Affaméede Raven Leilaniaux Éditions Le cherche midi
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru
“ Quelque part dans Essex County, Eric est au lit avec sa femme. Ce n’est pas que je veux exactement ça, avoir un mari ou un système d’alarme pour la maison qui durera aussi longtemps que notre couple sans jamais se déclencher. Non, c’est juste qu’il y a parfois des heures grises et anonymes, comme maintenant. Des heures où je suis désespérée, affamée, des heures où je sais comment une étoile devient du vide. ”
Eddie est une jeune femme noire assez libérée. Elle travaille dans le milieu de l’édition. mais elle peine à garder sa place face à tous ces blancs.
Sa vie sexuelle est assez débridée, mais elle a bien du mal à rencontrer son âme sœur, alors elle s’aventure sur les sites de rencontre sur le net.
C’est là qu’elle fait la connaissance d’Éric, un homme blanc plus âgé.
S’en suit une relation assez particulière, parfois torride mais assez alambiquée.
Un jour elle fait connaissance avec son épouse ce qui l’a mènera à vivre sous leur toit auprès de leur fille adoptive.
Une situation pour le moins inhabituelle, devenant peu à peu amie de l’épouse et toujours maîtresse du mari, de quoi inquiéter Akila qui a peur de perdre une fois de plus sa famille d’accueil.
Ce que j’en dis :
Une fois terminé … suis toujours affamée, suis rester sur ma faim…
Si j’ai vraiment apprécié le style de l’auteure, je suis restée en retrait de l’histoire avec l’impression de jouer les voyeuses. Moi qui aime tant les héroïnes combatives j’étais déçue d’Eddie qui se tournait assez vite vers des solutions de facilité ce qui faisait d’elle une femme objet dont on se sert à toute fin utile.
L‘’auteure aborde pourtant les difficulté d’être une femme noire dans le monde du travail, tout comme les difficultés financières que peuvent entraîner les prêts étudiants d’où une vie assez précaire. Alors lorsque Eddie découvre l’univers des gens aisés, c’est tentant de s’y aventurer.
Un premier roman qui ne m’a pas complètement conquise mais qui trouvera très certainement son public.
Pour info :
Raven Leilani a publié des textes dans diverses revues comme Granta, McSweeney’s, Conjunctions.
Affamée est son premier roman.
Il s’est classé dès sa sortie aux États-Unis dans la liste des meilleures ventes du New York Times.
Traduit de l’anglais (Irlande) par Jakuta Alikavazovic
Si tout comme moi, vous ne vous attardez pas sur la quatrième de couverture, faisant entièrement confiance à la ligne éditoriale de Joëlle Losfeld, vous risquerez d’être un peu décontenancé au début de votre lecture, mais très vite vous ferez le lien avec la nationalité de l’auteure qui nous offre à sa manière un roman sur le conflit nord – irlandandais qui a sévit dans son pays dans les années 1970.
“ À cette époque, dans cet endroit, quand il était question des problèmes politiques, qui incluaient des bombes, des armes, des morts et des mutilations, les gens ordinaires disaient « c’est leur côté qui l’a fait », ou « c’est le nôtre », ou « c’est leur religion qui l’a fait » ou « c’est notre religion qui l’a fait », ou « c’est eux qui l’ont fait », ou « c’est nous», alors que ce qu’on voulait vraiment dire c’était « les défenseurs -de-l’État l’ont fait » ou « les renonçants l’ont fait » ou « l’État l’a fait ». ”
Avec ses mots et d’une manière tout à fait originale et surprenante, une jeune adolescente qui se présente par le qualificatif de « sœur du milieu » nous présente son histoire.
Tellement de noms sont interdits dans son pays qu’elle choisit de nommer à sa façon les protagonistes qui entrent en scène page après page.
“ Le couple en charge de la liste des noms interdits dans notre district ne les avait pas choisis, ces noms. C’était l’esprit de la communauté, remontant à des temps anciens, qui jugeait quels prénoms étaient autorisés, quels autres non. Les gardiens de la liste bannie étaient deux, un clerc et une clerc, qui cataloguaient , régulaient et la mettaient fréquemment à jour, se montrant efficaces dans leur clergie même si la communauté les jugeaient limite aberrants mentalement. ”
« Sœur du milieu » est une grande lectrice qui lit en marchant et de ce fait attise une certaine méfiance d’autant plus qu’elle est poursuivie par les assiduités d’un certain Milkman qui est lui-même sous haute surveillance.
“ « C’est louche, pervers, d’une détermination obstinée, a dit plus ancienne amie. Ce n’est pas comme si, amie , a-t-elle poursuivi, on était dans le cas de figure de quelqu’un qui jette un coup de d’œil au journal en marchant pour lire la manchette ou je ne sais quoi. C’est ta façon de le faire – de lire des livres, des livres entiers, en prenant des notes , en consultant les notes de bas de page, en soulignant des passages comme si tu étais à un bureau où je ne sais quoi […] C’est dérangeant. C’est déviant. ”
Dans un contexte où les commérages vont bon train, où les indiscrétions et les cancans pullulent les rues, il lui est bien difficile de garder secrète sa relation avec « peut-être petit ami», se retrouvant malgré elle au cœur d’une rumeur.
