Qu’est-ce que la plupart des gens ne comprennent pas ?
Le besoin de solitude ☺️
Qu’est-ce que la plupart des gens ne comprennent pas ?
Le besoin de solitude ☺️
La décision de Karine Tuil aux Éditions Folio
“ Je me nomme Alma Revel. […] Je suis juge d’instruction antiterroriste. Il y a trois mois, dans le cadre de mes fonctions, j’ai pris une décision qui m’a semblé juste mais qui a eu des conséquences dramatiques. Pour moi, ma famille. Pour mon pays. ”
À travers ce roman, qui se lirait presque comme un témoignage, voire une confession, puisque derrière cette fiction, on y retrouve la barbarie qu’a subit la France face à différents attentats abominables, où des hommes et des femmes ont perdu la vie, Karine Tuil nous entraîne au cœur des interrogatoires auprès d’une juge d’instruction antiterroriste qui au final devra décider du sort de celui qui est suspecté d’embrigadement.
Une décision qui ne sera pas sans conséquence comme hélas on le découvre parfois trop tard.
“ On passe des heures avec les mis en examen, pendant des années, des heures compliquées au cours desquelles on manipule une matière noire, dure. À la fin de mon instruction, je dois déterminer si j’ai suffisamment de charges pour que ces individus soient jugés par d’autres. C’est une torture mentale : est-ce que je prends la bonne décision ? Bonne pour qui ? Le mis en examen ? La société ? Ma conscience ? ”
On découvre toute l’ampleur de cette tâche, de cette responsabilité, les douleurs qu’elles soient, physiques, morales ou psychologiques, un poids terrible qui repose sur quasiment une seule personne au final, avec des dommages sur la vie familiale et privée.
Karine Tuil s’empare d’un sujet sensible, brûlant, tragique, nous plongeant dans les coulisses judiciaires mais également dans l’intimité, de cette femme dans la tourmente, qui tente malgré tout de ne pas perdre pied malgré les menaces qui pèsent sur elle et sur sa famille.
C’est déchirant, bouleversant, puissant, le doute côtoie la colère, la rage nous gagne et l’on se dit que franchement, il y a des décisions qu’on aimerait vraiment pas prendre.
“ Sur mon bureau, j’ai encadré cette phrase de Marie Curie : « Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre. » Mais parfois, on ne comprend rien. ”
Karine Tuil nous plonge dans la noirceur de l’âme humaine, c’est douloureux, déchirant, on en ressort le cœur en miette, avec une pensée pour tous ceux qui œuvrent contre la barbarie et pour tous ceux qui hélas l’ont subi.
Le vol du boomerang de Laurent Whale aux Éditions du Diable Vauvert
“ Un an plus tôt, il avait souffert des images terribles de destructions occasionnées par le feu. Cadavres tordus d’animaux surpris par les flammes. Kangourous, chevreuils et koalas payaient une rançon démesurée aux catastrophes provoquées par les hommes. Trop de constructions, trop de routes, trop de béton. Dorénavant, l’Australie ne connaissait aucun répit. De mois en mois, il apparaissait évident que la nature avait la rancune tenace et faisait payer aux Blancs leur arrogance. Le soleil dardait sans faiblir ses rayons devenus assassins sur toutes les surfaces épargnées par le feu. De nuit, le ciel se teintait d’orange vers l’est. La bande côtière se mourait dans des tornades incandescentes. ”
En Australie, Jimmy un jeune aborigène construit sa voiture propulsée à l’énergie solaire dans l’espoir de participer à la célèbre course : la Bridgestone World Solar Challenge.
“ La course n’était pas le but ultime, ce n’était que la première marche de l’édifice. ”
Mais de nombreux incendies ravagent le pays, obligeant de nombreuses familles à prendre la route, pour s’installer ailleurs.
Cette migration forcée entraîne de nouvelles violences et un climat d’insécurité s’installe sur le pays.
