Indice des feux

Indice des feux d’Antoine Desjardins aux Éditions de La Peuplade

“ Quand on nous monte ici, on le sait tout de suite qu’on en ressortira plus. […] même si personne n’ose le dire, c’est écrit noir sur blanc, c’est gravé jusqu’au sang : ça finit là. ”

Accompagné un adolescent en fin de vie qui part presque sans regrets avant la fonte totale des glaciers, ça donne sérieusement à réfléchir sur le devenir de notre monde.

Bouleversement émotionnel intense pour cette première nouvelle qui donne le ton de la suite.

L’auteur met en scène des personnages qui se soucient de protéger la planète, sa faune et sa flore. On découvre des hommes et des femmes en plein désarroi qui s’interrogent sur le futur.

Qu’ils soient futurs parents, amoureux des oiseaux, des arbres, survivaliste, ou en même en fin de vie, chacun espère que la bêtise humaine souvent responsable de bien des maux disparaîtra avant l’effondrement, avant que tout s’éteigne à petit feu.

Les indices sont là devant nos yeux, signes précurseurs avant l’embrasement.

[…] Ça sert à rien d’essayer de sauver la planète, les océans, la forêt amazonienne ou les koalas. Ce qu’il faut sauver… ce qu’il faut établir, soigner, rapiécer, c’est notre relation au monde dans lequel on vit trop souvent en surface, sans y être vraiment. Sauver notre relation à la nature, au vivant, parce que tout le reste en dépend. Tu me suis ? ”

Mais heureusement il reste la sagesse des anciens qui possèdent le pouvoir de transmettre l’espoir à la jeunesse, il suffit juste d’ouvrir grand ses yeux, de tendre l’oreille et de se souvenir.

[…] Il faut prendre soin, mon homme. Prendre soin de tout, en particulier de ce qui est en train de disparaître.

Sept nouvelles, sept belles histoires, toutes différentes, toutes porteuses de messages, de tendresse, d’amour mais aussi d’espoir pour ne pas oublier que la vie est précieuse, tout comme notre planète et même si nous ne sommes que de passage, en prenant soin des uns et des autres, en s’unissant il est encore possible de sauver notre terre d’accueil.

Indices des feux, des nouvelles du feu de Dieu, les clés du Paradis pour ne pas connaître l’enfer.

Pour info :

Antoine Desjardins est né au Québec. Il est enseignant et écrivain.

Indice des feux est son premier livre.

Je remercie Masse critique Babelio et les éditions de la peuplade pour ces nouvelles pleine d’humanité aussi inspirantes que réconfortantes.

Friday Black

Friday Black de Nana Kwame Adjei-Brenyah aux Éditions Albin Michel

Collection Terres d’Amérique

Traduit de l’américain par Stéphane Roques

“ Trois vigiles suivirent Emmanuel à la trace dès l’instant où il entra. Chaque fois qu’il ralentissait ou s’arrêtait, les vigiles discutaient entre-eux ou faisaient semblant d’écouter une information importante dans leur talkie-walkie. Normalement quand Emmanuel venait ici, il portait un jean qui n’était ni trop ample ni trop moulant et une jolie chemise. Il arborait un grand sourire et marchait d’un pas très lent, n’observant les articles des magasins jamais plus d’une dizaine de secondes. Le degré de Noirceur d’Emmanuel dans un centre commercial était généralement un paisible 5. D’ordinaire, il n’était suivi que par un seul vigile. ”

Chaque jour aux État-Unis le racisme sévit, Emmanuel en est conscient et adapte en fonction des situations son “ degré de noirceur ” pour y faire face, et ce n’est pas l’acquittement de ce criminel qui avait décapité cinq enfants qui va le rassurer, bien au contraire, mais il a reçu une bonne éducation, alors il fait profil bas, jusqu’à aujourd’hui où il pensait faire ses débuts dans le monde du travail, mais voilà encore une porte qui se ferme. Trop c’est trop alors il rejoint un gang.

Dès la première nouvelle, le ton est donné et le degré de noirceur ne fera qu’augmenter

À travers ces nouvelles, l’auteur revisite à sa manière le quotidien des américains face à certains faits ou confrontés à certaines situations surtout lorsque la couleur de peau entre en jeu.

Pour un black vivre aux États-Unis peut s’apparenter à un véritable parcours du combattant, faisant une cible de premier choix et un coupable idéal.

Avec une bonne dose d’humour, pimentée de noirceur machiavélique Nana Kwame Adjei-Brenyah dénonce certains travers du peuple américain en particulier dans Black friday où l’on assiste à la frénésie des achats, à une surconsommation phénoménale où pour l’occasion on réserve un rayon spécial cadavre.

“ Environ quatre-vingts personnes franchissent la grille, au pas de charge et toutes griffes dehors. Poussant les portants et les corps. Avez-vous déjà vu des gens fuir un incendie ou une fusillade ? Cela ressemble à ça, la peur en moins et l’avidité en plus. Depuis ma cabane, je vois un enfant, une petite fille d’environ six ans, disparaître engloutie par la vague de consommateurs enfiévrés. […] Lance court vers le petit corps. Il tire le transpalette et tient dans l’autre main un énorme balai. Il pousse la brosse contre le flanc de la petite fille pour tenter de le faire glisser sur le transpalette, qu’il fera ensuite rouler jusqu’au rayon réservé aux cadavres. ”

Et lorsque vous découvrirez Zimmer Land, un parc d’attraction où l’on met en scène des tueries de masse, des meurtres, des attentas où le coupable blanc, évidemment s’en sort encore plus blanc que la neige, vous hallucinerez.