“ C’était nous l’ennemi, c’étaient nous les terroristes , des terroristes civils, des complices de terroristes ou simplement des individus soupçonnés d’en être mais pas encore démasqués comme tels. Tel étant le cas, et le cas entendu d’un côté comme de l’autre, les seules fois où on appelait les flics dans mon secteur, c’était pour leur tirer dessus, et naturellement ils le savaient bien et ne se déplaçaient pas. ”
Dans cette ambiance violente, en pleine guerre civile où il ne fait pas bon d’attirer les regards, « Sœur du milieu » harcelée, tente de sortir de ce piège et d’oublier cette rumeur qui hante sa vie à travers ses lectures et la course à pied.
Une lecture exigeante pour une écriture et un style extraordinaire qui vous fera forcément sortir des sentiers battus et vous demandera une attention particulière mais qui au final vous laissera perplexe.
Il faut être curieux, accepter d’être bousculé, pour découvrir à votre tour ce fabuleux roman, terriblement atypique qui a remporté en 2018 le Man Booker Prize, le Orwell Prize for fiction et le National Book Critics’ Circle Award en 2019.
Pour info :
Anna Burns, née en 1962 à Belfast, est une écrivaine nord-irlandaise. Elle s’installe d’abord à Londres en 1987, puis dans le Sussex de l’Est.
Anna Burns a grandi à Belfast, pendant la période des Troubles, un conflit qui va durer pendant trois décennies dans la province britannique. S’inspirant de son expérience, elle dédie plusieurs romans à cette thématique.
Son premier roman, No Bones, est le récit de la vie d’une jeune fille qui grandit à Belfast durant le conflit nord-irlandais.
En octobre 2018, l’écrivaine remporte le prestigieux prix Booker pour son roman Milkman, une fiction sur la guerre civile, en Irlande du Nord. Le livre relate la violence militaire mais aussi sociale au travers du regard d’une jeune fille de 18 ans, confrontée au harcèlement d’un homme beaucoup plus âgé qu’elle qui appartient à une milice paramilitaire catholique.
Elle devient la première romancière Nord-Irlandaise à remporter ce prix.
Je remercie les Éditions Joëlle Losfeld pour cet roman atypique extraordinaire.
Le vallon des lucioles d’Isla Morley aux Éditions du Seuil
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle Aronson
“ Lorsqu’elle surgit devant la fenêtre, il sursaute ; si elle est aussi surprise que lui, elle n’en laisse rien paraître. Dans la lueur de l’aube, une grâce iridescente émane d’elle. Un gris-bleu chatoyant. On la dirait faite de nacre. Ses longs cheveux auburn sont attachés avec un foulard et ses traits sont d’une incroyable précision. […] – Je suis juste bleue, monsieur. C’est tout. ”
Dans le Kentucky au cours de l’année 1937, Clay Havens et Ulys Massey, deux jeunes photographes et journalistes sont envoyés dans le cadre du New Deal pour réaliser un reportage sur un coin reculé des Appalaches.
À peine arrivés, dans le village, il s’avère qu’une rumeur circule et les pousse à s’aventurer au cœur de la forêt pour en vérifier l’exactitude et pourquoi pas en faire un reportage.
Pourtant prévenus par la médisance des villageois, ce qu’ils découvrent est une véritable surprise qui va changer à jamais la vie de Clay.
“ Ce n’est pas seulement elle qu’il photographie, c’est l’effet qu’elle produit sur lui. Lorsqu’il l’a prend en photo contemplant le soleil qui glisse sous la bande de nuages tel un rouleau de corde lumineux se déployant sur la prairie, il a lui aussi l’impression que la lumière le transperce. Lorsqu’il la prend en photo penchée sur sa chaussure dont la bouche est défaite, il sent se libérer quelque chose en lui et, chaque fois qu’elle le regarde, c’est comme si elle passait la main à travers l’objectif, contraignant le diaphragme à s’ouvrir, et laissait l’empreinte de ses doigts sur le cœur de Havens. Photographie après photographie, il la laisse faire. Ce qu’il immortalise, c’est elle en train de s’emparer de son cœur. Et la voilà qui s’assied, la voleuse, riant et rejetant ses cheveux en arrière, son cœur sur les genoux.
À travers l’objectif de l’appareil de Clay, apparaît Jubilee Buford, une jeune femme splendide, fascinante, troublante, irrésistible.
Le reportage prévu prend une tournure imprévisible. Une histoire étonnante prends vie jour après jour qui sera émaillée de passion, mais aussi de discorde, devant faire face aux racismes et aux préjugés dans cette société américaine.
“ – Tu sais ce que je préfère dans la photo noir et blanc ? C’est que les couleurs n’entrent pas en ligne de compte. Parce que si c’est le bleu que tu cherches à voir absolument, tu t’arrêtes à ça, et c’est tout. Tu rates ce qui fait qu’une personne te ressemble ou est différente de toi ; tu rates ce qui la rend unique. ”
Ce que j’en dis :
Décidément, les Appalaches semblent regorgées d’histoires aussi insolites que bouleversantes.
Dans ce coin reculé de l’Amérique où vit une population défavorisée, la pauvreté gangrène ces lieux pourtant magnifiques.
New Deal devait justement permettre grâce à son programme d’entrer en guerre contre la pauvreté grâce aux clichés des photographes, censés aider les américains à s’unir pour améliorer les conditions de vie des habitants de cette région.
