“ Satan dans le désert ”

Satan dans le désert de Boston Teran aux Éditions Gallmeister

Traduit de l’américain par Éric Holweck

Traduction révisée par Marc Boulet

Couverture de Sam Ward

(…) les journalistes ont vent de l’affaire et se ruent dans le désert à bord de leurs jeeps et de leurs 4/4. Ils sont en quête d’une bonne histoire, et celle-ci pue le gros titre à plein nez. “

Aux confins du désert Californien, un double meurtre aux allures sataniques a été commis dans une villa isolée. Ce véritable carnage n’a pourtant laissé aucun indice susceptible d’arrêter les auteurs de ce terrible massacre. Mais une jeune fille manque à l’appel, et semble avoir été kidnappée.

” Au milieu de la mer de sable enflammée par le vent nocturne, Cyrus et sa bande de jeunes loups disparates sont assis tels des guerriers indiens venant de traverser ensemble une nouvelle journée où la mort a frappé. Il vante leurs mérites. Leur rappelle qu’ils ont des chiens de meute s’attaquant à une société de mensonges. Des porteurs d’un message qui est aussi une grande peste. Les atrocités qu’ils ont commises jusqu’à ce jour, et qui ont connu leur apothéose avec le massacre de la Via Princessa, constituent une histoire en soi. Une histoire horrible, obsédante. “

La police rame et le sort de la jeune fille semble scellé. Complètement anéanti, son père, Bob Hightower, lui-même flic décide de partir à sa recherche. Il va se faire aider d’une ex-junkie qui a elle-même des comptes à régler avec cette bande de sauvages.

” – Sur ce coup-là, c’est pas à l’Amérique propre et puritaine que vous avez affaire. Cette merde, c’est l’enfer. Une histoire de drogue, de sang et de foutre, déjantée à un point que vous n’avez pas idée. C’est pas comme si vous entriez dans une librairie ésotérique de Hollywood Boulevard pour acheter quelques babioles sataniques. Ces types-là prennent leur pied en foutant en l’air les gens normaux…“

Bob Hightower est loin de prendre la mesure de ce qui l’attend mais il est prêt à tout pour retrouver sa fille, même s’il doit passer par l’enfer et affronter le diable en personne.

Ce que j’en dis :

Qui aime l’esprit sanguinaire de Quentin Tarantino appréciera forcément cette virée dans le désert Mojave, véritable porte des enfers.

Qui que soit derrière le pseudonyme de Boston Teran, c’est un véritable conteur machiavélique qui nous offre ce récit démoniaque.

Il est conseillé d’avoir le cœur bien accroché, et de ne pas être effrayé par tous ce sang qui entache ces pages où le mal est partout, du côté des bons comme des méchants.

Dans cette traque sauvage d’une violence infinie, l’espoir parfois surgit au détour d’un chemin mais sans jamais s’éterniser pour que l’on oublie pas que Satan dans le désert nous attend et n’est guère propice aux retrouvailles câline.

Une véritable claque qui vous emportera à la frontière du mal où seul deux êtres réussiront en unissant leurs forces à vaincre un psychopathe d’une violence sans bornes.

Une écriture d’une force incroyable, des personnages marquants dans une atmosphère brûlante, endiablée, pervers, satanique pour nous offrir un récit explosif impossible à quitter qui m’a mis K.O.

Vivement le prochain.

Pour info :

Boston Teran, dont on sait juste qu’il a grandi dans le Bronx, n’a à ce jour ni révélé sa véritable identité, ni communiqué sa photo.

Après le coup d’éclat de Satan dans le désert (God is a Bullet), récompensé par le John Creasey Award et encensé par la critique, il a écrit cinq romans dont Trois femmes, qui n’est toujours pas publié aux États-Unis, et Gig, commentaire d’un chien sur l’Amérique.

Boston Teran vit dorénavant au Mexique.

Je remercie les Éditions Gallmeister pour cette lecture démoniaque.

“ Paradigma ”

Paradigma de Pia Petersen aux Éditions Les Arènes

” Elle est toujours éblouie par la beauté de l’informatique, la poésie de ses adresses et les possibilités insensées du virtuel. Qu’on ne dise pas que l’on ne peut rien faire pour changer le monde. Elle peut tout faire, surtout par les voies d’Internet, le problème majeur étant de rester incorruptible. Le hic, c’est que de nombreux hackers, capables de déjouer les systèmes sont récupérés par les multinationales qui leur proposent des sommes folles, quasiment impossibles à refuser. Personne n’échappe à la peur de finir pauvre. Le jour où l’on arrivera à dire non à l’argent parce qu’on considère qu’il y a des choses plus importantes, ce jour-là, la terre tremblera pour les bonnes raisons et elle aime penser que c’est possible et elle attend ce jour qui n’est plus très loin avec impatience. On peut en finir avec la peur. “

À Los Angeles, comme chaque année, la remise des oscars se prépare, mais dans l’ombre des projecteurs une femme prépare également une mise en scène spectaculaire afin que les exclus de la société, les invisibles apparaissent enfin dans la lumière.