Tout comme lorsqu’il parle de l’avortement, c’est du jamais lu. Et c’est comme ça pour les douze nouvelles.

En lisant ce recueil, j’ai pensé aux nouvelles de Ray Bradbury réunis dans “ Le pays d’octobre ” toutes aussi pertinentes, machiavéliques, habillées de noirceur avec ce côté ironique qui adoucit la brutalité de certaines histoires.

Nana Kwame Adjei-Brenyah a l’imagination cruelle il nous offre un recueil de nouvelles surprenant, inventif, démoniaque, drôle, osé, une vraie bombe littéraire qui risque de bousculer plus d’un lecteur.

Une nouvelle plume américaine qui fait son entrée de manière remarquable, qui laisse parfois sans voix tellement ces nouvelles sont incroyables et tellement réalistes même lorsqu’il nous projette dans le futur.

De sa plume, il flingue l’Amérique avec style et j’espère que son encre noire à l’humour subversif donnera vie à un roman tout aussi puissant.

C’est vivement recommandé par Dealerdelignes toujours friande des belles plumes américaines qui ont de l’allure.

Pour info :

Nana Kwame Adjei-Brenyah est né en 1991 à New-York.

Il a été distingué en 2018 comme l’un des cinq meilleurs américains de moins de 35 ans par la National Book Foundation.

Son premier livre, le recueil de nouvelles Friday Black (2018), a été récompensé par le PEN / Jean Stein Book Award 2019.

Je remercie les Éditions Albin Michel pour ces nouvelles extraordinaires, absolument inoubliables.

Gallmeister forever

Et si aujourd’hui nous partions pour un tour d’horizon sur mes dernières lectures des éditions Gallmeister.

Du passé au présent, tout à fait à l’esprit de cette maison qui nous offre des voyages américains extraordinaires en nous faisant découvrir l’Histoire de ce pays qui ne cesse de nous surprendre.

Partons tout d’abord au cœur de la guerre de sécession en compagnie d’Henry Fleming, un jeune soldat de l’armée nordiste, tout juste 17 ans, envahit par le doute, la peur et va se comporter en lâche face au combat qui fait chaque jour de nombreuses victimes innocentes.

– Jim, il t’es déjà arrivé d’penser qu’tu pourrais prendre la fuite, toi aussi ? demande-t-il .

Il conclut sa phrase paru. Rire, comme s’il avait été dans son intention de plaisanter. Celui qui parlait fort gloussa aussi.

Le grand soldat agita la main.

– Eh ben, dit-il d’un air inspiré, y m’est arrivé d’me dire qu’ça pourrait être chaud pour Jim Conklin, dans certaines de ces mêlées, et qu’si y avait plein de gars qui prenaient la tangente, ben, j’suppose que j’détalerais moi aussi. Et qu’si j’commencais, j’déguerpirais comme si j’avais le diable aux trousses, ça ferait pas un pli. Mais qu’si tout le monde tenait sa position et combattait, et ben j’la tiendrais et j’combattrais. Nom d’une pipe, j’le ferais. J’suis prêt à l’parier. “

Malgré les paroles de ses supérieurs, il ira se mettre à l’abri sans prendre part au combat. Après la bataille, dans la confusion la plus totale, il sera pourtant décoré suite à une blessure. Il devient un héros malgré lui.

Un formidable récit de guerre paru aux États-Unis pour la première fois en 1885, que les Éditions Gallmeister ont eu la bonne idée de rééditer.

Un récit intense et assez fort, qui nous offre un fragment de cette guerre à travers les yeux d’un jeune soldat, complètement effrayé.

L’insigne rouge du courage de Stephen Crane, traduit de l’américain par Johanne Le Ray et Pierre Bondil.

Découvrons maintenant des nouvelles d’Amérique, nées sous la plume magnifique de James McBride, auteur de romans édités également aux éditions Gallmeister.

Nous allons au détour de ces pages, croiser un vendeur de jouets anciens, prêt à tout pour mettre la main sur le plus précieux des jouets qui pourrait bien changer sa vie à jamais. Puis cette bande de gamins amoureux de musique mais aussi Abraham Lincoln au grand cœur, sans oublier cette virée au zoo où les animaux parlent et ne se gênent nullement pour dégoiser sur la race humaine.

Autant d’histoires qui font de ce recueil une formidable aventure, portées par une plume où l’imaginaire côtoient la poésie, avec humour et tendresse et beaucoup d’humanité.

C’est aussi délicieux que votre friandise préférée.

” Lincoln, à sa manière habituelle, avait lâché une bombe à laquelle personne ne s’attendait. Il avait changé la nature de la guerre. Ce n’était plus une guerre entre États. C’était maintenant une guerre contre l’esclavage.  »

Le vent et le lion de James McBride, traduit de l’américain par François Happe.

En passant par le Montana, je n’ai pas boudé mon plaisir en retrouvant C.W. Sughrue, ce détective privé, très attachant que j’avais rencontré dans deux précédents romans.

