Nos cœurs disparus

Nos cœurs disparus de Céleste Ng aux Éditions Sonatine

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Julie Sibony

“ Et voilà qu’une perturbation survient juste devant le réfectoire. Bird est à la fois terrifié et fasciné. De quoi s’agit-il ? D’une attaque ? D’une émeute ? D’une bombe ? ”

Depuis la disparition de sa mère, la vie de Bird a été complètement chamboulée. Dorénavant seul avec son père, dans ce monde où de nouvelles lois ont été instauré mettant en garde la population contre la culture étrangère considérée comme dangereuse, plaçant la population sous surveillance, ils tentent ensemble de s’adapter à leur nouvelle vie.

Toute forme de rébellion est interdite, tout comme les manifestations, des livres son bannis des bibliothèques, des enfants sont retirés à des familles puis disparaissent, mais à force de subir l’oppression politique certains se révoltent.

En fait quasiment rien de nouveau dans ce monde d’après, où la discrimination est toujours omniprésente, mise à part une augmentation de la censure culturelle, qui n’a cessé de progresser petit à petit jusqu’à s’imposer définitivement.

“ Derrière cette table se dresse une bibliothèque vide. Bird n’y a jamais vu le moindre livre, mais elle est toujours là, fossile d’une époque révolue. ”

“ Il se demande qui a décidé quels titres étaient trop dangereux à garder, et qui a été chargé de localiser et de collecter tous les condamnés, tel un bourreau les conduisant à l’échafaud. ”

Bird s’interroge, sa mère était une grande poétesse, et même ses livres ont été banni, tout semble lié à sa disparition.

“ J’ai juste écrit un poème. ”

S’aidant du réseau clandestin des bibliothèques, il décide de partir à sa recherche, de suivre les voies qui le conduiront peut-être jusqu’à celle de sa mère.

« Je te raconterai tout. Si tu promets de m’écouter. ”

Plus je lis de Dystopie, plus ce monde d’après me fait peur, et pourtant il est déjà en route, la censure a déjà commencé, la discrimination n’a jamais cessé, et même certains avancements, certains acquis ont disparu suite à l’arrivée de nouveaux dictateurs… tout n’est qu’un éternel recommencement qui nous conduit jour après jour vers un point de non retour si nous continuons d’accepter, de subir sans réagir.

Celeste Ng, à travers la quête de cet enfant, m’a confronté à mon pire cauchemar, la disparition des livres, la censure de la poésie, les choix imposés de ce qu’il est permis de lire, et plus j’y réfléchit, plus ça parait plausible, tant la culture a déjà changé, puisque déjà des mots sont interdit, des textes sont réécrits et d’autres sont bannis. Sans oublier les auteurs agressés, emprisonnés, pour avoir osé écrire…

Celeste Ng nous emmène dans un futur proche, pas si lointain que ça, avec style, semant des indices ici et là pour garder une part de mystère, de suspens dans cette recherche où la poésie joue un rôle majeur, et pourra peut-être sauver le monde de ce fléau d’inculture, d’intolérance où les mots doivent garder leur place coûte que coûte pour que nos cœurs disparus ne cessent de battre un jour de plus.

Le destin d’une famille résonne entre ces pages, et réveille en nous cette colère face à l’injustice du passé, du présent et invite à espérer un sauvetage pour le futur.

Vous imaginez un monde sans livres ? Un monde vraiment pas fait pour moi…

Le dimanche du souvenir

Le dimanche du souvenir de Darragh McKeon aux Éditions Belfond

Traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau

“ Quand j’ouvris les yeux, la rue n’était plus telle que je la connaissais. Elle était recouverte d’un linceul de poussière, hérissée de cris. Elle ne s’ouvrait plus que d’un côté, ce n’était plus une voie de passage mais un cul de sac. […] Des enfants cherchaient refuge dans les bras de leurs parents. Les personnes ne s’enfuyaient pas en courant : elles titubaient. Allaient les unes vers les autres. Demeuraient immobiles. Observaient. “

En ce jour du Dimanche du souvenir, le 8 novembre 1987, un nouvel attentat en Irlande du Nord survient faisant onze morts et soixante-trois blessés dans la ville d’ Enniskillen. Simon présent sur les lieux avait quinze ans à l’époque, et depuis ce triste jour, il est sujet à des crises d’épilepsie.

