“ De l’autre côté des montagnes ”

De l’autre côté des montagnes de Kevin Canty aux Éditions Albin Michel

Traduit de l’américain par Anne Damour

C’est étrange, cet exact avant et après, ce moment tranchant comme une lame de rasoir qui sépare une vie d’une autre, celle qui s’est achevée et celle qui n’a pas encore commencé. Qui ne verra peut-être jamais le jour. Mort-née. Et être ces deux personnes dans la même peau, en même temps. ”

En 1972, dans une petite ville minière de l’Idaho, il y aura désormais un avant et un après. Une catastrophe survient à la mine d’argent où travaille une grande partie de la population de Silverton.

 » – Des nouvelles ? demande-t-il.

– Rien dit sa mère. Des rumeurs.

– Rien qui laisserait penser que ça va ?

– Je ne sais pas David. En attendant qu’un des responsables nous en dise plus, ce ne sont que des rumeurs. ”

C’était déjà pas facile avant, alors maintenant avec tous ces hommes en moins l’ambiance déjà pesante est devenue irrespirable.

Cette exploitation minière était déjà responsable de la pollution de l’environnement et de dégâts irrémédiables au niveau de la santé des habitants. Pas surprenant que certains cherchent à fuir, mais l’argent l’emporte toujours.

 » Pourquoi vivre ici ? Après toutes ces années, les fumées du haut-fourneau ont fini par tuer les arbres. Remplacés par un enchevêtrement de broussailles sur les coteaux.(…) La moitié des voitures semblent abandonnées. Les chiens aboient au passage de celles qui circulent encore. Les gens sont restés là parce que la paye était bonne et que la vie était agréable, mais que reste-t-il de cette époque ? On dirait une ville de pauvres, de gens de passage qu’un bon coup de vent suffirait à balayer. ”

C’est au bar, où l’alcool ne cesse de couler que les hommes et les femmes se retrouvent, et tentent d’oublier chacun à leur manière, leur douleur et leur colère.

“ Le whisky aide toujours. Jusqu’à ce qu’il n’aide plus. ”

“ C’est à nous tous. Ce chagrin n’est pas seulement le sien mais celui de tous les autres.  »

La plume de Kevin Canty est teintée de blues. Tantôt ardente et fulgurante, tantôt habitée d’une infinie mélancolie où se mêlent la tragédie mais aussi l’espoir. À travers une histoire tirée de faits réels , l’auteur s’attache aux suites de cette catastrophe sur ces hommes et ces femmes plongées dans la douleur. Un roman sombre, chargé de souffrance où l’espoir cherche sa place.

L’auteur nous offre un regard profond sur le destin de cette population malmenée, brisée qui devra se relever après cette onde de choc et de chagrin.

Un roman que j’aurais aimé plus dense pour partager plus longtemps ces vies croisées, torturées et poursuivre ce blues qui m’ a tant bouleversé.

Une lecture qui n’en reste pas moins déchirante.

La plume d’un auteur que j’aurai plaisir à retrouver.

Né en 1953, Kevin Canty compte parmi les auteurs américains les plus importants de sa génération. Remarqué dés son premier livre, Étrangère en ce monde (1996), il s’est imposé comme un formidable observateur des êtres, des couples, des familles et des lignes de failles qui traversent la société américaine.

Souvent comparé par la critique à Richard Ford, Raymond Carver ou Hemingway. Kevin Canty possède ce style si particulier, efficace et minimaliste, qui se prête à merveille aux drames intimes. Son précédent roman, Toutes les choses de la vie, est paru aux éditions Albin Michel en 2014.

Il vit à Missoula dans le Montana et enseigne à l’université.

Je remercie Carol et les Éditions Albin Michel pour cette lecture déchirante.

“ Iboga ”

Iboga de Christian Blanchard au Éditions Belfond

“ Je suis condamné à la peine capitale. ”

Le 28 octobre 1980, Jefferson Petitbois est condamné à la peine de mort. Il est incarcéré à la maison d’arrêt de Fresnes.

Trop jeune. Pas à dix-sept ans.

Suffisamment grand pour tuer donc assez vieux pour mourir… Les jurés en ont décidé ainsi. ”

En chemin vers sa cellule, il croise la “ Louisette ” celle qui va lui faire perdre la tête.

 » Pour la première fois, je la vois… en vrai. L’effet est terrible. En passant à quelques centimètres d’elle, je sens son odeur. Celle de graisse généreusement diffusée sur ses montants d’où coulisse une lame, celle de la limaille après l’affûtage. Le relent d’une senteur familière : celle du sang. ”

On ne peut pas parler de coup de foudre, malgré l’obsession qui va suivre en attendant leurs prochaines rencontres.