Une marche silencieuse des pauvres s’organise.

” Nous allons prendre Beverly Hills, Rodéo Drive et Bel Air et Holmby, toute la zone des riches, ouais, les beaux quartiers, perce qu’y en a marre de se bastonner entre pauvres, comme pendant la révolte de South Central. (…) Ils viendront tous et de partout.(…) Personne ne veut rater ça et ce sera le bordel, elle a souligné avec plaisir. Un vrai chaos, enfin. Pas comme ces toqués de terroristes. Ce sera le défilé des paumés et il y en aura un paquet. On va vous sauter à la gueule et réveiller vos conscience à coup de pied… “

Le rassemblement a commencé et des individus mal fagotés débarquent de partout, créant une ambiance très particulière. Ça fait tache dans les beaux quartiers où une forte inquiétude commence à s’emparer des habitants. Un véritable insurrection est en marche et déclenche un tollé sur le Net.

Tout est parti de Luna. Mais qui est Luna ?

Une rêveuse ? Une idéaliste ? Une révolutionnaire ? Une hackeuse ?

Quoi qu’il en soit, les oubliés de l’Amérique sont bien décidé à suivre le mouvement avec l’espoir d’un monde meilleur.

Ce que j’en dis :

En France les gilets jaunes ont beaucoup fait parler d’eux et bien évidemment on pense à eux en lisant cette histoire, mais ils font pâles figures à côté de la magnifique prestation des oubliés de l’Amérique, les sans-abris, les sans-papiers, tous les miséreux d’ici et d’ailleurs.

Pia Petersen donne la voix aux invisibles en confrontant le luxe à la pauvreté, les révolutionnaires aux biens pensants, en créant une faille dans le système par l’intermédiaire d’une hackeuse et la complicité des réseaux sociaux.

En imaginant cette marche silencieuse, l’auteure ne nous offre pas seulement une histoire originale mais une véritable réflexion sur un monde de plus en plus fou, de plus en plus égoïste où l’argent et le paraître dominent, mais il suffirait d’une seule personne et d’un seul clic pour inverser la tendance.

Un roman intelligent, des portraits saisissants et touchants où deux mondes vont s’affronter pour le meilleur et pour le pire.

Une auteure qui mériterait un oscar pour une si belle mise en scène, où même l’amour surgit en plein chaos comme une note d’espoir en pleine tempête.

Mon âme rebelle s’est régalée, et vous invite à participer à cette marche silencieuse en vous plongeant dans ce récit audacieux.

Pour info :

Pia Petersen est née au Danemark, écrit en français et vit entre Paris et Los Angeles.
Elle a déjà publié dix romans, dont six aux éditions Actes Sud. Paradigma est son premier livre dans la collection EquinoX.
Elle a reçu en 2014 le prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises de l’Académie française.

Je remercie les Éditions Équinoxe pour cette virée à Los Angeles sous le feu des projecteurs.

“ La vallée des ombres ”

La vallée des ombres de Xavier-Marie Bonnot au Éditions Pocket

” Rémy Vasseur, 18 ans

Assassiné lors des grèves de décembre 1986

Je ressens le besoin de caresser le mur. (…)

Je revois Rémy, mon cadet, jeté à terre. Dans ma tête tout est confus. Ses traits sont devenus flous.

Après sa mort, j’ai rompu les amarres. Je suis devenu un type redoutable. Les unités d’élite de la Légion étrangère m’ont transformé. J’ai souffert, j’ai saigné. J’ai tué. J’en avais besoin. Je suis descendu au fond de la vie. Tout au bout des remords. Mais mon ombre est toujours là, ma fausse identité. Aucune guerre, aucun combat ne l’a estompée. Je n’ai jamais vraiment su qui j’étais.

Tout peut changer sauf vous-même. Sauf votre passé. “

Après une absence de 20 ans, René Vasseur est de retour à Pierrefeu, dans la vallée industrielle où il a grandi.

Après avoir été un souffre-douleur dans sa jeunesse, il est devenu une véritable machine de guerre. Ces vingt années dans la Légion étrangère l’ont transformé. Et c’est le cœur chargé de haine qu’il réapparaît dans le paysage dévasté par la crise.

À peine installé dans la maison de son père qui vit ses derniers jours, il doit faire face à une disparition inquiétante où tout semble l’accuser et donner raison à son ancien chef de corps.