“ Peut-être que la crise est le prix à payer pour faire l’expérience d’un monde sans catégories, pour nous débarrasser des mensonges que nous nous créons afin de surmonter le quotidien. ”

La nuit d’avant le drame, il était en compagnie d’Esther, une hollandaise et sans le savoir ils échappèrent déjà au pire après avoir croisé le chemin d’un homme sur l’île où ils campaient.

Insidieusement le souvenir de cette rencontre s’est effacé de la mémoire de Simon. Jusqu’à bien des années plus tard à New-York lorsqu’une voix le ramène à ce fameux soir et le conduit inévitablement vers une nouvelle crise.

“ Nous considérons les souvenirs comme de pâles versions d’un moment particulier. Je commence à me demander si le contraire n’est pas vrai ; peut-être que notre expérience des événements et leurs incidences sur le présent sont minces, sans relief, que nous nous contentons de les accumuler, et que c’est seulement plus tard, une fois libérés à travers le paysage du temps, qu’ils arrivent enfin à maturité. ”

Pour revenir sur cet époque de Troubles, où l’IRA, cette organisation terroriste qui commettait des attentats à la bombe à caractère politique, en Irlande du Nord, Darragh McKeon choisi d’évoquer dans son roman, le terrible attentat qui avait visé délibérément les civils, à travers deux personnages, l’un et l’autre y ont participé, mais de manière différente puisque l’un sera victime et l’autre bourreau, qui faisait partie des terroristes.

Chacun de leur côté, ils ont tenté de fuir et de se reconstruire, mais le passé les rattrape, et les voilà de nouveaux unis par le même drame qui se rappelle à leurs souvenirs.

Si ce roman est une fiction, elle est avant tout basée sur des faits réels, douloureux et historiques, sur toute cette violence qu’à connu ce pays, laissant à jamais de grandes cicatrices dans le cœur des Irlandais.

Une plume stylée, marquante, pour un roman aussi sensible que bouleversant qui donne envie pour ma part, de découvrir son premier et précédent roman, (Tout ce qui est solide se dissout dans l’air) même si je sais déjà qu’il est tout autant voir plus, déchirant.

Une fois de plus, je constate que les auteurs irlandais possèdent une plume saisissante, d’une grande finesse absolument poignante, puisée très certainement dans les profondeurs du désespoir et la douleur des âmes d’Irlande.

Paradise, Nevada

Paradise, Nevada de Dario Diofebi aux Éditions Albin Michel

Collection Terres d’Amérique

Traduit de l’américain par Paul Matthieu

“ Nous étions ravis ! Nous étions surexcités ! Pour la première fois depuis tant d’années, tout ce qu’il y avait d’extraordinaire à Las Vegas s’offrait à nous. Tout ce qu’il y avait d’étourdissant, d’extravagant se déployait enfin sous nos yeux pour notre plaisir de spectateur, après tant de nuits mornes et sans surprise passées dans l’obscurité du casino.

La panique dans les salles de jeu.

Les chariots d’entretien abandonnés dévalant les couloirs, se heurtant aux tables de blackjack, aux fauteuils, aux gens, et se percutant les uns les autres.

Les visiteurs sur leur trente-et-un, dessoûlés d’un coup par la peur, sortant en titubant des bars et des restaurants huppés.

Et le feu. Un vrai feu, étincelant, vorace, somptueux. Enfin quelque chose de véritablement original. ”

En ce premier mai de l’année 2015, le Positano, un prestigieux hôtel-casino grand luxe de Las Vegas est en flamme, une véritable catastrophe et pourtant certains se réjouissent du spectacle. Ne serait-ce pas la revanche des perdants ? Car tout le monde sait que ce n’est pas les gagnants qui ont construit cette ville.

“ Nous sommes affamés de lumière.

Nous sommes dévorés par cette faim.

Depuis les profondeurs les plus noires des casinos de Las Vegas, nous sommes éternellement tenaillés par cette envie de lumière authentique – celle de la nature, celle qui se soustrait à toute forme de contrôle.

