Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois au Éditions de l’Olivier
– Alors, il est comment le Goncourt 2019 ?
– Excellent !
– Mais encore…
– Et si tu le lisais, parce que franchement il vaut le coup.
Ce que j’en dis :
Goncourt ou pas, ce livre que j’ai eu la chance de recevoir pour mon anniversaire (avec plein d’autres, j’ai des copines formidables) était prévu dans mes lectures.
D’une part parce que malgré mes nombreuses lectures annuelles, je ne connaissais pas encore cet auteur dont on disait le plus grand bien, (alors qu’il était présent dans ma monstrueuse bibliothèque, qui s’est enrichie de nouveaux titres de l’auteur dernièrement pour compléter ma collection), et d’autre part pour faire honneur à ce chouette cadeau parti de Bretagne vers » L’autre rive » avant d’être réceptionné par mes petites mains après avoir prononcé le mot de passe, qu’il m’avait fallu décodé au préalable, du morse en plus, typique des bretons ce jeu de piste.
Bon je sais, je vous raconte ma vie, au lieu de vous parler de ma lecture et alors ? L’histoire du livre à son importance aussi, elle en fait un objet précieux, un souvenir joyeux et donne davantage d’émotion à ce qui va suivre, une fois les premières pages tournées, en tout cas pour moi.
Je fais donc connaissance ENFIN, avec la plume de Jean-Paul Dubois et dès le départ je suis subjuguée, conquise, sous le charme.
Car en premier lieu, c’est avant tout par l’écriture que l’envie d’aller découvrir l’histoire se révèle ou pas ? Et présentement, le talent est bien là, et le désir d’aller plus loin dans l’aventure bien vivant.
Une écriture subtile, soignée, qui éveille les sens, pleine d’humanité et fait parfois passer du rire aux larmes, si douces soient-elles.
” L’enfermement a une odeur déplaisante. Des remugles de macération de mauvaises pensées, des effluves de sales idées qui ont traîné un peu partout, des relents aigres de vieux regrets. L’air libre, par définition, n’entre jamais ici. Nous respirons nos haleines en vase clos, des souffles communs chargés d’éclats de poulets bruns et de sombres projets. Même les vêtements, les draps, les peaux finissent par s’imprégner de ces exhalaisons auxquelles on ne s’habitue jamais. Au retour des promenades, quand l’air du dehors s’arrête au seuil des tourniquets, la transition est à chaque fois brutale et une vague nausée se charge aussitôt de nous rappeler que nous vivons et respirons dans un ventre qui nous charrie continuellement, longtemps nous digère, avant, le moment venu, de nous expulser pour se libérer plutôt que pour nous rendre la liberté. “
Au fur et à mesure, les souvenirs de cet homme qui purge une peine de prison avec pour codétenu un Hells Angel, se libèrent, franchissent les murs de cette cellule et nous font frissonner de plaisir mais également d’effroi, entraînant un sentiment de révolte face à tant d’injustice.
C’est bouleversée que je referme ce livre, la tête emplie du récit de Paul Hansen qui malgré toute sa bonté, toute sa générosité se retrouve emprisonné pour n’avoir pu empêcher l’inévitable.
L’auteur nous fait cadeau de l’histoire d’une vie, parsemée de joie, de peine, de partage mais aussi d’iniquité, à travers des contrées variées, parfois hostiles mais souvent envoûtantes, et nous montre bien, qu’effectivement : Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon.
Ce n’est donc pas à mon sens un prix, si prestigieux soit-il qui définit un grand livre et qui orientera mon choix de lecture mais bien évidemment sa qualité littéraire, et me fera dire au final que ce roman, c’est vraiment de la bonne came.
Les fidèles de l’auteur seront comblés et pour les autres, tel que moi, l’aventure ne fait que commencer puisque d’autres titres m’attendent…
Un peu plus de voies impénétrables et cette année je ne lisais pas le Goncourt… mais j’aurais quand même lu Dubois.
Pour info :
Jean-Paul Dubois est né en 1950 à Toulouse où il vit actuellement.
Journaliste, il commence par écrire des chroniques sportives dans Sud-Ouest. Après la justice et le cinéma au Matin de Paris, il devient grand reporter en 1984 pour Le Nouvel Observateur.
Il examine au scalpel les États-Unis et livre des chroniques qui seront publiées en deux volumes aux Éditions de l’Olivier : L’Amérique m’inquiète (1996) et Jusque-là tout allait bien en Amérique (2002).
Écrivain , Jean-Paul Dubois a publié de nombreux romans (Je pense à autre chose, Si ce livre pouvait me rapprocher de toi). Il a obtenu le prix France Télévisions pour Kennedy et moi (Le Seuil, 1996), le prix Femina et le prix du roman Fnac pour Une vie française (Éditions de l’Olivier, 2004).
Je remercie infiniment Guilan pour ce magnifique cadeau et ce formidable jeu de piste, parsemé d’énigmes qui m’ont amenées vers lui.