Mayacumbra

Mayacumbra d’Alain Cadéo aux Éditions La trace

J’ai ainsi un jour quitté les grandes villes lourdes, affairées, grouillantes et puantes, sans vraiment savoir où j’allais. J’ai plaqué mes amis, ma douce et tendre famille, sans but et plein de colère. Sans raison particulière, mais précipitamment. Comme une charge de hussard, comme on fuit l’ombre de ses habitudes. Pour voir plus loin que le bout de mon nez, pour me tirer des léthargies. Parce que le monde et sa course effrénée m’étaient insupportables. Oui, je suis simplement parti pour une longue marche, un jour béni de septembre, après avoir vidé mon compte, mains dans les poches et l’esprit pourtant aussi noir que celui d’un corbeau. “

Après une longue errance, les pas de Théo s’arrête au pied d’un volcan endormi, près d’un hameau de vieilles bicoques où vivent des âmes perdues : Mayacumbra.

Ayant fuit une vie qui ne lui convenait plus, cet endroit semble idéal pour entamer le début de sa nouvelle vie.

De ses mains il va construire son refuge et s’y installera avec son âne Ferdinand pour unique compagnon.

” Depuis trois ans, lorsque l’envie le prend, il note ce qui lui passe par la tête. Billets du jour ou de la nuit, impressions, reliquats d’énergie, projets, langoureuses tartines d’amour à l’intention de Lita, lettre pour sa famille, prière au volcan, listes de courses. Quoiqu’il écrive, il en fait lecture à Ferdinand. Si ce dernier demeure indifférent, Théo déchire et brûle illico son message. Il ne garde que ce qui capte l’attention de l’âne. C’est son jury, son public, son auditoire. Deux oreilles dressées, un œil rond et inquiet, valent mieux que tous les éloges du monde. “

Au milieu de ses compagnons d’infortunes , il va pourtant tomber amoureux de la belle Lita, mais est-ce vraiment une bonne idée ?

Ce que j’en dis :

Alain Cadéo reste fidèle à ses thèmes de prédilection en mettant en scène des âmes cabossées préférant vivre isolées en communion avec la nature loin du bruit et de la pollution des villes.

Dans ce nouveau récit on retrouve avec plaisir, sa plume poétique qui s’habille également du lieu qui l’entoure, tantôt enivrante et tantôt pleine de rage qui laisse présager la douce fureur des hommes et le réveil du volcan.

Cette histoire reflète les spectacles que mère nature peut nous offrir, habillée d’arc en ciel les jours de pluie, de coups de tonnerre les soirs d’orages, pour finir par une tornade dévastatrice.

Une nouvelle histoire surprenante, dans un style plus brut, qui m’a un peu moins emportée par rapport à ces premiers romans mais qui reste néanmoins un bon moment de lecture.

Alain en doux rêveur, amoureux des mots et des âmes sensibles s’est installé le temps d’un roman au pied d’un volcan pour sculpter dans la roche un récit mystérieux où l’amour semble impossible, mais le rêve éternel.

C’est à suivre à La Trace, sa nouvelle maison d’édition depuis Des mots de contrebande.

Pour info :

Après entre autres ” Zoé “ (ma chronique ici), ” Chaque seconde est un murmure “ (ma chronique ici) puis ” Des mots de Contrebande “ son dernier recueil de textes, Alain Cadéo retrouve dans ” Comme un enfant qui joue tout seul “ une écriture romanesque initiatique. (Ma chronique ici)

Cherchant avec exigence et rigueur des chemins de traverse, des sentiers non convenus, il est un perpétuel voyageur de l’âme, seule voie possible pour rencontrer l’autre, le vrai, le juste.

Cet homme est singulier, sincère, et généreux tout comme son écriture. 

Je remercie Alain Cadéo pour sa délicate attention et les éditions La Trace pour m’avoir offert un nouveau voyage livresque poétique et mystérieux.

“ Comme un enfant qui joue tout seul ”

Comme un enfant qui joue tout seul d’Alain Cadéo aux Éditions La Trace

On fait tous sa vie. Moi, j’ai défait la mienne. Ne me reviennent, curieux, comme les très anciens, que des images, curieux, comme les très anciens, que des images de ma petite enfance.

J’ai 37 ans. J’ai tout quitté, boulot, amis, relations, réseaux, plans de carrière, maison… et je repars… vers mon passé… tête baissée dans la nuit mauve… diaporama de mes pensées.

(…)

Il m’a fallu une minute pour briser ma carrière comme un enfant boudeur qui casse son jouet le plus convoité. “

Un beau jour, Raphaël décide de tout plaquer. Telle une renaissance, il se débarrasse de tout ce qui le retient et prends un nouveau départ, une nouvelle route vers une nouvelle vie.

« Tout est à vivre. Encore. “

Eléna entame sa cinquième saison au restaurant où elle travaille tout en veillant sur Lorenzo son fils.

” Par-dessus tout, elle a besoin de cette proximité avec l’Océan. Il la protège. Son bruit sourd et permanent, son odeurs, ses embruns , chassent toutes pensées mauvaises. Le soir, lorsqu’elle s’éloigne, elle est comme lavée, légère et sa fatigue est. Douce à emporter, précieuse. “

Entre ces deux êtres, un océan, qui vague après vague les conduit inexorablement l’un vers l’autre…vers un nouveau destin…

” Il n’y a pas de plus grande joie que celle que l’on éprouve lorsqu’en toute lucidité, on « sait » que l’on est dans l’exactitude de son parcours, au cœur même de son propre destin. “

Ce que j’en dis :

Tel un peintre, Alain Cadéo commence par esquisser par quelques mots, toujours bien choisis le début de son histoire. Puis les couleurs apparaissent par petites touches ici et là et illuminent les pages. Pour le lecteur soucieux du détail, c’est un délice de vagabonder à travers cette plume minutieuse, élégante où la poésie s’immisce avec délicatesse, comme un rayon de soleil.