Cette fois il est embauché par deux frères jumeaux, très amoureux des flingues, pour retrouver des poissons exotiques. Une affaire assez simple mais qui va très vite le conduire sur les traces d’une femme en fuite avec son chérubin.

Toujours aussi déjantée, cette nouvelle enquête illustrée par Pascal Rabaté m’a embarqué dans une aventure survoltée, arrosée d’adrénaline, d’alcool sans oublier une bonne quantité de drogue.

Ça se déguste comme un Shot de whisky, ça décoiffe et on en redemande encore une dose.

” -(…) Fait gaffe à ton cul, là-bas, vieille branche. Je ne peux pas dire que je suis fou de cette affaire. Et toi ?

– Moi, j’ai de la chance, je suis fou tout court.

– Et ça ne fait qu’empirer jour après jour, dit Solly sans rire. “

Le canard siffleur mexicain de James Crumley traduit de l’américain par Jacques Mailhos

Pour finir, direction les Appalaches où j’ai accompagné Jodi McCarty à sa sortie de prison vers la ferme de son enfance. C’est là qu’elle a grandi, élevée par sa grand-mère, aujourd’hui disparue. Elle est accompagnée de Miranda et de ses trois enfants, qu’elle vient de la rencontrer et dont elle s’est très vite attachée. Sur la route, elle est passée prendre Ricky, le frère de sa petite amie avant son incarcération, et compte bien tenir une vieille promesse en s’occupant dorénavant de lui.

Il est enfin temps de se tourner vers l’avenir, encore faut-il qu’on leur en donne l’occasion.

 » La route semblait n’avoir qu’une direction, s’enfonçant dans les montagnes jusqu’à ce qu’on se retrouve encerclé, les vastes versants des Appalaches oblitérant tout le reste. Jodi voulait revoir cet endroit, mais c’était aussi ce genre de prison et elle le sentit se refermer sur elle. D’une certaine manière, rentrer chez soi, c’était comme disparaître, retomber dans le passé. Une semaine et demie plus tôt, elle ne pensait pas revenir avant sa mort – un corps expédié à une famille qui s’en souvenait à peine, une carcasse à porter en terre dans la montagne –, pourtant elle était là, pas seulement un corps mais un entrelacs de pensées et d’émotions sauvages s’apprêtant à retrouver leur lieu de naissance. Elle se tourna vers Miranda, puis elle regarda le visage endormi de Ricky. Cette fois, ce serait différent, pensa t’elle, nouveau. Néanmoins elle continua de sentir l’oppression des montagnes, même celles qui étaient invisibles, le poids de tous ses souvenirs.  »

Mesha Maren fait une entrée remarquable chez Gallmeister, une maison d’éditions qui nous déniche régulièrement de nouveaux talents de qualité.

Elle nous offre un premier roman somptueux à l’écriture singulière et aborde à travers cette histoire de nombreux thèmes, tous d’une importance capitale, autour du personnage de Jodi. Que ce soit, le milieu carcéral, la libération, l’homosexualité, la violence, le long chemin vers la rédemption, en passant par la famille recomposée mais aussi l’exploitation de gaz qui entraîne pollution et destruction de l’écosystème, l’auteur nous emporte dans une histoire contemporaine entre passé et présent, auprès de personnages forts attachants, au cœur de la nature des Appalaches.

Ce récit transpire la force et le courage dont Jodi doit faire preuve pour se reconstruire.

On se laisse porter avec parfois une certaine appréhension face aux événements qui s’enchaînent, laissant peu de répit à cette femme qui souhaitait reprendre le cours de sa vie.

Un roman magnifique, poignant et infiniment réaliste.

Une nouvelle plume américaine à suivre absolument.

Les auteurs :

La vie de Stephen Crane (1871-1900) est brève et aventureuse.

Dernier d’une famille méthodiste de 14 enfants, il est un enfant fragile, toujours malade, ce qui ne l’empêche pas d’apprendre à lire seul à l’âge de 4 ans. À 22 ans, il publie à compte d’auteur Maggie, fille des rues, qui fait scandale. 

L’Insigne rouge du courage, tableau réaliste de la guerre de Sécession, connaît un succès mondial et fait de lui l’auteur le mieux payé de son temps. Il décide alors de devenir correspondant de guerre. Il est envoyé à Cuba, mais son bateau fait naufrage : il passe 30 heures à dériver sur un canot. Il se rend ensuite en Grèce, où la guerre avec la Turquie s’achève, puis en Angleterre où il se lie d’amitié avec Joseph Conrad, Henry James et H.G. Wells.

Il décède de la tuberculose à vingt-huit ans, dans un sanatorium allemand. 

James McBride est né en 1957.

Écrivain, scénariste, compositeur et musicien de jazz, il est saxophoniste au sein du groupe Rock Bottom Remainders.

Il publie son premier livre en 1995, La Couleur d’une mère, un récit autobiographique devenu aujourd’hui un classique aux États-Unis. Son œuvre romanesque commencée en 2002 plonge au cœur de ses racines et de celles d’une Amérique qui n’a pas fini d’évoluer. 