 » Le chef de corps m’a lancé une phrase à mon départ de la Légion : « Méfiez-vous, Vasseur. Les légionnaires font de bon coupables. Les Français n’aiment les héros que mort. »

Peu à peu les ombres du passé surgissent tour à tour : la femme qu’il a tant aimé, son bourreau d’enfance devenu flic, son meilleur ami qui a basculé dans le grand banditisme, son père, ancien patron de la CGT locale, tyrannique et désabusé et le fantôme de son frère qu’il a toujours l’intention de venger.

” J’ai envie de fuir, une fois encore. Changer à nouveau d’identité. Retourner à la Légion, repartir à la guerre et y mourir. Ce serait si facile. “

Ce que j’en dis :

Après avoir été complètement sous le charme de la plume de l’auteur avec son magnifique roman : Le dernier violon de Menuhin (ma chronique ici), j’étais impatiente de le retrouver pour une nouvelle aventure livresque.

À peine commencé, la magie de son écriture m’envoûte et m’embarque au cœur des montagnes près de Grenoble au côté d’un être tourmenté, emplit de colère et de haine auquel je m’attache pourtant direct. Cet homme blessé depuis l’enfance, revient avec ses nouvelles blessures d’adultes, ses blessures de guerre et se retrouve piégé au milieu de ripoux en tout genre. En plus d’affronter sa part d’ombre, il devra faire face à certaines révélations, à certains secrets de famille pourtant bien cachés par tous ces taiseux depuis si longtemps et vont réanimer sa soif de vengeance.

Dans une atmosphère sombre, oppressante, inquiétante Xavier-Marie Bonnot nous plonge au cœur de l’âme humaine, à travers une intrigue saisissante pleine de violence mais toujours avec beaucoup de pudeur.

Un auteur qui a du style et se démarque par une plume remarquable.

Il nous offre un magnifique roman noir, que je ne peux qu’indiscutablement vous recommander surtout si comme moi vous aviez apprécié Aux animaux la guerre de Nicolas Matthieu. Sans pour autant les comparer l’un à l’autre, étant chacun très talentueux, et différents, mais se rejoignent à travers leurs personnages qui ne manquent pas de caractère dans ce climat social très rude de leurs histoires où vallée grenobloise rejoint la vallée vosgienne comme un écho qui se répercute à travers les montagnes.

C’est noir, violent, stylé, c’est signé Xavier-Marie Bonnot, un auteur à suivre absolument et ça tombe bien, son premier roman : La première empreinte réédité aux Éditions Belfond m’attend patiemment.

À bientôt donc …

Pour info :

Né en 1962, Xavier-Marie Bonnot est écrivain et réalisateur de films documentaires.

Il remporte avec son premier roman, La Première Empreinte (L’Écailler du Sud, 2002), le prix Rompol et le prix des Marseillais. Le Pays oublié du temps (Actes Sud, 2011) a été récompensé par le prix Plume de cristal et Premier homme (Actes Sud, 2013) par le prix Lion noir. Il est désormais traduit dans le monde entier.

Après La Dame de pierre (Belfond, 2015), La Vallée des ombres est son huitième roman.

Je remercie les Éditions Pocket pour ce roman noir d’exception.

“ Cotton County ”

Cotton County d’Eleanor Henderson aux Éditions Albin Michel

Traduit de l’américain par Amélie Juste-Thomas

Les nourrissons reposaient tête-bêche dans un berceau, Winnafred d’un côté, Wilson de l’autre. Dans ce minuscule nid bourré à craquer, avec leurs doigts entrelacés semblables à de petites griffes délicates et leurs frémissantes paupières veinées de bleu, on aurait dit deux poussins, leurs crânes blancs comme les deux moitiés de l’unique coquille d’œuf dont ils auraient éclos. Il fallait vraiment y regarder de plus près – et personne ne s’en privait – pour remarquer que la fille était rose comme un porcelet et le petit garçon café au lait. “

À Cotton County en Géorgie dans les années 30, Elma Jesup fille d’un métayer de la région vient de donner la vie à des jumeaux de couleur différente. L’un s’avère être blanc et l’autre noir, à la stupéfaction générale.

Ce qui aurait du faire la joie de tous entraîne pourtant un drame affreux. Genus Jackson, un ouvrier agricole est tout de suite accusé et se retrouve lynché par une foule haineuse avant sa mise à mort.

” Depuis trois ans, on croyait la Géorgie revenue à la raison. L’homme du Ku Klux Klan a finalement été évincé de la résidence du gouverneur, et le lynchage avec lui. Mais, en janvier, Irwin County a fait replonger l’Etat dans cette période sombre. Maintenant que le record a été battu, pourquoi ne pas continuer, n’est-ce pas ? La tragédie d’Irwin County restera dans L’Histoire comme un acte barbare, mais au moins le shérif disposait d’aveux. Dans le cas qui nous occupe, en revanche, il n’y a aucune preuve, rien à part un égo meurtri et une justice sauvage.

