Leur âme au diable

Leur âme au diable de Marin Ledun à la Série noire chez Gallimard

– Dit Marin pourquoi tu fumes ?

À une époque Daniel Pennac à travers son essai : “ comme un roman ” avait tenté de désacraliser la lecture tout en lui rendant hommage. Il invitait le lecteur à réfléchir sur les différentes manières de s’instruire ou pas, de lire ou de ne pas lire, le droit de lire n’importe quoi, et même le droit de se taire.

Marin Ledun lui, nous propose 1000 et une façons de continuer de fumer ou pas, du fumer n’importe quoi ou pas, en nous faisant découvrir l’industrie du tabac, et apparemment une fois encore il a choisi : le droit de ne pas se taire, et il a bien fait.

– Dit Marin pourquoi tu fumes ?

Pour ma part j’ai choisi de m’octroyer le droit de lire, mais pas n’importe quoi, et depuis 2005, clap de fin pour mes virées chez le buraliste, adieu très chère tige à cancer, à moi la liberté, et c’est les poches pleines de tout ce qui n’est pas parti en fumée que je peux visiter les librairies et tomber sur des auteurs comme Marin Ledun qui à travers ses récits pointent le doigt là où ça fait mal.

– Dit Marin pourquoi tu fumes ?

C’est pourtant à travers leurs slogans qui prônent la liberté que beaucoup sont tombés dans le cercle infernal de la cigarette.

Ça fait mâle, ça donne du style, mais lorsque les femmes s’y sont mise, là ça a fait mal, c’est tout juste si on ne les traitait pas de traînée, souvenez-vous.

– Dit Marin pourquoi tu fumes?

Car en plus de nous offrir un roman noir extraordinaire, Marin Ledun retrace à travers cette route de la nicotine, toute une époque, et n’oublie pas tous les événements marquants liés ou pas au tabac.

Dit Marin, pourquoi tu fumes ?

Ça commence en 1986 par un braquage très particulier. Les billets verts, c’est pour plus tard. D’abord on met en place le business avant de pouvoir palper la monnaie.

Dit Marin, pourquoi tu fumes ?

Fortement documentée, cette introspection dans l’industrie du tabac est une véritable bible pour comprendre et découvrir l’envers du décor, tout ce qu’on nous cache derrière cet écran de fumée.

« Le but est de faire diversion. Éviter les procès lorsque c’est possible. Multiplier les recours en justice si nécessaire. Et créer un climat médiatique et politique confus autour du tabac à l’échelle nationale. ”

“ Dans le système d’homologation des tarifs du tabac, les douanes jouent un rôle crucial. Mention particulière aux fourmis de la Direction générale des douanes et des droits indirects. Leur mission consiste à récolter pour le compte de l’État les taxes sur les alcools et les tabacs. Tant qu’on leur file leur part du butin, ils ne font pas de vagues. Gagnant-gagnant. ”

– Dit Marin pourquoi tu fumes ?

Vous l’aurez compris, Marin Ledun nous ouvre les yeux, sur cette plante qui pourrit la planète, puis la santé de ses consommateurs. Une plante légale tellement rentable qu’elle engendre, violence, trafics, corruption pour assouvir l’ambition de personnes sans scrupules prêtes à tout pour des poignées de dollars.

– Ma vie est un film de gangsters dans lequel je joue le rôle du salaud. […] Mon métier consiste à falsifier, manipuler, abuser, tricher, corrompre pour vendre le plus de cigarettes possible et m’enrichir. Je ne sais faire que cela. ”

Après la lecture de ce roman extraordinaire vous ne verrez plus la clope de la même façon, c’est certain.

Oubliez vos clopes, achetez-vous des livres, notamment celui-ci.

– Mais dis-moi Marin, pourquoi tu fumes ENCORE ? Dieu est un fumeur de Havane, mais bon, il y a assez de monde dans son paradis qui ont laissé leur âme au diable.

Pour info :

Marin Ledun est l’auteur d’une vingtaine de romans dont Les visages écrasés, plusieurs fois récompensé et adapté au cinéma, et l’homme qui a vu l’homme, prix Amila-Meckert.

Avec Leur âme au Diable, il nous livre LE grand roman sur l’industrie du tabac.

Je remercie les Éditions Gallimard et Marin Ledun pour ce roman noir comme la nicotine mais non pas moins brillant .

Les jardins d’éden

Les jardins d’éden de Pierre Pelot à la Série noire chez Gallimard

“ Bien entendu tu es content d’être sorti du fracas. Sauf que tu en traînes toujours des lambeaux avec toi, que l’échappée prend son temps, la garce, qu’on dirait bien n’en avoir jamais vraiment fini avec elle, au fond. ”

Jip Sand est de retour à Paradis dans la ville de son enfance. Il revient de loin, après avoir vaincu son cancer avec l’impatience de revoir enfin sa fille. Mais Annie dite Na reste introuvable.

“ Les temps changent JIP. T’es ressuscité des morts, mais t’es journaliste, non ? ”

Dans le passé, Manuella, l’amie de Na avait été retrouvé sans vie dans les bois. Jip n’avait pas chercher à élucider cette mort étrange mais cette fois c’est sa fille qui a disparu.

[…] Pourquoi personne n’a cherché à comprendre ce qui lui était arrivé, à Manu, hein ? Ce qui lui était arrivé vraiment ? Pourquoi ça a été classé vite fait par tout le monde et même les flics au rayon des faits divers de rôdeurs, des putains de chiens écrasés, hein ? Et ça aussi je suis sûr que tu le sais très bien. ”

Au fil des saisons, entre ses souvenirs brumeux et le présent assez flou, Jip part à la recherche de sa fille, réveillant jour après jour le passé et certaines vérités plus douloureuses et plus mortelles que certaines maladies. Sa rémission prend des chemins de traverse bien sinueux pour atteindre la rédemption.