Mais le rendez-vous va être annulé suite aux nouvelles élections présidentielles. La peine de mort sera échangée contre une condamnation à perpétuité.

Une immense tristesse m’envahit. Ai-je mérité cela ?

Oui.

Évidemment « oui ». ”

Deux ans auparavant, il avait rencontré Max qui devint son protecteur, son mentor. C’est à ce moment là qu’il découvrit l’Iboga, qui va le rendre cruellement puissant, et va faire de lui un terrible meurtrier. Après avoir été sauvé des eaux, il va se noyer dans le sang.

 » J’avais ce pouvoir : celui de donner la mort. Ce n’est pas rien. Je venais de mettre le premier pied sur une route sombre. J’allais découvrir peu à peu le côté refoulé de mon âme.

Iboga allait m’y aider. (…) Avec elle, je vivais à fond tout ce qui se présentait à moi. ”

Bienvenue dans l’enfer du milieu carcéral. En même temps c’est presque normal, derrière les grilles, on ne s’attend pas à découvrir une face cachée du Club Méditerranée, et puis on va pas le plaindre, tout de même. Il a déjà échappé au pire, alors il ne manquerait plus qu’il se croit en vacances. De toute façon, on peut compter sur certains gardiens pour lui rappeler les bonnes manières, mêmes si eux- même en sont dépourvus.

Vous l’aurez compris, ses journées sont loin d’être idyllique et ont tendance à se répéter, jours après jours, années après années jusqu’à ce qu’un jour une psychologue s’immisce dans son quotidien et tente de le faire parler, lui promettant quelques avantages…

Christian Blanchard nous offre un huis- clos démoniaque qui monte crescendo vers les abysses de l’âme humaine.

On se retrouve tel un observateur derrière la porte de cette cellule, à découvrir à travers l’œilleton la nouvelle vie de cet homme confronté à l’enfermement, isolé du monde.

Une trame qui se révèle captivante, un récit maîtrisé, une histoire percutante, une bonne dose de frissons et une confession abominable font de ce thriller un véritable phénomène livresque à découvrir absolument. Puis poursuivre sa lecture par un grand bol d’air sans pour autant oublier Jefferson Petitbois et se dire : « Y’a une justice quand même… »

“ Cela ne changera rien au cours de l’histoire, mais mon passé finira-t-il par m’apaiser si je l’affronte ? ”

Christian Blanchard vit en Bretagne. Après avoir passé vingt-cinq ans au sein d’une institution publique, il se consacre à l’écriture Iboga est son septième roman.

Je remercie Camille et les Éditions Belfond pour cette lecture démoniaque.

“ L’homme craie ”

L’homme craie de C.J. Tudor aux Éditions Pygmalion

Traduit de l’anglais par Thibaud Eliroff

 » Il était difficile de manquer l’homme pâle. Déjà parce qu’il était grand, et mince. Il portait un jean délavé, une chemise blanche ample et un chapeau de paille. Il ressemblait à ce chanteur des années 1970 que ma mère aimait bien. David Bowie. ”

En 1986

Un étrange personnage apparaît à la fête foraine juste avant le terrible accident.

Puis ces mystérieux dessins de bonhommes à la craie. Ceux des enfants qui se prenaient pour des indiens en jouant aux cow-boys et d’autres, tout à fait anonymes.

 » Rien n’est meilleur que de transgresser les interdits, surtout si on peut gruger un adulte au passage. ”

Seulement il y a un MAIS, personne ne se souvient quand cela avait commencé. Puis la découverte du corps d’une jeune fille a brisé l’esprit aventurier de cette bande de jeune. Eddie, 12 ans s’en souvient.

“ Les « mais » n’étaient jamais bon signe, et celui-là s’annonçait particulièrement mauvais. Les « mais » étaient, comme Gros Gav l’avait dit un jour, « un coup dans les couilles d’une belle journée ».

Trente ans plus tard, Eddie semble rattrapé par le passé.

“ Mon cerveau s’agite pour essayer de mettre toutes les pièces à leur place. ”

Et lorsqu’il reçoit une lettre contenant un morceau de craie et un dessin, il comprends que le jeu, interrompu il y a bien longtemps n’est pas terminé. La partie reprend mais les règles semblent avoir changé.

