“ Little Rock 1957 ”

Little Rock 1957 de Thomas Snégaroff aux Éditions 10/18

” Sur les affiches et dans les gorges déployées, des messages de haine : « Nègre, reste dehors ! », « Nous ne voulons pas de nègre ! », « Ceci est une école blanche ». Un manifestant, venu avec un bébé alligator, menaçait tout Africain-Américain qui pénétrait dans le campus de lui servir de proie. Pendant la manifestation, les Blancs pendirent trois nouveaux mannequins de paille noircie, l’un au-dessus de la porte principale du lycée, les autres sur de hauts mâts qui servaient théoriquement au lever du drapeau le matin. Les commerçants avaient baissé leur rideau en signe de soutien à la ségrégation et des miliciens contrôlaient en voiture l’accès de la ville. “

Le 4 septembre 1957 à Little Rock en Arkansas, ce qui aurait dû être un jour de fête pour ces neuf jeunes noirs enfin inscrits au lycée des Blancs, se transforme en véritable cauchemar. Ce jour devait pourtant être la fin de la ségrégation scolaire, mais hélas beaucoup en ont décidé autrement, en commençant par les élèves blancs.

Chaque jour, ils devront faire face au racisme, à un déchaînement de violence à leurs égards, à des insultes en tout genre, sans jamais pouvoir répondre aux provocations sous peine d’être renvoyés.

Mais le combat pour l’intégration ne fait que commencer, et déclenche une guerre politique qui risque d’ébranler l’Amérique.

Les Neuf de Little Rock entrent dans L’Histoire, mais à quel prix ?

” Je rêve d’un monde où l’homme

Ne méprisera plus son semblable,

Où l’amour réchauffera la terre,

Je rêve d’un monde où tous les hommes

Connaîtront les douces voix de la liberté.

Et où la cupidité ne ternit plus nos jours.

Monde des rêves, où Noirs et Blancs,

Sans se préoccuper de leur race,

Se partageront les dons de la terre.

Où tous les hommes sont libres

Et où la joie, perle éclatante,

Pourvoit aux besoins de toute l’humanité.

C’est d’un tel monde que je rêve.

Notre monde ! “

Poème africain-américain de Langston Hugues

Ce que j’en dis :

Présenté comme un roman, Thomas Snégaroff nous livre un événement historique à travers ce récit aussi passionnant que révoltant.

Un formidable travail de recherche de l’auteur donne à cette histoire une multitude de détails très enrichissants pour les lecteurs. Il se rapproche au plus près et au plus juste de ce terrible événement et revient également sur le passé et nous montre à quel point ces jeunes noirs étaient endoctrinés à toujours se soumettre, et à baisser la tête sans faire de vague.

” Un sentiment de honte s’était emparé de la petite fille : elle avait forcément fait quelque chose de mal pour déclencher une telle fureur chez un adulte. Et dans l’esprit de la petite fille se nicha un poison qui s’était infiltré dans de si nombreuses têtes d’enfants noirs. Que devenir blanc était un rêve. Que la couleur sombre de la peau était un indicible fardeau. “

Des inégalités sociales et raciales toujours présentes dans ce pays et ce n’est pas Trump qui va aider aux changements…

Thomas Snégaroff nous offre un récit bouleversant, remarquable qui mériterait sa place dans les programmes scolaires.

Une belle leçon de courage et une admiration sans bornes pour ces jeunes noirs qui méritaient leurs places sur les bancs des lycées  » Blancs « …

À découvrir absolument.

Pour info :

Thomas Snégaroff est historien et journaliste chez France Info où il anime l’émission « Histoires d’Info ».

Je remercie les éditions 10/18 pour ces pages d’Histoire passionnantes et terriblement bouleversantes.

“ Train d’enfer ”

Train d’enfer de Trevor Ferguson aux Éditions 10/18

Traduit de l’anglais (Canada) par Ivan Steenhout

Martin Bishop 16 ans, vient de perdre son père. La banque a saisi la ferme et son frère et sa sœur plus jeunes ont été envoyés séparément chez des membres de la famille.

De son côté, il part travailler auprès d’une gang qui construit une ligne de chemin de fer, au cœur de là taïga canadienne. Il est là pour contrôler, noter les heures de travail de ces ouvriers, une équipe minable composée de déchets de la société. des ivrognes, des fous, des criminels, tous rejetés de la ville.

Il va très vite s’apercevoir de certaines malversations du contremaître en chef, et tenter de lui tenir tête malgré son jeune âge.

” Le monde était un lieu difficile. Son père l’en avait averti et le jeune s’était convaincu qu’il était fait pour se mesurer au monde mais cela s’était passé en un autre temps et en un autre lieu. “

Son obstination va le mettre en danger, il va se retrouver banni du groupe pour cause de rébellion et sera contraint à rejoindre la horde sauvage, ” les craqués“, d’autres exclus qui survivent dans la forêt. Il entreprendra avec eux une fuite jusqu’à l’ultime confrontation.