“ Qu’allaient-ils devenir dans ce monde à la dérive ? Quel avenir existait pour les enfants de la route ? Questions plus qu’épineuses. Vitales, même. Andy Sweeger espérait de toute son âme que Mad Max ne soit pas le seul à en détenir la réponse. ”
Tony, un français, parcourt ces routes interminables à bord d’un long courrier avec l’espoir de devenir propriétaire de son propre camion. Il fait partie de ceux qu’on baptise, les convoyeurs de l’extrême. En attendant, c’est pour un patron qu’il roule, un patron exigeant et un climat tendu, une fois encore le sommeil attendrait.
“ Road Train.
Un train de la route. Plus de cinquante mètres de long. Pour un routier français, il serait l’équivalent d’un astronaute. […] Trente-quatre heures de route… Merde. En tout juste deux jours. Ce qui signifiait que les aléas du trajet devraient se redu au minimum. Crevaisons, pannes, météo capricieuse… Il était monnaie courante, sur une telle distance, de subir au moins deux ou trois pneus à plat. Bernie Stykes le savait diablement bien en ne laissant aucune marge au Frenchie. ”
Et l’arrivée du Coronavirus ne va rien arranger juste rajouter une couche supplémentaire de tension dans un pays au bord du précipice.
“ Coronavirus.
Un mot extra aux sonorités funestes. Ains, la nature prenait son élan pour endiguer la marée humaine. Après les feux. Les tsunamis, les éruptions monstrueuses et les tremblements de terre, elle envisageait une pandémie globale.
Quelque chose de plus insidieux, invisible, sournois et imparable. ”
Côté littérature, j’ai découvert l’Australie en premier lieu avec Kenneth Cook, puis Douglas Kennedy, Jane Harper mais aussi Tony Cavanaugh et tous m’ont régalé chacun à leur manière. Et là, sérieusement je l’ai pas vu venir ce frenchie qui m’a embarqué dès les premières pages dans un pays que je rêve de visiter, pour une aventure humaine incroyable.
Laurent Whale, nous emporte dans une ambiance Mad Max, mais là le héros ne s’appelle pas Mel Gibson, mais Jimmy Stonefire, un aborigène, docteur en physique des particules, qui sous couvert de participer à une course : la Bridgestone World Solar Challenge, est bien décidé à changer le regard du monde sur son peuple toujours victime du racisme.
Et bien avant le départ, une course folle débute pour tous les protagonistes de cette aventure, que ce soit cette famille obligée de tout abandonner face aux flammes qui ravagent le pays, ou encore ce routier français qui traverse le pays pour livrer la marchandise de son patron, parfois au péril de sa vie et pour finir Jimmy, tenu de tout boucler à temps face à tous les enjeux qui se rapportent à cette course…
Gardons un peu beaucoup de suspens pour cet éco-thriller social qui offre un voyage all inclusive assez mouvementé, sous haute-tension, tout feu tout flamme, fortement documenté dans un contexte qui nous a déjà donné des sueurs froides.
Plus qu’à vous mettre sur la ligne de départ, et vous laisser embarquer par Le vol du Boomerang, en direction de l’Australie pour une course littéraire hors norme.
C’est publié Au Diable Vauvert et croyez-moi c’est d’enfer.
Quelle est la compétence secrète que vous avez ou que vous aimeriez avoir ?
J’adorerais parler et comprendre et lire l’anglais couramment ☺️
Les champs brisés de Ruth Gilligan aux Éditions Seuil
Traduit de l’anglais (Irlande) par Élisabeth Richard Berthail
“ D’après une vieille coutume irlandaise, chaque fois que l’on devait abattre du bétail, huit hommes devaient être là ; huit mains distinctes, posées sur la peau de la bête quand elle passait de vie à trépas. Et donc maintenant, il y avait huit Bouchers, qui passaient onze sur douze à rendre visite aux dernières familles du pays qui croyaient encore, pour aller tuer leurs bêtes conformément à la tradition et à là malédiction. ”
Certaines malédictions perdurent et deviennent des traditions ancestrales.