“ Tu la tiens, ton histoire, mon vieux. Tu la connais, maintenant. […] Sauf que bien sûr c’est la réalité, c’est vrai, mais tu n’y peux pas croire. Pas crédible. Incroyable. ”

Ce que j’en dis :

Pierre Pelot sort de sa retraite pour faire une entrée remarquable à la série noire chez Gallimard. On se demande d’ailleurs bien pourquoi ils ont attendu si longtemps pour lui dérouler le tapis rouge, car il y a indéniablement sa place, c’est certain. Et c’est pas la chauvine qui parle mais la lectrice fidèle à l’auteur et à la maison d’édition.

Dans un style qui n’appartient qu’à lui, à travers une langue riche sculptée au cordeau, il tisse son histoire, mettant en scène des âmes écorchées dans une nature éclatante et sauvage.

Une lecture qui demande une attention particulière, le temps d’apprivoiser cette écriture riche et envoûtante pour l’apprécier à sa juste valeur. Un voyage entre passé et présent, indispensable pour dénouer le fil de cette histoire,

Les jardins d’Eden nous plonge dans la mémoire d’un homme qui tente de réparer les erreurs du passé et cherche la rédemption auprès de sa fille qui a malheureusement disparue.

À Paradis, certaines portes cachent l’enfer et certains secrets de village peuvent conduire direct au purgatoire.

La Bête des Vosges (comme on dit par chez moi) a bien fait de sortir de sa tanière pour nous embarquer vers son Jardin d’Eden. Si sombre soit-il, il n’en demeure pas moins extraordinaire et suis même sûre que notre cher Bachri aurait été de cet avis et serait encore bien capable de râler de là-haut s’il n’obtient pas le rôle de Jip, pour l’adaptation ciné à titre posthume.

On peut toujours rêver…

Pour info :

Pierre Pelot est un auteur vosgien né en 1945.

Il a écrit près de deux cents romans dans les genres les plus divers, de la science-fiction au thriller, en passant par le western et la littérature générale, dont beaucoup ont été traduits dans plus de vingt langues.

Avec des œuvres telles que Delirium Circus ou La Guerre olympique, il est l’un des meilleurs auteurs de SF française. En compagnie d’Yves Coppens, il a signé Le Rêve de Lucy et Sous le vent du monde.

Son Été en pente douce a été adapté au cinéma avec le succès que l’on sait.

Manger Bambi

Manger Bambi de Caroline De Mulder aux Éditions Gallimard / La Noire

“ Les miroirs de l’ascenseur les montrent en pied, le maquillage à peine entamé, intactes quasiment, et d’humeur joyeuse. La ravissante, c’est Hilda, Bambi pour son créa. Bambi à cause de ses yeux doux et de sa charpente légère, tout en pattes. Elle est en slim et top serré sur un torse sec, et gueule d’enfant grimée. La blonde, c’est Leïla, qui a les cheveux noirs et perd dix centimètres en arrachant sa perruque comme si c’était le scalp de l’ennemi. […] ”

Qu’est-ce qui peut bien pousser une jeune fille qui n’a même pas encore fêté ses seize ans, à rencontrer des papas gâteaux dans des chambres d’hôtel ? Est-elle pleine de vices, cherche t’elle juste à se sortir de la misère ou a-t-elle des comptes à régler avec la gente masculine ? Toujours est-il qu’avec ses copines, elles jouent avec le feu tout en s’en mettant plein les poches aux passages en dépouillant ces vieux vice lards pêchés sur le net.

[…] À part ça, la life me bousille, ouais, la vie est une pute et on a même pas la thunes pour l’acheter. »

Sous ses grands yeux qui laissent parfois couler quelques larmes si c’est nécessaire se cache une violence extrême qu’elle laisse échapper lorsqu’on lui refuse ce qu’elle veut.

« C’est pas de notre faute. On est des proies faciles et tout le monde en abuse. »

De retour à la maison il faut supporter “ Nounours ” le nouveau mec de sa mère. Sous prétexte qu’il allonge les biftons et permet à sa mère de s’alcooliser jusqu’à plus soif il faudrait être très gentille avec lui, vraiment très gentille.

Mais même pour faire plaisir à sa mère Bambi n’est pas prête à s’offrir sur un plateau.

Chaque jour tout peut basculer et l’empêcher de parvenir à fêter son seizième anniversaire.

Il est temps de balancer ce porc loin de sa vie…

Ce que j’en dis :

Ne vous fiez pas au titre, vous êtes bien loin d’un conte de fée, ici Bambi n’a rien d’une petite fille protégée par sa mère des vilains prédateurs, bien au contraire.

Caroline De Mulder nous offre une histoire démoniaque où la violence des jeunes filles fait froid dans le dos, étant généralement promulguée par des hommes.

Dans un style très évocateur, assez trash, utilisant même l’argot de la jeunesse qu’il n’est pas toujours simple à comprendre mais qui colle parfaitement à la sauvagerie de ces gamines, ce roman noir nous plonge dans la vie de Bambi devenue elle même une prédatrice pour tenter d’effacer sa souffrance. Auprès d’une mère défaillante, un père absent, son univers est parti en live et sa survie ne tient plus qu’à un fil, un dérapage est si vite arrivé…

La série noire peut s’enorgueillir de toujours nous offrir de magnifiques plumes, où la noirceur rayonne dans toute sa splendeur.

Manger Bambi ne fait pas exception, bien au contraire, n’hésitez pas à le dévorer.

Pour info :

Caroline de Mulder, née à Gand en 1976, est un écrivain belge de langue française. Elle réside à la fois à Paris et à Namur où elle est chargée de plusieurs cours de littérature aux Facultés Notre- Dame de la Paix.