Ce que j’en dis :

Bien évidemment en dehors des expressions canadiennes que j’ai pris grand plaisir à retrouver (un lexique à la fin du livre rendra bien service aux novices) j’ai pensé aux romans de Cormac McCarthy dans la même lignée que celui-ci.

Une véritable épopée sauvage, où les hommes, aux allures bestiales sont prêts à tout pour garder les privilèges qu’ils se sont accordés.

On ne peut qu’admirer le courage de ce jeune garçon de seize ans qui se rebelle contre l’injustice au péril de sa vie face à ses bêtes sauvages.

Porté par un souffle extraordinaire, ce roman de caractère vous emportera au cœur de la noirceur de l’âme humaine, pas loin des portes de l’enfer.

C’est violent, ça glace le sang et déchire le cœur, une véritable pépite de la littérature américaine à découvrir absolument.

Ce roman a été adapté au cinéma sous le titre L’heure de vérité. Un film de Louis Bélanger, bande-annonce à découvrir ici, histoire de vous mettre dans l’ambiance.

Pour info :

Né en 1947 en Ontario, Trevor Ferguson arrive à Montréal à l’âge de trois ans, plus précisément dans le quartier multiethnique de Parc-Extension où aboutiront à leur tour plusieurs de ses personnages.

Il est l’auteur de plusieurs romans, traduits en français aux Éditions de la Pleine Lune dont : La Vie aventureuse d’un drôle de moineau, Onyx John, Train d’enfer, La Ligne de feu, Le Kinkajou et Sous l’aile du Corbeau.

Il est également l’auteur de plusieurs pièces de théâtre et a publié des thrillers sous le pseudonyme de John Farrow.

Trevor Ferguson vit actuellement à Montréal et se consacre entièrement à l’écriture.

Je remercie les Éditions 10/18 pour ce roman noir qui conduit ces hommes sur le chemin de l’enfer.

“ Dans les eaux du Grand Nord ”

Dans les eaux du Grand Nord de Ian McGuire aux Éditions 10/18

Traduit de l’anglais par Laurent Bury

” Il y a vingt ans, les eaux où nous sommes enceinte moment étaient aussi pleines de baleines, mais à présent, les bêtes sont toutes parties vers le Nord, loin des harpons. Comment le leur reprocher ? Les baleines sont des animaux intelligents. Elles connaissent les lieux les plus sûrs, où il y a le plus de glace, et où il est le plus dangereux pour nous de les suivre. Bien sûr, l’avenir, c’est la vapeur. Avec un navire à vapeur assez puissant, nous pourrions les chasser jusqu’au bout de la terre. “

Le Volunteer, un baleinier du Yorkshire est sur le point de prendre la mer, vers les eaux riches du Grand Nord, avec à son bord une belle bande de matelots en tout genre. Embarque également, Patrick Summer, un ancien chirurgien de l’armée britannique qui traîne une mauvaise réputation.

Espérant trouver un peu de répit à bord, il était loin d’imaginer l’aventure auquel il allait être confronté.

À la découverte d’un jeune mousse assassiné brutalement dans une cabine, il prends conscience que le mal à l’état pur est parmi eux. Et il pense avoir deviner qui est ce meurtrier.

” Le capitaine blêmit de rage, son trouble est profond. Il n’a encore jamais entendu parler d’un meurtre sur un baleinier : les bagarres entre membres d’équipage sont monnaie courante, bien sûr, et même les coups de couteau, en de rares occasions, mais pas les assassinats, surtout un enfant. Et il faut que cela se produise maintenant, pour sa dernière expédition, comme si le Percival ne suffisait pas à ternir à jamais sa réputation. “

L’expédition commence à prendre une tournure différente et dévoile peu à peu ses véritables objectifs.

Des confrontations semblent inévitable et risquent de mettre en danger tout l’équipage dans les ténèbres et le gel de l’hiver arctique.

” Ils entrent de nuit dans le détroit de Lancaster. Au sud, l’eau est dégagée, mais au nord, le paysage est granuleux et monotone, composé d’icebergs et d’étendues de glace fondue, lissées par endroits par le vent qu’îles sculpte, accidentées ailleurs, brutalisées et soulevées en mastodontes à l’affût par l’alternance des saisons et par la dynamique des températures et des marées. “

Ce que j’en dis :

N’ayant pas lu Moby Dick de Melville, je n’aurai pas l’audace de le comparer avec ce récit même si je suis persuadée que le thème principal abordé est identique, je pensais bien évidemment aux baleiniers.