À travers cette histoire tirée de faits réels, nos deux photographes voient leur mission prendre un autre chemin en découvrant pendant leur périple une famille hors norme sujette hélas à de nombreux préjugés qui entraînent face à l’ignorance une nouvelle forme de violence et de racisme.
Tout comme Clay, le photographe je suis tombée sous le charme de cet endroit et de cette famille, avec une tendresse particulière pour Jubilee.
Bien plus qu’une histoire d’amour, ce récit est une véritable ode à la nature tout en nous confrontant à l’intolérance liée à l’ignorance et entraînant du racisme toujours très présent aux États-Unis sous différentes formes.
Si comme moi vous aviez succombé aux charmes du roman de Delia Owens : là où chantent les écrevisses, ma chronique ici il se pourrait bien que Le vallon des lucioles vous emporte pour un beau voyage en terre Appalaches.
Une belle histoire qui ne peut laisser indifférent et permet de lever le voile sur une particularité très peu connue : la méthémoglobinémie.
Une très belle découverte grâce à Masse Critique Babelio, que je remercie au passage pour cette proposition de lecture fidèle à mes goûts littéraires.
Pour info :
Isla Morley a grandi en Afrique du Sud pendant l’apartheid, l’enfant d’un père britannique et d’une mère sud-africaine de quatrième génération.
Elle est diplômée de l’Université Nelson Mandela Metropolitan de Port Elizabeth avec un diplôme en littérature anglaise.
En se mariant avec un Américain, elle est partie en Californie. A présent, elle vit dans la région de Los Angeles.
Son premier roman « Come Sunday » lui a valu le Prix Janet Heldinger de fiction, en 2009.
Le vallon des lucioles est son premier roman à paraître en France.
L’île invisible de Francisco Suniaga aux éditions Asphalte
Traduit de l’espagnol (Venezuela) par Marta Martinez Valls
“ […] Margarita , l’île de l’utopie, le seul endroit de la planète où tout le monde commande et personne n’obéit. “
Lorsque Edeltraud Kreutzer, originaire de Düsseldorf débarque sur l’île Margarita pour une quinzaine de jours, ce n’est hélas pas pour un séjour d’agrément mais pour tenter de découvrir ce qui est arrivé à son fils Wolfgang, retrouvé noyé sur la plage près du bar dont il était propriétaire.
« Oui, je me souviens très bien de ce qui est arrivé à votre fils et, croyez-moi, je l’ai beaucoup regretté. Cela s’est produit sur une plage dangereuse, où malheureusement de nombreux baigneurs se sont déjà noyés, y compris quelques Allemands, dit-il sans empêcher ses mots ressemblent à une vaine consolation. ”
Sur place, elle fait appel à un avocat pour l’aider dans ses démarches.
Dans ce décor paradisiaque, où l’on vit avec nonchalance, certains s’adonnent à la corruption pendant que d’autres organisent des combats de coqs, dont Wolfgang était devenu accro.
L’enquête se poursuit dans cette jungle tropicale sur cette île invisible du Venezuela envoûtant au passage les nouveaux lecteurs .
Ce que j’en dis :
Les éditions Asphalte ont eu la bonne idée de rééditer ce roman paru une première fois en 2013.
Il rencontre un immense succès au Venezuela, véritable best-seller, le livre en est à sa treizième édition.
Ce roman exotique nous fait voyager entre ici et ailleurs, entre passé et présent bien loin des ambiances de cartes postales, dévoilant son intrigue au rythme de l’île.
Ce roman absolument passionnant nous envoûte dès les premières pages. Au cœur de cette île qui semble à première vue paradisiaque, on va vite découvrir l’envers du décor, face à une violence sauvage qui pousse certains à la folie.
Les insulaires semblent aussi perdus sur cette île, que l’île elle-même face à une bureaucratie défaillante, ils sont vite oubliés et deviennent vite invisibles.
Un délicieux cocktail caribéen, doux, rafraîchissant tout en étant pimenté, mettant tous vos sens en éveil.
Une très belle surprise de cette rentrée, un roman latino-américain à découvrir absolument.
Pour info :
Né en 1954 à La Asuncion, Francisco Suniaga enseigne le droit international à l’université centrale de Caracas jusqu’en 2006.
En parallèle, il est chroniqueur pour des journaux du pays, notamment pour El Nacional.
En 2005, il publie son premier roman L’Île invisible, qui connaît un énorme succès au Venezuela. Il y raconte l’histoire d’un homme qui perd son fils sur l’île de Margarita et fait appel à l’avocat José Alberto Benitez pour comprendre les circonstances de sa mort.
Le roman est traduit en français et publié aux éditions Asphalte en 2013.
L’auteur a publié deux romans depuis.
Je remercie les Éditions Asphalte pour ce voyage qui sort des sentiers battus.
Devenir quelqu’un de Willy Vlautinaux Éditions Albin Michel
Collection Terres d’Amérique
Traduit de l’américain par Hélène Fournier
“ Horace attrapa un vieux cahier posé sur une étagère à côté du lit. Sur la première page, on pouvait lire « Journal des Mauvais Rêves » écrit au stylo bleu. Le jeune homme tourna une demie-douzaine de pages et s’arrêta à celle qui était intitulée « Abandonné à Tonopah ». Il avait tracé dessus trente-deux petits bâtons, et il en ajouta un trente-troisième. Puis, en bas d’une des dernières pages, qui était quasiment remplie, il nota la date du jour et écrivit ce qu’il avait déjà écrit la veille et l’avant-veille : « Je vais devenir quelqu’un. » ”
Horace a vingt ans. Il est moitié Irlandais, moitié indien païute. Il vit et travail dans le ranch des Reese, dans le Nevada. Abandonné très jeune par ses parents, les Reese sont devenus plus ou moins sa famille de substitution. Ce couple âgé le considère comme leur fils et veille sur lui tout comme il veille sur eux.