James Crumley est né à Three Rivers au Texas en 1939. Il sert deux ans dans l’armée, aux Philippines, puis continue ses études et sort diplômé de l’Université de l’Iowa. Au milieu des années 1960, il part vivre et enseigner dans le Montana, un État qu’il ne quittera plus et où il côtoiera notamment Richard Hugo et James Lee Burke. Peu après son arrivée à Missoula, en 1969, il écrit son premier roman, Un pour marquer la cadence, avec comme toile de fond la guerre du Viêt Nam.

En 1975, il écrit Fausse Piste (The Wrong Case), le premier roman d’une saga mettant en scène Milo Milodragovitch, un privé mélancolique vétéran de la guerre de Corée. Suivront Dancing Bear en 1983, Bordersnakes et The Final Country en 1996.

En 1978, James Crumley écrit The Last Good Kiss, le premier livre d’une nouvelle saga qui introduit un nouveau privé : C. W. Sughrue. Puis, en 1993, The Mexican Tree Duck, Bordersnakes(où Sughrue et Milodragovitch se rencontrent) et The Right Madness en 2005. Ces deux personnages, antihéros excessifs en tout, qui rassemblent toutes les obsessions et pas mal des traits de caractère de leur créateur : vétérans du Viêt Nam, divorcés maintes fois, portés sur les femmes dangereuses, l’alcool, les drogues dures, les armes à feu et les nuits sans sommeil, toutes choses en général censées représenter un danger pour eux ou pour autrui.

James Crumley est aujourd’hui considéré par ses pairs comme un des plus grands auteurs de polar. Il décède le 17 septembre 2008, à Missoula.

Mesha Maren a grandi dans les Appalaches, en Virginie-Occidentales, en pleine nature. Son père, Sam, a fabriqué lui-même leur maison en rondins. Adolescentes, elle a construit dans leur jardin une grande cabane avec son père, avec le bois de pins plantés l’année de sa naissance.

Aujourd’hui, après avoir beaucoup voyagé, au Mexique notamment, elle est revenue avec son mari dans les Appalaches et habite dans la maison de son enfance. La cabane est devenue son studio d’écriture.

Je remercie les Éditions Gallmeister pour ces voyages littéraires aussi dépaysant qu’enrichissant.

Allegheny River

Allegheny River de Matthew Neil Null aux Éditions Albin Michel collection Terres d’Amérique

Traduit de l’américain par Bruno Boudard

” Après quelques années de vaches maigres, c’en fut fini des ours dans le comté de Tuscarora. Sans cesse harcelés par les chiens, ils semblaient se jeter littéralement en pâture aux canons des fusils. Sur chaque manteau de cheminée trônait l’un de ces crânes blanchis. Les orbites étaient énormes. Ce sourire idiot et étiré sur lequel on laissait courir son pouce. Une fine pellicule de poussière s’amoncelait sur les os jaunissants. Pour finir, ces trophées furent rangés dans des malles et des tiroirs, où ils rejoignirent la vieille vaisselle. (…) Mais la terre tourne et les anciens usages sont réexaminés. Les compagnies d’assurances affirment que l’augmentation de la population des cervidés entraîne celle du nombre d’accidents. Les algorithmes plaident en leur faveur. Il faut tuer davantage de cervidés. Il faut laisser vivre tous les prédateurs. “

En 2018, je découvrais la plume de Matthew Neill Null à travers son premier roman Le miel du lion (ma chronique ici) qui nous plongeait au cœur d’une forêt des Appalaches, auprès de bûcherons qui avaient créé un syndicat clandestin. Un récit dénonçant l’impact désastreux de la déforestation intensive sur l’environnement.

Ce fut l’occasion de savourer sa plume lyrique et puissante, celle d’un véritable conteur plein de talent.

Avec un plaisir non dissimulé, j’ai retrouvé son écriture à travers ses neuf nouvelles ancrées dans la région des Appalaches, où la faune et la flore omniprésentes, sont confrontées à la présence dévastatrice de l’homme.

” La biche se déplaça avec une légère torsion de la jambe antérieure qui lui donnait un pas pivotant. Sull se contracta. Il la connaissait ! Avant que son fils Eric ne soit incarcéré au pénitencier, Sull l’avait aidé à la traquer sur le site de la carrière abandonnée, où elle s’était couchée avec l’un de ses faons. Cette même danse lui avait alors sauvé la vie. Eric était jeune, impatient. Il avait tiré quatre coups précipités tandis qu’elle s’enfuyait. Chacun avait très largement raté sa cible. C’était contraire à tous les préceptes que Sull lui avait enseignés. Ses trois fils avaient fini par apprendre ce psaume avec le temps : Une cartouche, une touche. Le reste, c’est du gaspillage. “

Tel un photographe, il capture et nous dépeint avec style toute la beauté de la nature sauvage dans ces contrées reculées de l’Amérique.

Parfois violente, brutale mais d’un réalisme surprenant, ces nouvelles résonnent comme un écho lointain qui se répercute à l’infini.

Sa plume d’une grande sensibilité nous entraîne dans une valse destructrice du monde à l’équilibre déjà précaire.

Matthew Neill Null incontestablement amoureux de la nature réussi à nous éblouir par sa plume tout en nous inquiétant par les messages qu’il nous transmet.

C’est puissant, beau, poétique mais terriblement effrayant, car son monde, c’est aussi le nôtre.

