Riley tente l’impossible

Riley tente l’impossible de Jeff Lindsay à la Série Noire de Gallimard

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Julie Sibony

“ Même si quelque chose avait l’air ultra difficile sur le papier, ça ne l’était jamais. Et pourtant, ce n’était pas faute de placer la barre très haut. Je réussissais des coups qui paraissaient tout bonnement impossibles – comme de voler une statue de douze tonnes et demie – en ayant l’impression que c’était un jeu d’enfant. Je ne trouvais tout simplement rien qui soit à ma hauteur, et il y a toujours un terrible danger à cela : le danger de se reposer sur ses lauriers, imbu de soi-même, si bien que tôt ou tard on finit réellement par commettre une erreur. Et, dans mon domaine, les erreurs ont de très lourdes conséquences. La prison à vie est sans doute la moins pire. Donc la réponse s’imposait, même si elle pouvait paraître un peu débile.

Il fallait que je trouve quelque chose dont je n’étais pas capable.

Un coup au-delà de l’impossible, quelque chose de ridicule, d’impensable, d’absurde, de totalement hors de question. Et ensuite il fallait que je le fasse. ”

Après avoir lu cet extrait, vous avez déjà une petite idée de la spécificité de ce cambrioleur qui adore relever les défis. Pas question de se contenter de vulgaires vols à l’étalage, mais dévaliser un musée à Manhattan qui s’apprête à accueillir le fleuron des joyaux de la couronne iranienne, là, la tentation est énorme.

Voler les riches, tel Robin des bois avec l’aisance de Fantômas, mais avec moins de scrupules qu’Arsène Lupin même s’il adore se grimer pour rentrer à merveille dans le tôle de ses personnages qui l’aideront à mener à bien son cambriolage.

“ Et il mettra la main sur un ou deux joyaux de la Couronne iranienne, les fourrera dans sa poche et repartira peinard en ayant réussi le plus gros casse de l’histoire.

Vous pensez que c’est de la folie ? Du suicide ? Que c’est impossible ? Ça l’est. Vous pensez que c’est infaisable ? C’est ce qu’on va voir. ”

Juste le temps de prendre contact avec sa complice, et d’entrer dans son nouveau rôle, sans oublier sa maman déjà âgée, la seule à connaître ses secrets d’enfance et sa véritable identité, à moins que l’agent spécial Delgado réussisse enfin à l’attraper.

Qui de Riley ou de Delgado réussira le meilleur coup de filet ?

On peut déjà affirmer que Jeff Lindsay le créateur de l’inoubliable Dexter, adore les psychopathes, même si Riley est un peu moins sanglant, quoi que, mais tout aussi cynique.

Il a l’art et la manière de manipuler son lecteur, tout en le gardant sous tension, semant les indices au gré des chapitres, nous laissant douter de la réussite de ce cambriolage jusqu’au dénouement final.

Petit à petit on fait connaissance avec Riley, découvrant au passage son passé qui explique comment il en est arrivé à faire ce choix de vie très particulier.

On ne peut donc que le comprendre et l’admirer tout comme ce fameux Dexter, malgré leurs actions très controversées.

Premier volume d’une nouvelle série qui s’apprête déjà à prendre le même chemin que Dexter, et risque bien de rendre accro un grand nombre de lecteurs à travers le monde.

Une lecture idéale pour l’été, à glisser dans sa valise, faudra juste pas le laisser sans surveillance au risque de se le faire piquer par un lecteur en manque de bonne came.

Pour info :

Né en 1952 à Miami, Jeff Lindsay est l’auteur d’une série culte au succès planétaire : Dexter, traduite dans 22 pays.

Il vit avec son épouse Hilary Hemingway – nièce d’Ernest – en Caroline du Nord. Il enseigne à l’Appalachian State University.

Une deuxième aventure de Riley est en préparation.

Mécanique mort

Mécanique mort de Sébastien Raizer à la Série Noire de Gallimard

“ Retourner enterrer ses morts, sans toucher à rien.

Effleurer le monde, comme un fantôme.

Ne rien déranger. Ne rien bousculer, ne provoquer aucun désordre dans la mécanique des gens et des choses.

Ne tuer personne, Ne pas se faire tuer.

NO DIRTY BALLAST ”

Après trois ans passés au bout du monde en Asie, et une longue traversée en cargo, Dimitri Gallois est de retour dans sa ville natale à Thionville.

Trois ans en arrière, il avait enfin découvert la vérité sur la disparition de son père ( voir précédent roman LES NUITS ROUGES, ici), mais avait dû également faire ses adieux à son frère.

Cet éloignement lui a apporté un besoin de faire la paix avec lui-même mais aussi avec son passé.