Seulement, Horace est passionné de boxe, et rêve de devenir un champion. Écartelé entre ses origines indiennes et blanches, il se cherche, s’interroge jusqu’au jour où il décide de tout quitter pour partir vers le sud, à la poursuite de son rêve avec le désir de Devenir quelqu’un.
Malgré la force de ses poings, saurait-il faire face à l’inconnu, à la solitude et à certaines rencontres bienveillantes et d’autres hypocrites même si parfois l’espoir lui permet de toujours se relever. Jusqu’où est-il prêt à aller pour Devenir quelqu’un ?
Ce que j’en dis :
Tout comme dans son précédent roman La route sauvage (Ma chronique ici), tenant très certainement du fait que l’auteur est très attaché à son grand-père, il met en scène un jeune homme assez écorché par la vie et un couple d’anciens, bienveillants et protecteurs.
Horace, ce jeune métis amérindien cherche désespérément à prouver qu’il peut à travers son rêve devenir quelqu’un, lui qui manque cruellement d’assurance. Tandis que ce couple confronté à la crise économique en plus de la vieillesse ne rêve que de transmettre leur ranch à ce jeune rêveur.
À travers ce trio, où l’auteur confronte les générations on découvre des personnages combatifs, profondément humains qui poursuivent leur route entre désillusion et optimisme.
Willy Vlautin, est écrivain mais également musicien folk, rien d’étonnant à ce que ce récit résonne comme un blues poignant et triste où pointent des notes d’espoir.
Quelqu’un de bien nous met un coup de poing en plein cœur et nous laisse K.O à la dernière page, en regrettant secrètement un dernier round, une dernière note, un dernier souhait, un nouveau rêve avant de quitter le ring.
Sous sa plume, les gens ordinaires deviennent de véritables héros.
Si un jour Willy Vlautin a rêvé de Devenir quelqu’un, qu’il soit rassuré, il est un formidable écrivain, incontournable dans le paysage littéraire américain.
Pour info :
Rencontre au festival America en 2016
Né en 1967 à Reno, Nevada, Willy Vlautin est l’auteur de Motel Life(2006), Plein nord (2010) et Ballade pour Leroy (2016), La route sauvage (2018) tous publiés chez Albin Michel, quatre romans dont trois ont déjà été portés à l’écran.
Il est également auteur-compositeur et chanteur du groupe folk-rock Richmond Fontaine.
Devenir quelqu’un est son cinquième roman.
Je remercie Albin Michel pour cet uppercut littéraire bouleversant.
Les choses humaines de Karine Tuil aux Éditions Folio
“ Il relisait souvent les mots que Steve Jobs avait prononcés devant les étudiants de l’université de Stanford dix ans plus tôt, en juin 2005 alors qu’il se savait atteint d’un cancer : « La mort est très probablement la meilleure invention de la vie. […] Votre temps est limité, alors ne le gaspillez pas en vivant la vie de quelqu’un d’autre. » C’était peut-être les seules leçons qu’il avait tirées de toutes ces épreuves: tout peut basculer, à tout moment. ”
Les Farel forment un couple de pouvoir. Jean est un célèbre journaliste politique, Claire son épouse est également très connue notamment pour ses engagements féministes. Leur fils, Alexandre étudie dans une prestigieuse université américaine.
Mais hélas, même les familles les plus en vue peuvent se retrouver mise à mal, lorsqu’une accusation de viol entache leurs réputations et fait voler en éclats ce qu’ils avaient si chèrement acquis.
Comme l’a dit Darwin : « Les espèces qui survivent ne sont pas les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »
Ce que j’en dis :
Même si j’arrive après la bataille pour ce roman de Karine Tuil publié chez Gallimard en 2019, récompensé par le prix Interallié en 2019, et par le Goncourt des lycéens en 2019, j’ai très envie de vous inciter à le découvrir.
Après L’invention de nos vies publié en 2013, que j’avais trouvé extraordinaire, je ne pouvais pas faire l’impasse sur ce récit mais en laissant passé un peu de temps pour mieux l’apprécier, ayant été confronté à ce genre de faits dans mon entourage proche.
Les choses humaines devenant parfois inhumaines lorsque la perversion de certains individus sans scrupules entre en jeux.
À travers ce récit d’une construction magistrale, Karine Tuil nous présente en premier lieu les quatre principaux personnages, tous liés d’une certaine manière à cette histoire.
Sous une tension extrême, laissant déjà planer le doute sur qui sera l’ accusé au final, l’engrenage est en route, et on se rends bien compte que beaucoup de faits pouvant paraître anodins à certains sont pourtant répréhensibles et mériteraient aux protagonistes d’être poursuivis en justice.
Le mouvement « Me too » #balancetonporc est en route, et l’auteur aborde avec justesse ce thème où une accusation de viol va plonger une famille bien sous tout rapport dans l’enfer médiatique et judiciaire.
