» Ecume « 

Ecume de Patrick K . Dewdney chez La Manufacture De Livres collection Territori

 » Le bateau file maintenant face au vent. La bruine a cessé. Au-delà du sillon scintillant que la gueuse trace sur son passage, l’aube dévore ce qu’il reste des côtes, un lambeau sombre, inondé de lumière. Lorsque la mer se cabre, il arrive au fils d’y plonger les yeux par mégarde. Sa rétine abrite déjà des essaims de taches noires, et pourtant, il juge l’obscure grouillante préférable à la contemplation de la timonerie. De ce qui frémit en dessous, en attendant son heure. « 



La Manche acceuille chaque jour le Pére et le Fils, marins pêcheurs. Une tension extrême possède ces deux êtres du même sang. Le Père, l’ancien, accroché au vieux monde. Le Fils, plus jeune et déjà désabusé du futur qu’il perçoit. Deux regards durs et cruels sur la mer qui les entoure.

 » Quel pouvoir terrible que le pouvoir du couteau, pense soudain le fils. C’est une chose dont il n’a jamais voulu. Une chose abominable d’absurdité qui prend racine dans la folie du père, mais aussi dans le gâchis terrifiant de l’espèce, à laquelle il a songé tantôt. À laquelle il songe à chaque instant, en vérité, alors que, par contrainte et lacheté, ses mains s’emploient -en compagnie de tant d’autres- à la mise à mort d’un monde. La démence et le dépouillement avide des mers. Cela s’amalgame en lui. Les rugissements du père et les marées noires. Les filets flottants. Le plastique. »


La Mer, berceau de la vie, trop dépouillée, trop polluée, trop maltraitée par ceux-là même qui devraient la protéger donne des signes de fatigue et se rebelle à sa façon. Pénurie des espèces, tempête déchainée.

 » Il n’y a pas de paix ici, seulement l’illusion de la paix. Et encore. Il faudrait ne pas avoir saisi la force de ce qui dort pour ne pas le craindre à chaque instant.  » 


Pour survivre, les pêcheurs deviennent passeurs. Un nouveau fléau dont la mer est témoin. Le fils suit le père, il n’a pas son mot à dire. Il doit respecter l’ancien même s’il ne l’approuve pas. Une certaine compassion le gagne pour ces migrants.

 » Leurs horizons sont différents mais la trajectoire de l’âme est identique. Il s’agit de laisser derrière soi la misère familière et le parfum de la poudre. Il s’agit de ne pas avoir fait autant pour rien, de ne pas finir dans la boue, en gibier à gendarme, sous les bâches de Calais. « 

Ecume, un roman noir engagé admirable, grâce à un auteur qui n’hésite pas à s’insurger par sa plume contre ces différents fléaux qui polluent le bien-être du monde.

Patrick K . Dweney nous offre un huis-clos à bord de la Gueuse d’une force aussi déchainée qu’un jour de tempête. Un écriture au scalpel, précise, tranchante, cruelle, écorchée, à fleur de peau. Un récit court mais aussi dense que l’immensité de la Manche, aussi intense qu’un ouragan. Page après page, la tension se renforce, on sent le drame approché, tel des nuages noirs prêts à exploser, en attente dans le ciel .

Un divin nectar de noirceur.

Une prose pleine de poésie que je n’ai pu m’empêcher de vous faire découvrir dans ces extraits.

 » Autour, le vent a forci, a libéré le ciel scintillant des nuages qui l’obstruaient tantôt. Le souffle s’évertue à polir désormais, à faire reluire la lune dans son bassin étoilé.  » 


Un récit magnifique, qui révèle le chaos humains, lève le voile sur la noirceur du monde. Les relations père/fils, les vies chaotiques, des hommes torturés autant vivants que survivants, la pollution, les migrants, la misère affective, la difficultés de vivre quand tous les éléments se déchainent, autant de thémes abordés par l’auteur qui donne une profondeur supplémentaire à son roman. Un récit sombre, vertigineux, captivant, envoûtant, d’une lucidité féroce sur cette mer moribonde.

 » L’ecume appelle le père, et rien ne pourra l’en détourner. L’ecume appelle le père, et c’est ainsi. Le sommeil attendra. « 

Une plume que j’avais découverte avec « Crocs » sont précédent roman édité également à la Manufacture de Livres. Un roman noir remarquable, un style sauvage, enragé, cruel, accrocheur,  » On ne creuse pas le passé sans y trouver des échardes et de la souffrance » ( Extrait de Crocs)


Une plume que j’ai eu plaisir à retrouver, un auteur brillant, que je ne peux que vous encourager à découvrir tellement c’est beau, tellement c’est fort, tellement j’ai adoré.

La mer comme vous ne l’avez jamais lu.

j’espère sincèrement que vous lui accorderez toute l’attention qu’il mérite.

Lisez Ecume, lisez Crocs, vous verrez c’est magnifique.

Patrick K. Dewdney
Patrick K. Dewdney est né en Angleterre en 1984, et réside en France depuis 21 ans. Après un cursus scolaire dans la filière des lettres, il publie son premier roman, Neva, en 2007. Après la sortie de cet ouvrage, il renonce à poursuivre son master pour se consacrer exclusivement à l’écriture. Perséphone Lunaire, son premier recueil de poésie, est publié en 2010. Il a publié Crocs à La Manufacture des Livres Collection Territori en 2015. Ecume est son  second roman noir qui rejoint la collection Territori. Une bien belle collection, de magifiques bijoux dans de merveilleux écrins. Patrick K. Dewdney habite actuellement dans la campagne limousine, où il expérimente l’auto-suffisance et la réflexion sociale en parallèle avec son écriture. Il travaille à une saga de fantasy au Diable Vauvert.