Seul le feu révèle notre vrai visage.

Nous attendions cette nuit depuis très, très longtemps. ”

Oublié le temps où tout ce qui se passait à Vegas restait à Vegas, nous sommes à l’air des réseaux sociaux, des comptes Instagram, des chaînes YouTube et si l’on ne partage toujours pas ses pertes et encore moins ses profits récoltés ici et là dans cette ville du péché, pour briller un peu au cœur de cette ville rutilante on partage ses expériences, même si ce toc devient un tic, c’est presque le double effet Kiss cool, face je perds, pile tu gagnes.

Dario Diofebi, nous plonge dans l’envers du décor de Vegas, un véritable parc d’attraction pour adultes consentants, à travers différents personnages, des joueurs de poker experts ou amateurs, en passant par les serveuses, les immigrés, les journalistes, et même les résidents ou encore les touristes tout un monde qui pullulent avec parfois plus d’espoir en poche que de dollars.

En commençant par un final explosif et intriguant, il revient sur ce qui a conduit le Positano au désastre, et nous aide à comprendre comment il en est arrivé là.

“ – Ah l’argent… Il semble en effet que ce soit un thème récurrent.

– les gens ne pensent qu’à ça, ici. Gagner de l’argent. Et si vous êtes une femme, trouver un mari fortuné. Toujours la même histoire qui revient en boucle.

Las Vegas est une ville pleine d’histoires.

– D’histoires qui parlent toutes d’argent, et de pouvoir. ”

Un roman très représentatif de tout ce que l’on peut voir à Vegas, une radiographie stylée, du plus clinquant au plus désespérant, un condensé de folie, de richesse et de gaspillage, où les paillettes cessent finalement de briller dès que le jour se lève, que le voile tombe et que les rêves s’évanouissent une fois les feux des projecteurs éteint.

Un premier roman ambitieux, assez bluffant même si certaines parties de poker restent du domaine de l’incompréhensible pour moi pauvre novice, mais qui m’a permis de me replonger dans mes souvenirs de voyage, à l’époque où je commençais déjà à trouver aberrant toute cette démesure en plein désert mais tellement représentative de l’Amérique capable du meilleur comme du pire.

Dario Diofebi joue un véritable coup de poker, risquant de laisser au tapis quelques lecteurs mais qui n’a jamais pris de risque à Vegas ?

Et puis c’est ça l’Amérique, grandeur et décadence, richesse et pauvreté, tout un savant mélange qui représente bien notre société d’aujourd’hui, quoi qu’on en dise.

“ Bref, comme vous le voyez, c’est toujours noir de monde ici. Du matin jusqu’à la fermeture. Certainement l’un des meilleurs endroits pour observer les gens. Et moi, observer les gens, j’adore ça. C’est une expérience tellement belle, réjouissante, humaine… ”

Paradise, Nevada vous fait vivre une expérience hors norme, tout comme Vegas vous le proposera pour ceux et celles qui se laisseront tenter par ce paradis artificiel qui possède encore quelques secrets bien gardés, pas toujours très catholiques.

Ville du péché un jour, ville du péché toujours.

À vous de voir, moi j’ai adoré.

Le compte est bon

Le compte est bon de Louis-Daniel Godin aux Éditions La peuplade

Certains disent : « Je pense donc je suis. » mais pour cet enfant adopté à cinq jours, ce serait plutôt : « Je compte donc je suis. » car très tôt les chiffres l’interpellent et il se met à faire les comptes.

“ L’enfant demande à sa sœur plus vieille de cinq ans « c’est combien zéro ? » et n’obtient pas une réponse satisfaisante, puisque sa sœur lui dit « zéro c’est zéro, zéro c’est rien», l’enfant ne comprend rien, justement, puisqu’il sait que zéro est un chiffre, il sait que zéro c’est quelque chose, alors il demande « c’est combien zéro ?» et sa sœur répond « zéro c’est zéro, zéro c’est rien », l’enfant ne comprend pas que zéro est le chiffre du rien, comment une telle chose est-elle possible de toute manière […] ”

L’enfant observe, s’interroge et avance à pas compté.