Un récit d’autant plus nécessaire à notre époque où certains abus peuvent détruire des vies, mais qui prouve également que personne n’est à l’abri de se retrouver piégé dans un redoutable engrenage.
La presse, les médias font leurs choux gras de ce genre d’affaire. À se demander parfois si c’est « tendance » d’étaler sur la place publique ces comportements perverses, et si vraiment ça aide les victimes dont l’intimité est une fois de plus mise à mal.
Les choses humaines un thriller psychologique contemporain redoutablement efficace qui ne peut laisser indifférent.
Karine Tuilest un écrivain français.
Elle vit et travaille à Paris. Elle est diplômée d’une maîtrise de droit des affaires et d’un DEA de droit de la communication (Université Panthéon Assas).
Elle est l’auteur de onze romans traduits en plusieurs langues. « Les choses humaines », son dernier roman a obtenu le prix Interallié 2019 et le Goncourt des lycéens 2019.
Tant qu’il reste des îlesde Martin Dumontaux éditions Les Avrils
“ – Attend Léni, t’es d’accord avec lui ? Tu défends le pont maintenant ?
J’ai soupiré en expliquant que non, moi aussi j’étais contre, mais ça ne servait à rien d’en discuter des heures. Ça faisait des mois qu’on ne parlait que de ça. Au bar, au supermarché, même dans la rue chaque fois qu’on se croisait. Depuis que les barreaux et la plateforme de forage avaient envahi la baie. Le pont, le pont, le pont. Tout le monde n’avait que ce mot à la bouche. ”
Rien d’étonnant à ce qu’on ne parle que de ça sur l’île. Le pont déjà baptisé le monstre ne peut pas passer inaperçu. Il commence déjà par défigurer le paysage en s’incrustant jour après jour, on ne risque pas de l’oublier.
Et évidemment, pas encore terminé qu’il divise déjà les îliens.
“ Oui, tout le monde pouvait trouver un intérêt au pont, une bonne raison de le voir apparaître. La question, c’était plutôt de savoir ce qu’on voulait vraiment. Les sacrifices qu’on était prêt à faire pour préserver son territoire.
– Quand même, a murmuré Gauthier, tu te rends compte de ce qu’on est en train de vivre ? […]
– Quoi ? La construction d’un pont ?
Il a souri tristement en détournant les yeux.
– Non, les derniers jours d’une île… ”
Léni vit sur l’île. Il y est resté même séparé de sa femme et par le fait de sa fille qu’il ne voit qu’un week-end sur deux.
Il répare les bateaux sur le chantier de Marcel, et s’évade en naviguant sur un Fireball. Comme beaucoup il s’interroge. Il l’aime son île même s’il se rend bien compte que l’économie insulaire s’essouffle.
Mais il est également conscient que certains changements sont nécessaires pour lui mais aussi pour la survie des îliens.
C’est vrai qu’elle a du charme cette île, pas étonnant qu’ils y tiennent tous et restent prêt à tout pour défendre leur territoire.
“ C’est pas rien, une île. C’est un truc magique, un endroit d’où tu peux pas te barrer comme ça, juste sur un coup de tête. Une île, ça se mérite. ”
Ce que j’en dis :
Qu’il fut bon de débarquer sur cette île, même en pleine tourmente, car très vite on se met à la place de ces îliens attachés à leur île. Comme une mère envers ses petits, l’instinct protecteur est ancré en eux, on touche pas à l’île, on la protège des invasions qui pourrait la détruire.
Difficile, d’accepter de partager un endroit si beau, si paisible même s’ils sont conscients qu’un nouveau souffle serait le bienvenu pour aider l’économie. Mais le changement fait peur, d’autres avant eux ont perdu leurs îles quand les colons ont débarqué, il y a de quoi s’inquiéter…
Martin Dumont nous offre un voyage magnifique chargé d’émotion et empli d’humanité.
À travers sa plume toute en délicatesse, on navigue entre les pages avec Léni, un homme assez introverti qui aimerait pourtant s’ouvrir davantage aux autres. Peut-être que le pont est la solution, un passage entre ici et ailleurs. Bien sûr, il n’est pas à l’abri de faire quelques vagues, tout comme ce pont.
C’est l’histoire d’une île qui possède une charme fou, habitée par des gens incroyables, très attachés à elle et qui l’aiment de bien des façons.
Une île, un pont, peut-être le début de belles histoires d’amour et d’amitié entre îliens et continentaux, tout est possible Tant qu’il reste des îles.
Pour info :
Martin Dumont travaille comme architecte naval.
Il a passé son adolescence à Rennes où il s’est épris de l’océan et de la voile.
Il a longtemps vécu en Bretagne, le décor de son premier roman, « Le chien de Schrödinger », paru en 2018 chez Delcourt.
Tant qu’il reste des îles est son deuxième qui fait son entrée dans la collection Les avrils des éditions Delcourt.
Les Avrils :
Des romans, des récits, des auteur·ice·s de langue française. Des enthousiasmes littéraires. Des histoires d’aujourd’hui. Une ligne sélective mais toujours généreuse. Une collection de littérature contemporaine portée avec conviction au côté de tou·te·s ceux·elles qui font la vie du livre. Voici Les Avrils.