“ Il y avait sa vie au cours des trois années précédentes. Un millier d’aubes, des millards de soleils. Ce qu’il a appris, ce qu’il a perdu, celui qu’il est devenu. Cela forme un tout, harmonieux et disparate, tangible et invisible. Il s’interdit de le disperser, de le céder aux vents, aux marées, aux déserts et à l’asphalte, et se promet de le garder compacté en lui comme un soleil noir. ”

Mais son retour ne passe pas inaperçu et très vite, il se retrouve face à Nesrine Bichiki, la sœur du dealer qu’il a jadis tué, prête à assouvir sa vengeance, même si elle est désormais à la tête d’un vaste réseau de distribution de drogue fournit par la mafia albanaise basée en Allemagne.

“ Son passé le hantait et lui échappait. Et il était en route pour se le réapproprier. C’était son unique problème. Le reste ne serait qu’une succession de détails auxquels il faudrait, systématiquement, apporter la meilleure solution. ”

Entre la légalité et l’illégalité, la frontière est mince, et une fois la mécanique lancée, il est parfois difficile d’échapper à une certaine violence qui conduit parfois à la mort, même si le besoin impérial de faire la paix lui permettra peut-être d’éviter le pire.

Retrouver la plume de Sébastien Raizer, c’est un peu comme se retrouver au cœur de son endroit préféré sur terre, c’est juste un pur bonheur.

En alliant, noirceur et poésie, il entraîne ses lecteurs dans une course infernale à travers une mécanique d’écriture mortelle, où la fulgurance de certains passages permettront d’apporter une dose d’humanité et d’apaisement dans toute cette violence. Une plume noire mais toujours lumineuse où l’humour et même l’amour y trouveront une place de choix à travers des personnages solaires.

Une intrigue qui l’amène à poser un certain regard avisé sur la planète en crise profonde face à la course folle du capitalisme, et malgré la colère qui l’habite, sa méditation zen quotidienne lui permet de nous offrir un roman noir extraordinaire, survolté, où la vengeance et le pardon s’allient pour apporter la paix, la violence n’étant pas toujours une option indispensable même si elle reste incontournable dans certaines situations.

Du grand art à la Série Noire, tout comme j’aime.

Le meurtre de Harriet Monckton

Le meurtre de Harriet Monckton d’Elizabeth Haynes aux Éditions Mauvaise Graine

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par François Hoff, Clara Lupfer, Pierre Marchant et Martin Petrowsky

“ – Est-ce que ça va faire mal ? Avait-elle demandé, et la Mort s’était frotté les mains avec joie, sachant qu’elle lui appartenait presque. ”

En novembre de l’année 1843, une dose mortelle d’acide prussique mit fin à la vie d’une jeune femme de 23 ans, Harriet Monckton.

Si pendant trois années, on avait pensé à un suicide, il n’en est rien, Harriet a été assassiné.

Élisabeth Haynes, revient sur ce Cold Case victorien en s’appuyant sur les archives de Scotland Yard, sur les rapports du coroner et sur les dépositions des témoins, essayant de s’approcher au plus près de la vérité et peut-être même de trouver enfin le coupable.

“ On pense à tant de choses. On essaie de trouver la bonne solution à une énigme, et on ne peut jamais tout à fait faire face à ce qui doit être la vérité. On s’en éloigne, parce que l’affronter est trop terrible. ”

Petit à petit, la personnalité complexe d’Harriet se révèle à travers une galerie de personnages qui l’ont côtoyé. Chacun semble le coupable idéal et dégage une dose de mystère qui laisse planer un doute.

On découvre des amoureux transis, des manipulateurs, des lâches, des adultères et une multitude de secrets assez bien gardés tous liés à Harriet d’une manière ou d’une autre.

Une histoire vraie qui donne sous la plume de Élisabeth Haynes un polar historique captivant, mettant en avant la condition d’une jolie jeune femme dans une société anglaise assez hypocrite et dévastatrice.

Les fans du Cluedo seront ravis de se plonger dans cette histoire où la vérité se dévoilera enfin.

“ Vient pourtant un temps où l’on arrête de se mentir à soi-même, et où l’on repense aux secrets que l’on a enfouis, aux vérités que l’on a découvertes, que l’on garde très près du cœur.

Une vérité notamment selon laquelle n’y avait pas une Harriet, mais deux : celle que l’on ne connaissait et aimait ; et l’autre Harriet, la fille secrète, celle que l’on ne connaissait en fin de compte pas du tout. ”

Pour info :

Elizabeth Haynes a grandi à Seaford, dans le Sussex et a étudié l’anglais, l’allemand et l’histoire de l’art à l’Université de Leicester.

Elle travaille actuellement comme analyste criminel et vit dans le Kent avec son mari et son fils.

« Comme ton ombre » (Into the Darkest Corner), son premier roman a été best-seller du New York Times et publié dans 37 pays.

Elle signe ici, un chef-d’œuvre victorien d’une grande actualité. La traduction néerlandaise s’est déjà vendue à 12000 exemplaires en grand format en 2019.