Je remercie Pierre pour ce voyage en mer absolument fabuleux, et je félicite l’auteur pour ce  nouveau roman noir, bouleversant.

 

 

 

 

 » Rédemption « 

Rédemption de Vanessa Ronan aux Éditions Rivages


 » – On aurait du te faire griller quand on en avait l’occasion. 

Jasper esquisse un sourire en coin. Il hoche la tête:

– Vous aussi vous allez me manquer, m’sieur le directeur. « 


 

Dix ans derrière les barreaux, dix ans que Jasper attends ce jour : sa libération.

À sa sortie de prison , au risque de se mettre à dos le révérend et toute la ville Elisabeth, sa sœur, lui ouvre la porte de « leur » maison. Jasper en possède la moitié aux yeux de la « Loi ». Elle y vit, seule, avec ses deux filles. Le retour de Jasper ne passe pas inaperçu et ses diverses provocations n’aident pas. Même s’il reste fidèle à lui-même, il est décidé à rester clean.


 » – C’est ça que je veux faire de ma vie, finit-il par dire. Elle veut lui répondre quelque-chose, mais elle ne trouve pas les mots. L’indécision se lit sur son visage.

– Quoi ?

– Je veux redevenir un être humain. Je veux me sentir normal. Ou presque.

– Ça n’existe pas les gens normaux par ici, Jasper.

Il ébauche un sourire qui n’attendrit pas son regard.

– Ça serait marrant si j’étais le premier.  » 

Malgré toutes ses bonnes intentions, les habitants de ce coin reculé du Texas ne vont pas lui faciliter la tâche, bien au contraire. Ils ont la rancune tenace et sont bien décidés à le renvoyer d’où il vient. Il est difficile d’oublier et impossible de pardonner. La haine engendre la haine.


 » – Je ne voulais pas vous attirer des ennuis à toi ou à Bobby ? dit Jasper d’une voix fébrile..

– C’est bien ça le problème Jasper, Répond-elle calmement. Tu ne cherches pas les ennuis, mais eux te trouvent toujours.  » 

Jasper est libre en apparence, mais  son âme est toujours prisonnière  du mal qui l’habite. Seule joanne, sa jeune nièce, l’innocence incarnée ne le juge pas et se rapproche de lui. Quand le mal rencontre l’innocence peut-il espérer être sauvé ? Le bien sera-t’il plus fort que le mal ?


Au fil des souvenirs de chacun, l’histoire se révéle et lève le voile sur les secrets enfouis. Une cruelle tempête s’abat une fois de plus sur cette famille. La quête de rédemption de Jasper devient un combat permanent. Sa  famille déjà brisée est à nouveau malmenée par les habitants hostiles.


Jasper est-il vraiment « le monstre » dont la presse le qualifie ? Va-t-on lui pardonner et le laisser vivre en paix ?

Vanessa Ronan nous offre un magnifique roman noir à l’écriture lyrique.

Une histoire familiale au cœur de l’Amérique profonde dans un coin du Texas. Elle y installe dés le départ une tension qui monte en puissance dans une atmosphère hypnotique. La haine est bien présente, elle accompagne les traitres et les lâches. Un zeste d’innocence et de douceur incarné par un petit ange. On y trouve également  les préjugés, les commérages, typique des petites villes américaines où le prêtre lui-même en bon donneur de leçon  prends son rôle de moraliste très à cœur. Et Jasper le personnage central, cynique, provocateur, rebelle, dur mais sur le point de s’attendrir après la douceur et l’attention que Joanne lui concéde. Avec tout le long du récit un suspens qui nous sera revelé suffisamment tard pour nous garder cette interrogation en tête: mais qu’a-t-il donc fait pour que tous soient aussi remontés contre lui ?


La rédemption, un sujet mainte fois traité dans les romans noirs mais pas de cette façon, pas avec cette plume, pas avec ce style. Un premier roman qui tient toutes ses promesses, et qui mérite qu’on s’y attarde. Un premier roman puissant, sombre, fascinant, qui nous laisse interrogatif sur la question du pardon.

Un roman qui m’a conquise, moi l’amoureuse de la littérature américaine. Je termine ce roman enchantée, bouleversée et admirative devant tant de qualités réunies pour un premier roman.

Vanessa Ronan à suivre absolument.

Vanessa Ronan

Américaine installée en Irlande par amour, Vanessa Ronan a exercé divers métiers – barmaid, danseuse, secrétaire – avant de se consacrer à l’écriture.

Rédemption (Rivages, 2017), son premier roman, s’est classé plusieurs semaines en tête des best-sellers en Irlande et dans toute la Grande-Bretagne, enthousiasmant également la critique.

Je remercie Nathalie et les Éditions rivages pour cette lecture lumineuse et captivante.

 

 » Zoé « 

Zoé d’ Alain Cadéo aux Éditions Mercvre de France


 » Nos vies sont toutes de sable, nos vies sont des fables et c’est seulement dans la manière de les conter que se dévoilent leurs lumineuses trames. » 

Chaque jour, nous croisons une multitude de personnes et certaines rencontres nous marquent plus que d’autres. Quelle soient visuelles ou virtuelles, ces rencontres peuvent bouleverser nos vies.