Personne ne sera pourtant accusé et le meurtre reste impuni.

” Le démon s’est installé en Géorgie et si nous ne l’exorcisons pas, je crains qu’il ne décide de rester. “

Aidé d’Edna la jeune domestique noire qu’elle considère comme sa sœur, Elma élèvera ses deux enfants au cœur d’une ségrégation raciale toujours bien présente dans le Sud.

Mais ce drame a fragilisé les liens qui les unissaient et bientôt la vérité aussi douloureuse soit-elle va éclater et diviser cette famille.

Ces deux femmes que seule la couleur de peau sépare vont devoir chacune affronter les secrets de leur histoire familiale.

Ce que j’en dis :

À travers cette épopée américaine, Eleanor Henderson signe un roman ambitieux et nous offre une histoire dramatique où la ségrégation et le racisme règnent dans cette contrée rurale de Géorgie magnifiquement représentée.

La naissance de ces jumeaux entraîne un enchaînement de violence, de haine, de mensonges et de vengeance que l’on découvre à travers des flash-backs qui nous entraînent entre le passé et le présent de tous les habitants de cette contrée où les secrets de famille perdurent depuis plusieurs générations.

En véritable conteuse, Eleanor Henderson nous offre un magnifique roman choral porté par un plume captivante et mérite sa place auprès des plus grands auteurs américains.

Un énorme coup de cœur pour ce roman magnifiquement construit, qui peut paraître parfois exigeant mais qui s’avère absolument passionnant.

Je ne peux que vous encourager ce voyage dans le passé de la Géorgie au côté de ces deux sœurs de cœur.

Pour info :

Eleanor Henderson est une auteure américaine. Née en 1980 en Grèce et élevée en Floride, elle écrit son premier roman en 2011. Il est traduit deux ans plus tard en français sous le titre Alphabet City chez Sonatine Éditions.

Dès sa sortie aux Etats-Unis, Alphabet City remporte un franc succès et se retrouve dans la sélection des dix meilleurs livres de l’année du New York Times.
Eleanor Henderson vit aujourd’hui à Ithaca, New York, avec son mari et ses deux enfants. Elle y travaille comme professeur.
Cotton County est son deuxième roman.

Je remercie les Éditions Albin Michel pour cette extraordinaire roman.

“ Une flèche dans la tête ”

Une flèche dans la tête de Michel Embareck Aux Éditions Joëlle Losfeld

” Elle place alors un bras autour de la taille de son père tandis qu’il lui pose une main sur l’épaule. La vie passe à la vitesse de petits riens dont la mémoire se nourrit pour en faire des souvenirs de la veille. (…) Les mots d’enfants résonnent à son oreille comme entendu hier. Il la regarde en coin, décèle les traits de l’enfance sur son visage, ce moment de grâce qui avait précédé les remous des calendriers, emportant la famille à hue et à dia. « Une fille saine», seule expression qui lui vienne à l’esprit. “

À la Nouvelle-Orleans, un père et sa fille vont tenter de renouer après une longue séparation. En sillonnant ensemble la route du blues, ils espèrent rétablir des relations qui étaient jusqu’à présent plutôt chaotiques.

” Sans le moindre éclaircissement sur ce fichu violon placé dans le coffre, elle se gare sur le parking quasi désert du musée, dubitative quand aux effets thérapeutiques d’un voyage pour mettre de l’ordre dans des souvenirs de bonheur en vrac et en berne. “

Peu à peu ils découvrent les pièges à touristes et apprennent pourtant la vérité sur la mort d’un géant du blues.

Mais ce voyage est l’occasion pour le père de s’interroger sur ses crises de migraines, qu’il supporte depuis si longtemps, une douloureuse maladie qui la conduit à des rapports misanthropes avec son entourage.

” Il vit avec un serpent, une aiguille à tricoter, un marteau piqueur ou une barre de fer dans la tête. “

Difficile dans de telles conditions de se laisser aller à la confidence.

” À chaque occasion l’histoire repasse les mêmes plats, chaque fois plus amers, moisis, dissimulés derrière un vocabulaire aussi vide que pompeux. On peut être tenté de mettre fin à ses jours par dégoût des autres. Ou par dégoût de soi-même. Il avait cumulé les deux pendant suffisamment longtemps pour avancer désormais vers la mort sans la redouter. “

Ce que j’en dis :

Le pèlerinage de ces deux êtres nous fait découvrir la route mythique du blues, et les plus énigmatiques géants du blues s’invitent dans le paysage.

Le blues en parfaite harmonie avec le mal de vivre qui habite cet homme qui soufre depuis si longtemps, le cœur brisé et la tête fracassée par d’incessantes migraines.