C’est suite à la perte de toute sa famille, lors d’une guerre, qu’une femme de fermier avait lancé cette malédiction, obligeant la présence de huit bouchers pour abattre le bétail, sous peine de voir L’Irlande affligée de terribles maladies.
Depuis ce jour huit bouchers parcourent l’Irlande et vont de ferme en ferme, apportant leurs services et savoir-faire auprès des fermiers qui le souhaitent.
Car ils ne sont pas forcément les bienvenus partout, et lorsque la crise de la vache folle arriva sur le territoire Irlandais, les bouchers qui subissaient déjà la modernisation voyaient à grand pas arriver la fin de leur compagnonnage et de leur mission.
“ Il y avait des jours où l’Irlande semblait respirer la modernité, et d’autres, où elle s’étranglait avec ses propres miasmes. ”
Ruth Gilligan nous entraîne au départ à New-York en 2014, à une exposition de photos où l’on peut si je puis dire admirer la photographie percutante d’un homme suspendu à un crochet de boucher.
Pour découvrir l’identité de cet homme et de ce photographe, l’auteur nous offre ensuite une remontée dans le temps en Irlande, en 1996 où une crise sanitaire liée à la vache folle commençait ses ravages, détruisant au passage des cheptels complets, ruinant les fermiers, et amenant petit à petit une tradition ancestrale à disparaître.
À travers un formidable roman choral, l’auteure donne la voix aux hommes et aux femmes, liés de près ou de loin à cette tradition à ce pays avec tout ce que ça implique d’enjeu économique une fois la crise installée, poussant certains à enfreindre les règles malgré le danger.
Entre coutume et modernité, de la culpabilité à la corruption, de la solitude des femmes aux compagnonnages des hommes, de la foi à l’homosexualité, du prix du bœuf au prix d’une vie, de la raison à la notoriété, les duels et les thèmes abordés sont nombreux et l’intrigue du départ prend tout son sens et nous révèle une Irlande en pleine mutation à travers une récit et des portraits touchants où les enjeux économiques et politiques nous offrent une danse macabre sous la plume captivante et magnifique d’une jeune auteure à de découvrir absolument.
Florida de Jon Sealy aux Éditions Les arènes collection Equinox
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Helleu
“ Pour le moment, West avait d’autres préoccupations. C’était sa fille qui avait disparu, son argent qui manquait, sa vie qui était sur la sellette si tout ne revenait pas dans l’ordre. ”
Bobby West est ce qui se rapproche le plus d’un agent véreux. En plus de bosser sous couverture pour la CIA, qui espère le renversement de Fidel Castro, il s’est acoquiné avec Monsieur French un mafieux qui lui propose de blanchir l’argent de son trafic de drogue. Il espérait renflouer les caisses de la société de couverture où il s’était un peu trop servi et se remettre de son divorce qui l’avait laissé sur la paille, mais ce nouveau choix douteux (une fois de plus) va s’avérer catastrophique, le jour où sa fille disparaît laissant derrière elle, le coffre-fort de son père vide.
“ Ta vie n’est pas la seule à être en jeu. On est tous dans le même bateau. Toi, moi, mes amis de Cuba Omega, les junkies du motel… ce n’est qu’un seul et unique réseau. Tout est connecté. S’il y a un raté – de l’argent qui manque, quelqu’un qui se sert dans le matos -, c’est le système entier qui en souffre. Ne l’oublie pas. ”
Tous ses plans tombent à l’eau, et il se retrouve en danger avec à ses trousses, la CIA qui commence à se douter de quelque chose, et également Monsieur French et les Cubains de Miami qui espèrent bien récupérer leur argent.