Élevée en Néerlandais par ses parents, elle alterne ensuite des études en français et en néerlandais, primaires à Mouscron, secondaire à Courtrai, philologie romane à Namur, puis à Gand et enfin à Paris.

L’auteur qui aime dire avoir deux langues maternelles, a donc appris à écrire en néerlandais et à lire en français.

En 2010 , son premier roman « Ego Tango » (consacré au milieu du tango parisien, milieu qu’elle a elle même fréquenté assidûment), lui vaut d’être sélectionnée avec 4 autres écrivains pour la finale du prix Rossel. Elle est la cadette de la sélection et remporte le prix.

Elle publie en 2012 un premier essai : « Libido sciendi : Le Savant, le Désir, la Femme », aux éditions du Seuil. La même année, elle publie également un second roman (« Nous les bêtes traquées », aux éditions Champ Vallon) lors de la rentrée littéraire.

Chez Actes Sud, elle punlie, en 2014, « Bye Bye Elvis » et, en 2017, « Calcaires ».

Je remercie les Éditions Gallimard pour cette virée habillée de noirceur.

Les nuits rouges

Les nuits rouges de Sébastien Raizer aux Éditions Gallimard

“ Bon sang, un homme passe quarante ans dans un crassier et personne ne remarque rien. ”

Dans le nord-est de la France, à deux pas des anciens hauts fourneaux, on vient de découvrir le corps momifié d’un homme. Il s’agit du cadavre d’un syndicaliste porté disparu depuis 1979.

Ses deux fils, des jumeaux ont grandi dans cette région dévastée économiquement et socialement, avec le poids d’un monstrueux mensonge, croyant depuis toutes ces années que leur père les avait abandonné.

Désunis depuis quelques années, c’est dans la noirceur qu’ils se retrouvent.

Alexis, employé de banque au Luxembourg s’en tire un peu mieux que Dimitri qui zone à droite à gauche tout en touchant à la came.

En apprenant la nouvelle, Dimitri se sent envahi par la rage, assoiffée de vengeance.

“ C’est toute une vie qu’il faut remettre en ordre […] Tout reprendre de zéro. L’histoire de ce monde. Expurger le mal à la racine. […] Ce qu’il faut maintenant, c’est de la violence, du sang et des larmes. Il faut des nuits rouges. Laver tous ces morts avec le seul rouge qui soit. Le sang. ”

Keller, le commissaire adjoint se retrouve sur l’affaire. Il vient de débarquer dans cette région peu accueillante qu’il ne connaît absolument pas, et va devoir en plus bosser avec Faas un inspecteur imprévisible.

“ Salopard, se dit Keller. Putain de salopard. Mais au moins, ça a le mérite d’être clair. Ingérable, allergique à la hiérarchie, histoires abracadabrantes à son sujet, face de rat. ”

Les ouvriers sidérurgistes ont disparu. mais leurs sangs rouges coulent dans les veines de leurs enfants, prêts à se révolter pour qu’enfin la vérité surgisse du fond des crassiers.

“ Les nuits étaient rouges comme des yeux injectés de sang, de haine, de peur et d’instincts de meurtre. Les nuits étaient rouges, comme la frontière entre la folie et la mort. ”

Ce que j’en dis :

Lorraine de souche, Lorraine de cœur, et même fille d’un ancien ouvrier des hauts fourneaux de Neuves Maisons, il était impossible pour moi de passer à côté de ce roman où la noirceur des crassiers envahit les pages en nous offrant presque une page d’Histoire. Car même si ce récit est une fiction, elle rends magnifiquement hommage à toute une région meurtrie et à tous ces hommes, ces gueules noires aux poumons encrassés qui ont bossé dans toutes ces usines jusqu’à leurs fermetures, laissant derrière elles des familles sur le carreau.

La colère de Dimitri, je l’ai connu même si c’est par la maladie que mon père est parti… comme tant de ses potes ouvriers.

“Ils ont tué le tissu social, la conscience de classe, la solidarité, la culture ouvrière, la notion de révolte. Ils nous ont hypnotisés par la peur jusqu’à nous faire oublier notre propre pouvoir. Il n’y a plus rien.”

Mais c’est avec classe et une certaine élégance même si elle est parfois brutale que Sébastien Raizer nous parle de la classe ouvrière à travers cette enquête criminelle habitée par une violence extrême.

Aussi complexes sont-ils, ses personnages plutôt barrés collent parfaitement à cette histoire. La crise sidérurgique a laissé derrière elle des vies chargées de souffrance, envahies par le désespoir alors pas étonnant que la came surgisse dans le paysage, et amène une nouvelle forme de violence que ce soit du côté des consommateurs que des vendeurs. La douleur face au profit, une histoire sans fin, un éternellement recommencement.

Ceux qui ne connaissent pas cette région, seront un peu comme ce flic, Keller, fraîchement débarqué et poseront à leur tour un regard sur cette endroit avec une terrible envie de remettre à sa place ce flic véreux, cette face de rat, tout en ayant une profonde empathie pour ces deux frères, notamment Dimitri ce révolté qui a déjà trop souffert.

Sébastien Raizer nous offre un récit d’une force incroyable où la violence explose tel le métal, hurlant sa colère dans les nuits rouges de l’Est de la France.

Bien évidemment la fille de l’est a apprécié et remercie humblement l’auteur pour ce récit terriblement brillant qui lui a permis de replonger dans ses souvenirs auprès de ses chers disparus, réveillant quelque peu la colère qui sommeille en elle…


Un dose d’encre d’acier trempée où la vengeance rends les nuits rouges éclatantes de beauté et d’effroi.

Pour info :

Sébastien Raizer est le cofondateur des Éditions du Camion Blanc, qui ont publié des cargaisons d’ouvrages sur le rock, et de la collection Camion Noir, aliénée aux cultures sombres.