Zoé, une jeune et belle boulangère, n’est pas à l’abri d’une belle rencontre derrière son comptoir. Toujours le sourire aux lèvres, toujours pimpante, elle sert les clients jour aprés jour.
Durant quelques instants, elle partage un petit moment, et pour certains ces moments sont précieux et ils ne tardent pas à se confier, un peu plus chaque jour, furtivement.

 » J’avais arraché un bout de vie, quelques mots-clefs, un truc sorti du lourd secret des cœurs. »

Un doux réconfort s’installe dans la vie de ce vieil homme grâce à ses échanges avec Zoé. Les mots sont devenus des petits mots, qu’ils s’échangent discrètement.

  » Ma vie est-elle devenue vide au point que je puisse ainsi ruminer des heures autour d’une minute rêvée tous les deux jours ! « 

Chacun se livre et se délivre, même à travers les regards les messages passent. Et chacun s’encourage à libérer son cœur.
Alain Cadéo nous offre une fois de plus, un magnifique roman. Avec poésie et délicatesse il explore le sujet tabou de la solitude qui envahit la vie de nombreuses personnes, comme celle de ce loup solitaire et cette jeune brebis. Grâce à ce dialogue épistolaire, qu’ils vont entretenir clandestinement, les mots vont soulager leurs maux.

 » J’ai vu votre tristesse. Je n’en connais pas la cause et ne demande rien. Tout ce que je peux vous dire c’est de ne pas renoncer à ce que vous êtes profondément. Il y a en vous une sorte de lumière qui fait du bien au monde.Quoi qu’il arrive, n’oubliez pas : rien ni personne n’a le pouvoir de saccager l’innocence. Quoi qu’il arrive nous devons nous battre pour préserver notre aptitude à la joie. « 


Un roman qui fait du bien, un roman qui chasse la tristesse de notre vie, qui met des sourires sur nos lèvres, de la joie dans notre cœur, et nous conduit vers une fin inattendue, surprenante tout comme dans son dernier roman  » Chaque seconde est un murmure » ( Chronique ici ).

Un beau roman poétique, une histoire touchante, qui délivre une multitude de messages positifs, et nous encourage à toujours laisser une place au rêve.

« Je suis le clown de Dieu et tant mieux si je fais sourire les anges.  » 

Zoé, un roman plein de charme, de douceur, de tendresse.

Alain Cadéo, un formidable conteur, un poète, un véritable médecin de l’âme qui guérit nos maux avec ses mots. Une écriture qui mérite toute notre attention, un vèritable antidote contre la morosité. Une véritable madeleine de Proust, un joli coup de cœur.

Un écrivain qu’il me tarde de retrouver.

Alain Cadéo est né à Marmande dans le sud ouest de la france. Il a vécu toute son enfance entre Bordeaux et l’Italie. ( Il possède d’ailleurs la double nationalité.) Il a été professeur de Français et de littérature. Et Parallèlement antiquaire spécialiste d’objets de curiosités. Il est passionné d’art Premier – et d’objets haute époque. il est l’auteur de 14 romans et pièce de théâtre.
Il vit en Provence dans un petit hameau. Il consacre sa vie à l’écriture. Bénévolement, il est intervenant dans un hôpital aux soins palliatifs depuis de nombreuses années. Un homme au grand cœur, des romans qui reflètent toute sa générosité.
Je remercie Martine pour cette délicate attention, qui m’a comblée et m’a permis une seconde lecture de Zoé, aussi belle que la première. 

 » Mrs Hemingway « 

Mrs Hemingway de Naomi Wood aux Éditions de La Table Ronde


 » Hadley, Ernest, et Fife traînent dans la maison et bien que malheureux aucun ne se résout à sonner la retraite le premier; ni l’épouse, ni le mari, ni la maîtresse. Depuis des semaines, ils vivent ainsi, tels des danseurs en mouvement perpétuel essayant de s’épuiser l’un et l’autre jusqu’à la chute. « 



Hadley, toute première Mrs Hemingray est sur le point de se faire voler son homme par cette intrigante, Fife. Quel idée lui a pris d’inviter cette voleuse de mari à partager leurs vacances ?


 » Allongée près de lui, elle se demande comment elle a pu le perdre bien que le mot ne soit peut-être pas le bon, elle ne l’a pas perdu, du moins pas encore.  » 

Elle a repéré les prémices de la fin. Les regards ne trompent pas . Et le pire reste à venir…

Son Homme c’est Ernest Hemingway, l’écrivain . Et comme le dit le proverbe : Derrière chaque grand homme se cache une femme…


« Lorsque Hadley se retourne elle voit son mari émerveillé comme s’il était le seul à avoir repéré cette oie que personne n’a encore pensé à abattre d’un coup de fusil. » 

Voire même plusieurs… Selon les hommes.

Ernest Hemingway est un charmeur, un homme à femmes, un égoiste incapable de vivre seul. Et c’est à travers ses histoires d’amour que nous allons faire connaissance avec les femmes qui ont patagé sa vie et découvrir son portrait d’écrivain.