Dans cette errance, un père et sa fille aux âmes blessées tentent désespérément de se rapprocher tout en s’éloignant davantage à chaque tentative en écho à ce monde en perdition.

Un roman où la musique et les pensées philosophiques s’entremêlent pour nous offrir une douce balade digne des plus beaux blues.

À savourer avec en fond sonore l’album” Migraine Blues ” de Fred Sheftell

Pour info :

Journaliste au magazine Best de 1974 à 1983, Michel Embareck, né en 1952 dans le Jura, a écumé les scènes rock des années 1970 et 1980, collaborant à Rolling Stone et Libération.

Il est l’auteur d’une trentaine de romans, polars et recueil de nouvelles avec entre autres, aux éditions de l’Archipel, Cloaca Maxima, Avis d’obsèques, Personne ne court plus vite qu’une balle (2015) et Jim Morrison et le diable boiteux (2016, Prix Coup de foudre des Vendanges Littéraires de Rivesaltes). Ont paru chez Archipoche : La mort fait mal (2013, prix Marcel Grancher) et Le Rosaire de la douleur (2015).

Je remercie les Éditions Joëlle Losfeld pour ce magnifique blues sur les routes du Mississippi.

“ L’appétit de la destruction ”

L’appétit de la destruction d’Yvan Robin aux Éditions Lajouanie

” Un leader charismatique dont la voix, identifiable à la première écoute, vous décolle de grands lambeaux de peau pour vous toucher au plus profond. Capable de générer attirance et répulsion en l’espace d’une même seconde. Qu’on rêve d’embrasser, puis de gifler dans la foulée. (…) Une guitariste surdouée, au physique de panthère. Un bassiste haut sur patte, moche mais déjanté, paré à rendre sulfureuses les tournées futures. Un batteur fragile et mystérieux, qui plus est frère cadet du chanteur. Ajoutez à cela un son grumeleux – bien loin des productions aseptisées, en vogue ces années-là –, des mélodies instantanées, des structures ingénieuses et des textes qui résonnent dans le présent, et vous obtenez un cocktail imparable. Âme less rend accessible à tous, ce qui semble si loin… “

Âme Less a connu la gloire, les briquets flamboyants dans le public, les fans déchaînés, les salles pleines, les caprices de stars mais également la drogue, le sexe, l’alcool comme tout groupe de rock qui se respecte, l’un n’allant pas sans l’autre.

Et quand on atteint un tel sommet, plus dure sera la chute…

À travers trois voix, on plonge dans l’univers décadent de ce groupe de Rock, de leur ascension fulgurante à leur cruelle chute.

Se mettre à boire sentant soudain la fin venir

Ivre au couchant, rempli de larme, couvert d’ennui

S’allonger là, nu dans son vin, pour en finir

S’éteindre enfin dans la bouche cousue de la nuit “

Ce que j’en dis :

Bien installée dans mon fauteuil, loin de la foule hystérique des fans déchaînés, accompagné de ma playlist personnelle de mes groupes rock préférés, sans oublier une bonne bière, j’ai plongé à corps perdu dans ce roman pour suivre l’univers déliquescent de ce groupe de rock. Bien fidèle à l’étiquette qui leur colle à la peau, on retrouve ce qui fait la renommée des plus grands, le drogue le sexe l’alcool, les groupies dans les loges et parfois dans les lits, les frasques du leader, tout un cocktail de divers ingrédients qui mènent droit vers la notoriété, le paradis avant l’enfer.

Yvan Robin réussit à travers sa prose aussi lyrique que trash à ne pas casser le mythe, mais nous offre à travers ce récit une vision profonde de ce monde aussi fascinant qu’effrayant.

Qui n’a jamais rêvé de monter sur scène, pour ensuite se jeter dans la foule ?

Qui n’a jamais rêvé d’écrire des putains de textes, repris par cœur sur toutes les lèvres ?

 » Sur les couronnes et les tombes

Crash

Sur les attentats, sur les bombes

Crash

Sur les croix, sur les voiles

Crash

À la lune, aux étoiles

Crash

Saoulons d’essence et d’éther

Partisans, militants, militaires

Du désir découpons les ailes

À la guerre, à la rage et au zèle

Benjamin Vassilier voyait cette chanson comme un puissant remède à la morosité ambiante, sous perfusion de crise monétaire et de recrudescence de la violence. Sorte de catharsis à l’attention des masses, Crash serait l’hymne d’une génération qui aurait à lutter contre la peur et pour sa survie. “

Qui n’a jamais rêvé être à leur place ?

