidon. Les sergents recruteurs faisaient juste semblant d’être des sergents recruteurs. Nous faisions semblant d’être des soldats. L’armée faisait semblant d’être l’armée. “

Pendant quasiment une année, il va découvrir l’horreur et l’absurdité de la guerre, les exactions de son pays, les antidouleurs et la violence pure.

 » Bref, ne jamais s’engager dans l’armée, putain. “

” Les gens n’arrêtaient pas de mourir : tout seul, par deux, pas de héros, pas de batailles. Rien. Nous étions juste de la piétaille, des épouvantails glorifiés ; là uniquement pour avoir l’air occupés, à arpenter la route dans un sens et dans l’autre, pour un prix exorbitant, cons comme des balais.

Il y avait des rumeurs de mort : les meurtres occasionnels, les fins atroces. Quelqu’un de la compagnie Bravo : le médecin a démissionné, a dit qu’il ne supportait plus de sortir du périmètre.

(…)

Nous étions arrivés à l’automne, donc ça faisait un point de repère. Nous approchions de la fin. En fait, un an c’est rien. Il faut ce temps là pour apprendre à assurer un minimum sur le terrain et ensuite, une fois que tu sais ce que tu fais, tu t’en vas. “

Son retour est accompagné de grave troubles post-traumatiques, il souffre comme de nombreux vétérans et pourtant il ne bénéficiera d’aucun suivi médical ni psychologique.

Il retrouve Emily avec qui il plonge dans la drogue qui ravage le Midwest.

Un addiction qui ne les lâche pas et nécessite un paquet de fric, chaque jour.

Pour faire face, il devient braqueur de banques..

” Nous nous sommes garés devant leWhole Foods. J’avais vue sur la banque. J’avais un flingue. Ce n’était pas mon flingue. Je ne sais plus qui me l’avait donné. Un truc marrant à propos des flingues. Si on sait que tu as l’habitude de faire des braquages, les gens te filent des flingues. C’est un peu comme financer des missionnaires. “

Ce que j’en dis :

Le récit de Nico Walker est si je peux me le permettre  » La cerise sur le drapeau  »

Dès les premières pages, les mots de l’auteur nous emprisonnent pour ne nous libérer qu’à la dernière page, en nous laissant des souvenirs emplis d’une multitude d’émotions qui vont de la compassion, en passant par la colère et la rage avec une bonne dose de tendresse pour cet homme toujours en détention à la prison d’Ashland dans le Kentucky.

À travers cet autobiographie romancée, Nico nous livre son histoire et se délivre de tout ce qui l’enchaîne à ses souvenirs parfois douloureux qui l’ont conduit en détention.

Étudiant il tombe amoureux puis se laisse embringuer par l’armée.

” C’était la première semaine de l’année 2005 et ça faisait déjà quelques temps qu’aux infos on parlait de mômes envoyés sur le terrain, qui se faisaient buter ou mutiler, si bien que Kelly et consorts avaient du mal à recruter assez de mômes. Mais voilà que je me pointais la gueule enfarinée, et c’était trop facile ; grâce à moi, il avait gagné sa journée. “

Trop jeune pour être autorisé à franchir la porte d’un bar pour boire de l’alcool mais suffisamment pour partir à la guerre…

Allez comprendre !

Pendant onze mois, il effectuera pas moins de 250 sorties en patrouille dont il sera décoré pour sa bravoure. Mais il reviendra en vrac, livré à lui-même, avant de finir héroïnomane puis braqueur de banque.

Une confession hallucinante, souvent irrévérencieuse, d’un réalisme cru lorsqu’il nous parle de la guerre, tellement absurde et terrifiante, une expérience absolument révoltante pour ces jeunes si mal préparés à cette violence.

C’est le genre de récit qui va diviser les troupes, une œuvre littéraire qui a franchi les barreaux d’une prison pour libérer un écrivain avant sa sortie par la grande porte qu’il n’aura pas besoin de défoncer.

Un livre inoubliable, brut, noir, plein de rage, mais qui ne manque ni d’amour ni d’humour.

C’est trash, osé, courageux, ça parle de sexe, de drogue, de guerre, de criminalité c’est l’histoire d’un jeune trou du cul, coupable d’avoir aimé trop vite, trop fort, avant de se brûler les ailes en Irak pour finir derrière les barreaux après une descente dans l’enfer de la drogue et quelques braquages assez gonflés, et qui réussit grâce à son courage et aux soutiens d’éditeurs à nous écrire un putain de chef-d’œuvre.

Cherry , la cerise sur le drapeau à découvrir absolument.

Souhaitons sa sortie de prison aussi triomphante que ce récit qui a conquis l’Amérique, et poursuit merveilleusement son chemin en France grâce à la persévérance d’ Aurélien Masson toujours à l’affût de monuments littéraires hors normes.

Pour info :

Vétéran de la guerre d’Irak, ancien drogué et condamné à treize ans de prison pour vol avec violence, Nico Walker sortira de prison en 2020.

C’est son premier roman qu’il a écrit en détention.

Je remercie les Éditions Les Arènes pour cette découverte grandiose absolument bouleversante et inoubliable.