Il est l’auteur de la trilogie transréaliste des « Équinoxes » à la Série Noire (L’alignement des équinoxes, Sagittarius, Minuit à contre-jour), ainsi que d’un Petit éloge du zen.

Il vit à Kyoto où il pratique le iaido et le zazen.

Je remercie également les Éditions Gallimard pour cette plongée violente dans l’Est de la France.

Les larmes du cochontruffe

Les larmes du cochontruffe de Fernando A. Flores aux Éditions Gallimard / La Noire

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paul Durant

Le Texas et le Sud du Mexique, sont dorénavant séparés par deux murs, et sous haute surveillance, protégés par les protecteurs de la Frontière.

Les cartels sont toujours omniprésents, mais la drogue n’est plus aussi attractive pour se remplir les poches. À présent ils ont jeté leurs dévolus sur les têtes réduites d’indigènes et l’art amérindien.

C’est dans ce climat où règne la violence et la corruption que Bellacosa, recherche son frère disparu, en compagnie de Paco un journaliste qui enquête de son côté sur un autre marché scandaleux lié à des espèces animales disparues.

Pendant leurs recherches, ils vont rencontrer une étrange créature appelée le cochontruffe.

Ce que j’en dis :

Voilà bien une histoire aussi surprenante que le cochontruffe croisé entre ces pages. On est en droit de se demander si l’auteur était sous l’emprise d’une substance hautement hallucinogène pendant son processus d’écriture, car cette histoire est plutôt barrée.

Dans cet univers décalé il nous emmène dans le futur, à travers une double enquête qui nous conduira vers un banquet privé très bizarre où le gratin s’adonne à divers pratiques on ne peut plus étranges. Peut-être souhaitait-il dénoncer le danger qui nous guette face aux clonages d’espèces disparues, un genre de mise en garde sur les dérives de certaines pratiques pour assouvir les lubies des riches,.

J’ai peut-être bien raté quelque chose en chemin ?

Hélas les les larmes du cochontruffe n’ont pas réussi à m’attendrir, et c’est plutôt un peu perdue que j’ai terminé cette lecture. Il est clair que je ne m’attendais pas à trouver ce genre d’histoire dans cette collection.

Surprise je l’ai été mais pas du côté escompté. Je n’irai pas jusqu’à verser une petite larme de regret mais presque.

Un rendez-vous manqué avec la noire c’est plutôt rare, mais voilà c’est fait

Pour info :

Fernando A. Flores est né à Reynosa, Tamaulipas, au Mexique, et a grandi dans le sud du Texas.

Depuis 2014, il est libraire à Austin.

Je remercie les Éditions Gallimard pour ce voyage au pays imaginaire du cochontruffe.

La proie

La proie de Deon Meyer aux Éditions Gallimard / série noire

Traduit de l’Afrikaans par Georges Lory

« J’ai appris une chose sur ce pays, Vaughn. Ça ne va jamais aussi mal qu’on le craint. Et ça ne va jamais aussi bien qu’on le voudrait. Il y a eu un moment où moi aussi j’ai failli perdre tout courage. Il me semblait que tout allait mal… la roue tourne. Les choses vont s’améliorer, Vaughn. Un jour ou l’autre. Pas au point d’aller danser dans les rues. Mais ça ira mieux. »

Le Cap, Afrique du Sud.

C’est ici que je fais la rencontre Benny Griessel et Vaughn Cupido, deux membres de la brigade des Hawks.

Le corps sans vie d’un ancien membre de leurs services, qui était devenu consultant en protection personnelle, vient d’être retrouvé. Apparemment il a été jeté par la fenêtre du train le plus luxueux du monde, le Rovos.

Griessel et Cupido ne vont rien lâcher malgré la pression en haut lieu, et tout mettre en œuvre pour trouver le meurtrier, car pour eux ça ne fait aucun doute, il s’agit bien d’un meurtre.

Au même moment à Bordeaux, Daniel Darret, ancien combattant de la branche militaire de l’ANC, s’est construit une nouvelle vie tranquille assez clandestine, souhaitant oublier son passé. Tout se passait plutôt bien, jusqu’à l’apparition d’une ancienne connaissance qui vient lui demander un service…

Embarqué contre son gré, il se retrouve très vite dans une nouvelle mission avec à ses trousse des Russes, et les services secrets sud-africains.

Seulement sa proie est déjà dans sa ligne de mire, la traque peut se poursuivre.

Ce que j’en dis :

Comment se débarrasser même fictivement d’un être indésirable de son pays ? Peut-être en écrivant un roman…

Deon Meyer, s’est certainement fait plaisir et a peut-être régler à sa manière quelques comptes face à la corruption qui fait rage dans son pays.

À travers ce roman. Il nous dépeint l’Afrique du Sud gangrenée par la misère, les meurtres, les complots, la perversion, les trafics à travers une double intrigue qui franchit les frontières, nous montrant à quel point la violence est partout, et bien souvent sous le contrôle des gouvernements, là où des hommes de l’ombre agissent à leurs places.

Fortement attaché à son pays et révulsé de constater à quel point il se dégrade, Deon Meyer nous offre un thriller politique haletant, puissant avec un côté hyper réaliste plutôt effrayant.

” – Nous avons un très gros soucis. Tout le département du renseignement criminel de la police nationale est corrompue et compromis. Il ne fait pas de doute que le procureur général est un homme corrompu et compromis. Que notre ministre de l’intérieur est un homme corrompu et compromis, et qu’il en va de même pour le président de la République. Corrompu et compromis par trois criminels indiens qui se font passer pour des hommes d’affaires. Je ne suis pas certaine au sujet du directeur général de la police, mais il suit les ordres de son ministre corrompu, il n’a plus aucune crédibilité. “

Mais en fait, sommes nous vraiment en Afrique du Sud ?