Et même si un drame se profile à l’horizon au fil des pages, c’est avec émotions, le palpitant en accord avec les décibels que l’on poursuit l’appétit de la destruction, avec l’envie d’un dernier rappel , une nouvelle chanson, un nouveau morceau de guitare à se faire exploser les tympans, parce qu’en fait dans la vie, le rock , y’a que ça de VRAI.

Comme il le dit dans son précédent roman : « Travailler tue » (ma chronique ici), alors fait une pause, prends toi une bière, et prends ton billet pour ce shoot littéraire très rock mais pas que…

 » Peines perdues

Sur le bord d’un verre

Que nous avions bu

Mes torts et travers

J’ai mes peines perdues

Sur le gué du fleuve

En amont des crues

Que mes larmes pleuvent

J’ai mes peines perdues

Dans le fond d’un lit

Où nous avions dû

Braver l’insomnie

J’ai mes peines perdues

J’ai mes peines perdues

Sur le bout des lèvres

Du haut de mes nues

Si je tombe…

Je crève “

Pour info :

Yvan Robin vit à Bordeaux.

Il est également l’auteur de La disgrâce des noyés, roman paru aux Éditions Baleine, et de Travailler tue ! Paru aux Éditions Lajouanie.

Je remercie les Éditions Lajouanie pour ce concert de mots mais pas que…

“ La vie en rose ”

La vie en rose de Marin Ledun aux Éditions Gallimard Série Noire

Le lendemain, je déposais les deux démissionnaires à l’aéroport Saint-Exupéry avec force baisers, tongs, crème solaire et anti- moustiques. Bon débarras, évitez de revenir avec un septième enfant, gaffe aux poissons-pierres dans les lagons, ia ora na à Kelly Slater et Michel Bourez de ma part et rapportez-moi des disques de heavy metal tahitien, si vous pouvez, mais par pitié, pas de collier de fleurs.“

Rose venait tout juste de s’installer avec son amoureux de flic et là voilà obligée de revenir faire du baby-sitting à la maison familiale pour veiller sur ses frères et sœurs, pendant que leurs parents voyagent en Polynésie.

L’avion s’est à peine envolé que les ennuis commencent.

Le salon de coiffure Popul’Hair où elle fait la lecture est cambriolé, puis elle découvre que dans neuf mois une cigogne va lui réserver une surprise mais le pire de tout, l’ex-petit ami de sa sœur est assassiné.

” Elle se pelotonne contre moi. Je réalise que c’est la première fois que ma sœur se confie à moi. Des larmes me montent aux yeux. Je me laisse aller à mon tour. On se croirait dans un remake guimauve d’une série sentimentale, mais bon sang, autant de chaleur et de désarroi humains dans ce monde de brutes valent autant que tous les anxiolytiques de la terre. “

Bientôt, c’est le meilleur ami de Camille qui est poignardé. L’assassin semble s’acharner sur les lycéens où Camille est scolarisée.

Un matin, elle disparaît…

” Et pendant ce temps, les types comme le lieutenant Personne et ses collègues interrogent, frappent aux portes, s’assoient autour d’une table, vérifient les alibis, haussent le ton et autres joyeusetés moins reluisantes telles que : secouer les petites frappes, relancer les indics, donner quelques coups, sans doute, menacer certains, en pousser d’autres dans leurs retranchements, harceler si besoin.  »

Rose est sur les dents, pas question de perdre un membre de la famille en cours de route. Et même si le chaos s’est installé dans sa famille et sur la ville, elle fera le maximum pour assurer entre deux nausées …

Ce que j’en dis :

Pour qui ne connaît pas encore la famille Mabille-Pons c’est par ici et croyez-moi ce serait bien dommage de faire l’impasse du premier tome : Salut à toi ô mon frère, suivi précisément par : La vie en rose.

Un titre prometteur qui présage d’entrée un délicieux moment et c’est exactement ce qui profile page après page.

Décidément cette famille sûrement cousine de la tribu Mallaussène a toujours le chic pour se retrouver au cœur de péripéties rocambolesques. On ne s’ennuie jamais en leur compagnie, mais là ça chauffe, un meurtrier est dans la place.

Toujours avec humour, Marin Ledun nous a concocté un récit jubilatoire, et les retrouvailles avec cette famille atypique est on ne peut plus enchanteresse.

Marin Ledun est habitué au noir et pourtant le rose lui va si bien et lui permets mine de rien de pointer du doigt certaines dérives humaines peu reluisantes.

Une nouvelle histoire parsemés de cadavres mais également de cultures littéraires et cinématographiques très appréciables qui ont réjouis la grande passionnée de littérature américaine et la cinéphile insatiable entre-deux lectures que je suis.

La vie en rose bien loin d’être guimauve est un subtil mélange d’amour et d’humour parsemés de messages subliminaux pour ne jamais oublier de dire ce que l’on pense bien à l’aise dans ses baskets qu’elles soient rose ou noire.

