Tant qu’il reste des îles de Martin Dumont aux éditions Les Avrils

“ – Attend Léni, t’es d’accord avec lui ? Tu défends le pont maintenant ?
J’ai soupiré en expliquant que non, moi aussi j’étais contre, mais ça ne servait à rien d’en discuter des heures. Ça faisait des mois qu’on ne parlait que de ça. Au bar, au supermarché, même dans la rue chaque fois qu’on se croisait. Depuis que les barreaux et la plateforme de forage avaient envahi la baie. Le pont, le pont, le pont. Tout le monde n’avait que ce mot à la bouche. ”
Rien d’étonnant à ce qu’on ne parle que de ça sur l’île. Le pont déjà baptisé le monstre ne peut pas passer inaperçu. Il commence déjà par défigurer le paysage en s’incrustant jour après jour, on ne risque pas de l’oublier.
Et évidemment, pas encore terminé qu’il divise déjà les îliens.

“ Oui, tout le monde pouvait trouver un intérêt au pont, une bonne raison de le voir apparaître. La question, c’était plutôt de savoir ce qu’on voulait vraiment. Les sacrifices qu’on était prêt à faire pour préserver son territoire.
– Quand même, a murmuré Gauthier, tu te rends compte de ce qu’on est en train de vivre ? […]
– Quoi ? La construction d’un pont ?
Il a souri tristement en détournant les yeux.
– Non, les derniers jours d’une île… ”
Léni vit sur l’île. Il y est resté même séparé de sa femme et par le fait de sa fille qu’il ne voit qu’un week-end sur deux.
Il répare les bateaux sur le chantier de Marcel, et s’évade en naviguant sur un Fireball. Comme beaucoup il s’interroge. Il l’aime son île même s’il se rend bien compte que l’économie insulaire s’essouffle.

Mais il est également conscient que certains changements sont nécessaires pour lui mais aussi pour la survie des îliens.
C’est vrai qu’elle a du charme cette île, pas étonnant qu’ils y tiennent tous et restent prêt à tout pour défendre leur territoire.
“ C’est pas rien, une île. C’est un truc magique, un endroit d’où tu peux pas te barrer comme ça, juste sur un coup de tête. Une île, ça se mérite. ”
Ce que j’en dis :
Qu’il fut bon de débarquer sur cette île, même en pleine tourmente, car très vite on se met à la place de ces îliens attachés à leur île. Comme une mère envers ses petits, l’instinct protecteur est ancré en eux, on touche pas à l’île, on la protège des invasions qui pourrait la détruire.
Difficile, d’accepter de partager un endroit si beau, si paisible même s’ils sont conscients qu’un nouveau souffle serait le bienvenu pour aider l’économie. Mais le changement fait peur, d’autres avant eux ont perdu leurs îles quand les colons ont débarqué, il y a de quoi s’inquiéter…
Martin Dumont nous offre un voyage magnifique chargé d’émotion et empli d’humanité.
À travers sa plume toute en délicatesse, on navigue entre les pages avec Léni, un homme assez introverti qui aimerait pourtant s’ouvrir davantage aux autres. Peut-être que le pont est la solution, un passage entre ici et ailleurs. Bien sûr, il n’est pas à l’abri de faire quelques vagues, tout comme ce pont.
C’est l’histoire d’une île qui possède une charme fou, habitée par des gens incroyables, très attachés à elle et qui l’aiment de bien des façons.
Une île, un pont, peut-être le début de belles histoires d’amour et d’amitié entre îliens et continentaux, tout est possible Tant qu’il reste des îles.
Pour info :

Martin Dumont travaille comme architecte naval.
Il a passé son adolescence à Rennes où il s’est épris de l’océan et de la voile.
Il a longtemps vécu en Bretagne, le décor de son premier roman, « Le chien de Schrödinger », paru en 2018 chez Delcourt.
Tant qu’il reste des îles est son deuxième qui fait son entrée dans la collection Les avrils des éditions Delcourt.
Les Avrils :

Des romans, des récits, des auteur·ice·s de langue française. Des enthousiasmes littéraires. Des histoires d’aujourd’hui. Une ligne sélective mais toujours généreuse. Une collection de littérature contemporaine portée avec conviction au côté de tou·te·s ceux·elles qui font la vie du livre. Voici Les Avrils.

Sandrine Thévenet est éditrice depuis vingt ans et a révélé des auteur·ice·s de premier plan. Elle a formé Lola Nicolle qui à son tour est devenue éditrice accomplie et autrice. En 2020, elles créent Les Avrils au sein du groupe Delcourt grâce à Guy Delcourt et Anne-France Hubau.