Sandrine Thévenet est éditrice depuis vingt ans et a révélé des auteur·ice·s de premier plan. Elle a formé Lola Nicolle qui à son tour est devenue éditrice accomplie et autrice. En 2020, elles créent Les Avrils au sein du groupe Delcourt grâce à Guy Delcourt et Anne-France Hubau.
Créatures de Crissy Van Meter aux Éditions Lacroisée
“ Winter Island est une butte de pierre volcanique à moitié sculptée par les glaciers, couverte de forêts verdoyantes et de large plages de sables. Des falaises abruptes s’effritent du haut d’éternités d’érosion. Il y avait autrefois des mammouths laineux. Des colons ont été abandonnés là, et si nous le savons, c’est parce que nous avons dépensé beaucoup d’argent et d’années à creuser la terre pour les mettre à jour. Les gens du continent racontent que notre île a été colonisée par des trolls, des Espagnols puis par toutes les âmes perdues et solitaires de ce monde. Notre marijuana est censée receler des pou magiques. Les rayons de notre soleil davantage encore. Le tout à un peu plus de soi à kilomètres d’une traversée spectaculaire depuis Los Angeles à bord d’un ferry transportant son lot de voitures et de renoncements. Il y a tout un tas de raisons de rester. ”
Evie demeure sur Winter Island depuis sa naissance. Elle est sur le point de se marier, mais son fiancé est porté disparu en mer. Ce n’est malheureusement pas la seule ombre au tableau. Une baleine s’est échouée dans le petit port de l’île, et voilà sa mère qu’elle n’a pas vu depuis longtemps qui débarque sans crier gare.
Mais Evie en a vu d’autres, elle qui a grandi auprès de son père très aimant mais aussi très négligent, sans sa mère partie rejoindre le continent et sa nouvelle vie.
“ Tu es juste une fille qui veut aimer son père. Mais ta vie est faite de ses leçons grandeurs nature : de mers calmes et après, de monstres marins mystérieux, si nombreux, de choses vivantes dans le Pacifique. Certains jours, les métaphores sont trop confus, trop détrempées, tu voudrais juste qu’il t’aime en retour. Qu’il te fasse un câlin. Il ne sera jamais le père que tu voudrais, il ne trouvera jamais la mère dont tu as besoin, et cependant il est à toi et tu es à lui, et il te faudra naviguer dans ces eaux-là avec lui. ”
C’est de débrouilles à la manière des hobos, jouant parfois les pirates ou les explorateurs qu’ils vécurent sur leur île, vivant principalement du commerce de la Winter Wonderland la légendaire marijuana locale.
Essuyant parfois quelques tempêtes, subissant les brûlures du soleil mais jamais au point de vouloir quitter l’île à laquelle ils sont fortement attachés à contrario de la mère.
Malgré tout, cette vie si particulière n’a pas été sans dommages sur le psychisme d’Evie qui doit faire face à de nombreuses incertitudes inhérentes à sa vie insulaire.
Ce que j’en dis :
Voilà un récit qui m’a capturé dans son filet pour me libérer sur la plage au milieu de créatures terrestres et marines en tout genre pour une aventure hors du commun.
Vague après vague, les souvenirs d’Evie se révèlent dans un ordre assez particulier. Parfois de manière chaotique comme un jour de tempête, sa vie n’étant pas de tout repos auprès de ce père quelque peu irresponsable et parfois de manière plus apaisante nous laissant le temps d’admirer le paysage et d’en prendre plein la vue. Car derrière ses mots et parfois ses maux on sent l’attachement qu’elle a pour les deux, son père et son île, qu’elle ne peut se résoudre à quitter, l’un comme l’autre.
“ Je ne pouvais m’empêcher de songer à tous les moments où nous nous étions perdus ensemble, combien il sera plus facile au fond d’être sans lui si je voulais vraiment trouver mon chemin. ”
En grandissant contre vent et marée, entourée de cette mer Pacifique loin de sa mère légitime, auprès de ce père abîmé par certains abus, il n’est pas toujours facile de faire face à certaines douleurs liées à l’absence et il n’est pas toujours aisé de pardonner, l’être humain est ainsi fait, il doit composer, s’adapter pour survivre et se libérer pour vivre à son tour.
Quelle soit humaine ou maritime, les créatures qui voguent à travers cette histoire m’ont touchées, me laissant au bord du rivage avec une folle envie d’y poser mes valises pour retrouver Evie et visiter son île, et fumer pourquoi pas un peu de Winter Wonderland et accéder au Paradis avec une vue spectaculaire sur cet endroit où la magie opère même dans les situations difficiles pour remettre un peu d’ordre dans le chaos, tel un éclairci après un orage.
Un premier roman qui ne manque ni d’humour, ni d’émotion, où les vies s’entrechoquent, et les éléments se déchaînent, laissant derrière eux toute une vie à poursuivre…
Les éditions Delcourt deviennent La croisée, accueillant d’entrée ces belles CRÉATURES littéraires où la magnifique couverture vous plongera direct vers vingt mille lieux sur une île que vous ne voudrez plus quitter.
Pour info :
Crissy Van Meter vit à Los Angeles. Elle enseigne l’écriture au Writing Institute du Sarah Lawrence College. Elle est la fondatrice de la plateforme Five Quaterly et responsable éditoriale de Nouvella Brooks.
Créatures est son premier roman.
Je remercie les Éditions La Croisée pour ce voyage maritime étourdissant.
