Le code de Katharina

Le code de Katharina de Jørn Lier Horst à La série noire des éditions Gallimard

Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier

“ Il ouvrit un classeur rouge au hasard. Un témoignage. Le papier était usé, l’encre passée. Wisting lut le début d’une phrase au milieu de la page ; il n’avait pas besoin d’aller jusqu’au bout pour savoir comment elle se terminait. Il s’agissait d’une audition de routine. Elle ne contenait rien de primordial aucun détail intéressant, mais chaque fois qu’il lisait ce document, ou n’importe quel autre, d’ailleurs, il avait cette idée qu’il allait découvrir un détail qui lui avait échappé ou interpréter les propos sous un jour nouveau, qui clarifierait tout. ”

Disparue depuis vingt ans, Katharina Haugen n’est pas oubliée pour autant, l’inspecteur William Wisting continue à étudier les dossiers de cette affaire non élucidée.

Le code figurant sur une feuille volante, trouvé au domicile de Katharina, à l’époque reste toujours une énigme. La clé est pourtant là, Wisting en est persuadé.

Martín son mari, se retrouve suspecté d’enlèvement, une nouvelle enquête est ouverte qui semble liée à l’autre affaire. Vingt ans sont passés, mais Wisting n’a jamais perdu son temps, année après année il s’est rapproché de Martin, entretenant une pseudo amitié sous couvert de parties de pêche commune. Une manière comme une autre de garder un œil sur lui, espérant toujours lui arracher des aveux.

À travers ce cinquième polar nordique, Jørn Lier Horst nous offre des retrouvailles avec l’inspecteur Wisting, personnage central de ses enquêtes. Cette fois, il nous entraîne au cœur d’un Cold case où l’on découvre le long travail d’investigation et les moyens mise en œuvre par la police pour résoudre les enquêtes, un long travail qui permet parfois de mettre fin à de vieilles affaires, tournant parfois à l’obsession pour certains enquêteurs.

Un nouveau polar, passionnant et bien ficelé où l’on retrouve, à la manière des séries TV notre héros préféré.

Un nouvel épisode avec sa fille toujours omniprésent suite à son implication dans l’enquête par rapport à son métier de journaliste.

Suspens, action, manipulation, mensonges, sont au rendez-vous mais avec le style qui sied bien à l’auteur, chapitres courts à travers une ambiance réaliste certainement puisée dans ses souvenirs liés à son ancien métier.

Ne manquez pas cette nouvelle enquête surtout si vous êtes fan de Wisting. Bientôt le code de Katharina n’aura plus de secrets pour vous.

Pour info :


Ancien inspecteur de la police, Jørn Lier Horst connaît parfaitement les rouages du système. Il est considéré comme le digne héritier d’Henning Mankell. Le Code de Katharina est le cinquième volet des enquêtes de William Wisting, publiées à la Série Noire et en Folio Policier.

L’été sans retour

L’été sans retour de Giuseppe Santoliquido aux Éditions Gallimard

“ Deux ou trois heures s’écoulèrent ainsi dans un torrent de nouvelles contradictoires ; les conjectures les plus absurdes succédaient aux spéculations les plus farfelues. Pas un journal, pas une chaîne de télévision ne manqua de placer la photo de Chiara à la une de son site : Disparition inquiétante en province de Matera – Alerte au kidnapping dans un petit village de la Basilicate – Une fillette de quinze ans volatilisée dans la nature. Fugue ? Enlèvement ? Meurtre ? Une région entière sur le qui-vive ! ”

C’est au cours de l’été 2005, en Italie que Chiara, la cousine de Lucia disparaît, laissant un grand vide et une multitude d’interrogations au sein même de sa famille et du village de Ravina.

Sandro qui vit reclus depuis quelques temps observe de loin cette effervescence de journalistes qui comptent bien profiter de ce drame.

“ Les personnages de cette histoire, je les connais par cœur. Les courbes de leurs vies ont un jour ou l’autre croisé la mienne. Leurs visages, leur rires, leurs larmes, le son de leurs voix ont donné à mon existence son unité inaliénable. ”

Il fut un temps où il faisait parti de cette famille, avant d’être un paria, rejeté de tous, y compris des villageois. C’est d’autant plus douloureux, qu’il ne peut désormais rien faire pour adoucir leur peine, ni même participer aux recherches.