 » C’est typique d’Ernest: il veut sa femme, il veut sa maîtresse, il veut tout ce qui est à sa portée. Il est avide de femmes, mais surtout il ne connaît pas ses vrais besoins, alors dans le doute il essayera d’attraper tout ce qui passe. Épouse après épouse après épouse. Ce n’est pas une femme qu’il lui faut; c’est une mère ! « 


Quatre femmes, quatre épouses, quatre histoires d’amour qui finissent mal en général…Et même si la fin d’un amour donne la vie à un autre, ce ne sera pas sans dégats.
À travers une écriture poétique, pleine de charme, Naomie Wood nous offre un voyage exotique, qui nous emménera vers Chicago,en passant par  Key West, Antibes, Paris, San Francisco, Londres et Cuba. Elle nous fera partager la passion commune de ces femmes pour cet écrivain à travers l’histoire d’amour de chacune d’elles. Nous suivrons le parcours d’écrivain d’Ernest Hemingway et du couple Fitzgerald, amis d’Ernest et de ses épouses. Nous nous laisserons porter de Paris de l’ère du Jazz au Cuba de l’après-guerre en passant par la Floride des années 1930.

Un voyage merveilleux rempli de passions amoureuses dévorantes, de ruptures déchirantes, » Ernest Hemingway est si doué dans le rôle d’amoureux qu’il est nul dans celui du mari. », de fêtes fantastiques. Un voyage enivrant où l’alcool coule à flôt :  » La bouteille, voilà sa vraie maîtresse. » . Des portraits de femmes, amoureuses, blessées, rivales et si proches à la fois. « … pourvu que l’écriture soit l’antidote qui le guérira d’elle. » 

Un roman magnifique, une écriture maitrisée, bouleversante, percutante. Une plongée fascinante dans la vie d’un colosse qui donne la voix à toutes les femmes qui ont sacrifié un peu d’elles-mêmes pour créer une légende, un mythe.

« Quel charme ! Quel magnétisme ! Les femmes se jettent des balcons, le suivent à la guerre et détournent le regard le temps d’une liaison parce qu’un mariage à trois vaut mieux que d’être seule. « 


Vous aussi, venez découvrir ces femmes qui se cachent derrière ce séducteur, et laissez vous séduire par Mrs Hemingway, un roman absolument sublime, un gros coup de cœur que je vous invite à lire très vite. Une nouvelle plume à suivre assurément.


Mrs Hemingway , traduit de l’anglais par Karine Degliame-O’Keeffe.

Naomie Wood
Naomie Wood est née en 1983. Diplômée de l’université d’East Anglia, elle vit aujourd’hui à Londres. Ses recherches pour MRS Hemingway, l’ont mené de la British Library, à la Library of Congress, aux différentes résidences et aux repaires d’Ernest Hemingway à Chicago,Paris, Antibes, Key West et Cuba.

Je remercie Les Éditions de La Table Ronde pour cette divine lecture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 » Aimer et prendre l’air « 

Aimer et prendre l’air de Sophie Simon aux éditions JC Lattès 



« Qui se soucie de la vérité quand le mensonge est confortable ? « 

Qu’il est donc difficile de quitter, de mettre le mot fin à une histoire même si on sent la dernière page si proche.
Amy, actrice new-yorkaise au talent reconnu, songe une fois de plus à quitter Jack, son mari. Il sont mariés depuis si longtemps. La célébrité l’ à embelli alors que Jack n’a fait que vieillir.

« Et puis, un couple, n’est-ce pas sa longévité qui est admirable, exceptionnelle ? L’accomplissement d’une vie de vertu et de grandeur, de dons et d’abandons, de confiance, de bienveillance ? L’amour conjugal n’est-il pas finalement le plus triomphant des amours, Et le plus remarquable ? « 


Cet été sera pourtant différent, même si tout paraît identique aux étés précédents. L’arrivée de leur couple d’amis avec lequel ils partagent leurs vacances n’y changera rien, étant lui-même au bord de la rupture.

 » Toute chose prend fin: voilà une évidence qui nous unit. »

Leur relation de couple est devenue foireuse mais ils s’y cramponnent quand même. Ils se disputent souvent, ne font quasiment plus l’amour, mais ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. Ils préfèrent passer leurs vies ensemble, malheureux mais heureux de ne pas être séparés. Car chacun d’eux a peur du changement, peur de vieillir, de finir seul, peur que tout tombe en ruine. Même une amitié, si belle soit-elle peut un jour finir ruinée de tous bons sentiments. Ils s’accrochent à leurs blessures, aux chagrins dont ils ne veulent pas guérir parce que c’est si bon d’avoir mal.


Nous voulons tous que les choses restent inchangées. On se contente d’une vie sans bonheur parce qu’on a peur. Comme un enfant en bord de mer, on a peur de la vague qui approche, peur de la grosse vague qui pourrait tout balayer sur son passage, et nous mener vers une nouvelle vie, avec un nouveau décor, vers de nouvelles personnes.

À travers ce roman, sous ses airs de comédie se cache un drame: La fin d’un monde idéal et la fin de l’amour. Un drame pourtant joyeux et cocasse qui n’est pas sans rappeler les divines comédies de Woody Allen. On s’aime, on se déteste, on rit, on pleure mais toujours avec le sourire aux lèvres, et toujours avec une pointe d’ironie.
Sophie Simon, à travers ce roman très cinématographique, nous offre une sublime tragi-comédie. Un joli regard de femme sur la vie de couple et sa fin de vie. Comme un vieux canapé, aussi confortable soit-il, il est temps d’en changer. À travers ses mots, sensibles plein de sensualité, elle explore, dissèque le couple. Un combat permanent entre les hommes et les femmes pour durer dans la longèvité ou pas.
La vie, la vraie avec ses bons et ses mauvais jours. Il suffit juste de s’ aimer et prendre l’air.