Une plume noire avec la douceur rose de l’amour pour cette tribu déjantée au charme fou.

C’est un régal, un peu de douceur dans ce monde de brutes, ça ne se refuse pas.

Pour info :

Né en 1975, Marin Ledun est romancier. Il a déjà publié une vingtaine de romans, dont Au fer rouge, L’homme qui a vu l’homme (Prix Amila-Meckert 2014, sélection 2016 Prix Polar SNCF), Dans le ventre des mères, Les visages écrasés (Trophée 813 du roman français 2011 ; Grand Prix du roman noir 2012 du Festival International du film policier de Beaune), et La Guerre des Vanités (Prix Mystère de la critique 2011), et écrit des pièces radiophoniques pour France Culture et France Inter.

Docteur en sciences de l’information et de la communication, il est également l’auteur ou le coauteur d’essais, dont Pendant qu’ils comptent les morts (2010) et La vie marchandise (2013). 

Les visages écrasés a été adapté pour Arte et au cinéma sous le titre Carole Matthieu par le réalisateur Louis-Julien Petit, avec Isabelle Adjani, Corinne Masiero, Ola Rapace, Pablo Pauly et Sarah Suco. Il est sorti en salle le 7 décembre 2016. Son roman, En douce, paru aux éditions Ombres Noires, a reçu le prix Transfuge du meilleur polar français 2016.

Suivra, Un royaume pour deux (2017), Gasoil (2017), Ils ont voulu nous civiliser (2017), Mon ennemi intérieur (2018), Aucune bête (2019).

Avec la vie en rose et Salut à toi mon frère, il ajoute l’humour à ses nombreux talents.

Je remercie les Éditions Gallimard pour ce cocktail rose pimenté de noir.

“ En attendant Eden ”

En attendant Eden d’Elliot Ackerman aux Éditions Gallmeister

Traduit de l’américain par Jacques Mailhos

” Je veux que vous compreniez Mary et ce que Mary a fait. Mais j’ignore si vous y parviendrez. Vous devez vous demander si au bout du compte, dans des circonstances similaires, vous feriez le même choix qu’elle, Dieu vous garde. “

Depuis trois ans, Mary se rend chaque jour à l’hôpital au chevet de son mari, Eden. Il est rentré d’Irak, inconscient avec des blessures qui ne guériront jamais.

 » Ni vivant ni mort, ce que c’était ne portait pas de nom. (…) c’était le gars le plus grièvement brûlé des deux guerres réunies… “

Elle lui a présenté malgré tout Andy, leur fille qu’il n’a pas eu le temps de connaître, avant de la confier à sa mère pour la préserver.

Le jour de Noël, en l’absence de Mary, Eden donne l’impression de pouvoir communiquer.

” Allongé là, éveillé, il observait le flou brillant du matin. Dans ce flou se trouvaient des souvenirs. Chacun d’eux ne formait qu’une minuscule tache, mais ils étaient comme des grains de sable vus de tellement près qu’ils ressemblaient à des planètes. “

Mary reste pourtant la seule à pouvoir décider de mettre fin aux supplices de son époux.

Mais face à ses souvenirs qui la hantent et l’emprisonnent que fera-t-elle ?

Ce que j’en dis :

C’est à travers la voix de son ami, tué le jour où le Humvee roula sur une mine, le laissant seul survivant, que cette histoire nous est contée.

” Depuis lors, je continue à traîner dans les parages, je suis seulement de l’autre côté, je vois tout et j’attends. “

Avec beaucoup d’émotions mais aussi beaucoup d’humanité, Elliot Ackerman aborde le sujet douloureux de la fin de vie, dans ce drame lié à la guerre.

La mort rôde et entraîne un élan de culpabilité pour cette femme qui aime son homme et soufre avec lui. Certains souvenirs font mal et réveillent certaines trahisons récentes.

Un court récit bouleversant qui vous emporte à travers une magnifique prose, élégante que Jacques Mailhos a merveilleusement bien traduite.

C’est une belle et douloureuse histoire d’amour, de guerre , d’amitié, de loyauté absolument déchirante que je ne suis pas prête d’oublier.

Pour info :

Elliot Ackerman est né à Los Angeles. Vétéran du Corps des Marines, ancien membre des forces spéciales, il a effectué cinq missions en Afghanistan et en Irak. Écrivain le plus décoré de sa génération, journaliste, il a été finaliste du National Book Award. Il partage son temps entre New-York et Washington DC.

Je remercie les Éditions Gallmeister pour cette histoire terriblement bouleversante où l’amour rôde avec la mort.