“ Je sais, aujourd’hui, que l’on est jamais prêt à souffrir réellement, qu’aucune expérience ne nous met à l’abri de l’effarement, de la stupeur que provoque l’injustice. ”

C’est avec beaucoup de nostalgie, des années après les faits, que Sandro revient sur cette période, sur ces quelques mois qui ont changé à jamais le cour de son destin, l’été sans retour.

“ […] le monde, malgré ma souffrance d’alors, n’avait jamais cessé de tourner. ”

Ce que j’en dis :

Du noir dans la blanche, c’est ce que nous offre Giuseppe Santoliquido à travers son magnifique roman.

Porté par une plume somptueuse, l’auteur nous offre bien plus qu’un roman, il nous fait cadeau de sa plume lyrique pleine d’émotions pour nous faire découvrir l’histoire de Sandro et de sa famille d’adoption qui après l’avoir tant choyé a fait le choix de le renier, avant le drame qui allait les toucher.

Une formidable fresque italienne représentée par le biais d’une galerie de portraits puissants et très touchants, qui nous embarque dans un suspens implacable.

La disparition de Chiara sert de support pour nous dépeindre cette famille italienne malmenée par ce drame, profondément attachée à ses racines, à sa terre si magnifiquement décrite entre ses pages comme l’est également Sandro qui de son côté doit faire front à l’intolérance face à la moralité conservatrice italienne. Sans oublier les médias toujours prêt à surenchérir les informations vraies ou fausses pour faire le buzz manquant cruellement d’empathie.

Rarement une plume m’a autant emportée que l’histoire elle-même, chaque page est un délice. Le passé et le présent s’unissent, illuminés par cette plume singulière bouleversante. On traverse cet endroit, ébloui avec une certaine appréhension tant la tension est palpable. On en ressort chamboulé avec la certitude d’avoir entre les mains un formidable récit, tout à fait inoubliable.

Le destin est une bête sournoise, il procède par touches légères, par strates infinitésimales, vous laissant accumuler mauvais choix et petites erreurs, vous autorisant à orienter le gouvernail de votre vie sur une longue suite de mauvais caps, puis, un beau jour, au lieu d’atteindre la destination tant convoitée, c’est le naufrage. Impossible de changer de trajectoire. ”

L’été sans retour est une de mes plus belles lectures de cette année, il est certain que Giuseppe Santoliquido gagne à être connu.

Ne passez pas à côté de cette merveille.

Pour info :

Giuseppe Santoliquido a publié en Belgique trois romans. L’audition du docteur Fernando Gasparri (2011, mention spéciale du jury du prix Rossel), Voyage corsaire (2013) et L’inconnu du parvis (2016).

Je remercie les Éditions Gallimard pour cette merveilleuse escapade italienne.

Les yeux fermés

Les yeux fermés de Chris Bohjalian aux Éditions Le cherche midi

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Caroline Nicolas

Annalee Ahlberg a disparu, c’est d’autant plus inquiétant qu’elle est atteinte de somnambulisme.

Ce n’est pas la première qu’elle disparaît, après avoir quitté sa maison et sa famille en pleine nuit.

Mais cette fois ça a l’air différent, et la chemise de nuit retrouvée près d’une rivière a de quoi soulever de nombreuses questions.

Son mari et ses deux filles se préparent au pire.

L’enquête se poursuit, les soupçons s’accumulent et les secrets de famille semblent sur le point d’être révélés.

Personne ne semble être blanc comme neige…

Ce que j’en dis :

À travers ce roman psychologique qui nous plonge au cœur d’un drame familial, Chris Bohjalian tisse sa trame autour du somnambulisme, cette pathologie qui touche apparemment plusieurs membres de cette famille, notamment la mère, mais elle pousse son intrigue plus loin nous faisant découvrir également la sexomnie.

Un thriller à l’atmosphère sombre qui aurait pu être bien plus captivant, si l’auteur n’avait pas cumulé tout le long du récit une multitude de détails inutiles ajouté au rythme d’une extrême lenteur.

C’est dommage car la double intrigue était intéressante mais le style ne m’a vraiment pas conquise.

Les adeptes du thriller psychologique y trouveront certainement leur compte.

Un thriller intéressant mais bien loin du coup de cœur.