Vivonnede Jérôme Leroy aux Éditions de La Table ronde
[…] Aux dernière nouvelles, le Calvados n’était pas encore touché par les inondations, les pluies diluviennes et les typhons cataclysmiques ravageant méthodiquement, en ce mois de novembre, les Hauts-de-France, la Picardie et maintenant Paris.
On parlait de plus de cent morts et s’il en jugeait par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux, la tempête tropicale qui s’était déclenchée depuis deux heures allait faire un sacré nombre de victimes dans Paris. ”
Depuis son bureau parisien, rue de l’Odéon, l’éditeur Alexandre Garnier assiste à un spectacle hallucinant. Un typhon s’est abattu sur la région, détruisant tout sur son passage, en laissant dans son sillage de nombreux morts et des milliers de blessés.
Une rivière de boue a envahi les rues de Paris et les rats surgissent des égouts. La fin du monde semble proche pour Alexandre qui voit resurgir avec nostalgie les souvenirs de son passé où la vie était bien plus clémente.
Inquiet de voir son monde disparaître, il repense justement à Adrien Vivonne, un écrivain, poète dont il a publié les livres et qui s’est évaporé mystérieusement en 2008.
“ Où était Adrien Vivonne, dans cette guerre absurde de tous contre tous ? Était-il encore en vie ? Y avait-il encore un jardin clos pour lui, dans une petite maison couverte de vigne vierge, dans un quartier calme d’une sous-préfecture aux toits de lauze ou aux murs de tuffeau ? Une chaise longue avec une pile de vieux livres de poche dans l’herbe ou une table de ferme sur laquelle il écrivait dans une cuisine aux tommettes fraîches, aux cuivres rutilants dans la pénombre traversée par des rais de soleil qui font voler une poussière lumineuse à travers les persiennes ? ”
Il pouvait être caché n’importe où, sur le plateau des Millevaches ou pourquoi pas dans les Cyclades.
Qui pourrait lui en vouloir ? Le monde s’écroule, les ouragans s’enchaînent, suivis de sécheresse, de canicule et politiquement ce n’est pas mieux, les Dingues sont au pouvoir, et la multiplication des cybersabotages risquent bien de provoquer une Grande Panne.
Il est urgent de retrouver Vivonne, car sous ses airs de poète fantasque, il semble avoir trouvé un passage secret vers un monde apaisé.
Mais n’est-ce pas “ un peu tard dans la saison ” pour retrouver Vivonne ? Devra-t’il Nager vers la Norvège, jusqu’au Cimetière des plaisirs pour vivre enfin Les jours d’après ?
« On ne savait pas depuis quand mais, c’était sûr, ils étaient là. Ils débarquaient dans les îles, et ils ne choisissaient pas n’importe lesquelles. Seulement celles qui possédaient dans leurs temples ou leurs bibliothèques des reliques et des livres du Poète. Ils massacraient les Amis qui tentaient de résister. Ils détruisaient les maisons et les bateaux. Ils rétablissaient le culte de l’Ancien Dieu.
Et surtout, les Autres brûlaient les livres du Poète. Les livres d’Adrien. ”
Ce que j’en dis :
Sentant venir la fin du monde, notre éditeur perclus de culpabilité, semble vouloir passer à confesse. Rongé par la jalousie face au talent de son ami poète, il s’est éloigné de lui et maintenant qu’il est en galère il le regrette.
Sachant que Jérôme Leroy possède plusieurs cordes à son arc, notamment celle de poète, je me demande si avec cette fiction qui n’est parfois pas si loin de la réalité, il n’a pas quelques comptes à régler avec l’humanité ?
“ Seuls les idiots croient que la réalité apprend plus de choses que les romans. Les romans sont les Guides du Routard de l’existence. En mieux écrits et avec des personnages qui nous ressemblent, même s’ils ne nous plaisent pas, surtout s’ils ne nous plaisent pas. ”
Mine de rien, tout en nous divertissant, on sent bien qu’il est inquiet sur le devenir de notre planète que ce soit du côté climatique que politique, mais aussi sur le monde de l’édition où la poésie a du mal à se faire une place au Paradis, du à certains éditeurs frileux et aux manques de lecteurs. Pourtant ne dit-on pas : les mots guérissent les maux. Alors si l’on en croit cette histoire, la poésie de Vivonne possède des chemins de traverse qui mènent vers un lieu préservé que seul les lecteurs trouveront. Elle me plaît énormément cette idée.
Ce roman atypique réunit à lui seul tous les styles de l’auteur, tantôt poète, tantôt romancier, pour les lecteurs de 7 à 77 ans voir plus, il joue avec les mots avec élégance et on ne s’en lasse pas. Si Vivonne détient un secret, il est clair que Jérôme Leroy nous passe de nombreux messages à travers ces réflexions pertinentes sur notre monde, et les conséquences que peuvent entraîner un tel chaos climatique et social.
En ces temps difficile, il est bien agréable de s’échapper dans un bon roman, et puis qui sait, Vivonne risque de vous surprendre et de vous révéler ses lieux secrets pour vous évaporer avec lui…
Il serait vraiment dommage de passer à côté.