C’est à découvrir dès maintenant chez votre dealer de livres préféré.

Pour info :

Né en 1958 à Paarl, en Afrique du Sud, Deon Meyer a grandi dans une ville minière de la Province du Nord-Ouest.

Ancien journaliste, puis rédacteur publicitaire et stratège en positionnement Internet, il est aujourd’hui l’auteur unanimement reconnu de best-sellers traduits dans 15 pays.

Il vit à Melkbosstrand.

Mictlán

Mictlán de Sébastien Rutés aux Éditions Gallimard, collection La Noire

Gros et Vieux sont à bord d’un poids lourd, transportant on ne sait quoi, vers on ne sait où. Ces deux hommes au passé sinistre roulent à travers le désert avec quelques règles à respecter sous peine de représailles. Il leur est interdit de s’arrêter en dehors des stations services, et surtout de jeter un œil sur la cargaison.

” (…) tu ne t’arrêtes jamais, tu roules en attendant que je t’appelle, tu roules une semaine, tu roules un mois, tu roules dix ans si besoin, on s’en fout, tu roules tant que je t’appelle pas, et tu laisses personne approcher, même pas les flics, si les flics font chier, tu leur parles de moi, connard, jamais du Gouverneur, c’est clair ?, à aucun prix, tu m’entends ?, tu leur dis juste de voir avec moi, ça devrait suffire, mais s’ils insistent, tu m’appelles, et s’ils deviennent dangereux, vraiment dangereux, tu leur fais la peau et tu jettes leur cadavre dans un fossé, c’est le seul cas où tu as le droit de descendre de ce putain de camion ailleurs qu’à une station service, c’est compris ? “

La proximité des deux hommes dans cette cabine, amène à la confidence sans pour autant les rapprocher.

(…) voilà ce qui fascine Gros, il se sent responsable de quelque chose, fier d’avoir été choisi pour conduire ce camion bien propre, bien frais, sur une route étroite dans ce désert qui ressemble à une peau d’animal malade, pelée, galeuse, grattée jusqu’au sang et couverte de plaies jusqu’à l’horizon, une route bien droite et bien lisse, qui scintille au soleil, que le soleil et le désert s’acharnent à dissoudre au loin comme ils dissolvent les cadavres, mais qui résiste, qui survit, malgré les nids-de-poule et les ordures qui menacent de déborder des fossés sur le bas-côté, une route en forme de destin, un peu plus étroite chaque matin…“

Sur la route, les tentations sont fortes pour déroger aux règles imposées, et lorsque s’ajoutent une multitude d’événements les mettant en danger, ils sont à deux doigts de tout envoyer balader.

Mais attention, le Gouverneur les surveille…

Ce que j’en dis :

Même si dès le départ, on sait le contenu de la remorque, j’ai fait le choix de ne pas le dévoiler, ne lisant pour ma part que très rarement les quatrième de couverture et préférant garder le suspens jusqu’au début de votre future lecture.

Car bien évidemment vous allez lire ce roman noir fraîchement débarqué dans La Noire de chez Gallimard. Ce serait une grave erreur de passer à côté de cette petite bombe livresque, autant pour sa plume percutante que pour cette histoire hallucinante, très certainement inspirée d’un fait divers survenu en 2018 au Mexique.

On peut dire qu’il claque, qu’il déchire ce récit. Tout comme ce camion, il trace sa route dans notre cerveau à vitesse non autorisée et laisse au passage toute sa rage, et quelques cadavres non identifiés.

Une écriture acérée,  » no limit « , un style décapant, fulgurant, extrême, au rythme infernal à vous couper le souffle, et qui vous éblouira tels des phares en pleine tronche par sa poésie qui s’incruste avec élégance dans cette noirceur absolue.

Un petit noir, bien serré, servi par La Noire, à consommer sans tarder.

Pour info :

De ses quinze ans à enseigner la littérature latino-américaine à l’université, Sébastien Rutés garde cette idée de Jorge Luis Borges qu’il n’y a pas de meilleure biographie pour un écrivain que ses oeuvres (et B. Traven ajoute : « sinon, soit ce sont les oeuvres qui ne valent rien, soit c’est l’homme »). 
On peut néanmoins ajouter qu’il est né dans les années 70, a publié plusieurs romans de genres très divers, dont un écrit à quatre mains et en deux langues avec un ami mexicain: Monarques Albin Michel, 2015) ; mais aussi La vespasienne (Albin Michel, 2018) ou Mélancolie des corbeaux (Actes Sud, 2011). Mictlán  (Gallimard, 2020) est son sixième roman.

Je remercie les Éditions Gallimard pour cette virée mortelle.

Le moine de Moka

Le moine de Moka de Dave Eggers aux Éditions Gallimard

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Juliette Bourdin

” Mokhtar ne pouvait pas parler aux autres de ce genre de choses, de sa capacité à flairer une occasion et à s’y préparer mentalement. Les gens ne comprenaient pas. Mais lui savait que si on lui donnait la moindre ouverture, le plus mince entrebâillement, sa tchatche était capable d’ouvrir grand la porte et de lui faire franchir le seuil. “

Lorsque Mokhtar découvrit la fabuleuse histoire de l’invention du café. Il exerçait le métier de portier à San Francisco dans un immeuble prestigieux. À vingt-quatre ans, ce jeune Américano-Yéménite était loin d’imaginer avoir en commun des origines avec le café qui occupe une place centrale au Yémen.

Autodidacte et fort débrouillard, il quitte sa famille et les États-Unis pour se rendre sur la terre de ses ancêtres et prospecter auprès des cultivateurs de café.

