“ Prodiges et miracles ”

Prodiges et miracles de Joe Meno aux Éditions Agullo

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Morgane Saysana

La jument blanche fit son apparition un lundi. Ni le grand-père ni le petit- fils n’avaient la moindre idée de qui l’avait envoyée. Au début, il n’y eut que les violents soubresauts du pick- up brinquebalant sur la route sans marquage, traînant dans son sillage un van de luxe gris argent, ses dix roues chahutant l’air en soulevant un nuage de poussière aussi vertigineux qu’un clocher. (…) Lorsqu’un homme affublé de lunettes noires de policier s’extirpa de derrière le volant, s’étirant les jambes comme s’il venait de parcourir un long trajet, Jim lui demanda de quoi il en retournait. “

1995 dans l’Indiana, Mount Holly une petite ville semble s’éteindre peu à peu. C’est là que vit Jim Falls un vétéran de la guerre de Corée. Il élève des poulets dans sa ferme, aidé par son petit fils métis prénommé Quentin.

Sa fille lui a laissé sur sur les bras ce garçon sans père, lors d’un passage éclair avant de disparaître une fois de plus pour rejoindre une bande de paumés. Junkie un jour, junkie toujours.

L’élevage familial de poulet ne rapporte pas assez et les dettes s’accumulent, l’avenir n’est guère réjouissant, alors quand cette jument entre dans leur vie, on aurait tendance à croire au miracle.

” Dans ses fantasmes les plus intimes, le garçon rêvaient d’installer sur le cheval la selle anglaise brodée d’argent, la bride faite sur mesure, puis de glisser ses pieds dans les étriers noirs et chromés pour se hisser sur le dos de la monture, et de parcourir ventre à terre, tel un éclair, la terre maculée de boue, l’animal et le garçon fonçant jusqu’à se muer en une tache blanche et floue, tenace, une étincelle, une brume de pâleur incolore persistante, une unique chose dénuée de couleur. “

Quentin, plutôt taciturne jusque là, à force d’attendre le retour de sa mère reprend vie et s’attache à cette magnifique jument.

Elle semble taillée pour la course, et sa beauté redonne une touche d’espoir dans la noirceur de leur vie.

” L’aube ce matin là était froide, les champs nappes de rosée. Le bruit des bottes sur l’herbe, lisse, verte, brune, jaune. L’odeur du café dans un vieux thermos en métal. Les volailles bruyantes, leurs caquètements le raffut primitif du jour qui point. Le cheval silencieux dans son box. Le soleil pareil à un animal mythique entamant déjà sa course vers l’ouest. “

Seulement voilà, un tel bonheur attire forcément les convoitises. Mais pour Jim Falls pas question de baisser les bras et de s’avouer vaincu. Puisque cette jument lui appartient, il mettra tout en œuvre pour ne pas la perdre et donner à son petit fils une vie meilleure.

” J’ai pas grand-chose en ce bas monde, souffla le grand-père tandis que l’adolescent l’aidait à boucler sa ceinture. J’ai pas grand-chose. Alors, Seigneur, laissez-nous la conserver, celle-là, au moins. Rien que celle-là. “

Ce que j’en dis :

Dès que la couverture est apparue sur la toile, l’envie de découvrir ce qu’elle cachait était déjà bien présente . Qui plus est, connaissant et appréciant cette maison d’éditions qui m’a déjà permis de belles découvertes littéraires, d’horizons divers, j’étais on ne peut plus confiante quand à la qualité du récit. Grâce à Léa, créatrice du magnifique Picabo River Book Club, qui organisa un nouveau partenariat en collaboration avec les éditions Agullo, j’ai eu la chance d’être retenue et de recevoir cette petite merveille.

Toujours prête pour une nouvelle aventure américaine.

Dés les premières page, je suis sous le charme de l’écriture soignée et pleine de poésie. L’histoire à peine commencée me captive déjà et il en sera ainsi jusqu’à la dernière page. Un récit que j’ai fini le cœur serré et la vue brouillée. Mais qu’on se le dise, nous ne sommes pas ici au cœur d’un comte de fée mièvre mais dans un somptueux roman noir qui mérite bien des éloges.

Joe Meno a offert au vieil homme une magnifique jument et aux lecteurs, une superbe histoire pleine de rebondissements et d’émotions dans une contrée sauvage, sublimée par sa plume lyrique et illuminée par la beauté de l’équidé.