Pour info :

Matthew Neill Null est un écrivain américain originaire de Virginie-Occidentale.

Il a étudié le Creative Writing à l’Iowa Writers’ Workshop et ses nouvelles ont été publiées dans plusieurs anthologies, dont la Pen/O. Henry Prize Stories. 

Le miel du lion, son premier roman, l’a imposé comme une nouvelle voix des plus prometteuses dans le paysage littéraire américain.

Son recueil de nouvelles, Allegheny Front, est son deuxième livre, traduit en français et publié chez Albin Michel.

Je remercie les Éditions Albin Michel pour avoir réuni et publié ce magnifique recueil de nouvelles.

“ Viens voir dans l’Ouest ”

Viens voir dans l’Ouest de Maxim Loskutoff aux Éditions Albin Michel

Collection Terres d’Amérique

Traduit de l’américain par Charles Recoursé

” J’ai écouté l’écho de mon cœur dans mes oreilles et j’ai pensé aux Indiens – ça aurait été le bon moment pour qu’ils débarquent avec leurs cris de guerre. “

L’Ouest de l’Amérique est au bord de la guerre civile. Des milices armées tentent de prendre possessions du territoire.

L’Amérique semble désunie…

” La première frappe aérienne a rasé le terrain de golf – l’a changé en terre fumante et a tué quarante hommes. La seconde n’a laissé de la salle municipale qu’un cratère à la forme compliquée. L’explosion nous a réveillés, on a senti un tremblement profond et terrifiant, puis on a entendu les sirènes et les cris. “

Dans ce chaos, des hommes et des femmes tentent de combler leur solitude, d’oublier leur chagrin, leur manque d’amour en s’accrochant comme ils peuvent à ce qui les entoure, à ce qui leur reste.

” Je me suis demandé si mes parents avaient déjà connu des journées comme celle-ci, quand j’avais l’âge de Gigi. Si tout le monde connaissait des journées comme celle-ci. Marcher trop longtemps, aimer trop fort. Si les blessures finissaient par se refermer, ou s’il fallait vivre avec les cicatrices, parfois cachées, parfois non. Fragiles dans ce monde avec tant à perdre. “

À travers ces nouvelles Maxim Loskutoff, nous offre une vision étonnamment proche de l’Amérique d’aujourd’hui, en explorant le destin de tous ces gens ordinaires.

Des nouvelles étonnantes, parfois surprenantes, où il est question d’amour, de peur, de survie, de frustration, le combat de vie ordinaire de tout à chacun dans une Amérique tourmentée.

Un auteur à la plume audacieuse, maîtrisée plutôt prometteuse que j’aurai plaisir à retrouver pour son premier roman actuellement en cours d’écriture.

Pour info :

Maxim Loskutoff a grandi dans les petites villes de l’Ouest américain, et ses nouvelles ont été publiées dans de nombreux magazines littéraires aux États-Unis.

Elles lui ont valu d’être couronné par le prix Nelson Algren.

S’il a été l’élève de David Foster Wallace et de Zadie Smith, il enseigne lui-même aujourd’hui à l’université du Montana à Missoula.

Il termine actuellement son premier roman.

Je remercie les Éditions Albin Michel et le picabos river book club pour ce chouette partenariat de m’avoir permis de découvrir ces nouvelles d’Amérique aussi étranges que surprenantes.

“ De la nature des interactions amoureuses ”

De la nature des interactions amoureuses de Karl Iagnemmma aux Éditions Albin Michel

Traduit de l’américain par Marina Boraso

Voici un fait indiscutable : par ici, les gens sont très, très nombreux à aimer quelque chose qui ne leur rendra jamais leur amour. “

Histoires d’amour, histoires d’aimer, un peu, beaucoup, à la folie, l’éternel problème de tout à chacun lorsqu’il rencontre l’homme ou la femme de sa vie.

Et lorsqu’un scientifique se penche sur la question, cela donne un recueil de nouvelles assez étonnantes.

Par ici on n’effeuille pas des marguerites en cherchant à effacer un affreux doute, non ici on pose de équations pour tenter de résoudre le problème.

” Il lui présenterait son problème, comme un débauché pourrait présenter sa maîtresse à sa femme. “

Tout le monde sait que X + Y = Amour éternel pour toujours

Un équation vieille comme le monde.

Alors, aussi insolite que cela puisse être, Karl Iagnemma réussit en huit nouvelles originales à aborder un thème aussi complexe que le théorème de pythagore, mais de manière bien plus sympathique et parfois même assez drôle.

Que ce soit dans le passé ou dans le présent, ces nouvelles véhiculent une dose d’amour agrémentée d’une dose d’humour et ne manquent pas d’originalité.

Certaines peuvent paraître déroutantes, et laisser incrédules, mais l’écriture pleine de sensibilité l’emporte et invite à poursuivre.

Si mon cœur bat davantage pour certaines d’entre elles, une chose est sûre, j’ai maintenant très envie de découvrir son roman ” Les expéditions “.

Pour info :

Né en 1972 et originaire du Michigan, Karl Iagnemma est un scientifique de haut niveau, chercheur au MIT de Boston. Son premier roman, Les Expéditions (Albin Michel, 2009), racontait les quêtes parallèles d’un père et de son fils au cœur de l’Amérique sauvage du XIXe siècle. Mais c’est ce tout premier livre, De la nature des interactions amoureuses, qui l’a révélé aux États-Unis. Les droits cinématographiques de la nouvelle-titre ont depuis été cédés à Warner Brothers, avec Brad Pitt pour producteur et acteur.