Pour info :

Chris Bohjalian est né en 1962 aux États-Unis. Après l’imprévu, Les yeux fermés est son deuxième roman publié au cherche midi. La série The Flight Attendant est adaptée d’un de ses romans pas encore paru en français.

Super Hôte

Super Hôte de Kate Russo aux Éditions La Table ronde

Collection Quai Voltaire

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Séverine Weiss

“ Vas-y mon grand, montre ce que t’as dans le ventre. ”

Bennett Driscoll, un peintre quinquagénaire a depuis quelques temps investi les lieux de son atelier au fond du jardin, plutôt par besoin que par envie, mais il n’a pas trop le choix puisqu’il loue sa maison située dans l’ouest de Londres sur AirBed. Depuis que sa femme l’a quitté et que sa fille a pris son envol, il a un peu de mal à joindre les deux bouts. Il avait pourtant une bonne réputation dans le monde de l’art, mais depuis qu’il ne peint plus de nus, sa notoriété s’en est allée. À défaut de lire des critiques sur ses toiles, il découvre sur la toile, les critiques laissées par ses hôtes, un de ses nouveaux passe-temps. Parfois, il se risque à épier ses locataires, les découvrant parfois aussi seuls que lui.

Bennett à bien du mal à aller de l’avant, même lorsqu’il fait la connaissance de Claire, une jolie Barmaid.

Avec Bennett on est jamais au bout de quelques surprises.

Ce que j’en dis :

Après avoir eu il y a fort fort longtemps un coup de foudre pour Nothing Hill, j’ai succombé au charme de Bennett et de son quartier me demandant parfois si Hugh Grant n’avait pas pris possession de ce corps.

Bennett est un peu perdu, un peu maladroit mais c’est avec beaucoup d’humour qu’il partage avec nous son expérience de super hôte.

À chaque nouveau locataire, une nouvelle expérience humaine.

À force d’espionner ses pensionnaires, il se rends bien compte qu’ils ont également quelques douleurs dans leur valise et qu’ils comptent bien ne pas repartir avec. Une pause transitoire pour faire le point et décider de la suite.

De son côté, il gère autant que faire se peut son divorce, souhaitant surtout rester proche de sa fille, cherchant toujours l’inspiration pour ses toiles et enfin mettre un terme aux dures conditions des artistes, qui passent très vite dans l’oubli.

On s’imagine très bien parcourir Londres au côté de Bennett, et pourquoi séjourner dans sa maison tout en sachant désormais que sa curiosité n’a rien de déplacé. Mais de delà à poser pour sa prochaine toile, là c’est une autre histoire. Heureusement je crois qu’il a trouvé sa nouvelle muse.

Kate Russo toute aussi talentueuse que son père Richard, nous offre à travers ce roman, une fresque qui ne manque pas d’humour, ni de suspens tout en sondant avec profondeur la nature humaine, parfois malmenée par la vie, tout en explorant la condition des artistes.

Un Super hôte qui mérite une flopée d’étoiles, tant ce roman est aussi réjouissant et enrichissant qu’un agréable séjour.

N’hésitez pas à parcourir ces pages, vous n’êtes pas à l’abri d’une belle rencontre et de faire connaissance avec une nouvelle plume de la famille Russo.

Kate, digne fille de son père.

Pour info :

Artiste-peintre diplômée de la Slade School of Fine Arts de Londres, Kate Russo est née dans le Maine. Elle a collaboré, durant son séjour en Angleterre avec une troupe de théâtre quia mis en scène deux de ses pièces au Calder Bookshop Theatre. Elle partage son temps entre l’Amérique et le Royaume-Uni, ses œuvres sont régulièrement exposées des deux côtés de l’Atlantique.

Super hôte est son premier roman.

Je remercie les Éditions de La table ronde pour cette escapade littéraire pleine de charme.

Là où vont les belles choses

Là où vont les belles choses de Michelle Sacks aux Éditions Belfond

Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Romain Guillou

– On part à l’aventure ? Ai-je demandé.

Papa a acquiescé.

– Oh oui, a-t-il dit, on part à l’aventure.

J’étais hyperexcitée parce que c’était une énorme surprise à laquelle je ne m’attendais pas. D’habitude, les aventures, c’était pour mon anniversaire ou le matin de Noël. ”

Une belle surprise attendait Dolly ce matin, son père l’emmène à bord de sa voiture pour un voyage extraordinaire.