Tout comme Gary tout seul , Aimer et prendre l’air m’a conquise. Un roman qui sonne vrai, aussi touchant que burlesque, que j’adorerais voir dans les salles obscures. De l’encre à la bobine et pourquoi pas ?

Woody Allen
– Allo Woody, j’ai un scénario à te proposer …

 

Sophie Simon
Sophie Simon vit à Paris, après des débuts au cinéma pour Patrick Grandperret et Cédric Klapisch, elle s’est lancèe dans l’écriture et c’est une belle réussite. On la découvrit avec  Américan clichés, un recueil de nouvelles, puis Gary tout seul un sublime roman que j’avais dévoré et adoré.  Aimer et prendre l’air est son troisième livre aux Éditions JC Lattès.

Je remercie Sophie et les Éditions JC Lattès pour cette délicieuse lecture.

 » Soul of London « 

Soul of London de Gaëlle Perrin-Guillet aux Éditions Fleur Sauvage


 » – La rumeur court qu’il n’y a pas que des chiens qui auraient été retrouvés mort dans ces tunnels. Qu’avez-vous à répondre à cela ? 

   – je ne suis malheureusement pas au courant. Vous savez aussi bien que moi qu’hormis les affaires de chiens écrasés ou, en l’occurrence pour cette affaire donnée, morts sans explications, je ne suis plus dans le circuit criminel. Voyons, Morris ! Vous êtes plus intelligent que cela. Qu’aurait donc de bien utile à vous apprendre un handicapé comme moi cloîtré dans son bureau chaque jour ? « 



En 1892 dans les bas-fonds de Londres on découvre d’étranges cadavres d’ animaux puis vient le tour des humains, tous sauvagement assassinés. Henry, flic boiteux, se retrouve sur la premiére affaire, aidé de Billy un jeune orphelin qu’il a recueilli. Son aide lui est précieuse, tout autant que l’attachement qu’ils éprouvent l’un pour l’autre. Une vieille affaire se retrouve sur leur chemin et Henry va très vite mettre tout son cœur de flic pour résoudre ces affaires. Même si son handicap le pénalise, il n’a pas dit son dernier mot. C’est élémentaire comme dirait Sherlock Holmes.

 » Tout ceci est l’œuvre du Diable, vous m’entendez ! Le Diable. « 


À travers ce Thriller, fort bien documenté, nous nous retrouvons en plein cœur d’une histoire terrifiante, en compagnie d’un duo d’enquêteurs atipyques fort attachants. Ce n’est pas seulement une bonne intrigue que l’on découvre page après page, pas seulement des personnages charmants mais une qualité d’écriture qui sublime l’histoire et forme un tout absolument réussi.

 » Le blanc prenait le dessus sur toutes les autres couleurs, absorbant la moindre nuance pour la recouvrir de paillettes argentées qui brillaient sous la lumière pâle de l’hiver. Les façades rouges perdaient de leur clinquant, les enseignes des magasins se figeait et ternissaient sous le givre qui occultait parfois jusqu’aux inscriptions gravées dans le métal. Les gens perdaient aussi leurs couleurs en se revêtant de lourds manteaux noirs pour se fondre dans un monde monochrome. » 

Tout comme dans ma précédente lecture de l’auteure de  » Haut-le-Chœur » j’ai trouvé une grande force dans le récit, une atmosphère angoissante, et des personnages principaux de haut-vol. Une plume que j’apprécie, qu’elle soit reconnue ou pas comme dans cette nouvelle qui concourait anonymement pour le Trophée Anonym’us que je vous propose de découvrir en cliquant sur le lien ici. Une nouvelle qui avait retenu toute mon attention avant même de connaitre officiellement l’auteur.

Une auteure que je ne peux que vous conseiller de découvrir très vite. Et qui vous permettra de soutenir les Éditions Fleur Sauvage.

Gaélle-Perrin-Guillet, lyonnaise, Secrétaire de mairie, la petite quarantaine, écrivaine,  belle de corps et d’esprit, aimant partager des petites mousses avec les copains et les copines, auto-publie d’abord deux romans  » Le sourire du diable  » et  » Au fil des morts  » avant de participer à deux recueils des  » Auteurs du noir face à la différence  » ( Aux Éditions Jigal et L’atelier Mosesu ). Viendra ensuite le très remarqué  » Haut-Le-Coeur » publié aux Éditions Rouge Sang qui obtint le Prix du Polar 2014 Dora Suarez. Écrit également pour la jeunesse  » la nuit du chat noir », et a participé dernièrement au receuil de Nouvelles USA DREAM, De Lens à New-York.


 » Soul of London  » est sa première publication chez Fleur Sauvage et a obtenu le Prix Des Lecteurs 2017.

 

 

Une auteure à suivre absolument.

Gaëlle Perrin-Guillet

 

 

 » La chambre d’ami « 

La chambre d’ami de James Lasdun des Éditions Sonatine

 » … En étant ainsi sans cesse en mouvement, il avait le sentiment de faire quelque-chose en vue de la solution du problème sans avoir à confronter le choix irréversible entre révéler à Charlie ou continuer à lui cacher. Il sentait, plus ou moins confusément, que l’activité à laquelle il se livrait était vaine, voire un peu malsaine. Qu’est-ce qu’il aurait de plus, après tout, s’il trouvait quelque renseignement intéressant sur le type? Mais ce sentiment était fugace et restait sans effet. En s’adonnant ainsi à ces petites tournées en ville, il semblait satisfaire une envie profonde. Il n’était pas loin de penser qu’il se livrait là, de quelque obscure manière, à un travail sur le matériau rebelle de sa propre existence.  » 


En acceptant de passer ses vacances chez son cousin Charlie, en échange de son talent de cuisinier, Matthew ne s’attendait pas à se retrouver au cœur d’un véritable drame.