” Il lui dit qu’il appartenait à une famille yéménite qui avait cultivé le café depuis des siècles et qu’il retournerait bientôt au pays pour faire revivre l’art du café yéménite et l’amener sur le marché du café de spécialité. “

En plus de vouloir importer le café du Yémen, il veut lui redonner ses lettres de noblesse, mais également payer tous ces cultivateurs, cueilleurs, trieurs, les emballeurs, à leurs justes valeurs.

” Toute tasse de café requiert donc une vingtaine de mains, du producteur au consommateur. Et pourtant, elle ne coûte que deux ou trois dollars. Même une tasse à quatre dollars relève du miracle, compte tenu du nombre de personnes impliquées, compte tenu de l’attention et de l’expertise prodiguées aux grains dissous dans cette tasse à quatre dollars. Une attention et une expertise telles que en fait, même à quatre dollars, on peut soupçonner que, au cours du processus, des gens – peut-être même des centaines de gens – ont été escroqués, sous-payés, exploités. “

Hélas en 2015, alors que son projet ambitieux d’améliorer les conditions de travail et de changer l’image du Yémen aux yeux du monde prend forme, une guerre civile éclate.

Les bombes saoudiennes tombent, l’ambassade américaine ferme ses portes, et Mokhtar se retrouve coincé au Yémen, mais il refuse de sacrifier ses rêves et de laisser tomber tous ceux qui comptent et croient en lui.

Ce que j’en dis :

Êtes-vous prêt à vivre une aventure extraordinaire ? Car c’est ce qui vous attend dès les premières pages de cette histoire vraie aussi captivante que passionnante.

What else ?

Il est même fort possible que vous appréciez davantage votre prochaine tasse de café, en tout cas vous risquez fort de le voir différemment.

What else ?

Dave Eggers est un formidable conteur, tout en portant un regard éclairé et juste sur l’histoire du café, il emporte le lecteur dans une aventure bouleversante en plein milieu d’une guerre, où notre héros si courageux soit-il, risque de tout perdre.

What else ?

Ce récit instruit autant qu’il divertit, parfois drôle mais aussi inquiétant, et ne manque pas de suspense. Il est préférable de l’accompagner de quelques cafés car une fois commencé il est impossible de le lâcher avant le final où le champagne risque de s’inviter à la fête.

What else ?

Après Zeitoun que j’avais déjà trouvé formidable malgré le sujet douloureux qu’il relatait, j’ai retrouvé avec plaisir la plume de Dave Eggers et son talent d’écrivain, et j’ai hâte de poursuivre mes découvertes, notamment Les héros de la frontière.

En attendant je ne peux que vous recommander le moine de Moka, pour découvrir vous aussi l’histoire de ce jeune Américain musulman, un homme hors du commun. .

What else ?

Filez chez votre libraire…

What else ?

Je remercie infiniment Léa, fondatrice du Picabo River Book Club et les Éditions Gallimard pour cette aventure aussi enrichissante que palpitante.

Pour info :

Dave Eggers est né à Boston dans le Massachusetts.

Écrivain américain, scénariste il est aussi fondateur du magazine littéraire The Believer, de Might Magazine et de la maison d’édition McSweeney’s.

Il est l’époux de Vendela Vida également auteure.

Dave Eggers a écrit quatre livres populaires: A Heartbreaking Work of Staggering Genius (Une œuvre déchirante d’un génie renversant), You Shall Know Our Velocity, How We Are Hungry, et What Is the What: The Autobiography of Valentino Achak Deng.

Il est par ailleurs coscénariste, avec Vendela Vida, du film Away We Go(2009) réalisé par Sam Mendes.

Son livre Le Cercle traite de la toute-puissance des nouvelles technologies à cause desquelles les individus renoncent de leur plein gré chaque jour un peu plus à leur vie privée.

Il vit à Chicago et San Francisco. Il est enseignant à l’école 826 Valencia.

“ Paz ”

Paz de Caryl Férey aux Éditions Gallimard

“ L’affaire qui l’occupait sentait la pisse froide. Lautaro avait doublé les récompenses pour obtenir des infos, sans résultat. Les cadavres s’accumulaient. Plus d’une trentaine, dont la moitié hors de sa juridiction, et tous n’avaient sûrement pas encore été découverts : un bombardement de morts, par petits bouts éparpillés comme des munitions à fragmentation touchant la population civile. Les médias n’étaient pas au courant, focalisés sur les premières élections depuis les accords de paix. Ça ne durerait pas.  »

Lautaro Bagader est chef de la police criminelle de Bogota, il est aussi le fils du Procureur général de la Fiscalia et le frère d’un ancien du FARC, aujourd’hui disparu.

À la veille des élections présidentielles, des corps mutilés sont retrouvés qui n’est pas sans rappeler les massacres de la Violencia des années 50.

” – Nous soupçonnons une organisation criminelle de grande envergure d’être l’auteur de ces massacres : le Clan du Golfe est la première sur notre liste. (…)

– La paix a été signé par presque tous les belligérants ; vous vous doutez bien que si vous ou vos tueurs êtes responsables de ces massacres, aucune négociation politique et judiciaire ne sera admise. “

Diane Duzan, une journaliste d’investigation à El Espectador insatisfaite des informations de la police, au sujet de tous ces morts retrouvés à travers le pays, décide de mener sa propre enquête.

” Le processus de paix n’avait pas changé grand-chose, il n’y avait jamais eu autant de coca cultivée dans le pays – plus de trois cent mille hectares. La proximité avec la frontière équatorienne faisait de Nariño un passage obligé pour le trafic de drogue, rendu plus dangereux par la dissidence des combattants d’extrême gauche et l’arrivée des cartels mexicains sur le territoire. La guerre pour le contrôle de la production tuait les hommes mieux que les mauvais alcool et les balles perdues des bars où les raspachines se réunissaient le week-end , un hécatombe qui frappait les pères et voyait les fils s’engager parmi les combattants des différentes forces armées, pour le malheur des veuves chefs de famille. “

Au cœur de la Colombie, une fois encore la violence et la corruption font rage, tout comme la drogue et la prostitution dans un climat politique sous haute tension.

