“ Je suis un guépard ”

Je suis un guépard de Philippe Hauret aux éditions Jigal

 » Lino se sentit minable de ne pas l’inviter à dormir, mais que dire de plus ? Son appart’ ressemblait à une boîte de conserve usagée et il ne pouvait décemment pas partager son canapé avec une inconnue.

Il referma la porte le plus doucement possible, comme en signe d’excuse. ”

Lino vit seul dans quelques mètres carrés. Ses journées se ressemblent, boulot, appartement, dodo. Une routine plutôt banale. Alors le jour où il rencontre cette fille sur son palier, il a tendance à rêver à un avenir meilleur.

(…) on t’a pas dit que la vie était courte, imprévisible et dangereuse ? Moi, je ne veux pas de ce type de contrat en bois. Tu saisis ? Je ne rentrerai jamais dans leur système. Je les emmerde. Je préfère la rue plutôt que de bosser pour une misère. (…) – qu’est-ce que tu proposes, braquer une banque ?

– Vivre différemment.

– J’ai pas la notice.

– À toi de l’écrire.

Lino cogite, noircit des pages blanches et se rêve écrivain.Jessica le bouscule. Leur vie prend un autre chemin, ensemble ils vont tenter le meilleur et éviter le pire. Jusqu’au jour où Melvin entre dans la danse. Sa fortune risque de faire tourner quelques têtes.

Deux mondes à part s’entrechoquent et réveillent la bête qui sommeille en eux.

Ce que j’en dis :

Toujours un plaisir de découvrir la plume d’un jeune écrivain.

À travers son troisième polar noir, l’auteur met en scène des personnages désœuvrés, assez révoltés et plutôt idéalistes qui se retrouvent face à un univers où l’argent et le paraître sont rois. Des classes sociales différentes, un véritable reflet de notre société, qui donnent une histoire réaliste qui pourrait bien finir dans la rubrique fait divers assez machiavélique d’un quotidien.

Une plume directe, dynamique d’où résulte un bon polar noir et sociétal bien agréable à lire, qui donne vie à des personnages enragés, prêts à tout pour illuminer leurs vies un peu trop sombre.

Les amoureux du polar urbain made in France vont se régaler.

Philippe Hauret est né à Chamalières, il passe son enfance sur la Côte d’Azur, entre Nice et Saint- Tropez. Sa scolarité est chaotique, seul le français et la littérature le passionnent. En autodidacte convaincu, il quitte l’école et vit de petits boulots, traîne la nuit dans les bars, et soigne ses gueules de bois en écrivant de la poésie et des bouts de romans. Il voyage ensuite en Europe, avant de trouver sa voie en entrant à l’université. Après avoir longtemps occupé la place de factotum, il est maintenant bibliothécaire. Quand il n’écrit pas, Philippe Hauret se replonge dans ses auteurs favoris, Fante, Carver, Bukowski, joue de la guitare, regarde des films ou des séries, noirs, de préférence.

Du même auteur chez le même éditeur : Je vis je meurs et Que Dieu me pardonne (Grand prix du jury du festival du polar de la pleine haute).

Je remercie les Éditions Jigal pour ce roman noir plutôt féroce.

“ Jaune soufre ”

Jaune soufre de Jacques Bablon aux Éditions Jigal

“ Lui devait mourir parce que c’était une ordure, c’était juste ça. “

Et ce fût chose faite l’ordure mourut et Rafa naquit ce jour béni.

 » – J’ai quelque chose d’important à vous dire…une mauvaise nouvelle à vous ann…

– Et pas une bonne ? Souvent les : j’ai une mauvaise nouvelle et une bonne à vous annoncer, on commence par…

– Votre père est mort

– Ben voilà… Et la bonne c’est que je m’en tape. ”

Apparemment cette ordure ne manquera à personne, ni même à ses enfants dont Marisa, une nana forte tête.

Les années ont passé et Rafa se retrouve avec un paquet de diplômes en poche et pourtant, c’est de petits boulots dont il devra se contenter, les temps sont durs. Mais s’il veut son indépendance et quitter sa mère un peu excessive il n’a pas le choix.

 » Il fait plus que jour, c’est le matin. Ça grouille de gens, il y a des feuilles aux arbres, la trace d’un avion dans le ciel, c’est reparti ! ”

Warren, cherche Marisa sa sœur, qu’il n’a jamais rencontré. Les retrouvailles s’avèrent compliquées. La vie n’est pas un conte de fée.

“ (…) l’adresse ne peut plus être la bonne parce que la première chose que doivent faire les gens quand ils arrivent ici, c’est tout ce qu’ils peuvent pour se tirer.  »

Quatre acteurs principaux pour une histoire aux effets très spéciaux.

Tout s’enchaîne à merveille à travers un rythme déchaîné, une véritable course-poursuite. Les gentils contre les méchants, le bien contre le mal, la vie contre la mort. Les coups s’enchaînent et laissent les bleus sur le carreau.

“ Ce n’est pas parce qu’on est innocent qu’on n’est pas coupable. ”

Mauvais karma, mauvais choix, mauvaise rencontre, un coup pour rien, passe, perd et gagne, très peu. Les fruits pourris ne tombent jamais loin de l’arbre.

En attendant si les histoires se créent, un style pareil ça ne s’invente pas. C’est direct, précis, avec autant de phrases chocs que de coups dans la tronche. C’est violent, brutal et même parfois un peu barge, le parfait reflet de ce monde de voyous. L’auteur fascine avec son intrigue, charme avec ses personnages, percute avec son style, un genre particulier qui devrait plaire à tous les amoureux du polar hors norme.