“ Le destin s’occupait de son homme quand le moment était venu. ”
Qui n’a jamais rêvé de se la couler douce à Miami ? Mais pour ça, faut-il rencontrer les bonnes personnes, faire les bons choix et ne pas se faire entuber par le premier venu.
Bobby West régnait pourtant en Maître sur Miami, mais à être trop gourmand et pas assez présent pour sa fille, il va en payer le prix fort.
Jon Sealy nous plonge dans les années 80, au temps de Reagan et nous offre un formidable tableau de l’Amérique décadente où même la CIA s’associe aux pires malfrats. C’était le temps où le business de la drogue était à son apogée, et où chacun tentait le tout pour le tout pour se faire un matelas de dollars.
L’auteur nous offre un Shot d’adrénaline, à travers cette histoire pleine de rebondissements et si de prime abord, elle pourrait s’avérer complexe avec Bobby West le personnage central qui joue sur plusieurs tableaux, la force de l’écriture et sa foule d’informations rend l’histoire absolument limpide. Pour chaque personnage, l’auteur nous fait part de sa biographie en temps en en heure et apporte de ce fait au récit une certaine profondeur. Rien ni personne n’est là par hasard, et jusqu’au final, la tension s’accélère, nous donnant parfois l’impression d’être au cinéma devant un super film des frères Cohen.
Florida, c’est pas du cinéma, mais ça pourrait l’être, en attendant cette comédie noire, qui ne manque ni d’humour ni de suspense est à déguster sans modération.
Une dose d’encre décapante diablement efficace pour un voyage en Floride explosif.
“ Les gens sont normaux jusqu’à ce qu’on apprenne à les connaître. ”
Mahmoud ou la montée des eaux d’Antoine Wauters aux Éditions Folio
“ Pourquoi toujours ressasser les mêmes choses ?
Pourquoi l’air vient-il à manquer dès que je sors de ce fichu lac ?
Je n’aurais jamais dû être poète.
Je n’aurais jamais dû être vivant.
Qu’il est dur et tranchant d’avoir autant aimé. ”
Pour raconter des drames, certains auteurs ne se contentent pas d’écrire une histoire, certains d’entre-eux l’écrivent en vers.
C’est le cas d’Antoine Wauters, qui nous fait voguer en Syrie sur un lac artificiel, le lac el-Assad, en compagnie de Mahmoud.
“ Et puis un jour, ils sont venus remplir le lac.
Et tous, nous avons vu nos maisons sombrer
les unes après les autres, emportant nos
souvenirs.
À travers les souvenirs de Mahmoud, un véritable poète, on découvre l’histoire du lieu, de sa famille brisée, de sa maison d’enfance engloutie par le lac, son séjour en prison, son premier amour et malgré la guerre qui gronde autour de lui, il plonge chaque jour pour revivre le passé, ne pas l’oublier et garder ce qui l’habite toujours, sa soif de liberté.
“ Il est trop tard.
Je suis de l’autre côté.
Dans le monde du souvenir.
Tout est là et tout est parti.
Qui a dit que vieillir, c’est oublier ?
J’ai rejoint la mémoire des choses, Sarah.
Chaque jour, je nage jusqu’à me revoir enfant. ”
Tout en vers libre, pour apporter de la douceur au milieu du chaos, pour adoucir sa peine , pour évoquer la guerre, laisser glisser la pointe du crayon sur le papier, laisser la lumière traverser la noirceur pour que demeurent à jamais les souvenirs mêmes ceux engloutis sous des flots de mitrailles et de larmes.
“ Mes poèmes ne sont pas des poèmes.
Ce sont des vers remplis de peur,
et de rage et de peine. ”
Une ode merveilleuse, à la poésie, aux poètes, à l’Histoire, à l’amour, à la liberté…
Un bel hommage aux syriens qui ont tant perdu.
À votre tour de vous laisser embarquer par cette plume qui m’a mise des étoiles plein les yeux, aussi enrichissante que bouleversante.