Pourtant ce décor de rêve au milieu des montagnes était on ne peut plus accueillant. Malgré tout le Paradis peut vite se transformer en cauchemar, il suffit d’un rien pour réveiller de vieilles rancunes. Une occasion inespérée se présente à Charlie pour rendre la monnaie de sa piéce à son cousin, et lui permettre de sortir enfin la tête de l’eau. Règlement de compte à l’horizon entre ces deux cousins germains.
Mais Chloé , la femme de Charlie aussi belle soit-elle pourrait bien devenir tout aussi cruelle pour ne pas perdre son mari et son train de vie.


« Telle était Chloé, pleine de petites surprises… »

Dans ce huit clos terriblement addictif, délicieusement pervers, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Un trio de personnages machiavéliques qui joue avec nos nerfs et nous plonge dans un suspens de manière délicieuse. Et tout comme ces trois protagonistes,  » Tel est pris qui croyait prendre » je me suis fait bien  piégée.

 » Assez typique de Charlie, se surprit-il à penser, cette façon de s’arranger pour que quelqu’un d’autre souffre à sa place. « 

Une plume élégante pour une intrigue surprenante où se mèlent la passion, la trahison, l’adultère, le meurtre et l’argent.Toutes les piéces du puzzle s’emboitent à merveille et le tableau final nous laisse sans voix.

Un livre impossible à lâcher, et c’est avec regret qu’on le quitte, tout en gardant un plaisir non dissimulé sachant que « La chambre d’ami  » est le troisième roman de l’auteur. Il me reste donc à découvrir « L’homme licorne  » et « Sept mensonges » .

Comme le dit : Joyce Carol Oates : « – Encore un de ces livres dont on ne peut s’empêcher de tourner les pages, jusqu’à une incroyable conclusion ? Eh bien, pour une fois, figurez-vous c’est vrai !  »

James Lasdun , poète, romancier et nouvelliste vit aux États-Unis . Un auteur à suivre.

James Lasdun

 

Je remercie les Éditions Sonatine pour cette excellente lecture .

 

 » Le cœur sauvage « 

Le cœur sauvage de Robin Macarthur aux Éditions Albin Michel

Collection Terres D’Amérique


 » La longue route conduit vers la joie. « 

Comme j’aimerais me retrouver en Amérique sur la route 100 dans le fin fond du Vermont, vers Silver Creek, et connaître la suite de ces fragments de vie croisés au détour de ces Nouvelles à l’atmosphère si particulière.

 » Il se passe quoi, avec les champs ? Cette façon qu’ils ont de rendre possibles toutes les directions. D’ouvrir des perspectives aux maisons, aux terrasses, aux voix. Cette façon dont le mot même – « champ » – te donne l’impression d’être à la fois domestiquée et sauvage, mi-loup mi-humain, capable de t’avancer vers cette terrasse avec sa fumée et ses rires, ou bien vers les bois, où tu pourrais tranquillement, sans bruit, commencer à marcher. « 


Je pourrais avoir des nouvelles d’Ange, retrouver Sally au coeur de la forêt, regarder Katie prendre son envol , partager une bière avec Pete et l’écouter me conter les souvenirs de ses amours perdus . Puis monter avec Annie et Clare dans leur Karmann Ghia et foncer sur leur route imaginaire créée par leurs rêves d’adolescentes rebelles à l’heure des premières fois .Puis je m’arrêterais à la ferme de Cora et je goûterais une tartine de pain beurrée en compagnie de Kevin son petit- fils en caressant Tony son chat. Plus tard je passerais prendre Vale à sa caravane derrière chez sa grand – tante pour faire un tour à Marlboro, histoire d’y étrenner ses bottes de cow-boy la clope au bec, puis au retour tard dans la nuit, on attendrait Jimmy en écoutant hululer la chouette rayée.

« La chouette rayée Hulule à nouveau, et son cri vient mourrir entre mes jambes. Je me demande si Hazel l’entend là-haut sur la colline – Hazel qui m’a un jour raconté que les chouettes annoncent la mort de quelque-chose de vieux et le début de quelque-chose de neuf… »

Le lendemain j’irais à la rencontre de cet homme de retour dans la maison familiale dont il est le nouveau propriétaire. Je l’écouterais me conter ses souvenirs tellement chargés de regrets qu’ils l’empêchent d’aimer vraiment.