Embarquée à bord du Volunteer aux côtés de marins sans foi ni loi, qui se révèlent parfois des brutes sanguinaires, je découvre une aventure glaciale.

L’action est au rendez-vous et le suspens autour de ce meurtre abominable agrémente ce roman d’aventure d’une intrigue effrayante et révèle l’avidité de certains êtres sans scrupules.

Un récit captivant, avec un final qui marque la fin d’une grande époque pour les chasseurs de baleines.

Véritable dépaysement, ce voyage donne parfois le mal de mer face à toute cette violence qu’elle soit due aux humains ou au climat polaire.

Un formidable roman d’aventure à lire au coin du feu.

Pour Info :

Ian McGuire a grandi près de Hull, en Angleterre, et étudié dans les universités de Manchester et de Virginie.
Il a cofondé le Centre pour la Nouvelle Écriture à l’université de Manchester et enseigne actuellement l’écriture créative à l’université de Nord Texas.
Ses écrits ont été publiés dans le Chicago Review et le Paris Review
Dans les eaux du Grand Nord est son premier roman à paraître en France. 

Je remercie les Éditions 10/18 pour ce fabuleux voyage.

“ Le camp des autres ”

Le camp des autres de Thomas Vinau aux Éditions 10/18

” Dans le ventre sauvage d’une forêt, la nuit est un bordel sans nom. Une bataille veloutée, un vacarme qui n’en finit pas. Un capharnaüm de résine et de viande, de sang et de sexe, de terre et de mandibules. Là-haut la lune veille sur tout ça. Sa lumière morte ne perce pas partout mais donne aux yeux qui chassent des éclairs argentés. Gaspard est recroquevillé contre le chien. À moitié recouvert par lui, il le sert dans ses bras trop courts. Le feu n’empêche pas d’avoir froid, le maintient dans un demi-sommeil parcouru de sursauts. Le feu n’empêche pas d’avoir peur, le monde entier autour d’eux grouille comme une pieuvre sombre. “

Gaspard un jeune garçon est en fuite avec son chien blessé. C’est là qu’il va tomber sur Jean-le-blanc, un étrange bonhomme, une espèce de sorcier dont il se méfie.

Jean-le-blanc a utilisé des mots simples, pour dire des choses simples. Il a dit J’ai choisi un camp. Le camp de ceux dont on ne veut pas. Le camp des nuisibles, des renards, des furets, des serpents, des hérissons. Le camp de la forêt. Le camp de la route et des chemins aussi. De ceux qui vivent sur les chemins. De la trime et de la cloche. (…) Les fuyards. Les insoumis. Les orphelins. (…) Aujourd’hui je vis là. Je suis un bâtard libre. Je ne suis d’aucun camp et ceux qui ne sont d’aucun camp sont les bienvenus ici.

De part ses pouvoirs de guérisseur, Jean a affaire à des gitans réunis autour de la Caravane à Pépére. Une belle bande de bohémiens, de voleurs, de déserteurs dirigé par un certain Capello, qui terrorisaient la population.

Gaspard, l’insoumis partira un matin sur la route pour les rejoindre.

C’est à cette époque, en 1907, que Georges Clemenceau créa les fameuses Brigades du Tigre, pour en finir une fois pour toute, avec cette bande de pillards, de voleurs et d’assassins qui étaient la terreur des campagnes.

Ce que j’en dis :

J’ai découvert la plume de Thomas Vinau à travers son précédent roman La part des nuages (ma chronique ici) qui m’avait enchanté, j’avais donc hâte de le retrouver.

Le camp des autres nous emmène dans une ambiance plutôt noire dans les années 1900 juste avant la création des Brigades du Tigre.

À travers une plume aussi poétique qu’enragée, il nous offre différents portraits de personnes vivants en marge de la société, en compagnie de Gaspard un enfant rebelle qui les a rejoints. Des hommes et des femmes d’ici et d’ailleurs que l’on a tenté d’exterminer au cours du véritable génocide des tziganes.

Il dépeint à merveille cette nature aussi hostile que protectrice, et cette société qui n’a guère changé de nos jours.

Il leur rend hommage, à travers cette histoire tel un cri du cœur à tous les sans- famille, les sans-abri, les sans-papiers, les sans-patrie.

Une écriture chargée d’émotions, de colère et d’humanité.

Un récit féroce et tendre à la fois qui conforte ma passion pour la plume de Thomas Vinau que je vais continuer à suivre avec attention.

Pour info :

Thomas Vinau est né en 1978 à Toulouse et vit au pied du Luberon. Il est auteur de nombreux recueils de poésie dont Bric à brac hopperien et Juste après la pluie, il de romans, notamment Nos cheveux blanchiront avec nos yeux, Ici, ça va, La part des nuages et Le camp des autres.

Je remercie les éditions 10/18 pour cette histoire au lyrisme touchant.