C’est du noir stylé, déjanté, décalé, tout en finesse, différent, surprenant et on ne peut plus réjouissant.

Une bien belle découverte, un auteur à suivre indiscutablement.

Jacques Bablon est né à Paris. Il passe son enfance dans le 93 à taper dans un ballon sur le terrain vague d’à côté. Ado, il décide de devenir guitariste et de chanter du Dylan pour draguer les filles. Mais ayant peu de succès il préfère s’offrir des disques. Plus tard, l’exaltation artistique lui tombe dessus grâce à la peinture. Il deviendra professeur à l’École supérieure des arts appliqués Duperré. Parallèlement il publie des BD et devient scénariste dialoguiste de courts et longs métrages. Et démarre ensuite sa carrière d’écrivain.

De Trait bleu à Rouge écarlate, en passant par Nu couché sur fond vert, Jacques Bablon a créé un genre hors norme et décalé. Son style, direct, sec, urgent, ses intrigues mêlant peur, mort et amour, la sensibilité, la finesse de ses personnages transforment ses romans en véritables pépites de littérature noire.

Des romans noirs à découvrir d’urgence.

Je remercie Jimmy dès Éditions Jigal pour ce roman noir hallucinant..

 » Retour à Duncan’s Creek « 

Retour à Duncan’s Creek  de Nicolas Zeimet aux Éditions Jigal

 » C’ est le problème des petits patelins, (…). Il ne se passe rien jusqu’au jour où il se passe quelque-chose.  » 

Duncan’s Creek, petit village de l’Utah où trois adolescents, liés depuis l’enfance par une sincère amitié, ont grandi. Sam, Jake et Ben ont des tas de souvenirs en commun. Souvenirs qui se rappellent à Jake sur la route qui le ramène vers ce patelin suite à un appel de Sam.

 » L’été de nos seize ans. notre dernier été ensemble. 

 Souvenirs de bonheur, de gaité, de moments partagés. Tous ces vœux qu’on échange en début d’année et qui ne se réalisent pas toujours, nous les avons touchés du doigt, en 1989, contre toute attente. 

  jusqu’à ce que de nouveaux événements dramatique ne viennent nous mettre des bâtons dans les roues.  » 

Depuis l’été 1989, le passé fut enterré et chacun fit sa route. Seul Ben est resté et vingt ans sont passés.

 » Le temps est une pourriture. Il vous prends tout, la jeunesse; l’innocence, l’insouciance. L’espoir. Tout ce qu’il vous laisse, ce sont les souvenirs. « 

Ils sont toujours liés par un secret, et le déterrer risque de fragiliser leurs existences. À trop remuer les souvenirs , on peut aussi réveiller les rancœurs…

  » On aurait pu facilement empêcher ce qui s’est passé, mais aucun de nous n’a pris l’initiative d’arrêter la machine. Elle était pourtant en train de s’emballer. On a merdé dans les grandes largeurs, et on a préféré enterrer tout ça… » 

Prendre la Route 66 à travers un thriller est toujours pour moi réjouissant,  » Seuls les vautours » de banquiers m’en avaient empêché jusqu’à présent. Grâce à Jimmy j’ai pu voyager en première classe, procéder à une  » Déconnexion immédiate  » du monde qui m’entourait et  » Comme une ombre dans la ville » j’ai tracé la route avec Jake vers Duncan’s Creek en toute confiance ( malgré mon récent AVP ). Le voyage a été mouvementé, les paysages grandioses, la musique plutôt bonne, l’aventure assez violente, la chaleur écrasante et quelques pauses se sont imposées d’elle-même. J’avais un peu de mal avec certaines sorties de route, quelques dérapages, avant de retrouver un rythme de croisière plus agréable. J’ai adoré certaines étapes et un peu moins d’autres mais j’avoue que parfois j’ai décroché et puis ça ne durait pas car le suspense omniprésent m’intriguait. J’avais très envie de découvrir la fin du voyage secrètement gardé par l’auteur jusqu’à l’arrivée des dernières pages. 

Nicolas Zeimet a un style narratif qui se démarque, une manière bien à lui de camper son intrigue, et certains passages pleins d’émotions s’imprègnent en nous telles de belles citations dans une ambiance particulière qui rend assez nostalgique. Je trouve juste dommage qu’il ai repris un thème déjà souvent traité. ( Que je ne dévoilerai pas pour les futurs lecteurs), Un voyage livresque agréable, même surprenant mais je reconnais que je garde une fois de plus ma préférence pour  » Seul les vautours « . Mais tout comme l’amitié bien présente dans ce roman, ce n’est pas quelques dérapages qui vont arrêter ma fidélité à l’auteur.

La preuve, j’attends déjà le prochain. 

Nicolas Zeimet est né en 1977. Il est traducteur et vit à Paris. Il se passionne pour l’écriture dès son plus jeune âge. Son premier roman, Déconnection immédiate, paru en 2011, est suivi en 2014 de Seuls les vautours, qui reçoit le Prix Plume d’Or 2015. ( En poche chez 10/18). Son troisième roman, Comme une ombre dans la ville, le consacre comme ‘ l’une des jeunes voix des plus douées du polar français.’ Gageons qu’avec Retour à Duncan’s Creek, ça ne s’arrête pas là !

 » Nul plaisir, vraiment, ne vaut la lecture ; on ne s’en lasse jamais tandis qu’on se lasse du reste.  »

Jane Austen.

Je remercie les Éditions Jigal pour ce voyage américain made in France.