Je remercie les Éditions Albin Michel pour ces nouvelles pleine d’amour.

“ Des mirages plein les poches ”

Des mirages plein les poches de Gilles Marchand, éditions Aux Forges de Vulcain

J’avais un bateau mais le bateau coulait. J’étais sur le pont, réfléchissant aux différentes options qui s’offraient à moi. Le bateau coulait et rien ne pouvait l’en empêcher. Il y avait une fuite, une avarie, un trou dans la coque, que sais-je ? Mais c’était mon bateau et les capitaines n’abandonnent pas leur navire. (…) J’en avais rêvé, de ce bateau. J’avais mis de l’argent de côté. J’en avais rêvé à mon bureau, j’en avais rêvé dans mon appartement, j’en avais rêvé dans le métro. J’avais économisé pour réunir la somme nécessaire à son acquisition. C’était un petit bateau, pas grand-chose en apparence, mais le bout d’un rêve, c’est forcément un grand quelque chose. “

Quand on s’aventure au milieu des pages des livres de Gilles Marchand, on se prépare la mine réjouie, à découvrir de nouvelles histoires où la magie s’invite avec délicatesse, à pas de velours pour vous murmurer des mots doux comme seuls les poètes ont le pouvoir.

Mot après mot, les histoires se révèlent et au détour d’une phrase avec subtilité, l’auteur délivre des messages subliminaux, tout en se moquant de certaines addictions, ou de certains comportements. Il joue à cache-cache avec nous, derrière son masque d’écrivain équipé de sa plume magique et nous mets des mirages plein les poches, des sourires sur nos lèvres et des perles de bonheur au coin des yeux.

On pourrait dire de lui qu’il est malin comme un singe, ou rusé comme un renard, et je suis certaine que La Fontaine l’aurait adoré. En attendant sous ses airs de super raconteur d’histoires, il explore des sujets sensibles avec beaucoup d’élégance et de poésie, que ce soit pour les phobies, le deuil, la séparation, l’apparence, le manque de confiance, le désir de fonder une famille, d’être le meilleur père ou être un super héros même en amour, sans jamais être moralisateur mais en restant un grand rêveur, la tête dans les nuages mais les deux pieds sur terre.

J’aurais pu prendre la grosse tête, mais je ne savais pas trop ce que je devais à mes chaussures qui couraient vite et à mes slips qui faisaient bien l’amour. “

Une chose est sûre, il utilise des stylos qui écrivent de belles histoires, qui ne manquent ni d’amour ni d’humour dont il serait dommage de se priver.

” Je ne voulais pas partir sans dire à ceux que j’ai aimé que je les avais aimés. J’espère qu’il le savent. Je n’ai pas visité tous les continents, je n’ai pas gravi de hautes montagnes. Mais j’ai connu l’amour. J’ai toujours préféré aux vertiges des cimes ceux de l’amour. Après la chute, on s’en relève et un jour on se reprend à rire. J’ai beaucoup aimé et j’ai beaucoup ri. De quoi partir sans regret. “

Si l’auteur trouve les mots et rivalise de fantaisie et d’imagination pour nous offrir ces bonnes nouvelles, je n’en ai pas 36 pour lui dire que je les ai adoré, à moins d’utiliser toutes les langues de la planète.

Comme ci-dessous :

À votre tour de découvrir ces délicieuses nouvelles et de rêver, un peu, beaucoup, à la folie…

Pour info :

Gilles, moi-même et son éditeur David

Gilles Marchand est écrivain et éditeur.

Historien, il a publié un « Dictionnaire des monuments de Paris »(2003), une « Chronologie d’histoire de la peinture » (2002), coécrit avec Hélène Ferbos, et « La construction de Paris » (2002), scénario de la bande dessinée, aux éditions Gisserot.

En 2010, il participe à l’appel à textes du recueil « CapharnaHome » des éditions Antidata, est sélectionné, publie l’année suivante un recueil personnel dans la même maison, et devient ensuite un contributeur régulier des anthologies thématiques Antidata. Il signe en 2011 « Dans l’attente d’une réponse favorable, 24 lettres de motivation » chez Antidata, où il a aussi été éditeur.

En 2011, Il imagine également deux novellas postales pour Zinc Éditions, « Green Spirit » et « Les évadés du musée ».

Son premier roman, « Le Roman de Bolaño » en 2015, écrit en collaboration avec le critique littéraire et auteur Éric Bonnargent, éveille la curiosité de la critique par sa structure inhabituelle.

Son premier roman solo, « Une bouche sans personne » en 2016, (ma chronique ici) attire l’attention des libraires et de la presse. Il est notamment sélectionné parmi les « Talents à suivre » par les libraires de Cultura et remporte le prix des libraires indépendants « Libr’à Nous » et le prix Hors Concours en 2017.

En 2017, il publie « Un funambule sur le sable »( ma chronique ici).

Il a été batteur dans plusieurs groupes de rock et a écrit des paroles de chansons. Il est également rédacteur au Who’s Who, et chroniqueur littéraire au sein du webzine k-libre.