Sillonnant les routes américaines, se nourrissant de burgers, arrosés de coca, le genre de repas qui ferait bouillir sa mère, si elle l’apprenait. Chaque soir un nouvel hôtel, toujours accompagnée de Clemesta à qui elle se confie.

– Tu es sûr que je vais aimer l’endroit où on va ?

– Ouais, j’en suis certain, Doll. ”

Dolly s’ennuie un peu, le voyage est long, son papa s’énerve parfois et sa maman lui manque un peu.

Ce que Dolly ne sait pas, c’est que sa mère a disparu et que son père lui cache bien d’autres choses derrière cette fuite désespérée.

Ce que j’en dis :

Dolly est une petite fille futée, curieuse et pourtant elle est loin d’imaginer à quel point ce road trip va bouleverser sa vie et lui apporter davantage de maturité face au drame qui se profile à l’horizon, kilomètre après kilomètre.

Michelle Sachs a choisi de donner la voix à Dolly pour nous conter cette histoire, et forcément on s’attache à cette petite fille , découvrant au fil des pages ce qui se profile à la fin du voyage, avec douceur sans une once de brutalité, avec même une bonne dose d’humour.

En confiant ses états d’âme à sa peluche, elle nous permet de mieux connaître son histoire familiale, ses hauts et ses bas, ses doutes, ses peurs, nous amenant progressivement vers le final assez bouleversant.

Ce road trip américain, chargé d’émotions mènera l’innocente petite fille vers un destin cruel.

Assez éloignée de mes lectures habituelles, j’ai été agréablement surprise par ce roman même si je le recommanderais davantage à des lecteurs assez jeunes.

Une belle découverte.

Retrouvez son précédent roman, la vie dont nous rêvions ici

Pour info :

Née en 1980, Michelle Sacks a grandi en Afrique du Sud. Titulaire d’un master de littérature et de cinéma de l’université du Cap, elle a été retenue à deux reprises dans la sélection du Commonwealth Short Story Prize, et dans celle des South African PEN Literary Awards.

Après un recueil de nouvelles, Stone Baby, publié aux Northwestern University Press, et La Vie dont nous rêvions (2019 ; 10/18, 2021), Là où vont les belles choses est son deuxième roman. Elle vit à présent en Suisse.

Je remercie les Éditions Belfond pour ce road trip bouleversant.

Harvey

Harvey d’Emma Cline aux Éditions de La Table ronde

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch

Sous prétexte que certaines personnes sont riches et célèbres, en contacts réguliers avec la gente féminine, elles s’octroient certains passes droits allant même jusqu’au viol. Et lorsqu’elle se retrouve au banc des accusés, évidemment elle s’insurgent et plaident non coupables.

C’est le cas d’Harvey qui se croit intouchable derrière ces contrats signés où les pauvres brebis sont bien obligées de céder face à ce loup affamé de chair fraîche.

[…] – ma mère est décédée aujourd’hui, disait-il en regardant l’expression de la fille changer. Je me sens très seul, reste assise près de moi une minute, allonge-toi là, à côté de moi. En tapotant le lit d’hôtel, encore et encore. Il agrippait un poignet, en faisant une moue triste – viens, disait-il, viens. Sois une gentille fille, ne sois pas revêche. Je t’ai fait un massage. Tu peux m’en faire un toi aussi. Échange de bons procédés.

Le but était de provoquer une transe ; à force de se répéter, il lançait une espèce de sort, en insistant, encore et encore, sur l’aspect inévitable de ce qui allait se passer. Pour finir, l’autre personne n’avait d’autre choix que d’entrer dans sa réalité. ”

Accompagné de son bracelet électrique qui lui enserre la cheville, il attend son procès, persuadé d’être blanchi aussi aisément qu’un passage chez le dentiste.

Alors que son entourage s’agite et s’inquiète, lui reste confiant, envisageant déjà un nouveau film, tout en profitant d’un shoot antidouleurs à domicile pour calmer ses douleurs chroniques.