“ le corps a parlé, la raison n’était pas impliquée dans cette suite d’actions, les actions se sont enchaînées suivant une suite logique qu’on peut prendre le temps de déchiffrer aujourd’hui, mais qui à ce moment-là ne répondait à rien d’autre qu’à une impulsion d’un jeune homme qui s’imagine être en dette avec la vie, un jeune homme qui voit sa naissance comme une transaction à rembourser au premier venu ; ”

L’enfant compte et décompte le fil de sa vie de manière quasi obsessionnelle, ce qu’il gagne, ce qu’il perd, pour lui mais aussi pour les autres. Les problèmes financiers de sa mère l’interpellent, il compte et relit sa faillite personnelle à ses amours ratés et calcule là encore pour ne pas l’endetter davantage.

“ […] il faut se demander pourquoi lorsqu’il écrit ces lignes c’est l’image de la revue restée au fond du panier d’épicerie qui revient et qui revient et qui revient en mémoire en suivant le mouvement du berçage, le va-et-vient du berçage, la revue volée, la revue pas payée, la revue endettée d’elle-même, il faut se demander si l’adoption est une transaction,Nil faut se demander combien on vaut, il faut se demander si on a été donné, volé ou acheté, c’est ça qu’il faut se demander. ”

Louis- Daniel Godin nous présente dans un style atypique l’histoire de cet enfant hors norme, qui tente de résoudre un vrai problème mathématique comme peut l’être la vie quand on commence à s’interroger, à calculer puisqu’il semble qu’une dette s’est imposée à lui dès le jour de son adoption, redevable il se sent et cherche un moyen de s’affranchir pour régler la note et avancer dans la vie.

“ […] il faut en finir avec ça, on est jamais quitté avec la vie, il faut avancer, il faut avancer quand même, on est jamais quitte avec la vie, la vie la vie. ”

Pas simple de s’y retrouver dans tous ces calculs, : “ Comment savoir si le compte est bon ? ”

“ […] et la dette grandit à mesure qu’on raconte, on fait de savants calculs, on se demande si en tout et pour tout on est quitte avec la mère, si la mère est quitte avec nous, on se demande tout ça et nous vient l’idée décrire un livre pour être quitte avec la vie, c’est ce qu’on finira par faire, c’est ce qu’on fait. ”

Pas toujours facile à suivre, parfois même complexe, mais un roman intelligent, intéressant, drôle et touchant, qui tout en comptant nous offre une expérience littéraire inhabituelle qui mérite bien qu’on s’intéresse à ce garçon plein d’esprit.

On sait que le pronom « on » s’accorde à la troisième personne du singulier, pourtant on n’en démord pas, on a l’impression d’être plusieurs là-dedans , on a l’impression d’être pluriel : l’adulte et l’enfant, la voix et la main, celui qui pense et celui qui pousse le pousse-mine, le personnage et l’auteur, le vrai et le faux, on est plusieurs là-dedans, on est plusieurs à vouloir tenir dans un mot.

Mississippi

Mississippi de Sophie G. Lucas aux Éditions de La contre allée

“ C’était une nouvelle manière d’aller au bout, de faire peau nouvelle et puisqu’il était un autre homme, pouvait-il changer de prénom, de date de naissance, de parents ? Ne plus être Impatient, revenant ? Continuer à être celui qu’il avait commencé à devenir en revenant ? Revenant se murmure Impatient, revenant. ”

Qu’est-ce qui fait qu’une histoire nous plait bien plus qu’une autre dès les premières phrases, les premières pages ?

Ce ne sont pourtant, à chaque fois que des mots mis à la suite des autres…

Mais ce qui fait toute la différence c’est le style qui t’interpelle, qui imprègne ta rétine, qui bouscule ton âme de lectrice avide de nouveauté, friande de cette toute autre façon de raconter une grande histoire, et là ça devient de suite plus intéressant.

Ce n’est pas le premier roman de Sophie G. Lucas, mais c’est le premier que je découvre et le bonheur est au rendez-vous.

Mississippi pour moi c’est en premier lieu, un grand fleuve d’Amérique du Nord qui traverse la partie centrale des États-Unis. Un fleuve immense, qui a inspiré de nombreux romanciers et cinéastes, que j’ai eu la chance de découvrir au printemps.