À travers cette tragédie familiale aux allures shakespeariennes, Caryl Férey nous plonge dans les coulisses historiques de l’horreur colombienne.

Ce que j’en dis :

Absolument fan de ce baroudeur depuis la lecture de Mapuche, puis Zulu, et ainsi de suite … il était certain que je prendrais grand plaisir en m’aventurant dans son dernier roman, Paz. J’ai enfilé mon gilet pare-balle par précaution puisqu’il était question de Violencia et bien à l’abri dans mon salon, j’ai filé direction la Colombie.

A peine arrivée, j’en ai pris plein les yeux, de même que Lautaro, se réveillant la main sur les fesses d’une femme… Ça commence fort, mais le meilleur reste à venir.

Enfin le meilleur pour le lecteur, car pour ceux qui se baladent dans cette histoire, c’est pas gagné. La violence est omniprésente, en même temps vu le contexte on y est préparé.

Et quoiqu’en disent certaines mauvaises langues (à mon avis des jaloux qui écrivent avec leurs pieds ) ce thriller c’est une « tuerie ».

Bien sûr, c’est brutal, et même si le processus de paix est en cours, il est certain que ce n’est pas simple pour les colombiens.

Caryl Férey nous épargne du mieux possible en minimisant autant que faire se peut certaines situations mais s’il veut rester crédible, lui qui n’hésite pas à enquêter sur place, à se rendre sur le terrain avec ses acolytes, il ne peut évidemment pas tout supprimer sinon quel intérêt.

Alors si tout comme moi, vous aimez ceux qui écrivent avec leurs tripes mais aussi leur cœur, ce livre est fait pour vous comme il le fut pour moi, et ce n’est pas quelques scènes un peu hard qui vont vous empêcher de découvrir ce voyage en Colombie. Y’a de la haine, de la corruption, de la prostitution, des massacres, des trahisons, une famille divisée, mais y’a aussi de l’amour, ça laisse un peu d’espoir non ?

C’est signé Caryl Férey, de la bonne came de Colombie pure et dure.

Pour info :

Paz est disponible en version audio, lue par Michel Vigné, depuis le 10 octobre 2019 dans la collection Écoutez Lire.

2 CD MP3 / 20 h d’écoute environ.

Biographie (Emprunté sur le site des Étonnants voyageurs)

L’idole du romancier Caryl Ferey n’est pas un homme de lettres : c’est Joe Strummer, le mythique leader des Clash, dont le punk contestataire a bercé son adolescence. Un « modèle d’éthique » dont il envie l’intransigeance et la droiture morale et avec lequel il partage une véritable rage, palpable dans chacun de ses polars.

Dopé au rock, Caryl Ferey se lance à 17 ans dans l’écriture d’une saga « romantico-destroy » : un pavé impubliable, sorte de road-movie à la Mad Max, magnifiant les aventures et les excès de son adolescence bretonne. L’excès est l’un des leitmotiv de sa vie : il en fera l’éloge en 2006 dans un court recueil de textes publié par Gallimard. Méprisant le « confort bourgeois », avide de mouvement, de rencontres, Caryl Ferey s’embarque sitôt majeur dans un tour du monde qui le conduira en Océanie, sur les traces du grand Brel, autre figure importante de son panthéon personnel.

Il tombe alors amoureux de la Nouvelle-Zélande : le « pays du long nuage blanc » sera dix ans plus tard le décor des deux thrillers au lyrisme brutal et aux dialogues ciselés, Haka (1998, « ressuscité » chez Folio Policier en 2003) et Utu (2004), qui l’imposent dans le milieu du polar français. Loin des clichés édéniques, ces deux romans mettent en scène les durs à cuire Jack Fitzgerald et Paul Osbourne, flics des antipodes, en butte aux relents du passé colonial du pays du « kiwi » et aux violences du libéralisme à tout crin des années 1980. Après le Prix SNCF du polar français reçu en 2005 pour Utu, Zulu, dont l’action se situe cette fois dans l’Afrique du Sud post-apartheid, lui vaut en 2008 une ribambelle de distinctions : Prix des Lecteurs des Quais du Polar de Lyon, Grand Prix du Roman Noir Français au festival du film policier de Beaune, prix Nouvel Obs du roman noir, prix des lectrice du magazine Elle… Une adaptation pour le cinéma est présentée a Cannes en 2013, gros succès.

Caryl Ferey sévit aussi régulièrement sur les ondes : il écrit de nombreuses pièces radiophoniques pour France Culture. En novembre 2008, la station a notamment diffusé en direct sa fiction « Crevasses », une création post-apocalyptique mêlant théâtre, musique, rap et slam, à laquelle ont collaboré la rappeuse Casey et l’écrivain Jean-Bernard Pouy. Friand d’expérimentations, Caryl Ferey s’est également frotté à Internet, en écrivant le texte de la web-fiction Muti proposé sur le site du Monde lors de la Coupe du Monde de football de 2010 : un véritable roman-feuilleton interactif entrainant l’internaute dans les bas-fonds de Cape Town…

Après ses polars sud-américains, Mapuche en 2013, opus noir et déjanté sur la communauté indigène Mapuche, Condor, roman engagé qui nous transporte dans une folle enquête à travers les grands espaces chiliens, Caryl Ferey est parti se perdre en Sibérie pour nous livrer l’étonnant Norilsk : récit de ses « vacances » par -30° dans une ville minière en autarcie, réputée la plus poluée du monde.
Mais le prolifique écrivain globe-trotter est déjà de retour avec un polar, publié chez Série Noire, Plus jamais seul. L’occasion de rapatrier son héros préféré en Bretagne : le truculent McCash. Cet ex-flic borgne, inspiré par un camarade d’école ayant perdu un oeil dans un accident de moto, est un héros récurrent de Caryl Ferey. McCash, aussi attachant que cynique, décide d’enquêter sur la mort de son meilleur ami. Une enquête qui va le conduire jusqu’en Méditerranée, où il aura fort à faire face aux trafiquants d’être humains et exploiteurs de toute espèce. Un roman noir et engagé où on retrouve les préoccupations politiques de Caryl Ferey, mais où on rit aussi beaucoup !