“ Effets indésirables ”

Effets indésirables de Larry Fondation aux éditions 10/18

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Romain Guillou

” C’est dangereux ! On est à L.A. ; pas au fin fond du Maine ! “

Ceci n’est pas un roman et pourtant il contient plein d’histoires, des anecdotes, des faits divers, des histoires drôles, des drames, des histoires d’amour et d’amitié, le triste portrait d’une population qui part à la dérive, loin des paillettes et des étoiles sur le Hollywood Walk of Fame.

J’ai l’intention de m’installer une fois pour toute de l’autre côté du fleuve – là-bas j’espère n’être qu’un type armé parmi d’autres. “

Ici, entre ces pages, on dégaine plus vite un flingue qu’un portable, d’ailleurs on possède bien plus d’armes à feu qu’autre chose, et il suffit d’un mot de trop pour que les balles surgissent. On tire d’abord, on discute après si c’est encore possible.

” Ce n’était pas sa voiture. Il n’avait pas l’habitude de la conduire. (…) C’était en pleine nuit. Il y avait beaucoup de reflets éblouissants. Il n’a pas trouvé les essuie-glaces. À la place, il a trouvé le klaxon. Il a appuyé dessus sans faire exprès. Pas une fois, plusieurs. Le chauffeur furieux dans la voiture de devant est sorti de son véhicule. Ils étaient à l’arrêt à un feu rouge. Il a tiré deux coups de feu, l’un ou bien les deux ont été fatals. Notre chauffeur n’a pas eu l’occasion de dire qu’il n’appuyait pas sur son klaxon d’impatience – en réalité, le klaxon de quelqu’un d’autre – mais qu’il essayait simplement de nettoyer un pare-brise sale. “

C’est pourtant des petites histoires mais chacune puissance dix côté émotions.

Ici les stars c’est les paumés, les piliers de bar, les prostitués, les receleurs, les clochards, les arnaqueurs, et même monsieur et madame tout le monde, le panorama d’une ville complètement hallucinée.

Des fragments de vies, des instants fugitifs, parfois brutaux , impensables, absurdes et pourtant bien réels, d’un monde qui part en vrille.

Des histoires qui secouent, parfois violentes et souvent désespérées, qui frappent en plein cœur, mais l’on ne résiste pas à poursuivre la lecture malgré la noirceur qu’elles dégagent, car se pointe parfois un peu d’humanité comme une fleur au milieu du bitume. Même l’humour est au rendez-vous, même si la vie étalée par ici est loin d’être une histoire drôle.

« J’étais frustré par mon incapacité à attirer les emmerdes. Ca faisait dix ans que les journaux nous rebattaient les oreilles avec leurs histoires de meurtres. Je n’arrivais même pas à provoquer une simple agression. »

La Cité des anges laisse un goût amer, mais la poésie noire de Larry Fondation permet aux anges déchus de briller une dernière fois.

Brillant, puissant, touchant, un auteur que je vais continuer à découvrir et ça tombe bien, un autre titre m’attend déjà.

Pour info :

Larry Fondation vit, travaille et écrit à Los Angeles. Après avoir été journaliste, il est depuis 20 ans médiateur de quartier à South Central L.A. et Compton. Il contribue régulièrement à diverses revues (Flaunt, Los Angeles Time, Fiction International…). En 2009, il a bénéficié d’une bourse d’écriture de la Fondation Christopher Isherwood.

Effets indésirables, qui paraît en 2016 aux éditions Tusitala, est le quatrième volume d’une œuvre pensée comme un octet sur Los Angeles : un « roman du collectif », biographie kaléidoscopique de la ville californienne établie sur une vingtaine d’années, des années 1980 aux années 2000.

Ses trois premiers ouvrages, qui peuvent tous se lire indépendamment, sont parus chez Fayard : Sur les nerfs(2012, repris en Livre de poche en 2013), Criminels ordinaires (2013) et Dans la dèche à Los Angeles (2014)

Je remercie les éditions 10/18 pour cette immersion auprès des anges déchus de Los Angeles.

Nord-Michigan

Nord-Michigan de Jim Harrison aux Éditions 10/18

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sara Oudin

Quand Rosealee approcha, Joseph, d’habitude si réservé en public, fut saisi d’un élan d’affection. Il lui prit la main et l’embrassa. Elle en fut toute décontenancée et lui jeta un regard éperdu. Dire qu’il avait failli détruire leur amour, tel un fou qui mettrait le feu à sa propre grange ou qui abattrait son cheptel. S’il n’avait pas été là, assis sur sa pierre, il aurait été tenté de disparaître pour échapper à tous ses tourments. Mais il savait qu’une fuite aussi simple, à moins d’un suicide, n’était pas dans sa nature, et que l’année décisive qui avait débuté aussi facilement avec le charme d’octobre ne glisserait pas irrémédiablement dans le passé, comme tant de celles qui l’avaient précédé. “

Joseph est instituteur dans une bourgade rurale du Nord-Michigan. Il vit au côté de sa mère dans la ferme familiale.