Je remercie les Éditions Aux forges de Vulcain pour ce voyage fantastique au cœur de l’âme humaine ❤️

“ Dernière journée sur terre ”

Dernière journée sur la terre d’Éric Puchner aux éditions Albin Michel

Collection Terres d’ Amérique

Traduit de l’américain par France Camus- Pichon

Après son formidable roman Famille Modèle, Eric Puchner reprend son thème de prédilection et explore la complexité de l’univers familial, mais également l’amitié.

On y croise des personnages envahis de doutes qui s’interrogent sur l’avenir.

Il nous entraîne tour à tour dans une librairie …

Le Libraire passa un quart d’heure en quête du livre idéal qui éviterait au Client d’avoir le cœur brisé, tout en éveillant pour toujours chez son fils l’amour de la lecture. (…) Et que fit le client ? Comment remercia-t-il le Libraire pour le temps que celui-ci venait de lui consacrer ? En sortant son smartphone pour chercher le livre sur Amazon et … en le commandant sur ce foutu site ! Comment je le sais ? Parce que c’est moi le Libraire. J’espionnais le Client derrière la table des Coups de cœur de la Librairie. (…) Comme l’homme ne levait pas les yeux de son portable, Rogelio lui flanqua un tract sur la poitrine, puis, d’un geste vif et curieusement élégant, lui plaqua l’agrafeuse sur le cœur tel un défibrillateur et appuya sur la détente. “

En passant par des quartiers où se côtoient des familles parfois étranges…

” En fait, il existe un certain type de quartier que l’on voit dans les petites villes de Nouvelle- Angleterre, où chaque demeure a son téléviseur allumé pendant le dîner, où les pelouses paraissent minuscules et vides au crépuscule, où l’espace étroit entre les maisons vous rappelle la courte et précieuse distance qui vous sépare de la mort. “

On y croise un groupe punk has-been, des ados en centre de vacances, mais également un jeune prêt à tout pour sauver ses chiens.

Une plongée dans l’Amérique entre l’absurde et le surnaturel, abordée de manière plutôt originale avec une certaine lucidité et une bonne dose d’humour.

Un florilège d’histoires plus ou moins passionnantes, parfois délirantes voir décapantes, pour partager avec nous de drôles de vies sur terre.

« Alors, qu’as-tu appris à ton atelier d’écriture ? » demanda mon père, et je récitai une série de consignes. Montrer, ne pas raconter. Écrire sur ce que l’on connaît. Rester patient – il faut des années pour terminer certaines nouvelles, et elles ne sont jamais comme on voudrait. »

Pour info :

Professeur de littérature à l’université, Eric Puchner est l’auteur de La Musique des autres (Albin Michel, 2008), un recueil de nouvelles très remarqué à sa sortie, et Famille modèle, son premier roman (Albin Michel, 2011), qui a été unanimement salué par la critique et a bénéficié d’un formidable bouche-à-oreille.

En trois livres seulement, il s’est imposé comme l’un des jeunes écrivains américains les plus doués de sa génération, réussissant à mêler hilarité et désespoir pour offrir une radioscopie bouleversante de l’Amérique d’aujourd’hui.

Je remercie les éditions Albin Michel pour cette virée surprenante en Amérique.

“ N’essayez jamais d’aider un kangourou ”

N’essayez jamais d’aider un Kangourou de Kenneth Cook aux Éditions Autrement

Traduit de l’anglais (Australie) par Mireille Vignol

 » La pause se prolongea. L’histoire semblait terminée.

– Et qu’est-il arrivé au … euh… au salopard ?demandais-je.

Henry leva la tête.

– Bah, il est enterré un peu plus haut sur la piste.

Il ne faut pas croire tout ce qu’on nous raconte le long de la piste de Birdsville, mais vous seriez surpris de tout ce qu’on ne croit pas et qui est la pure vérité.  »

Chaque année la période estivale amène pour beaucoup d’entre nous, une folle envie de dépaysement, seulement parfois pour x raisons, on se retrouve coincé à la maison. Mais lorsque l’on est passionné comme moi par la lecture, on est sauvé, il suffit de bien choisir ses voyages livresques et l’aventure peut commencer.

En me plongeant dans le recueil de nouvelles de Kenneth Cook, dans cette édition inédite que nous propose les Éditions Autrement, j’étais sûre de ne pas sombrer dans la sinistrose mais au contraire de me payer de bonnes tranches de rire.

L’auteur est d’une part un conteur né mais également un véritable globe trotteur. Et puis il a le chic pour se retrouver dans des situations aussi absurdes que rocambolesques. Alors parcourir le bush australien en sa compagnie, un pur bonheur.

 » La rencontre de gars sympas au bistrot est à la source de la plupart de mes ennuis. Non seulement ces bonhommes aggravent ma tendance naturelle à l’alcoolisme, mais ils m’entraînent aussi dans toutes sortes d’aventures je préférerais ne pas être mêlé. Les copains de bar me portent la poisse depuis que j’ai commencé à fréquenter les bistrots, et ça ne date pas d’hier.  »

Apparemment dans le bush australien, on y rencontre de drôles de loustics, autant de la race animale que de la race humaine , et si on met les deux face à face, de bien plus étranges situations se produisent à hurler de rire ou de peur, selon les espèces.