“ Les enfants ont leurs secrets. Plus encore que les adultes parfois. ”

Une chose est sûre c’est que je me suis fait avoir comme une bleue. Et je peux déjà vous dire que ces gamins là étaient vraiment des “ Sales petits fouteurs de merde.”

Et pour ce qui concerne l’histoire qui nous balade entre 1986 et 2016 ça vaut le détour.

Pour un premier roman, l’écriture de C.J. Tudor n’a rien d’une débutante. Son style accrocheur allié à une qualité d’écriture laisse présager de futurs plaisirs livresques. Quand on voit ce qu’elle arrive à créer avec de simples morceaux de craie, il est clair que cette auteure a de l’imagination et du talent. À travers une trame qui réserve de belles surprises dans une atmosphère inquiétante, cette histoire nous ramène vers les souvenirs de notre enfance, vers nos premières peurs du Noir.

Une bien belle surprise que j’ai dévoré et il est clair que ce tableau noir m’a vraiment bluffé.

Une auteure à suivre.

C.J Tudor vit en Angleterre avec son compagnon, sa fille et une collection grandissante de crânes.

Elle a été apprentie journaliste, serveuse, rédactrice en chef, vendeuse, scénariste, voix-of et présentatrice TV. Elle travaillait comme dog-sitter quand l’idée de l’homme craie lui est venue. Elle a donc écrit son premier livre entre deux poursuites de chiens mouillés dans des champs boueux, tout en s’occupant de sa petite fille.

L’homme craie est son premier roman.

Son amour pour l’écriture sombre et macabre a commencé très jeune. Son professeur d’anglais lui a dit un jour que si elle ne devenait pas un auteur à succès, il serait « extrêmement déçu ». C’était il y a trente ans.

Je remercie Olivia et les Éditions Pygmalion pour cette lecture bluffante.

“ Seuls les enfants savent aimer ”

Seuls les enfants savent aimer de Cali aux Éditions Cherche Midi

 » Tu est revenue. Pour partir à jamais.  »

Bruno a six ans, il vient de perdre sa maman. Commence alors un long chemin vers le deuil, un mot dont il ignore le sens tout comme décédée qu’il a entendu chez son oncle et sa tante. Bruno est un petit garçon perdu dans son chagrin.

“ Personne ne croise mon regard. Ils l’évitent, ce regard d’enfant triste. Un petit garçon de six ans abîmé. ”

Tout son univers bascule. Et désormais une grande tristesse l’accompagne. Il est trop petit pour cette immense peine.

“ Depuis ton départ, un voile noir a recouvert notre maison. Nous peignons tes silences sur les papiers chagrins des murs. ”

Même son père est malheureux, méconnaissable, perdu au milieu de ses enfants.

Un homme devenu une ombre. Une ombre au visage de fantôme. Une ombre en partance, frappée par la mort, frappée par la vie. Oh je le jure, je le crache maman, ce n’était pas lui. Depuis que tu es partie. ”

Seule l’amitié de son meilleur ami parviendra à le consoler un peu.

Seuls les enfants savent aimer…

“ Seuls les enfants meurent d’amour.

Seuls les enfants jouent leur cœur à chaque instant, à chaque souffle.

À chaque seconde le cœur d’un enfant explose.

Tu me manques à crever, maman.

Jusqu’à quand vas-tu mourir ? ”

À cœur ouvert, Cali se livre à travers ce récit tout en poésie.

Il couche sa douleur sur le papier, il dévoile ses blessures, son immense chagrin, son désarroi, sa colère.

Et dans cette tempête qui ravage sa vie, quelques arc-en ciel, les petits bonheurs de l’amitié, les bras réconfortants de la famille qui apaiseront un peu cette tornade de douleur.

Avec pudeur, sans pathos il déclare son amour à sa maman qui lui manquera pour toujours et à jamais.

Un récit touchant, une plume sensible d’un écorché vif, des mots justes, forts, pour dire  » Je t’aime, tu me manques tellement. ”

Un bel hommage d’un enfant devenu un homme pour celle qui restera toujours sa maman.

Cali est auteur-compositeur-interprète. Sa discographie compte à ce jour sept albums. Seuls les enfants savent aimer est son premier roman.

Je remercie Babelio et les Éditions Cherche Midi pour cette belle lecture émouvante.

“ Emma dans la nuit ”

Emma dans la nuit de WendyWalker aux Éditions Sonatine

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Karine Lalechère

«  Il y a trois ans, lorsque nous avons disparu, ma sœur et moi, personne n’a rien vu.  »

Devenir célèbre suite à une disparition inexplicable ne ferait rêver personne, même la plus narcissique.

