Les jours de silence de Phillip Lewis aux Éditions Belfond
Traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut
« Il était habituel pour les enfants d’Old Buckram de commencer l’école mais de ne pas aller au bout, et, comme on pouvait s’y attendre, aucun des ainés de mon père ne reçut guère d’éducation au-delà des années de lycée obligatoires. Je me rappelle avoir un jour demandé naïvement à mon grand- père s’il était allé à l’université. Il me répondît sèchement : « Non, petit, mais je suis passé à côté d’un certain nombre d’universités. Sans m’arrêter. » (…) Mon père, toutefois, parmi ces nombreux enfants, se distinguait. À un degré déconcertant. (…) Dans une famille où savoir lire était considéré comme une simple nécessité et aucun cas comme une vertu, il apprit sans guide. Il avait toujours un livre, avant même de savoir quoi en faire. “
Sur un contrefort élevé des Appalaches se dresse une étrange demeure de verre et d’acier réputée maudite dans le petit village d’Old Buckram. C’est ici que vit la famille Aster.
Le père, Henry Senior, intellectuel autodidacte développa très tôt une passion incommensurable pour les mots.
” M. Smeth avait dit à mon grand-père : « Il est franchement bizarre, ce garçon ; vous savez ?
– Vous pensez, si on le sait. » “
La mère, Eleonore, insoumise et lumineuse partage ses journées entre la contemplation de la nature et l’élevage de pur-sang.
Et avec eux, leurs enfants, Threnody, une adorable fillette et Henry Junior, petit garçon très sensible et attentif, qui voue une véritable adoration à son père. Un père qui lit et noircit jour et nuit des pages et des pages, qui composeront un jour, le roman de sa vie.
” Quand l’homme se fut retiré, je demandai à Père pourquoi il passait tant de temps à lire. Il lâcha un rire et se mit à nettoyer ses lunettes (…) « J’adore lire, dit-il. J’adore les mots, le langage. Il en a toujours été ainsi. Il n’est rien qui me plaise davantage.
– Et pourquoi passes-tu autant de temps à écrire ? »
Je vis qu’il réfléchissait. Je lui avais posé une question dont il ignorait la réponse, mais qu’il avait passé sa vie à chercher. “
Dix années plus tard, Henry Junior sous prétexte de poursuivre ses études, fuit cette maison et son intranquillité chargé de silence qui le ronge. Fuir pour essayer de comprendre pourquoi un jour son père est parti, emportant son mystérieux manuscrit…
” Le monde entier qui s’étendait tel un arc à l’horizon semblait vaste et vide. “
Ce que j’en dis :
À travers ce roman et un style raffiné, l’auteur nous offre le portrait sibyllin d’une famille du vieux Sud, amoureux des mots, des livres et de leurs histoires, sans pour autant parvenir à exprimer ses plus belles joies comme ses terribles peines.
Il explore en profondeur la passion démesurée de la lecture et de l’écriture d’un homme épris depuis toujours des mots. Une passion qui conduit jour après jour dans la douceur du silence.
Il aborde également, le deuil, la solitude mais aussi l’abandon, parfois nécessaire pour ne pas sombrer dans la folie.
Un premier roman d’apprentissage puissant, accompli, qui s’impose avec délicatesse, à son rythme, d’une manière très personnelle chère à l’auteur.
Un roman bouleversant, qui laisse son empreinte dans la mémoire des lecteurs.

Né en Caroline du Nord, Phillip Lewis a étudié à l’université North Carolina de Chapel Hill et à l’école de droit Norman Adrian Wiggins, où il a été rédacteur en chef de la Campbell Law Review. Avec son premier roman, Les Jours de silence, il nous plonge dans le décor fascinant des montagnes des Appalaches d’où, comme son narrateur, il est originaire. Il vit actuellement à Charlotte, en Caroline du Nord.
Je remercie les Éditions Belfond et Léa créatrice du groupe Picabo River Book Club pour l’organisation d’un super petit déjeuner avec l’auteur et pour cette formidable lecture.