Pour info :
Né à Rouen le 29 août 1964, Jérôme Leroy est un écrivain français auteur de romans, de romans noirs, de romans pour la jeunesse et de poésie. Il a été professeur de français dans différents collèges du Nord, pendant près de vingt ans. Après un premier roman, il découvre le néo-polar par l’intermédiaire de Frédéric Fajardie. Jérôme Leroy est l’auteur du livre Le Bloc (Gallimard, 2011) qui met en scène un parti d’extrême droite, nommé le « Bloc Patriotique ». En 2017, il est le co-scénariste du film de Lucas Belvaux, Chez nous, adapté de son ouvrage. Il publie également de la poésie et reçoit le prix de l’Académie française Maïse Ploquin-Caunan 2011 pour Un dernier verre en Atlantide (La Table Ronde, 2010). L’Ange Gardien(Série Noire, 2014) reçoit le Prix des Lecteurs Quais du polar/20 minutes en 2015. Jérôme Leroy est contributeur aux pages livres de Causeur et chroniqueur politique de l’hebdomadaire communiste Liberté Hebdo depuis 2008. En 2017, il reçoit le prix Rive Gauche à Paris pour Un peu tard dans la saison (La Table Ronde). Son avant dernier roman, La petite Gauloise, est paru à la Manufacture de livres en 2018.
Aux éditions Syros, on lui doit une Souris Noire – La princesse et le Viking – deux romans en Rat Noir : La grande môme (2017) et Norlande (2013) primé à de nombreuses reprises, un hors collection, Macha ou l’évasion (2016) et un Mini Soon + Les filles de la pluie (2018).
Je remercie les Éditions de La Table Ronde,pour ce voyage littéraire plein de surprises.
Nos corps étrangers de Carine Joaquimaux éditions de LaManufacture de livres
[…] l’impression de se trouver loin de Paris. C’était ce qu’Elisabeth aimait par-dessus tout : une fois poussée la porte vitrée, elle basculait dans un monde préservé, le monde de l’intime, protégé de l’environnement extérieur.
Élisabeth et Stéphane l’aimaient pourtant cet appartement Parisien où leur fille Maëva avait fait ses premiers pas, mais pour oublier ce corps étranger qui s’était immiscé dans leur couple, il était nécessaire de le quitter pour tenter de recoller les morceaux en prenant un nouveau départ dans cette grande maison à la campagne que Stéphane avait trouvé.
Prendre de la distance et pourquoi pas réaliser enfin certains rêves et tenter de réconcilier leurs corps devenus étrangers l’un à l’autre.
“ Elle avait doucement essuyé une larme, sans vraiment savoir ce qui, entre la douceur du souvenir et le déchirement du départ, l’avait fait couler. ”
Mais il n’est jamais simple de tourner la page, d’oublier la trahison, les mensonges, et l’adaptation à ce nouvel endroit est loin d’être aisée. De nouveaux corps étrangers s’invitent dans leur nouvelle vie, et risquent de perturber à nouveau le bonheur de leur famille.
“ Malgré les apparences, Élisabeth n’était pas là. Du haut de son donjon, elle voyait grand, elle voyait loin, devant elle s’étalait tout le champ des possibles, se dessinaient tous les rêves qui n’avaient pas encore pris forme et, elle le savait, cet horizon onirique lui serait accessible, si seulement elle faisait les quelques pas nécessaires pour s’éloigner de sa tour. ”
Et pourtant, c’est peut-être auprès de ces corps étrangers qu’il leur sera possible de retrouver enfin une raison de vivre…
Ce que j’en dis :
En apportant ce projet à Pierre Fourniaud, François Guérif, l’ancien directeur des éditions Rivages a eu du flair et on ne peut que le remercier au passage. Et personnellement ça me plaît ces transmissions entre passionnés qui permettent à de jeunes écrivains méritants de voir enfin leurs manuscrits sortir de l’ombre, et il aurait été bien dommage de ne pas découvrir celui-ci.
Dès les premières pages on tombe sous le charme de la magnifique plume de Carine Joaquim qui nous plonge dans l’intimité d’un couple désuni.
À travers les trois personnages qui composent cette famille, nous suivrons la tentative de reconstruction du couple, cherchant parfois un échappatoire auprès de corps étrangers. Que ce soit pour le couple ou pour Maëva en pleine crise d’adolescence qui découvre à son tour les prémisses de l’amour, rien ne sera simple.
L’auteur nous confronte à cette vie de couple, avec ses trahisons, ses non-dits, ses rêves, sa force mais aussi ses faiblesses, ses souffrances intimes, ses incompréhensions, ses regrets, tout ce qui rapproche ou au contraire détruit sans espoir de retour en arrière.
Un premier roman à limite du thriller psychologique qui cache bien son jeu, car c’est bien plus qu’une histoire de désamour, c’est une histoire qui rends bien justice à tous ces corps étrangers qui jalonnent ces pages.
Bouleversant, surprenant, porté par une plume pleine de sensibilité, Nos corps étrangers s’avère une très belle découverte, et j’espère qu’à mon tour je vous aurai donné envie de le découvrir.
Pour info :
Née en 1976 à Paris où elle grandit, Carine Joaquim vit aujourd’hui en région parisienne et y enseigne l’histoire-géographie. Si elle écrit depuis toujours, c’est depuis six ans qu’elle s’y consacre avec ardeur.Nos corps étrangers est son premier roman publié.
Je remercie la Manufacture de livres et l’agence Trames pour cette lecture intime qui ne manque pas caractère,