Alors lorsque Cass réapparaît, seule, trois ans plus tard à la demeure familiale, le FBI rouvre l’affaire aidé par la psychiatre le Dr Abigail Winter.

« (…) la psy s’impatientait. Elle n’arrêtait pas de remuer sur sa chaise. Elle croisait et décroisait les jambes. Tripotait son stylo. Elle n’avait pas l’air de beaucoup s’intéresser aux bois, aux arbres, aux voitures ni même au pilote, mais elle ne l’a pas interrompu. Et enfin quand elle s’est décidée à me poser une question, pour la première fois je me suis dit qu’on allait peut-être vraiment retrouver ma sœur. ”

Emma raconte l’enlèvement, décrit précisément le lieu de leur captivité, où sa sœur est toujours prisonnière.

 » Je n’aimais pas le tour que prenait la situation, parce que ça signifiait qu’ils se demandaient toujours pourquoi Emma ne m’avait pas accompagnée, et si elle n’était pas restée de son plein gré. Et donc, si j’avais moi aussi réellement été retenue prisonnière pendant ces trois ans. ”

Plus Cass se confie, plus la psychiatre doute sur la véracité des faits qu’elle se met à analyser en profondeur. Il s’avère que derrière cette façade luxueuse se cache une famille dysfonctionnelle.

 » Cette famille était un véritable nid de pathologies mentales. ”

En quelques jours le vernis des apparences se fissure, et met en lumière la brillante noirceur d’une famille pleine de secrets peu reluisants.

“ Aucun secret n’est en sécurité. Jamais. À moins de ne se confier à personne. ”

Pour ce second thriller, l’auteure fait intervenir une nouvelle fois un psychologue. Elle aborde à travers cette enquête le narcissisme dans la famille. Chaque personne se livre et laisse apparaître sans s’en rendre compte sa personnalité qui se révèle plutôt égocentrique. La psychologue analyse en profondeur chaque attitude de cette famille adepte de la manipulation. On assiste à une représentation du narcissisme dans toute sa splendeur, à croire que cela se transmet de génération en génération.

Après Tout n’est pas perdu, ( ma Chronique ici), Wendy Walker réussit une fois de plus à me faire aimer le thriller psychologique. Elle a l’art et la manière de manipuler le lecteur à travers des personnages troubles et complexes. Jusqu’à la dernière page l’intrigue reste captivante.

Un récit sombre et fort qui risque d’en surprendre plus d’un.

Wendy Walker, ancienne avocat spécialiste en droit de famille, en droit commercial et banquier d’affaires est désormais romancière et éditrice. Son premier roman Tout n’est pas perdu, va être adapté au cinéma. Elle vit avec son mari et ses quatre enfants dans le Connecticut.

Ses deux romans sont publiés chez Sonatine.

Une auteure à suivre absolument.

Je remercie Babelio et les Éditions Sonatine pour ce thriller psychologique qui a joué son rôle de grand manipulateur à merveille.

“ Confession ”

Confession de Richard Montanari aux Éditions Cherche Midi

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabrice Pointeau

“ Il y avait dans les rues de Philadelphie quelqu’un qui était entré dans deux maisons, puis avait collé une arme sur la poitrine de quatre personnes et fait feu.

Sans scrupule. ”

Kevin Byrne est inspecteur aux homicides à Philadelphie. C’est un vieux de la vieille, plus rien ne le surprend, seulement quand tu es flic depuis longtemps dans la même ville, chaque rue te rappelle certains souvenirs que tu préfèrerais bien souvent oublier.

Chaque affaire te ramène à une autre de manière obsédante.

Il avait enquêté sur de nombreux meurtres en série, et il savait que s’il y avait souvent une signature, un prisme fêlé à travers lequel le tueur voyait le monde, un motif psychologique aussi distinct qu’une empreinte digitale, parfois il n’y en avait pas. Ou, plus précisément, il y avait une signature qui brillait par son absence. Une méthode qui était une absence de méthode, juste l’instinct. ”

Lorsqu’il était encore adolescent, il traînait dans le quartier de Devil’s Pocket avec ses trois meilleurs amis. Ils protégeaient une jeune fille, Catriona qui était harcelée par l’aîné d’une famille mafieuse, Desmond Farren. Catriona et Desmond perdirent la vie à quelques jours d’intervalle. Deux meurtres, jamais élucidés, et la fin de l’innocence pour ces adolescents.