Je remercie les Éditions Gallimard pour cette virée colombienne sous haute tension.

“ Barbès trilogie ”

Barbès trilogie de Marc Villard aux Éditions Gallimard

La nuit tombe sur Barbès. Toutes les familles tassées dans les taudis alentour se scindent en deux groupes bien distincts. Les parents prennent l’air à la fenêtre, dardant un œil sans illusion sur les pitreries de Foucault ou Sabatier pendant que leur rejetons descendent retrouver la rue, les copains, leurs coups foireux, leurs deals de merde. C’est l’heure où Barbès nous la joue Casbah. Les Antillais ne sont pas les derniers à insuffler du relax dans la tension. Ils sortent leurs congas, les filles remuent leur cul et sur les rythmes inversés de Kingston – c’est Dennis Brown qui tient la corde ces temps-ci – font trembler toutes les vitres du Triangle d’or. Des morveux de dix ans aux prunes tirent sur des joints de hasch dans les arrière-cours pendant que l’Hôtel du crack affiche complet, distribuant ses pipes à tous les étages.

Les dingues du rock arpentent les rues, les yeux exorbités, l’angoisse au cœur, répétant telle une litanie à chaque visage connu rencontré :

— T’en as, mec ? “

Barbès, quartier populaire et cosmopolite du nord de Paris, où se côtoient les classes sociales assez défavorisées, bien souvent sans-papiers.

C’est là qu’entre en scène Tramson, un éducateur de rue, sensé protéger les mineurs qu’on lui confie, en gardant un œil sur eux au milieu des drames qui les guettent quotidiennement.

” Tramson marchait, le cœur à la casse, dans les rues naufragées.

Il marchait dans cette félicité mouvante, car il aimait la rue, la nuit, la foule dérisoire et sublime. Il aimantait volontiers son regard à ces yeux qui jaillissaient du néant, leur offrant le don fugitif de son visage sans illusion.

Parfois, dans les rues nègres, il lui venait des doutes quant à cet amour instinctif pour le bitume. Alors l’amant mutait en chasseur. Tramson était dur, obstiné et terriblement sentimental. “

Tel un ange gardien, il prend sous son aile les âmes en déroute, les homos malmenés, les prostituées sous la coupe de mac tortionnaire, où tombées dans l’enfer de la drogue.

Qu’ils se nomment, Fari, Agnès, Félix, Dani, Fred, Samir, Farida, Mélissa, tous tentent de survivre dans cette ville lumière qui en a fait rêver plus d’un mais qui hélas vire bien trop souvent au cauchemar.

La délinquance pullule à Barbès, combines foireuses, meurtres, suicides, prostitution, drogue, la violence en tout genre a pris ses quartiers.

Tramson fait de son mieux, quitte à y perdre son âme car ici au milieu du chaos on s’entraide beaucoup, on s’aime aussi, et on rêve un peu, beaucoup…

Ce que j’en dis :

Quiconque se souvient de Tchao Pantin, magnifique roman d’Alain Page qui fut adapté par la suite au cinéma, où notre regretté Coluche y avait un rôle puissant et tellement touchant au côté de Richard Anconina, devrait lire et apprécier à sa juste valeur cette trilogie qui réunit pour la première fois trois cours romans de Marc Villard.

On se retrouve plonger à Barbès, un quartier de Paris  » crasseux  » dans les années quatre-vingt au côté de paumés qui se retrouvent bien souvent sous la coupe de la mafia locale.

Marc Villard, véritable poète, slam et nous offre des personnages de caractères avec grand style. Des personnages bouleversants auxquels on s’attache forcément.

Au gré des pages, la musique s’invite dans le décors tout comme certains livres très recommandables.

Très cinématographiques et très réalistes, ces scénarios vont à l’essentiel avec élégance en posant un regard acéré sur cette banlieue d’âmes en peine.

Rebelle de la nuit, avait été édité en 1987 par Claude Mesplède au Mascaret. La porte de derrière avait été publié à la Série Noire par Patrick Raynal en 1993. Et enfin Quand la ville mord avait été demandé par Jean-Bernard Pouy pour sa collection Suite Noire en 2006.

Réunis et édités aujourd’hui chez Gallimard suite à la suggestion de Stéfanie Delestré.

Les connaisseurs apprécieront de redécouvrir ces récits, pour les autres je ne peux que vous inviter à découvrir Barbès, Tramson et ses protégés et apprécier cette plume envoûtante qui illumine toute cette noirceur,

Une formidable découverte.

Pour info :

Marc Villard, né à Versailles, a publié 500 nouvelles,16 romans et 10 recueils de poèmes.

Il dirige la collection Polaroid où il édite des novellas de Marcus Malte, Marin Ledun, Carlos Salem, Nicolas Mathieu …

Trois de ses livres ont été adaptés en BD par Chauzy et Peyraud : Rouge est ma couleur, La guitare de Bo Diddley et Bird. 

La cinéaste Dominique Cabrera a réalisé un film d’après son texte Quand la ville mord. Il est lui-même scénariste du film Neige de Juliet Berto.

Derniers ouvrages parus : Barbès trilogie (Gallimard), Terre promise (La Manufacture de Livres).

Je remercie Babelio et les Éditions Gallimard pour cette virée épique et sublime à Barbès.