 » On ne sait jamais quel pourcentage croire des histoires qu’on vous raconte sur les animaux dans le Nord. J’en ai entendu des dizaines, de celles de serpents qui poursuivent et réussissent à attraper un homme à moto, à celles de buffles qui chargent et renversent des véhicules, en passant par des cochons sauvages d’une taille et d’une férocité inimaginables qui éventrèrent des chevaux. Cela dit, mon policier semblait s’y connaître en crocodiles. “

Utilisant un style direct, sans artifice mais agrémenté d’un humour corrosif, l’auteur nous offres des histoires aussi farfelues que truculentes, un régal pour le lecteur qui osera s’aventurer par ici.

Un petit conseil au passage pour ne pas se lasser de toutes ses nombreuses nouvelles loufoques, ne pas hésiter à s’en faire un livre de chevet, ou le lire en alternant avec une autre lecture, ou même picorer par ci par-là et se laisser porter par toutes ses anecdotes hilarantes inspirées de ses tribulations.

 » Rien n’est particulièrement spectaculaire dans ce coin- là, car tout est extraordinaire. ”

Ici c’est du  » all inclusive  » : dépaysement, humour, parfait pour un voyage lointain hors norme pour seulement 21 €

Kenneth Cook (1929-1987) est un écrivain australien. À l’âge de trente-deux ans, il a publié Cinq matins de trop (Wake in Fright), qui est considéré comme un classique du roman noir dans son pays et a été adapté au cinéma en 1971, sous le titre Outback. Ses nouvelles écrites dans une veine plus humoristique, ont connu un large succès.

Je remercie les éditions Autrement pour ces aventures aussi succulentes que délirantes.

“ Kentucky straight ”

Kentucky straight de Chris Offut aux éditions Gallmeister

Traduit de l’américain par Anatole Pons

” Voici le miroir

Où s’éteint la douleur

Voici le pays

Que nul ne visite “

De Mark Stand

Ce que j’en dis :

Quand pour un recueil de nouvelles , l’auteur choisit un tel exergue on sait déjà dans quel univers on va s’aventurer.

Le Kentucky, ce territoire des Appalaches, considéré comme le berceau du whisky américain regorge de distilleries clandestines. Si l’argent se fait rare l’alcool de contrebande coule à flot.

Un état classé numéro un dans la liste des États américains pour possession d’armes à feu avec 134 armes pour 100 habitants.

À travers ces neuf nouvelles, tout à fait représentatives on se retrouve au cœur d’histoires des oubliés de l’Amérique.

Tout les soirs, maman disait qu’elle avait peur que je vise trop haut. Warren ne me parlait pas du tout. Je me baladais dans les collines en pensant à ce que je connaissais sur la forêt. Je sais dire le nom d’un oiseau à son nid et d’un arbre à son écorce. Je sais qu’une odeur de concombre signifie qu’une vipère cuivrée n’est pas loin. (…) Ça m’a fait drôle de passer un test pour apprendre que je vivais en dessous du seuil de pauvreté . Je crois que c’est de savoir ça qui a déboussolé papa pour de bon. Quand il est mort, maman a brûlé ses cartes, mais j’ai gardé celle du Kentucky. Là où on vit, c’est pas dessus. “

Chris Offut est né et a grandi dans le Kentucky, il nous offre des histoires authentiques, puisées très certainement dans ce qui l’entoure. Ses personnages sont les bouseux, les pèquenauds du coin, les mineurs, les laisser pour comptes qui passent le plus souvent leurs temps avec un verre de whisky dans une main et une arme dans l’autre.

” Les coyotes, c’est le côté humain des chiens. Les clébards, c’est le côté canin de l’homme. “

Des histoires rugueuses, brutales profondes rythmées par le blues qui les accompagne. Des nouvelles aussi sauvages que la faune qui l’habite. Noires, violentes, situées dans les coins reculés de l’ Amérique, là où le fusil reste toujours à portée de mains et les poings rarement dans les poches.

Et c’est avec une plume talentueuse que Chris Offut nous parle de la misère et du désespoir.

À déguster sans modération accompagné d’un 18 ans d’âge.

” Sa voix avait un ton définitif qui réduisit les hommes au silence. “

Chris Offutt est né en 1958 et a grandi dans le Kentucky dans une ancienne communauté minière sur les contreforts des Appalaches. Issu d’une famille ouvrière, diplôme en poche, il entreprend un voyage en stop à travers les États-Unis et exerce différents métiers pour vivre. Il publie, en 1992, un premier recueil de nouvelles, Kentucky Straight, puis un roman autobiographique. Le Bon Frère est son premier roman. Il est également l’auteur de chroniques pour le New York Times, Esquire et quelques autres revues et a été scénariste de plusieurs séries télévisées américaines parmi lesquelles True Blood et Weeds

Les éditions Gallmeister nous offre une nouvelle traduction pour ce recueil inédit dans la collection Totem. Titre publié auparavant chez Gallimard ( La Noire) en 1999, puis chez Folio ( 2002).

Un auteur emblématique du Sud des États-Unis dans la lignée de Daniel Woodrell, Larry Brown et Ron Rash

Je remercie les Éditions Gallmeister pour ce blues déchirant.