Quarante ans plus tard, en 2016 :

“ (…) le passé et le présent entraient en collision tout autour de lui.”

Une affaire de meurtres en série conduit Byrne à nouveau à Devil’s Pocket, il replonge dans les souvenirs qu’il tentait en vain d’oublier. Il retrouve sur sa route, entre autre “ Un sombre fantôme de sa jeunesse. ” , Michael Farren alias Billy le Loup.

“ Qui es-tu ?

Je suis Billy le Loup.

Pourquoi Dieu a-t-il fait en sorte que tu ne voies pas le visage des gens ?

Afin que je puisse voir leur âme. ”

C’est peut-être l’occasion pour Byrne de connaître enfin la vérité, de mettre à jour certaines enquêtes, de classer enfin cette vieille affaire du passé qui s’incruste dans celle du présent même si le voile se lève sur certains secrets qu’il aurait mieux valu laisser enterrés.

 » Même au cœur de la ville, en pleine journée, la maison de la mort était silencieuse. ”

Dés le départ, ça frappe fort. On est toute de suite dans une ambiance plutôt mortelle. L’auteur ne ménage pas le lecteur et l’accroche direct.

Je retrouve avec un plaisir non dissimulé un auteur que je suis depuis 2006.

Avec un style fluide et en même temps addictif, on voyage entre le passé et le présent à travers ce roman policier qui tient toutes ses promesses. Qu’ils soient flic ou tueur, les personnages ne manquent pas de piquant et l’auteur sonde leurs âmes en profondeur. Pour le flic rien de nouveau, par contre, affubler un des tueurs d’une certaine pathologie donne du caractère à l’intrigue. De fil en aiguille, l’ histoire est on ne peut plus surprenante et passionnante.

Un récit parfaitement maîtrisé qui va ravir les fans de Montanari et devrait satisfaire tous les amoureux de bons polars.

Richard Montanari, un grand maître du roman policier.

Richard Montanari est né à Cleveland, en Ohio. Il vit à Philadelphie. Écrivain américain, auteur de nombreux romans policiers. Ses romans ont été publiés en plus de vingt-cinq langues.

Je remercie les Éditions Cherche Midi pour ce polar au suspense impeccable et les félicite pour cette nouvelle ligne absolument réussie.

Belle couv’, belle enquête, un retour qui mérite toute notre attention.

41 vautours : La meute

41 vautours : La meute de Céline Tanguy  aux Éditions Les Indés 

 » – Alors, c’est quoi ? demanda Dean à l’agent en faction en montrant sa plaque. 

L’homme grimaça.

– Un truc moche. Un gosse. On l’a retrouvé là-bas, dit-il en désignant le bord du quai.

– Comme … comme l’autre ? 

Le policier hocha la tête. 

–  Ouais. C’est ce que vos collègues ont dit, en tout cas. « 

En septembre à New York, la ville s’habille de ses couleurs d’automne et les feuilles tombent et se meurent, tout comme les gens. Quelques jours séparent la découverte de plusieurs corps suppliciés.  D’abord des enfants, puis une femme, qui se sont échoués sur les rives de l’Hudson.

Amber Wilson, du NYPD se voit confier l’enquête, elle sera épaulée par Neil et Squirrel, deux agents redoutables du FBI.

 » – Vous avez du nouveau ? 

– L’enquête suit son cours, madame Ramirez, répondit Dean, un peu agacé. 

–  Ouais. C’est toujours ce qu’ils disent, à la télé quand les flics savent rien. « 

L’enquête ne fait que commencer et déjà une foule de questions s’imposent. Les énigmes s’enchaînent et va pas falloir traîner pour les résoudre.

 » Il y avait un loup quelque part. Ou toute une meute.  » 

La chasse est ouverte, et nul besoin de permis particulier pour s’attaquer à ce genre de déséquilibré. La meute suit les indices, aussi enragée que la proie qu’ils poursuivent.

 » Que des emmerdes. Ça ne promettait que des emmerdes.  » 

Je rejoins la plume Fast and Furious de Céline Tanguy pour un nouveau volet de 41 vautours. Je retrouve son style concis, furieux, qui t’emmène d’une scène à l’autre à travers des chapitres courts, sans détour, qui va direct à l’essentiel. Pas de temps mort, pas de temps perdu, comme pour toute enquête, faut avancer et pas traîner. C’est du non-stop, faut pas oublier que nous sommes dans la ville qui ne dort jamais, alors on s’adapte et on s’incruste dans la meute. On traque le tueur via cette histoire très visuelle au coté de cette équipe non démunie d’humanité mais plutôt enragée. Une équipe de choc qui sera mise à rude épreuve une fois encore. 