Je suis complètement sous le charme, absolument conquise.
Mahmoud ou la montée des eaux a été récompensé par : Le prix Wepler – Fondation de La Poste, le Prix Marguerite Duras et le prix Livre Inter.
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Le petit roi de Mathieu Belezi aux Éditions Le Tripode
“ Seul, dans la nuit noire de suie et de fantômes, sous la naphtaline des draps, je garde les yeux ouverts jusqu’à l’aube. Humilié par la peur dont je ne peux me défaire. Il faut l’arrivée par les persiennes d’un demi-jour d’église pour que je trouve le courage de clore les paupières sur ma propre nuit, dansante d’étoiles et peuplée d’anges, et qu’enfin, après tant de frayeur, une aile blanche m’étourdisse de sommeil. ”
Un jeune garçon est abandonné par sa mère à son grand-père, qui vit seul dans une ferme provençale.
Tout commence comme ça, et ce qui pourrait s’avérer un petit roman assez simple se révèle en quelques pages, un véritable chef-d’œuvre.
L’écriture en premier lieu éblouit, bouleverse, absolument sublime, tant de beauté dans cette plume, ce style épuré, poétique, c’est juste renversant.
“ La saillie des os de ce vieux visage, qui n’a jamais été jeune et dans mes convictions enfantes doit survivre cent ans, la tendresse de ces yeux lavés, de ces mains qui tremblent, comblent jour après jour le vide laissé par ceux qui m’oublient. ”
On y découvre l’amour de cet enfant pour son grand-père, sa rage envers ses parents, sa tristesse face à cet abandon qu’il transforme en colère puis en violence…
“ Et je lutte une heure durant contre moi-même, chassant ce que je ne veux pas voir et encore moins entendre, et qui pourtant l’assaille et me torture, les mains de mon père et celles de ma mère, leurs bouches qui se haïssent au-dessus de moi, leurs corps qui ne s’aiment plus, tout ça, et le reste qui n’est pas plus drôle, leurs façons de m’amadouer, de me couvrir de cadeaux pour que je choisisse mon camp, pour que je dise oui à l’un ou à l’autre, alors que leurs sales manies de me laisser seul au,milieu de l’arène ont conduit mes pas mal assuré d’enfant à l’abîme. ”
Un court roman plein de grâce, et d’émotions comme j’aimerais en lire plus souvent, avec au final, une grande envie de serrer fort dans mes bras ce petit roi en souffrance qui m’a tant ému.
Les Éditions Le tripode nous réservent de belles surprises, et avec l’accord de l’auteur, vont rééditer prochainement une grande partie de ses œuvres littéraires. Je m’en réjouis déjà.
Rue Mexico de Simone Buchholz aux Éditions l’Atalante
Traduit de l’allemand par Claudine Layre
“ Tout le monde râle à cause des brasiers et du bruit des hélicoptères qui cherchent les foyers d’incendie dès le crépuscule ; mais pourquoi s’exciter sur ces sujets ? Ils devraient plutôt s’interroger sur ce qui amène les gens à mettre le feu. La fureur, la colère, la bêtise. Or on se bouche les oreilles comme si on pouvait du même coup se boucher le cerveau. “
Depuis quelques temps, des voitures brûlent à travers le monde. Mais mises à part les dégâts matériel aucune victime n’avait été déplorée jusqu’à cette nuit à Hambourg.
À l’intérieur de la voiture en feu, un jeune homme.
Les pompiers parviennent à le désincarcérer mais son pronostic vital est engagé.
Il s’avère que c’est l’un des fils du clan Saroukhan, de puissants trafiquants installés à Brème.
“ Une voiture en flammes. Encore une. On m’a dit qu’il serait temps de résoudre ce problème de véhicules incendiés.
Les bagnoles en feu ne m’intéressent pas plus que ça. Tu sais très bien pourquoi tes voitures brûlent, Hambourg.