 » Le cheval renâcla doucement. Le garçon caressait l’animal en décrivant des cercles de plus en plus petit. « Tout était nul avant que tu te pointes. Mais maintenant tu es mon amie. Ma seule amie. N’essaie pas de repartir. Si tu tentes de t’enfuir je te suivrai. Je te jure.» “

Vous aussi, suivez l’aventure extraordinaire de ce grand- père, de son petit-fils et de cette jument et vous verrez que “ Prodiges et miracles ” cache bien plus qu’une simple histoire de cheval mais plutôt un rodéo littéraire digne des plus belles plumes américaines. Une couse folle dans l’Indiana qui devrait récolter quelques cocardes aux passages et finir sur les podiums prestigieux.

Je lui décerne la première : coup de cœur de Dealerdelignes.

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Joe Meno est né en 1974, et a publié son premier roman à l’âge de 24 ans. Il est l’auteur de sept romans et plusieurs recueils de nouvelles, et a reçu notamment le prestigieux prix Nelson Algren. Il écrit régulièrement pour le magazine underground Punk Planet, ainsi que pour le New York Times et Chicago Magazine. Il vit aujourd’hui à Chicago.

Je remercie Léa du Picabo River Book Club et les éditions Agullo pour cette chevauchée fantastique au cœur de l’Indiana.

La pension de la via Saffi 

La pension de la via Saffi de Valerio Varesi aux Éditions Agullo


« …aujourd’hui, son métier le ramenait sur un lieu de sa jeunesse. Il savait qu’il ne fallait jamais revenir là où l’on avait été heureux. »


À quelques jours de Noël, le commissaire Soneri se retrouve sur l’enquête du meurtre de Ghitta Tagliavini qui a été assassiné dans son appartement situé dans la pension via Saffi. Elle en était la propriétaire. Soneri connaît cet endroit pour l’avoir fréquenté dans sa jeunesse, c’est là qu’il avait rencontré sa femme Ada qui a depuis tragiquement disparue. Les souvenirs refont surface et le perturbent quelque peu. 



« Pour Soneri, il ne s’agissait pas d’une affaire comme les autres, ce n’était pas seulement une enquête sur la mort de Ghitta. Plus il s’y enfonçait, plus il se rendait compte qu’il s’agissait, en définitive, d’une enquête sur lui-même. Et tout ce qui en ressortait jour après jour n’avait rien d’agréable. « 


La ville de Parme sous son épais brouillard n’a pas encore révélé tous ses secrets à Soneri, un commissaire solitaire, épicurien qui n’hésitera pas à mettre les pieds dans le plat, sans se soucier d’éclabousser les hauts dignitaires. 

«  L’expérience lui avait appris qu’il y a toujours quelque- chose de pourri qui émerge quand on gratte sous la surface. »
Pour mener à bien son enquête, il devra affronter ses souvenirs et lever le voile sur une bien étrange photographie qui va lui révéler des vérités sur la vie et la mort d’Ada. 

« Mais la nostalgie ne sert qu’à sublimer la peur que nous fait le temps qui passe. »


C’est avec un plaisir non dissimulé que je me suis plongée dans cette nouvelle enquête italienne auprès de Soneri. J’ai retrouvé l’atmosphère particulière de Parme que j’avais découverte dans le premier polar de Valerio Varesi  » le Fleuve des brumes«  ( ma chronique ICI ).

Une plume poétique reconnaissable et vraiment appréciable. Une excellente intrigue et un personnage plus profond. Une douce complicité s’installe entre le lecteur et Soneri. Ses souvenirs mis à jour nous rapprochent davantage jusqu’à le rendre touchant. 

Un auteur qui confirme son talent de part sa plume lyrique tout en finesse et la maîtrise de ses enquêtes  à travers un détective vraiment attachant et exceptionnel. 

Pour tous les amoureux des grands polars, à suivre absolument. 

J’ai hâte de retrouver Soneri, Parme et la divine écriture de Varesi pour une nouvelle enquête. 

Valerio Varesi

Valerio Varesi est née à Turin de parents parmesans. Diplômé en philosophie de l’université de Bologne, Il est aujourd’hui journaliste et auteur de onze romans récurrent, dont le Fleuve des brumes, nominé au prestigieux Gold Dagger Award en Angleterre et au Prix Stregga en Italie. 



Je remercie Sébastien des Éditions Agullo pour cette enquête Italienne BELLISSIMA.