Dans ce roman à tiroirs (si je puis me permettre), il faudra accepter que certains restent fermés et que d’autres s’entrouvrent légèrement. Une enquête principale qui dévoile au détour de l’histoire certains points importants sur les personnages récurrents qui les rendent davantage attachants et laisse entrevoir un aperçu pour les prochains épisodes. Un  peu comme certaine série policière que l’on a hâte de retrouver pour connaître la suite.

Sans étalage inutile de violence, ce récit cinématographique m’a embarqué pour un marathon new yorkais à la hauteur de mes attentes, une course poursuite à cent à l’heure pour capturer un loup qui mérite de finir derrière les barreaux.

Après 48 h avant Noël, (Ma chronique ICI) j’ai suivi  La meute  et j’attends désormais avec impatience : La suite…  

Je remercie Céline pour cette attention délicate et pour ce récit déchainé qui m’a enflammé. 

 

Belle rencontre d’une CHANSON DANS LA VILLE SILENCIEUSE

Quand tu retrouves un auteur que tu apprécies depuis ce merveilleux roman  » Je Vais bien ne t’en fait pas” qu’une magnifique adaptation cinématographique a suivi, tu t’apprêtes à passer une sublime soirée en belle compagnie.

Écouter un auteur parler de son dernier ouvrage est un moment privilégié. Le livre prend une autre dimension, devient plus vivant, plus précieux.

Olivier Adam : « Quand j’ai le lieu, j’ai le livre.»

Chanson de la ville silencieuse nous transporte à Lisbonne, ville de l’intranquillité où au hasard d’une rue, un jour Olivier Adam a cru apercevoir le fantôme de Nino Ferrer . Un premier point de départ pour un futur roman…peut-être ?

Voilà comment est née l’idée de ce roman, ajoutons à cela l’envie de parler de la nécessité de se libérer des identités figées. Comment un enfant peut-il se construire, se définir auprès de parents totalement absents de leurs responsabilités, parfois encore eux-mêmes de grands enfants. Des parents uniquement amoureux de leur art. Des vies où les enfants n’ont pas leurs places. Des enfants négligés, qui grandissent sur une terre meuble, qui seront plus tard en manque de confiance, avec de grande difficulté à s’imposer à force d’avoir été oublié.

En mettant en scène une femme Olivier Adam se livre plus intimement, avec plus de délicatesse. Fendre l’armure en composant le masque.

Puis donner de la musicalité au récit.

 » Je suis la fille du chanteur, la fille dans les rues de Lisbonne, sur les pentes de l’Alfama. La fille dont le père a été déclaré mort. Qui guette un musicien errant. Une étoile dépouillée d’elle-même, un ermite qui aurait tout laissé derrière lui. »

( clique et écoute)

On ferme les yeux et on pense à Charlotte Gainsbourg au timbre si particulier, qui a du partager son père de son vivant puis mettre sa douleur en berne à sa mort pour accueillir la peine de ses fans.

Olivier Adam souhaitait nous offrir un objet littéraire non contaminé par les sujets journalistiques actuels.

Un besoin aussi d’écrire sur ses frayeurs pour conjurer le sort.

De répondre à certaines questions qui s’immiscent dans la vie d’un père…

Que fait-on avec nos disparus ?

Qu’hérite- t-on d’un père fragile ?

Que transmettons à ses enfants ?

Tant de questions pour lesquelles écrire peut apporter des réponses.

L’auteur aborde le thème de l’absence mais aussi de l’appartenance. Être là tout en restant de côté tel un observateur.

Et une fois encore, il bouleverse par ses mots, que j’espère avoir au mieux retranscris. Un moment passionnant où je me suis permis de prendre des notes pour en oublier le moins possible et rester le plus fidèle aux mots de l’écrivain.

Je finirai sur ces mots :

« Est-ce qu’un livre vit une fois qu’il est écrit ou une fois qu’il est lu ? »

Pour moi les livres vivent éternellement dans mon cœur, dans mes souvenirs et deviennent plus précieux encore lorsqu’ils sont passés par les mains de l’auteur et qu’il porte sa véritable signature.

Un livre, une rencontre, une dédicace, qui donnent au final de merveilleux souvenirs.