Grand amoureux de la nature, il pratique la chasse et la pêche, et partage ses nuits avec Rosealee, son amie d’enfance. Quand survient une nouvelle élève de dix-sept ans, Catherine. Une fille très libérée qui va vite lui mettre la tête à l’envers mais pas que…

Il pensa avec tristesse qu’il avait davantage fait l’amour avec elle en un seul après-midi qu’il ne le faisait avec Rosealee en toute une semaine. Peut-être pour le décharger de toute culpabilité, Catherine lui avait assuré, en se rhabillant, qu’elle avait déjà eu des amants.(…) Assis sur son talus, il se sentait jeune et stupide. Et puis triste aussi de n’avoir pas su, jusqu’à cet après-midi-là, que la vie pouvait, en de très rares occasions, offrir des choses aussi absolues et aussi merveilleuses que celles qui naissent parfois de notre imagination. “

Lui qui n’a jamais fauté, et encore moins avec une de ses élèves n’a pas pu résister au fruit défendu.

L’interdit devient sa nouvelle passion, mais va le plonger dans la tourmente, mais peut-être est-il enfin temps de profiter de la vie…

Il s’arrêta à l’idée que la vie n’était qu’une danse de mort, qu’il avait traversé trop rapidement le printemps et puis l’été et qu’il était déjà à mi-chemin de l’automne de sa vie. Il fallait vraiment qu’il s’en sorte un peu mieux parce que chacun sait à quoi ressemble l’hiver. “

Ce que j’en dis :

Lire les romans de ce grand écrivain laisse toujours présager de beaux moments de lectures. Une fois encore sa plume m’a transporté vers le Michigan qu’il aimait tant.

À travers ce roman d’amour, il nous offre le portrait d’un homme du milieu agricole du Michigan, dans les années 50. Un homme qui se retrouve perturbés par les démons de midi.

Au milieu d’une nature omniprésente, d’un décor bucolique et d’une plume lyrique, ce récit touche en plein cœur.

Un petit roman d’une densité incroyable, que je nuis pas prête d’oublier. Si le cœur de Joseph balance entre deux femmes, le mien palpite intensément pour l’écriture de Jim Harrison qui m’a subjugué une fois encore.

Un beau roman, de belles histoires d’amour à déguster sans modération.

Un véritable coup de cœur.

Né dans le Michigan, Jim Harrison est aujourd’hui considéré comme le chantre de la littérature américaine. Scénariste, critique gastronomique, journaliste sportif et automobile, il est l’auteur d’une œuvre considérable, parmi laquelle on compte de grands succès comme Légendes d’automne, Dalva, Un beau jour pour mourir. Il a publié une autobiographie, En marge, et de nombreux romans et recueils de nouvelles, dont De Marquette à Veracruz, L’été où il failli mourir. Son dernier roman, Pêchés capitaux, a paru aux éditions Flammarion. Jim Harrison est décédé le 26 mars 2016 à l’âge de 78 ans.

Je remercie les Éditions 10/18 pour cette belle histoire d’amour.

“ Le garçon sauvage ”

Le garçon sauvage de Paolo Cognetti aux Éditions 10/18

Traduit de l’italien par Anita Rochedy

Cela faisait une dizaine d’années que je n’avais plus remis les pieds à la montagne. J’y avais pourtant passé tous mes étés jusqu’à l’âge de vingt ans. Pour l’enfant de la ville que j’étais, qui avait été élevé en appartement, avait grandi dans un quartier où il était impossible de descendre dans la cour ou dans la rue, la montagne représentait l’idée de la liberté la plus absolue. (…) à trente ans j’avais presque oublié comment c’était, être seul en forêt, ou plonger nu dans un torrent, ou courir sur le fil d’une crête avec rien d’autre que le ciel tout autour. Ces choses, je les avais faites, elles étaient mes souvenirs les plus heureux. Le jeune citadin que j’étais devenu me semblait tout l’opposé de cet enfant sauvage, et l’envie d’aller à sa recherche s’imposa en moi. Ce n’était pas tant un besoin de partir que de revenir ; ni tant de découvrir une part inconnue de moi que d’en retrouver une ancienne et profonde que je croyais avoir perdue. “

Paolo Cognetti, oppressé par sa vie milanaise et confronté à une panne d’écriture décide de partir vivre le temps d’un été dans le Val d’Aoste. Là, il parcourt les sommets, suspendu entre l’enfance et l’âge adulte. Il renoue jour après jour avec la liberté et retrouve l’inspiration.