Autant vous dire que j’attendais ce roman avec impatience, et il s’est avéré à la hauteur de mes espérances.

“ Jamais n’oubliera le Mississippi, jamais, et la toute première rencontre avec le fleuve effaça l’enfer de la traversée, et l’enfer du retour de fit dans les souvenirs du fleuve […] Impatient, déployé dans tous ses sens, jamais n’oubliera, tout blaireau qu’il fut ( et ce ne fut pas la mer qui l’impressionna, il en avait même senti l’odeur de mort mais) le fleuve, comme une rencontre avec quelqu’un, le Mississippi est une personne, c’est ça se murmure-y-il, et ce qui coule dans mes veines n’est pas le sang de mon père mais l’eau du Mississippi, je suis le fils de Mississippi, C’est mon nom […] ”

L’auteure a une manière bien particulière de nous raconter ce qui semble être une petite histoire et qui s’avère au final une grande histoire, aussi grande que le Mississippi, une histoire qui traverse les époques, qui nous emmène à travers les siècles et les guerres, jusqu’à notre époque, jusqu’au jour où l’ouragan Katrina entraîna le Mississippi hors de son lit.

C’est fortement beau, puissant, stylé à l’image du fleuve Mississippi.

 » […] j’ai vu dans les yeux de ma mère quelque chose qui se tenait debout, de nouveau, et après ça, elle est restée debout toute sa vie, on a eu du mal à s’en sortir de cette vie, on a peiné, trimé, mais jamais plus courbé l’échine, on avait gagné quelque chose, c’est peut-être ça notre Mississippi. ”

Une aventure littéraire inoubliable.

OKAVANGO

Okavango de Caryl Férey à La série noire de Gallimard

“ Le Kalahari – « la grande soif » – recouvrait les trois quarts du Botswana et la zone est la Namibie, un désert ininterrompu battu par des vents de sable où persistaient de rares eaux de surface. Il fallait puiser dans les sources souterraines, avec des milliers de puits disséminés sur ce territoire qui s’étirait jusqu’au rives du fleuve Okavango. Son delta, patrimoine mondial de biodiversité, était un lieu unique pour les animaux migrant à sa saison sèche. ”

Ma première rencontre littéraire avec Caryl remonte à l’année 2012 depuis Mapuche, habillé d’une magnifique couverture, cet auteur qui m’était encore inconnu avait attiré mon attention, prémisse d’une aventure loin des sentiers battus, qui m’emmena cette fois aux confins du Chili et de l’Argentine aux côtés de Jana une sculptrice et Rubén, détective pour le compte des Mères de la Place de Mai. À partir de cette lecture, je suis restée fidèle à sa plume et n’ai raté aucune sortie.

Cet écrivain baroudeur, après nous avoir fait découvrir la noirceur de l’âme humaine notamment en Nouvelle-Zélande, en Argentine, en Afrique du Sud, mais également en Russie, à ressorti son passeport pour la Namibie, histoire de régler leurs comptes à ces braconniers de malheur.

Si certains œuvrent pour préserver la faune sauvage, créant même des réserves, d’autres n’ont aucun scrupules à braconner pour assouvir le besoin de riches milliardaires sans scrupules ou pour alimenter un marché noir.

Et lorsqu’un jeune homme est retrouvé mort au cœur de la réserve, propriété de John Latham, la ranger Solanah Betwase, très impliquée dans la lutte antibraconnage se fait un devoir d’enquêter.

Sachant que le Scorpion, réputé le pire braconnier au monde, est de retour, il n’y a pas de temps à perdre, pour éviter un carnage et l’extinction définitive de certaines espèces animales.

Plus que jamais, la faune est en danger, il est urgent d’intervenir.

Toujours aussi engagé dans son combat contre l’injustice, et habitée par la haine face à tous ces destructeurs de vies animales et humaines pour juste une histoire de pognon, Caryl Férey nous embarque dans une course infernale et violente à la poursuite des braconniers.