Sauf que cette fois, ce n’est pas seulement un véhicule qui a cramé, mais aussi un être humain. Faire brûler des gens dans des voitures, ça, ce n’est pas possible, putain. ”
Qui a bien pu vouloir tuer Nouri ? Lui qui s’était éloigné de sa famille et travaillait dans une entreprise d’assurance où il gagnait très bien sa vie.
Chastity Riley, la procureure et son collègue Ivo Stepanovic se retrouvent , l’équipe se reforme et tous ensemble ils mènent l’enquête.
“ Calabretta, Stanislawski, Schulle et Brückner sont arrivés. C’est vraiment chouette de les retrouver, ces quatre-là. Ils constituent une sorte de security spirituelle. Une copie de sauvegarde du passé. Nous sommes comme une vitre que la vie aurait brisée en sautant à travers à plusieurs reprises ; nous avons voltigé en l’air comme l’éclat de verre qui savent où est leur place et qui se recollent à chaque fois. Pour former une nouvelle vitre, plus aussi lisse ni aussi propre par endroits, mais toujours à peu près transparente. ”
Les voitures continuent de brûler, la violence se répand aux quatre coins de la planète, les flammes éclairent toute la noirceur du monde et révèle tous les différents visages de la criminalité qui se répand comme une traînée de poudre, et toujours pour les nerfs de la guerre : le pouvoir et l’argent.
“ Au cœur de cette obscurité métallique, tels des monstres, surgissaient les bastons. Les monstres cassaient tout, les voitures, les fenêtres, les gens, à un rythme si infernal que rien ni personne ne pouvait être protégé. La cause exacte de ces bagarres était sans importance ou presque ; l’important, c’étaient les embrouilles elles-mêmes : c’est à cause d’elles que ça explosait, que ça pétait dans tous les sens. Puis les cartes étaient rabattus et le calme revenait – le but de ces clashs restaient immuable : constater qui était le plus fort et qui était le plus faible. ”
Je découvre l’écriture puissante et incroyable de Simone Bucchholz et il n’aura fallu que quelques lignes pour que je sois sous le charme et ce n’était que le début des réjouissances.
Pourtant ceux qui me connaissent savent que j’affectionne tout particulièrement la littérature américaine, surtout pour les romans noirs mais là, il faut le reconnaître elle se défend vraiment bien l’écrivaine allemande, ça confirme qu’il faut parfois sortir de ses zones de confort et faire confiance à l’attachée de presse qui a mis ce livre entre tes mains. N’est-ce pas Olivia ?
Dans Rue Mexico, l’histoire se situe à Hambourg et pourtant au départ je me suis cru à Marseille comme quoi, y’a pas que là-bas que ça crame des Bagnoles, remarque dans mon coin aussi ça crame sec…
Juste pour te dire que Hambourg fait partie du décor, et devient quasiment un personnage à part entière qui s’ajoute à l’équipe d’enquêteurs et aux malfrats du coins. Tu découvriras que la violence n’est pas que dans la rue mais également au cœur des familles étrangères avec leurs traditions de merde en ce qui concerne les femmes et que s’affranchir de sa famille n’est pas sans conséquences qu’ils soient question d’amour ou juste un besoin de liberté.
Rue Mexico, c’est bien plus qu’un polar, c’est une expérience littéraire, un menu haut de gamme dans la littérature.
Que ce soit le lieu, les personnages, l’histoire, l’intrigue, tout est porté par une plume et un style extraordinaire. Ça te bouscule, ça t’émotionne, c’est brutal et brillant, drôle et poétique, ça claque, ça surprend, c’est ébouriffant, complètement époustouflant.
Tu sais ce qu’il te reste à faire…
“ Le matin suivant.
C’est étonnant qu’il existe. Qu’il réapparaisse sans arrêt, qu’il redémarre tous les jours, puis ça se termine plus ou moins n’importe comment, puis ça recommence. Je me demande parfois qui a commandé tout ça et qui règle la note.