” Ainsi mes explorations prirent la tournure d’une enquête, une tentative de lire les histoires que le terrain avait à raconter. “

Il plonge au cœur de la vie sauvage qui peuple encore les montagnes, côtoie la solitude, et les habitants du coin avant d’entamer sa désalpe, réconcilié avec l’existence.

” Je représentais à la fois l’habitant le plus en vue et l’indigent, le noble propriétaire et son fidèle gardien, le juge, l’invité, l’ivrogne, l’idiot du village : j’avais tant de moi dans les jambes qu’il m’arrivait parfois le soir de devoir sortir et m’en aller dans les bois pour me retrouver un peu seul. “

Néanmoins, ce séjour initiatique ne parvient pas à le libérer de l’espèce humaine.

(…) la solitude me faisait l’effet d’un palais des glaces : partout où je regardais, je trouvais mon image reflétée, déformée, ridicule, multipliée à l’infini. Je pouvais me libérer de tout d’elle. “

Ce que j’en dis :

À travers ce récit autobiographique, Paolo Cognetti nous offre une véritable bouffée d’oxygène. Un roman habité de poésie, la sienne et celle d’Antonio Pozzi qu’il partage avec nous, sans oublier de belles citations de Thoreau qu’il m’a donné envie de découvrir.

Sa plume est sensible et dégage de belles émotions. Il célèbre la nature, sa faune et sa flore avec humilité. À sa façon, il tente d’apprivoiser la solitude pour mieux appréhender la foule qu’il a fui. Il observe, enregistre, tente de comprendre sans juger mais dans le but de transmettre ce qu’il voit.

Tout plaquer et partir se ressourcer, qui n’en n’a pas rêver, le temps d’une saison, d’une année, ou le temps d’une lecture comme présentement.

Ce récit s’adresse aux amoureux de la nature et des beaux mots. À ceux qui préfèrent le chant des oiseaux aux bruits de la circulation, aux rêveurs épris de liberté.

Un beau roman d’apprentissage, une belle plume que j’aurai grand plaisir à retrouver dans son dernier roman Les huit Montagnes qui a reçu le Prix Strega, et j’espère sincèrement que ses autres récits seront bientôt traduits en Français.

Paolo Cognetti est né à Milan en 1978, il est l’auteur de plusieurs recueils de nouvelles, d’un guide littéraire de New York, et d’un carnet de montagne. Il a étudié les mathématiques et la littérature américaine avant de monter sa maison de production de cinéma indépendant. Il partage sa vie entre sa ville natale, le val d’Aoste et New-York. Son roman Sofia s’habille toujours en noir, paru chez Liana Levi en 2013, lui a valu de figurer dans la sélection du prix Strega, l’un des plus prestigieux prix italien. Après Le garçon sauvage, il signe un nouveau roman aux éditions Stock, Les Huit Montagnes.

“ Dernière saison dans les rocheuses ”

Dernière saison dans les rocheuses de Shannon Burke aux éditions10/18

Traduit de l’anglais ( États-Unis ) par Anne-Marie Carrière

“ J’avais débarqué à Saint Louis, brûlant de participer à une expédition vers l’Ouest. Commerce des fourrures rimait avec aventure, et tout les jeunes gens un tant soit peu intrépides de Saint Louis en rêvaient. ”

Avant l’arrivée des premiers chercheurs d’or en 1848, il fut un temps où la fourrure était un trésor très convoité.

En 1840, le commerce des fourrures permettait de faire fortune. Motivé par le profit et l’aventure, nombreux étaient ceux qui désiraient rejoindre une compagnie de trappeurs.

 » (…) en dépit des épreuves et des revers de fortune, il régnait parmi les trappeurs un esprit de camaraderie et de conquête qui n’existait nulle part ailleurs. Dés lors que la fièvre de l’aventure brûle dans vos veines, le reste semble qu’une pâle imitation de la vie, terne et frileuse. ”

William Wyeth rejoindra lui aussi après de nombreuses péripéties la compagnie de trappeurs qui s’avère être la plus téméraire de l’Etat.

Moncœur palpitait de joie à la perspective de cette dernière saison dans les rocheuses. ”

L’Aventure avec un grand A peut commencer.

En ces temps là, les territoires étaient encore aux peuples indiens et ils les défendaient assez sauvagement même s’ils n’étaient pas contre certains négoces.

Une brigade de trappeurs représentait pour nous le commerce, le patriotisme, la grande aventure vers l’Ouest, vers l’inconnu, et autres niaiseries du même genre.

En vérité, rares étaient ceux qui savaient ce qui les attendait une fois franchies les limites de Saint Louis. ”

À travers cette aventure périlleuse, William va découvrir la force des liens entre les hommes et la solidarité qui permettra de survivre face aux attaques extérieures. Car la vie de trappeurs est loin d’être facile, ils sont confrontés aux forces de la nature et aux tribus indiennes.