 » Et je leur envie leur liberté, à elle comme à eux, tout en me demandant qui je serais, et ce que je penserais du monde, si je n’étais pas d’ici. Je me demande également si cette liberté me rendrait plus jovial, plus insouciant, plus à même d’aimer.
Mais qui en a quoi que ce soit à foutre ? Je regarde ces deux malheureux rouges-gorges qui tentent de copuler, et je me dis qu’à tout prendre, je choisirais cet attachement, tout comme je choisirais d’aimer malgré les souffrances causées par l’amour. Et c’est lorsque j’ai ce genre de pensées – la plupart du temps, cela m’arrive loin de chez moi, après plusieurs verres de Malbec argentin ou de bourbon haut de gamme – que je suis victime des mensonges de la nostalgie, qu’ils s’insinuent au plus profond de moi et baignent mes souvenirs de cet endroit dans une jolie lumière gris perle. « 


 

En repartant je m’arrêterais au mobile- home d’Apple qui attend patiemment le retour de son fils Sparrow qui s’est engagé chez les marines. Mon voyage toucherait à sa fin , j’aurais eu encore la chance de croiser deux tourtereaux qui s’aimèrent pour le meilleur et pour le pire jusqu’à la mort et même au-delà. Ma route s’achéverait avec Joan et Hannah mère et fille à nouveau réuni pour s’aimer encore un peu avant le grand départ …

 » Il y a deux mondes auquels je n’appartiendrai jamais. Chez moi et ailleurs. »

J’ai pourtant l’impression de l’avoir fait ce voyage, de les avoir croisé ces taiseux, sauvages et énigmatiques. L’impression de les avoir entendu ces coyotes hurler sur la ligne de crête assise sur l’une de ces terrasses, une bière bien fraîche à la main en regardant le soleil se coucher derrière Whiskey Mountain. Cette Amérique que j’aime, où les cœurs sauvages battent à l’unisson, où les lucioles brillent de mille feux, après le coucher du soleil capturé par la terre et libéré chaque matin pour une nouvelle journée pleine d’espoir. Une balade chez les culs-terreux à Plouc-City dans l’Amérique profonde, loin des paillettes et des strass.

En effet, je l’ai fait ce voyage, à travers ce magnifique recueil de nouvelles qui les unes après les autres donnent naissance à un sublime roman. Un véritable chant d’Amour où bat « Le cœur sauvage » des âmes américaines. Un sentiment profond d’émerveillement m’a envahi et c’est avec regret que je referme ce livre en espérant retrouver très vite la plume de Robin Macarthur avec d’aussi excellentes nouvelles ou pourquoi pas un beau roman, une belle histoire.

Une nouvelle étoile Américaine, une nouvelle voix, un énorme coup de cœur.


Robin MacArthur est originaire du Vermont, où elle vit toujours aujourd’hui. Elle a créé avec son mari un groupe de musique folk baptisé Red Heart the Ticker, et ses nouvelles ont été publiées dans de nombreuses revues littéraires au cours des dernières années.

Je remercie Ophélie et les Éditions Albin Michel pour ce merveilleux voyage en Terres d’Amérique.

 » Havre nuit « 

Havre nuit d’Astrid Manfredi aux Éditions Belfond


 » C’est ainsi que la pluie habitera tes pensées, noiera tes idéaux d’adolescent et tu seras pris d’une frénésie de poésie sous ce climat brumeux et crachotant. L’absence de fleuve rend la cité assoiffée de l’eau du ciel qui se répand avec assiduité sur vos têtes. Il n’y a rien à aimer dans cette ville à l’architecture aussi bilieuse que l’est l’âme de ses habitants. Rien à y rêver. « 

Se balader au Havre, sur un air de Bashung et découvrir l’histoire d’amour impossible d’Alice et Lazlo sous la plume d’Astrid Manfredi.

 » La nuit je mens, je prends des trains à travers la plaine … »


Le Havre, ville sauvage à l’univers graphique, lieu idéal pour cette tragédie amoureuse contemporaine. Le Havre témoin de cette idylle perdue d’avance.

L’adolescence, l’instant précis où les destins s’entremêlent, le moment propice au coup de foudre, les rencontres électrisantes, la naissance d’amour impossible.

Puis vient l’âge adulte, Alice et Lazlo, nos deux acteurs, ont pris des chemins différents et se sont éloigné davantage l’un de l’autre, tout en restant très proche par l’ironie du sort, l’un serial Killer et l’autre flic.

« Elles sont jeunes. Elles sont belles. Elles sont blondes. Elles sont mortes. Leurs anniversaires, elles les fêteront sans bougies et n’iront plus à la patinoire en hiver. Ni s’esquinter les orteils sur les galets. Elles ne pesteront plus contre le ciel nomade du Havre interdisant le bikini à la plage…

Leurs mères les pleureront un temps. Mais des mômes,elles en auront d’autres. Alors Il faut bien accepter les coups durs et élever ceux qui restent avant de les laisser partir. Toujours trop tôt. Au cimetière, les jeunes filles reposeront sous des tombes blanches où leurs copines déposeront des roses. Certaines s’épancheront. D’autres non.  » 


À travers des flashbacks très cinématographiques, de courts chapitres très séquencés, avec une poésie en toile de fond et un romantisme noir, Astrid nous offre un magnifique récit sombre, aussi touchant que glaçant.

Sa plume est noire, tranchante, acérée, tout comme  » La Petite Barbare  » 

Un style d’écriture qui n’appartient qu’à elle, où la violence bouleverse les âmes et les corps tout en poésie. Un style qui griffe, qui écorche, qui intrigue et met en lumière des destins sombres.