Alain Cadéo est un amoureux des mots, et ça se sent, son écriture dégage de belles émotions et transporte le lecteur dans un monde féerique où chaque mot, chaque phrase pleine de tendresse fait rêver, telle une caresse.

Tel un saltimbanque, il nous emmène par des chemins de traverse, nous laissant contempler le paysage, à la rencontre de personnages toujours prêts à bousculer nos vies.

Dans ce dernier roman, il met en scène deux êtres solitaires que le destin va réunir au bord de l’océan, deux êtres égarés qui n’attendent qu’un éclairci pour ensoleiller leurs vies.

Comme un enfant qui joue tout seul, une véritable étoile, filant à vive allure vers l’océan pour rejoindre tous les êtres qui gardent l’espoir d’une nouvelle vie.

“ Il faut que je bouge. J’avais l’impression ces dernières heures d’être devenu une fleur séchée coincée entre les pages d’un livre qui sent le moisi. (…) La vie veut pas qu’on la vive pas. Électrique, elle vous rattrape par le froc et vous relance sur scène. ”

Pour info :

Après entre autres ” Zoé “ (ma chronique ici), ” Chaque seconde est un murmure “ (ma chronique ici) puis ” Des mots de Contrebande “ son dernier recueil de textes, Alain Cadéo retrouve dans ” Comme un enfant qui joue tout seul “ une écriture romanesque initiatique.

Cherchant avec exigence et rigueur des chemins de traverse, des sentiers non convenus, il est un perpétuel voyageur de l’âme, seule voie possible pour rencontrer l’autre, le vrai, le juste.

Cet homme est singulier, sincère, et généreux tout comme son écriture.

Je remercie Alain Cadéo pour sa délicate attention et les éditions La Trace pour m’avoir offert un magnifique voyage livresque.

“ Simple d’esprit « 

Simple d’esprit de Jean-Claude Lefebvre aux éditions La Trace

Dans les alpages est arrivé en plein hiver un bébé un peu abîmé au sourire figé.

On l’appellera Jean comme moi et Noël comme aujourd’hui. Et il me baptisèrent Jean-Noël, un prénom que bientôt seuls mes parents et Georges continueront à me donner, les autres l’ont oublié. ”

En grandissant « Toujours counten » se révéla quelque peu Simple d’esprit.

Entouré de l’immense amour de ses parents, de son véritable ami Georges et toujours accompagné de son âne Néan, il suit son petit bonhomme de chemin.

” L’arrivée de Néan transforma ma vie. (…) Cet animal avait un poil brun roux, très long qui pendait autour de lui comme une houppelande et qui, sur la tête, lui cachait pratiquement les yeux. (…) Il semblait rejeté par les autres. Je me suis approché, il a tourné sa tête vers moi, je lui ai tendu la main à plat comme mon père le fait avec les mules et il est venu la lécher. (…) je l’ai pris pris par le cou, et il a posé sa tête sur mon épaule « on sera les deux Fadas, moi des hommes et toi des ânes mais personne ne doit le savoir, c’est notre secret ».

Dans une époque et un environnement parfois très rude, Jean-Noël nous confie son histoire, ses joies, ses peines, ses rencontres, ses amours, ses douleurs…

Une histoire en toute simplicité d’un garçon différent qui ne manquera pas d’amour et en donnera en retour au centuple à qui saura ouvrir son cœur.

” J’ai beau être simple d’esprit j’ai un cœur comme les autres. ”

Ce que j’en dis :

Derrière cette magnifique couverture se cache un récit qui l’est tout autant.

L’auteur nous emmène au cœur de la montagne, dans l’arrière-pays niçois.

Au fil des saisons, la vie très particulière de Jean-Noël nous est contée avec une douce sensibilité et une plume pleine de poésie. Une histoire qui nous parle sans pathos de la différence, la vie d’un simple d’esprit à une époque lointaine, de sa naissance à l’âge adulte.

Un roman court mais d’une intensité incroyable qui telle une immense bouffée d’oxygène, nourrit l’âme et bouleverse le cœur.

L’auteur nous offre une histoire d’amitié, d’amour, et dégage à chaque instant une multitude d’émotions, en nous baladant dans une nature parfois aussi hostile que certaines personnes, mais qui réserve tout de même de belles surprises et de belles rencontres.

C’est un petit bijou, une petite douceur qu’il serait dommage de ne pas suivre à La Trace, cette chouette maison d’éditions amoureuse des beaux mots qui font toujours de belles histoires.

Simple d’esprit n’a pas fini de faire chavirer les cœurs.

Pour info :

Après « Barnabé et le Vieux Fou », « Insomnies » et « Ils m’appelait Doctor John », Jean-Claude Lefebvre revient dans ses montagnes pour se mettre dans la peau de « Simple d’Esprit, le Fada de Bousiéyas » dont les idées frissonnent dans la tête comme les petites pensée sauvages au vent des alpages.

Jean-Claude Lefebvre est aussi médecin à la retraite, pas toujours à la retraite… avec des missions pour MSF en Syrie, en Lybie et en Afrique.

Je remercie les éditions La Trace pour cette merveilleuse découverte pleine de charme.