“ Il avait oublié qu’il ne devait pas boire d’eau avant cette perfusion […] Ce n’était qu’une des innombrables manières dont le corps médical essayait de vous flanquer la trouille, de vous mettre au pas avec des exigences arbitraires. Voilà pourquoi il était puni, la raison de tout ce cirque : la société ne supportait pas qu’un individu ne se castre pas de son plein gré. Elle devait en faire un exemple. Un sacrifice humain. ”

Après son premier et fabuleux roman : The girls (ma chronique ici) où l’on croisait la famille Manson, Emma Cline est de retour avec une Novella et nous plonge cette fois dans la tête d’Harvey, un odieux pervers narcissique qui pense que tout lui est dû.

Avec subtilité et finesse, sans jamais le nommer, elle nous offre le portrait d’un prédateur sexuel, Weinstein, ce magnat déchu d’hollywood.

Une fiction qui ne manque pas de piquant, ni d’empathie pour la mise à mort d’un homme qui se croit invincible.

Une nouvelle pépite au tableau de cette jeune auteure vraiment très talentueuse.

Pour info :

Emma Cline est née en Californie. Ses écrits de fiction ont paru aux Etats-Unis dans Tin House et The Paris Review. Elle est la lauréate du prix Plimpton 2014. The Girls, son premier roman dont les droits ont été achetés par le producteur Scott a été publié dans 34 pays étrangers.

Je remercie les Éditions de La Table ronde pour cette lecture

Fille perdue

Fille perdue d’Adeline Ysac aux éditions de La Manufacture de livres

“ Après ce qui c’est passé, on lui a promis la maison de redressement. ”

Il aura suffit d’un geste déplacé sur son corps pour qu’Anicette cette petite fille si choyée par sa famille se retrouve bannie de sa maison.

Anicette, cette jeune innocente a osé se caresser, un indicible péché pour cette famille de nantis hyper croyants.

“ Et par sa faute, sa très grande faute, les Bru, quincailliers de père en fils, pignon sur rue, de l’oseille plein les poches, sont prisonniers du regard des autres. ”

Elle sera donc confiée à des religieuses qui tenteront de chasser le vice qui l’habite. Elle sera condamnée à grandir entre les murs de « l’institution » au côté des filles de mères de mauvaise vie, celle qui sont nées sans père ou qui ne correspondent pas à ce qu’on attend d’elles. Et si la foi n’opère pas, il reste toujours la possibilité de les remettre entre les mains de médecins parisiens.

“ Faut-il craindre les docteurs ? Quels docteurs ? La folle à lier l’ignore.

Des médecins font des miracles, d’autres des saletés. Que cache la phrase d’Irina ? ”

Ce que j’en dis :

En commençant ce roman, je suis immédiatement séduite par l’écriture, tout en étant loin d’imaginer que l’auteure Adeline Yzac allait m’entraîner vers des faits historiques passés sous silence notamment la pratique de l’excision pratiquée en France à la fin du XlX éme siècle.

À travers le destin brisé de cette petite fille, qui va se retrouver exclue de sa famille, enfermée chez les sœurs, puis mutilée, on découvre cette histoire terriblement poignante et absolument aberrante.

Une époque où sous couvert d’esprits moralisateurs, la science pratiquait des actes de barbarie sur le corps des femmes pour les priver de toute inhibition.

Un récit fort, porté par une plume pleine de cachet, rendant cette histoire authentique , nous emportant vers un passé peu reluisant où l’on se rends compte que la femme est depuis bien longtemps privée d’agir avec son corps à sa guise sans être jugée coupable d’immoralité.

Hélas, des pratiques toujours en cours dans certains pays.

Voilà un roman qui devrait figurer aux programmes des lycéens, pour que chacun prenne conscience du long chemin parcouru et de celui qu’il reste encore à faire pour la liberté des femmes à travers le monde.

Pour info :

Après des études de lettres, d’espagnol et de linguistique, Adeline Yzac exerce différents métiers puis prend le chemin du conte avant d’emprunter celui de l’écriture de récits et de romans pour les adultes et la jeunesse. Installée à Montpellier, où elle a ouvert son atelier d’écrivaine (un lieu qui ressemble à un atelier de peintre), elle a publié une trentaine d’ouvrages, elle propose chantiers de réécriture et travaille à la question de la transmission de la langue. Son œuvre lui a valu plusieurs récompenses dont le Prix Alain Fournier.

Je remercie les Éditions de La Manufacture de livres et l’agence Trames pour ce récit bouleversant.