Moi, faut que j’appelle mon libraire, il me faut les deux précédents pour retrouver ce talent, obligé…
Nous aurions pu être des princes d’ Anthony Veasna So aux Éditions Albin Michel. Collection Terres d’Amérique
Traduit de l’américain par Héloïse Esquié
“ C’est la période qui ressemble à une révélation jusqu’à ce qu’elle soit oubliée à mesure qu’on vit sa vie, car il n’y a rien d’exceptionnel à passer sa vie d’adulte dans le trou du cul de la Californie, ce trou qu’un responsable gouvernemental quelconque a jugé digne d’une bande de réfugiés lacérés par leur stress post-traumatique, un trou du genre intolérant au succès, qui lâche des rêves comme il lâcherait des pets. ”
Une nouvelle peut être plus ou moins longue ou courte selon les points de vue et pourtant en quelques pages raconter une grande histoire, révéler le passé responsable du présent, raconter une tragédie, une histoire familiale, un héritage douloureux, une quête d’identité, un état des lieux de l’Amérique, et offrir des fragments de vie aussi foisonnants qu’un grand roman. Et si en plus l’écriture est magnifique, elles deviennent d’autant plus précieuses.
“ C’est bizarre, j’ai vécu ici, dans cette ville, toute mon existence, mais je ne dirais pas vraiment que c’est chez moi. ”
Anthony Veasna So était un jeune américain d’origine cambodgienne disparu en 2020 à l’âge de 28 ans. Il laisse derrière lui ce fabuleux recueil de nouvelles contemporaines, aussi audacieuses que pertinentes et rends un bel hommage à toutes les familles cambodgiennes réfugiées aux États-Unis après avoir quitté leur pays, victimes du génocide orchestré par les Khmers rouges dans les années 70.
“ Comme c’est comique, se dit Sothy : des dizaines d’années après les camps, elle vit ici, au centre de la Californie, elle y possède un commerce, elle y élève ses filles cambodgiennes nées américaines, des adolescentes en bonne santé et têtues, et pourtant, dans cette nouvelle vie qu’elle s’est créée, ses mains en vieillissant sont devenues celle de sa mère. ”
Installée en Californie, ces familles portent en elles les douleurs de l’exil, et mine de rien les transmettent à leurs enfants tout comme les traditions, et c’est avec tout ce poids que la nouvelle génération devra se construire.
Et même si la jeunesse subit les traumatismes des anciens, ce lourd tribu semble leur imposer une obligation de réussite. Certains y parviennent et pour d’autres le chemin de la réussite est plus difficile à trouver.
“ Ils imaginèrent un avenir détaché de leurs erreurs passées, de l’histoire dont ils avaient hérité, un monde dans lequel – sans questions, sans hésitations – ils accompliraient les actes simples auxquels ils pensaient, dont ils discutaient, dont ils rêvaient. ”
D’une nouvelle à une autre, l’histoire de ces familles apparaissent, des anciens à la nouvelle génération qui tente par-dessus tout de s’affranchir de la douleur en profitant au maximum des plaisirs de la vie.
“ […] un, Superking Son était un trou du cul ( un trou du cul certes tragique, mais un trou du cul quand même), deux, nous avions trop de trous du cul dans nos vies de merde; et, trois, nous n’avions pas assez de papier Q pour faire front. Que dire de plus pour notre défense ? Nous n’avions pas que ça à faire. ”
Des nouvelles saisissantes, quelque peu irrévérencieuses qui ne manquent pas d’humour, d’un jeune écrivain prometteur, récompensé par plusieurs prix littéraires dont le John Leonard Prize du National Book Critics Circle et le Ferro-Grumley Award for LGBT Fiction, qui méritent toute notre attention pour ne pas oublier cette étoile littéraire précieuse qui s’est éteinte bien trop tôt.