Mais avec courage et habilité il sera peut-être possible de rester en vie et peut-être de devenir riche.

Tout le monde savait que la compagnie des rocheuses se lançait dans des expéditions les plus risquées. « 

Qu’elles soient du passé ou du présent, les histoires américaines me passionnent. Et lorsque je retrouve une plume qui m’avait déjà conquise avec un précédent roman je suis d’une part impatiente puis ravie de découvrir vers quel horizon cette fois l’auteur va m’embarquer.

La couverture magnifique me donne déjà un aperçu et comme d’habitude, je m’abstiens de lire la quatrième de couv’ pour laisser la place entière à la surprise.

Je me retrouve au cœur des rocheuses vers 1820 à Saint Louis aux États- Unis, et je m’apprête à vivre une aventure passionnante en compagnie de trappeurs, parmi les cow-boys, les indiens, les bisons, les castors, les loups, dans un décor hallucinant. Une plongée dans le passé où j’espère y croiser Davy Crockett et les autres aventuriers qui ont bercé mon enfance ou même plus récemment “ Le revenant  » magnifiquement interprété par Leonardo DiCaprio.

Et je n’ai point été déçu de ce fabuleux voyage.

Shannon Burke nous offre un récit intrépide, captivant, exaltant, à travers une plume palpitante et émouvante. Un style incroyable pour une œuvre d’une justesse historique épatante, qui devrait figurer au programme d’histoire.

Découvrir un pan de l’histoire de l’Amérique via ce récit enivrant est juste un grand bonheur.

L’auteur nous livre la destinée d’un homme qui à force de courage et de persévérance verra ses rêves se mesurer à la réalité.

Dernière saison dans les rocheuses rejoindra dans ma bibliothèque les fabuleux romans d’aventures qui ne cessent de m’émouvoir tout en me cultivant.

Un magnifique roman, une belle Histoire, une plume américaine qui rends merveilleusement hommage à tous ceux qui ont construit l’Amérique.

Après 911 cet auteur aux multiples talents, réussit une fois encore à me charmer.

À découvrir absolument.

Shannon Burke, est né à Wilmette dans l’Illinois aux États -Unis. Il est romancier et scénariste, auteur de roman noir.

Il fait des études à l’Université de Caroline du Nord. Il s’installe ensuite à New York et devient ambulancier à Harlem pour le New York City Fire Department jusqu’en 2001.

Il utilise cette expérience professionnelle dans ces romans, et en particulier dans Manhattan Grand-Angle (Safelight) publié en 2005 et dans 911 (Black Flies) paru en 2008. Ce second roman est lauréat du prix Mystère de la critique en 2015.

 » La part des nuages  » 

La part des nuages de Thomas Vinau aux Éditions 10/18



 » les livres sont des magiciens qui peuvent faire disparaître les montres. « 


Voici l’histoire de Joseph, un homme de 37 ans qui va comme le monde, autant que faire se peut. Il avance dans sa vie, un jour après l’autre dans la limite de ses possibilités . Il est papa d’un petit garçon, Noé. Sa femme s’est fait la malle et c’est son tour de s’occuper de leur fils. Un moment que Joseph appréhende, son fils étant en quelque sorte sa bouée qui l’empêche de couler. En attendant son retour, il va se réfugier dans le cerisier et retrouver son âme d’enfant. La tête dans les nuages il va réapprendre à ranimer ses rêves. 



 » Il en Faut peu pour se sentir libre. Il y a des instants, des éclats, qui vous sauvent en un quart de seconde de la putréfaction spontanée. Allumer un feu. Atteindre le sommet d’une colline. Libérer un cerf-volant. Les dernières minutes d’un marathon. Le fruit cueilli en haut de l’arbre. La première clope. Toucher la main de celle qui. Une fuite effrénée dans les rues. Sécher les cours. Tenir tête a un gros bras. Esquiver la police. Galoper. Atteindre en apnée l’autre bout de la piscine. Frauder. Résister. Arriver en haut de l’arbre. L’aube après une nuit blanche. Pisser dans un jardin. Appuyer sur l’accélérateur en laissant dans son dos les lumières de la ville. Danser avec une fille. Lever le poing dans une manifestation. Sauter du pont de la rivière. Surprendre une bête sauvage. Explorer une maison abandonnée. Se perdre, drogué, dans la nuit. Marcher sur les mains. Aimer quelqu’un. Il en faut peu parfois pour se sentir libre.  » 


Se poser, fermer les yeux, penser à tout ce qui nous fait du bien et libérer la pression qui nous oppresse. C’est la sensation qui nous gagne en parcourant les pages de ce récit aérien . Une belle leçon de vie qui nous rappelle qu’il est essentiel d’apprécier les choses simples, les petits moments qui font les grands bonheurs et le plus important : qu’il ne faut jamais quitter notre âme d’enfant. Grandir mais pas trop. Aimer souvent. Rêver tout le temps…



 » Ce livre est une fenêtre qui pousse dans les terrains vagues, une petite fenêtre sauvage et mal peignée … »

Un moment de lecture fortement agréable. Une pause poétique en toute simplicité  qui transperce le cœur. Des mots pour guérir les maux, des rêves pour s’envoler toujours plus haut vers le bonheur.