À travers une plume aussi féroce que les plus grands carnassiers de la faune sauvage, Caryl n’épargne personne, et on a beau y être habitué ça bouleverse davantage puisque le règne animal subit la violence des hommes. Évidemment il ne nous emmène pas au cirque ni au zoo, même si là aussi la maltraitance existe, mais ça fracasse quand même bien, faut le dire.

Enragée l’écrivain, je dirais contre tous ces braconniers, tellement mais tellement qu’il s’est surpassé nous offrant un thriller implacable, qui prend aux tripes, des rebondissements inattendus, et des personnages qui ont de la trempe qu’ils soient du bon ou du mauvais côté dans un décor sauvage et grandiose.

Si je ne devais garder qu’un seul mot pour décrire OKAVANGO, je dirais FÉROCE, mais malgré le danger d’être secoué et bouleversé, un thriller de cet qualité ça ne se refuse pas. Ne serait-ce que pour être solidaire avec l’auteure et œuvrer pour l’extinction des Braconniers, ici et ailleurs, pour préserver le monde sauvage pour le temps qu’il nous reste.

Cavaler seule

Cavaler seule de Kathryn Scanlan aux Éditions La croisée

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laëtitia Devaux

“ Si j’avais passé une mauvaise journée, mon cheval le savait. Si je pleurais assise par terre dans son box ou dans son pré, il me donnait des petits coups de tête jusqu’à je me mette à rire. Si je le montais et que je me disais : j’ai envie d’accélérer, il accélérait. Il prenait toujours soin de moi – et moi de lui.

Quand vos parents ne s’entendent pas, quand ils se disputent, quand il y a des abus, il vous reste toujours votre cheval. Les jours où rien n’allait, j’allais voir mon cheval et il arrangeait tout. C’est pour ça que je dis toujours que c’est mon cheval qui m’a élevé. ”

Il y a dans la vie des rencontres marquantes et des histoires qui méritent d’être racontées. C’est le cas pour Kathryn Scanlan l’auteure, et Sonia l’héroïne de ce récit, qui firent connaissance par l’intermédiaire de la mère de Kathryn, une entrevue qui donna envie à Kathryn de se pencher sur la fabuleuse vie de cette femme incroyable et de sa passion pour ses chevaux.

“ Il peut y avoir dix lads dans une écurie, votre cheval hennit pour vous et pour personne d’autre. Vous lui parlez, il vous écoute. Il vous répond. C’est vous qui vous occupez de lui. Lui aussi, il veut que vous vous sentiez bien. ”

C’est à leurs côtés qu’elle passera sa vie, une vie à s’occuper d’eux, à les soigner, les monter, à sauver les cas désespérés, à les aimer jusqu’à mieux les comprendre que leurs riches propriétaires.

“ Il y en a toujours un pour vous laisser perplexe. À l’instant où vous croyez tout savoir d’un cheval, il vous montre à quel point vous êtes stupide. ”

Et c’est pas toujours simple pour elle de trouver sa place au cœur des hippodromes, ce milieu si masculin, où se côtoient les jockeys prétentieux, les lads violents, les propriétaires intraitables, où trafics et tricheries sont monnaies courantes sur les champs de courses.

“ On côtoie des gens très importants, mais certains sont aussi dégueulasses qu’une vieille paire de chaussures. ”

Telle une chevauchée fantastique, l’histoire nous entraîne dans une course folle, dans la vraie vie de cette femme qui porta un amour inconditionnel aux chevaux tout en affrontant les obstacles, la dureté des hommes et parfois de douloureuses blessures. Mais à chaque chute, elle est remonté à cheval pour une nouvelle course, et comme on dit dans le jargon des courses de chevaux : “ On gagne, on gagne, on gagne ” à rencontrer nous aussi ces deux femmes, qui nous donne l’occasion de galoper vers une aventure humaine divinement contée aussi passionnante que bouleversante.

Je fais le pari que vous adorerez autant que moi “ Cavaler seule ” avec elles, à mille contre un.

Coup de cœur absolu.

Kathryn Scanlan est également l’auteure de deux recueils de nouvelles que j’espère de tout cœur découvrir à La Croisée, une maison d’éditions qui nous offrent des pépites littéraires d’horizons lointains de toute beauté.