“ Et le mal viendra ”

Et le mal viendra de Jérôme Camut et Nathalie Hug aux Éditions Fleuve Noir

” Et si on larguait tout pour sauver ce qu’il reste de beau en ce monde, avant que les hommes ne le détruisent ? “

Notre planète est en danger, ce n’est un secret pour personne, alors certains écrivains prennent la plume et unissent leurs talents pour nous offrir un thriller époustouflant qui a la capacité d’éveiller notre conscience.

Après Islanova (retrouvez ma chronique ici) Jérôme Camut et Nathalie HUG, ce duo unique en France, abordent des sujets brûlants de l’actualité sous couvert d’une intrigue, en revenant sur l’avant et l’après Islanova.

Et le mal viendra, poursuit et approfondit les thèmes abordés précédemment. Sans parti pris, les auteurs réussissent à nous responsabiliser face aux problèmes liés à l’eau.

” On vous a alertés sur la valeur inestimable de l’eau, vous n’avez pas voulu voir. Alors on vous a assoiffés, et vous vous êtes entretués. Va-t-il falloir que l’on entasse six mille cadavres d’enfants devant vos portes pour que vous réagissiez enfin ? “

En voyageant en alternance entre 2016 et 2028, ce thriller écologique et sociétal nous ouvre les yeux et dénonce tous ces enjeux économiques au détriment de la survie de notre planète.

Un thriller ambitieux qui nécessite une lecture attentive pour éviter de s’y perdre, tellement les détails sont précis et nombreux.

Ce duo signe une fois encore un grand thriller qui laissera sans aucun doute son empreinte indélébile dans le paysage littéraire.

Pour info :

Jérôme Camut et Nathalie Hug forment un duo unique en France, salué par la critique et le grand public. Ils sont auteurs de la série à succès W3 et de la tétralogie culte Les Voies de l’ombre, dont le bestseller Prédation est en cours d’adaptation pour le cinéma. Leur dernier roman, Islanova, a reçu le Prix Ouest 2018.

je remercie les Éditions Fleuve Noir pour ce thriller magistral.

“ Chaque homme, une menace ”

Chaque homme, une menace de Patrick Hoffman aux Éditions Gallimard

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Antoine Chainas

« Nous employons souvent un dicton dans le milieu des affaires : les plus grandes opportunités naissent des plus grands désordre. “

À San Francisco, Raymond Gaspard, tout juste sorti de prison est chargé par un ancien détenu, de surveiller deux individus en charge de l’acheminement d’une importante cargaison de drogue.

Très vite il va se retrouver piégé au centre de ce qui pourrait s’avérer être un véritable complot.

À Miami, c’est le gérant d’une discothèque, responsable du transport maritime de cette même marchandise qui va se retrouver pris au piège suite à une grossière erreur.

À Bangkok, lieu de départ de la chaîne d’approvisionnement, un homme se prépare à passer un coup de fil qui va compromettre toute la filière.

Tout le trafic est en danger et risque de perturber toute cette organisation très lucrative.

Il suffit qu’un seul être de la chaîne défaille pour que l’engrenage s’enraye et que tout s’effondre.

” Tu ne sais pas ce que tu racontes. Doubler Arthur ? Personne ne double Arthur. “

Et si l’erreur est humaine, il sera bien plus difficile d’y remédier.

Ce que j’en dis :

Pour avoir lu de nombreux romans sur des affaires de drogue, il est fortement plaisant de découvrir un récit vraiment atypique qui explore ce thème d’une toute autre manière.

Aux quatre coins du monde, la drogue circule à travers des filières très organisées, toutes reliées entre elles sans parfois le savoir. Dans ce milieu bien pourri, tout n’est que chantage, corruption, pouvoir, et parfois certains ne sont jamais assez rassasiés et n’hésitent pas à tout mettre en péril pour obtenir encore plus, quitte à sacrifier un des leurs au passage.

À travers ce premier roman, Patrick Hoffman brosse le portrait de toute cette mafia de manière originale à travers une intrigue intelligente et surprenante.

Il remonte la piste de tout ce réseau à travers différents protagonistes de différents pays, tous plus avares les uns que les autres.

Un récit étonnant sur cette poudre d’apparence blanche pourtant entachée de sang qui attise tant de convoitise à travers le monde pour le pouvoir de l’argent.

Chaque homme, une menace magnifiquement traduit par Antoine Chainas vous permettra de sortir des sentiers battus, et vous fera découvrir une nouvelle plume à suivre absolument.

De la poudre plein les yeux, de la bonne came assurément.

Pour info :

Patrick Hoffman a grandi à San Francisco, où il a travaillé pendant dix ans pour le bureau d’aide juridictionnelle. Il exerce désormais la profession d’enquêteur privé à Brooklyn.

Chaque homme, une menace est son premier roman publié à la Série Noire.

Je remercie les Éditions Gallimard pour cette virée clandestine dans ce milieu mortifère.