Un roman qui fait du bien.

Amateur de mots-miettes, de mots-poussières et de poèmes-allumettes, Thomas Vinau est né en 1978 à Toulouse. Auteur de plusieurs recueils de nouvelles et de poèmes, il publie en 2011 son premier roman, Nos cheveux blanchiront avec nos yeux , aux éditions Talma. Un road-movie d’inspiration autobiographique, à « l’écriture pudique et organique », qui fait le tour des blogs littéraires et fait sortir le jeune auteur de son microcosme littéraire. Influencé par les poètes américains (Richard Brautigan), et militant du minuscule, Thomas Vinau signe en 2012 un Bric à brac hopperien , portrait du peintre américain Edward Hopper « réalisé à partir de listes, de notes et de chutes autobiographiques » (Ed.Talma.).

Thomas Vinau vit aujourd’hui près du Lubéron, plante des radis et taille des lilas, écoute les insectes grouillants qui organisent le monde, non loin des chauve-souris qui s’endorment, la tête au pied des mots…



Bibliographie sélective :
2008: Le Trou , Editions du Cygne
2009: Hopper City , Nuit Myrtide.2010: Tenir tête à l’orage 2011: Nos cheveux blanchiront avec nos yeux , Alma-

2012: Les derniers seront les derniers , Le Pédalo Ivre.

2012: Ici ça va , Alma

2012: Bric à brac hopperien , Alma.

 » Retour à la nuit « 

 

Retour à la nuit d’Éric Maneval aux éditions Écorce et 10/18


 » Le journaliste fait dresser un portrait-robot qui s’affiche à l’écran. À cet instant précis, une douleur électrique me traverse le corps et parcourt ma peau le long de mes cicatrices. Je me mets à trembler,  à transpirer et avoir froid.  » 


Le choc est brutal pour Antoine. Vingt ans après ce portrait-robot réveille en lui de vieilles blessures. Il avait huit ans quand il l’a vu la première fois. Il avait tout oublié jusqu’à maintenant, seules de vilaines cicatrices lui rappelaient qu’il avait croisé le mal un jour.

 » C’était beaucoup plus compliqué avec les adultes, car eux veulent toujours établir des corrélations psychologiques. Ils ne pouvaient s’empêcher de penser que si ma peau était ainsi morcelée, il devait en être de même pour mon esprit.  » 


Antoine est veilleur de nuit dans un centre pour ado. Sa propre histoire l’aide à canaliser certains jeunes quand ils partent en vrille.

 » Je me rappelle avoir eu une violente crise de nerfs. Cette représentation est précise. Je n’ai pu intégrer ce que j’ai vu. Une vague de violence m’a submergé. C’était intolérable. Il m’arrive encore aujourd’hui de ressentir les prémices de cette furie. C’est peut-être pour ça que, finalement je suis un être calme et que je fais bien mon boulot. Je sens l’orage arriver bien avant que le tonnerre et les éclairs ne se déclarent. « 


Apparemment ‘Le découpeur’ a resurgit du passé, le danger rôde. Le passé remonte à la surface et met en péril la nouvelle vie qu’Antoine s’est construit.

À travers ce roman noir Éric Maneval nous plonge dans l’angoisse. Un court récit mais d’une densité incroyable dù à la puissance de l’écriture, à la force des mots qui dégagent d’intenses émotions.

Un récit poignant, bouleversant où tous les personnages laissent échapper de l’empathie, en particulier Antoine. 

L’auteur réveille les cauchemars de l’enfance avec sobriété et élégance.

Une Plume et une histoire qui m’ont conquise, avec pour seul bémol, une fin un peu brutale. Je l’aurais aimé un brin plus étoffée.

Un très beau roman idéal pour tous les amoureux du roman Noir au style atypique.

Eric Maneval vit et travaille à Marseille. Passionné de littérature noire et policière, libraire et guitariste, il lit et écrit la nuit. Retour à la nuit, qu’il qualifie de roman d’angoisse, est son deuxième livre, après Eaux (éditions de l’Agly, 2000). Il est aussi auteur de nombreux textes courts. Retour à la nuit a reçu le prix du polar lycéen d’Aubusson en 2011. Il est suivi par Inflammation publié à la Manufacture de Livres dans la collection  » Territori ».