Ma Chronique de cette merveille ci- dessous si ça vous tente :

https://dealerdeligne.wordpress.com/2018/01/18/chanson-de-la-ville-silencieuse/

Fausses promesses

Fausses promesses de Linwood Barclay aux Éditions Belfond Noir

Traduit de l’anglais (Canada) par Renaud Morin

– Matthew est à moi, David. Matthew est mon bébé.

Je fis de la place et m’assis au bord du lit, près de ma cousine.

– Et quand Matthew est-il arrivé, Marla ?

-Il y a dix mois, dit-elle sans hésitation. Le 12 juillet. (…)

– Marla, ce qui est arrivé, à toi… et à ton bébé…ça a été une tragédie. On a tous eu énormément de peine pour toi.

Dix mois auparavant. Un triste épisode pour tout le monde, mais pour Marla, il avait été dévastateur. ”

Ce matin, David était loin d’imaginer tout ce qui allait suivre sa visite à sa cousine. Depuis quelques mois il habite avec son fils chez ses parents à Promise Falls. Il pensait que ce serait provisoire mais ayant perdu son job ça risque hélas de perdurer.

Il passait juste déposer des plats préparés par sa mère chez Marla. Mais quelle surprise quand il vit ce bébé ! Sans compter ce qui va suivre…

– Qu’est-ce que vous avez trouvé, Randy ?

– Il vaut mieux que vous le voyiez par vous- même. (…) Juste là, sur la clôture, indiqua Finley, le doigt pointé. (…)

Vingt-trois écureuils morts. Et des gros. Onze gris, douze noirs. Chacun avait un bout de ficelle blanche, celle qu’on utilise pour ficeler les colis, fermement noué autour du cou, et était pendu à la lisse métallique qui couronnait la clôture. ”

Pour l’inspecteur Barry Duckworth, la journée commençait plutôt étrangement, et se poursuivit sur le même chemin. À croire que des esprits dérangés s’étaient donnés rendez-vous dans ce coin paumé des États-Unis.

“ Il jonglait avec trop d’affaires en même temps. Un meurtre, une fusillade mortelle à Thackeray, d’étranges événements nocturnes à Five Mountains. Des écureuils morts, pour l’amour du ciel ! ”

Y a-t-il un lien entre tous ces faits divers ? Un psychopathe aurait débarqué dans la ville et ce serait sa manière de se présenter ? Il est temps de partir à sa recherche avant que la petite ville si tranquille se transforme en film d’horreur.

“ Au moment même où on pense que les choses se sont apaisées, une autre bombe explose. ”

Avec l’aide de David, Barry se lance dans une déroutante enquête qui va vite virer au cauchemar.

Promise Falls n’a pas fini de faire parler d’elle, pas sûr que les touristes apprécient…

Linwood Barclay plante le décor dans une nouvelle bourgade américaine, avec de nouveaux personnages que l’on retrouvera très certainement dans les prochains volets, puisque celui-ci est le premier de la trilogie.

C’est important de le savoir pour ne pas rester sur sa faim au final.

Une enquête principale à laquelle se rajoutent d’autres énigmes survenues dans la même journée.

L’auteur met en scène le détective Barry Duckworth, qui sous ses airs bienveillants cache un esprit vif d’une rare efficacité.

Un style d’écriture fluide, accrocheur où les métaphores foisonnent. Un certain sens de la répartie à travers un rythme soutenu qui ne laisse pas de place à l’ennui. Un thriller qui tient toutes ses promesses à condition d’accepter de ne pas y trouver toutes les réponses, un peu comme dans une série policière où il faut attendre l’épisode suivant pour en découvrir un peu plus sur certaines situations et certains personnages.

Même si j’ai vite découvert les secrets de l’énigme principale, j’ai apprécié ce premier tome et j’ai hâte de poursuivre mon aventure à Promise Falls et découvrir ce que cache ce mystérieux chiffre 23.

À suivre…

Américain d’origine, Linwood Barclay vit à Toronto, au Canada. Après notamment Cette nuit-là (2009), Les voisins d’à côté (2010) couronnés au Canada par le Arthur Ellis Award, Ne l’a quitte pas des yeux (2011), Contre toute attente (2013), Fenêtre sur crime (2014) – sélectionné pour le prix des lectrices de Elle, Celle qui en savait trop (2015), en cours d’adaptation cinématographique, Mauvaise influence (2015), La fille dans le rétroviseur (2016) – prix coup de cœur des libraires à Saint-Maur, En lieux sûrs (2017), Fausses promesses est son quatorzième roman publié en français. Tous sont publiés chez Belfond et repris Chez J’ai Lu pour le format poche. Linwood Barclay est traduit dans une dizaine de langues.