 » C’est dans la nuit du 31 décembre que le collègue t’appelle. Les douze coups de minuit ont sonné depuis un bail Et l’ennui a plombé ta soirée. À poil sur le lit, tu reluques le cuir de tes escarpins. Tu es seule. Personne à contacter. Amère à boire ta tragédie. À te perdre dans la contemplation des breloques du lustre. Tu as prévu un stock d’oubli alcoolisé, car tu sais que cette nuit sera la plus longue de l’année. Que des constats inquiètants se feront. Alors que tu es affalée entre des draps douteux, ton lit se transforme en goélette à souvenirs. Tu actionnes les voiles pour que filent les heures.  » 


Havre nuit, tantôt touchant, tantôt bouleversant, tantôt effrayant mais toujours poétique, du romantisme noir de toute beauté.
 » La nuit je mens, je prends des trains à travers la plaine. » 

Astrid Manfredi

Astrid Manfredi est née le 4 novembre 1970. Elle a suivi des études de littérature française à l’Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle. Elle a créé le blog de chroniques littéraires Laisse parler les filles. Elle intervient ponctuellement pour le Huffington Post, toujours autour de la littérature. Havre nuit est son deuxième roman après La Petite Barbare, tous deux publiés aux éditions Belfond .
 La Petite Barbare a reçu le prix Régine Deforges du premier roman en 2016. 




Merci à Camille et aux Éditions Belfond pour cette lecture sombre et brillante.

 » Bombes « 

Bombes de Dominique Delahaye aux Éditions de La Manufacture Des Livres 

 

– Greg, mon ami, t’as une tête de crevard! Ça va ? 

– Moyen. Je suis un peu dans la merde. Je ne vais pas te raconter ma vie, mais j’ai des types au cul.

– Qu’est-ce que t’as encore fait ? T’as tagué un car de CRS ou quoi ?

– Arrête tes conneries. 

– C’est quoi, les flics ? 

– Non, les flics à la limite, ça serait moins grave. Des méchants, des vrais.

Greg est grapheur à Lyon, un grapheur militant. À travers son art, il défend ses idées.Un soir,  accompagné de son pote Choukri, il s’attaque aux symboles des catholiques intégristes.

 » Choukri se met au travail. La buse est adaptée. Il vaporise un large faisceau de peinture, un voile qui s’épaissit peu à peu et qu’il faut savoir arrêter à temps. Si l’on veut éviter les coulures, ce qui n’est pas toujours le cas. Choukri connaît des crew qui aiment le crash, la peinture qui dégouline comme le sang leur révolte. 
          Greg observe du coin de l’œil. Comme à chaque fois, le rouge explose dans la nuit. Un rouge brillant, sombre et plein. Il aime les couleurs franches, qui claquent. « 


La soirée se passait plutôt bien jusqu’à l’arrivée d’un groupe de jeunes qui commence par les insulter puis par les canarder avec des pierres. Choukri chute et c’est le drame…

Salif est infirmier, il vit sur la péniche d’une amie. En ce moment il héberge Emilie une jeune zadiste et son chien Joop.

Annabelle est une jeune fille bourgeoise qui s’encanaille avec son amoureux malgré des valeurs qu’elle défend .

Suite à cet accident, sans le savoir, sans le vouloir, leurs chemins vont se croiser. La tension monte, c’est l’escalade vers une violence inouïe qui nous coupe le souffle jusqu’au final déchirant d’un réalisme surprenant.

Quand l’art mal interprété devient un slogan qui engendre la haine.

Dominique Delahaye nous offre un grand roman noir.

Dés le début du récit tu ressens une force dans l’écriture et une certaine poésie voyage entre ces lignes.

 » Le froid est venu de la rivière, comme d’habitude. il est descendu des montagnes, des bourrasques glacées entre les berges maçonnées. Le flot a grossi, jusqu’à se répandre sur les quais où quelques semaines plus tôt, on se prélassait encore sur les pierres tièdes. La nuit surprend désormais la ville en plein après-midi. Humide comme une haleine de cave, elle invite à se recroqueviller, à filer aux ras des murs, à se claquemurer.  » 


Après quelques lignes tu es déjà captivé par le style et tu te laisses porter par l’histoire. Page après page la tension s’installe, et ce qui aurait pu être juste un banal fait divers se transforme en véritable course-poursuite, à travers Lyon. C’est on ne peut plus réaliste et tellement visuel que tu verrais bien Luc Besson l’adapter au cinéma. De l’encre à la bobine ,ça le ferait trop, c’est ton coté cinéphile qui resurgit car ce récit dégage une énergie incroyable. Malgré la peur qui ne te quitte plus, tu poursuis ta lecture, une lecture addictive impossible à quitter avec une qualité d’écriture aussi belle que la musique qui l’accompagne.
« Du pur bop. De l’adrénaline et une mélodie si bien troussée qu’elle vous pousse dans vos retranchements si vous voulez être à la hauteur au moment crucial du solo. Les fantômes des grands anciens rôdent sur scéne. Bienveillants, mais jusqu’à un certain point.  » 


Un roman noir social qui résonne avec une force incroyable dans le contexte actuel. Une véritable « Bombe  » littéraire qui ne peut que ravir les lecteurs adeptes des romans engagés à la plume noire, tranchante mais aussi poétique qui se trouve absolument à sa place à La Manufacture Des Livres.

Un gros coup de cœur, à ne pas rater amis Lecteurs .


Dominique Delahaye a enseigné en école élémentaire et a mené des activités syndicales et associatives. Il écrit depuis une quinzaine d’années des nouvelles et des romans noirs, des scénarios de BD, des chansons et des spectacles théâtraux. Il est un des fondateurs du festival du « Polar à la plage » du Havre. Il est également musicien et animateur du collectif « Polaroïds rock ». Il vit et navigue à bord d’une péniche.


Je remercie Pierre pour cette lecture percutante.