Il est une star aux États-Unis et en Angleterre où il s’est fait un nom dans le club très fermé des grands maîtres du thriller.

Fausses promesses est le premier tome d’une trilogie consacrée à la ville imaginaire de Promise Falls.

Je remercie Claire et les Éditions Belfond pour ce thriller haletant plein de surprises.

“ Eleanor Oliphant va très bien ”

Eleanor Oliphant va très bien de Gail Honeyman aux Éditions Fleuve

Traduit de l’anglais (Écosse) par Aline Azoulay-Pacvoñ

“ Aujourd’hui, j’ai délaissé le Telegraph pour m’intéresser à un autre type de lecture. J’ai dépensé une somme sidérante pour m’offrir un petit assortiments de magazines féminins, des plus cheap et tapageurs aux plus épais et glacés qui promettaient monts et merveilles et toutes sortes d’astuces simples simple pour transformer sa vie. (…) Ainsi, je me fondrais dans la masse des femmes au physique convenable. On ne me dévisageait plus. Le but ultime était de me camoufler efficacement pour avoir l’air d’une femme humaine. ”

Eleanor Oliphant est comme qui dirait un peu spéciale. Dotée d’un QI plutôt supérieur à la moyenne. Peu diplomate, elle a une certaine tendance à dire tout haut ce qu’elle pense tout bas sans aucune gêne. La gêne elle laisse ça aux autres.

Elle vit seule car comme le dit ce vieil adage : mieux vaut être seule que mal accompagnée. Seule la vodka tape l’incruste dans sa vie, peut-être pour mieux supporter l’appel hebdomadaire de sa mère.

Mais voilà qu’elle s’amourache d’un mec. C’est pas dans ses habitudes, alors si elle veut attirer l’attention, va falloir faire quelques efforts.

 » L’atmosphère confinée et les dorures des salons de beauté, n’étaient pas mon habitat de prédilection, comme la poule qui avait pondu les œufs de mon sandwich, je préférais évoluer en liberté. ”

Ça va pas être simple. Eleanor n’est guère sociable, mais si elle veut que son fantasme aboutisse, elle va devoir faire confiance et accepter les conseils.

“ Je me sentais un peu à cran. Si mon humeur devait être une énigme de mots croisés, la réponse serait « bouleversée ».  »

Raymond, un de ses collègues, pas très attirant sous ses airs négligés, va mine de rien se révéler très utile, et un échange de bon procédé va se mettre en place en tout bien tout honneur.

Navigant en eaux troubles entre son obsession amoureuse et son étrange relation avec sa mère, elle va découvrir le pouvoir de l’amitié et du partage…

 » J’avais du pain sur la planche. Le passé m’avait échappé – ou c’était moi qui lui avait échappé -, et pourtant, il rôdait toujours dans l’ombre. Il était temps de laisser entrer la lumière. ”

Je l’ai déjà dit mais une fois encore cela s’avère vrai. Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendezvous.

J’avais donc apparemment rendez-vous avec Eleanor, et j’ai passé un sacré bon moment. J’ai eu l’impression de rencontrer mon double, une autre moi, c’est grave docteur ?

Aurais-je été atteinte du syndrome du lecteur ? Aurais-je fait un transfert ?

Une chose est sûre, cette nana qui cache derrière son humour décapant de grosses blessures est une sacrée battante, et nous donne à travers cette histoire de belles leçons de vie et de courage. Sous ses airs de Bridget Jones se cache une wonder woman des temps modernes.

Entre les bons et les mauvais jours on découvre la vie présente et passée d’Eleanor, racontée tantôt avec humour noir ( ben oui les filles aiment le noir ) tantôt avec esprit ( parfois dérangé) mais toujours avec délicatesse et surtout sans hypocrisie. Le regard d’une femme blessée qui tente à sa manière de guérir dans ce monde si hostile avec les gens différents.

Un roman cynique, tendre, intriguant, attachant, imprévisible, surprenant, merveilleux.

En faite Eleanor Oliphant, elle déchire, un peu comme moi en fait…

Alors qui m’aime le lise !

Diplômée des universités de Glasgow et d’Oxford, Gail Honeyman vit aujourd’hui à Glasgow. Eleanor Oliphant va très bien est son premier roman. Il a suscité un véritable engouement international, il est en cours de traduction dans 27 pays.

Je remercie Lucile et les Éditions Fleuve pour cette lecture aussi divertissante que touchante.