Les toits du paradis

Les toits du paradis de Mathangi Subramanian aux Éditions de l’aube

Traduit de l’anglais par Benoîte Dauvergne

” Pour connaître l’histoire du peuple du Paradis, il suffit de regarder ses maisons. “

« Le Paradis », est un incroyable bidonville de Bangalore, jusqu’à ce jour indestructible. C’est ici que vivent cinq adolescentes avec leurs familles.

” À Bangalore, il y a toujours plus à plaindre que soi. Même quand on vit dans un endroit comme le Paradis. Nous ne possédons peut-être pas grand chose, mais nous avons chacune un toit, un sol et des murs. Ainsi qu’une enfance.  »

Ces cinq jeunes demoiselles, Banu, Deepa, Padma, Joy, et Rukshana, volontaires, intelligentes intrépides parfois, liées comme les cinq doigts de la main, rivalisent d’imagination pour faire de leur vie parfois misérable un véritable enchantement. Elles accumulent les petits bonheurs pour illuminer chaque instant de leur quotidien.

 » Nous, les filles, n’avons pas besoin de grand-chose. Nous avons appris à nous passer de tout. Nous sommes là les unes pour les autres, nous sommes entourées de nos mères, de nos grands-mères. Et puis il y notre train qui file à travers le ciel. Cela nous suffit.  »

Pour combattre la pauvreté, rien de tel que l’amour, l’amitié, la bienveillance et la solidarité. Alors quand un bulldozer menace de détruire leur Paradis, au nom du développement et de la modernité, les adultes, les enfants, et même l’institutrice mettent tout en œuvre pour sauver  » Les toits du Paradis « .

” C’est étrange d’être une fille. Cette spécificité est censée vous tirer vers le bas, vous mettre en échec, vous forcer à reculer sans arrêt. Pourtant, si vous la prenez par le bon bout, elle vous pousse à avancer. “

Ce que j’en dis :

Chaque fois que je m’aventure en Inde à travers un roman, je suis subjuguée par toute la luminosité qui se dégage de ces récits malgré la pauvreté de ce pays.

Les toits du Paradis m’a ébloui de mille façons. J’ai d’abord découvert une plume magnifique dès les premières pages, présage d’une lecture on ne peut plus agréable.

Puis j’ai fait connaissance avec cet endroit particulier et cette bande de filles qui ne quitterait ce paradis pour rien au monde, malgré les belles demeures de la ville.

Une belle brochette d’amies tellement touchantes et tellement attachantes qu’elle nous font oublier la misère où elles vivent et nous donnent à travers leurs courages , une belle leçon d’humanité.

Elles partagent avec nous leurs souvenirs, leurs quotidiens mais aussi celui de leurs familles. Et de fil en aiguille on découvre toute l’histoire, et les secrets de ce bidonville pas comme les autres.

Entre ces pages, point de misérabilisme ni de pathos, bien au contraire. Elles sont peut-être pauvres, elles n’ont peut-être pas grand chose, mais elles ont un cœur immense où l’amour et l’amitié ne font qu’un.

Les toits du Paradis fut un voyage merveilleux, en compagnie de filles et de femmes aux grands cœurs, des femmes courageuses qui dansent, même au bord de l’abîme.

Un roman splendide, lumineux, empli d’humanité, d’espoir, porté par une plume stylée font de ce roman un incontournable de la rentrée littéraire 2020.

Gros coup de cœur pour ces filles aux destins inoubliables.

Pour info :

Mathangui Subramanian est éducatrice aux États-Unis, où elle est née.

Elle a vécu plusieurs années à New Delhi.

Les toits du Paradis est son premier roman déjà publié en anglais et en italien.

Je remercie les Éditions de l’Aube et Aurélie de l’agence un livre à soi pour cette divine lecture.

“ Éphé[mère] ”

Éphé[mère] de John N. Turner aux Éditions de l’Aube

Elle était la petite dernière. Petite, elle l’était restée en taille. (…) Elle ne comptait pour rien. Elle n’avait personne derrière elle. Elle était celle dont l’avis ne comptait pas. Sa voix avait été oubliée, escamotée, soustraite à celle de l’assemblée. Pour la famille, c’était comme si Isa n’avait jamais existé.

Évidemment, elle existait, mais comme la cinquième bouche à nourrir de la fratrie, un corps de plus à vêtir, et non comme une enfant à part entière. Isa était un peu comme un animal domestique dont personne ne se souciait. C’était pratique parce qu’Isa ne disait rien, ne réclamait rien, ne désirait rien mieux que de disparaître. “

Qui est vraiment Isabelle. Que nous cache cette femme si effacée et taiseuse ?

Pour le découvrir, toutes les personnes qui ont croisé ou partagé sa vie, vont tour à tour prendre la parole pour nous raconter une histoire, son histoire.

De son amoureux d’enfance, en passant par sa mère, une sœur, une amie, une voisine, son mari, un journaliste, un médecin, un policier, tous ont quelque chose à dire, que ce soit un avis, un souvenir, un témoignage, une remarque , un soupçon.

Ils l’ont connue, aimée, désirée, ignorée, appréciée, oubliée.

À travers toutes ces confessions, le portrait d’une femme se profile mais seul le lecteur pourra assembler les fragments de cette vie et découvrir :

” Un secret inénarrable  »

Ce que j’en dis :

Porté par une écriture remarquable, ce récit absolument bluffant, m’a captivé et il m’aura fallu atteindre les dernières pages pour enfin réaliser l’étendue incroyable de cette histoire.

John N. Turner nous offre un roman choral d’exception à travers des personnages travaillés, où leurs psychologies est parfaitement étudiées et donnent à ce récit d’un réalisme surprenant une dimension particulière. Une analyse parfaite qui ferait pâlir Les plus grands comportementalistes.

On se retrouve au cœur d’un récit en chemin vers une vérité qui donne tout son sens à ce titre Éphé [mère].

Un histoire glaçante, surprenante, l’histoire d’un secret inénarrable que je vous recommande vivement.

Un auteur que je suis depuis ses débuts et je peux vous dire qu’il ne m’a jamais déçu. Après cette lecture vous n’aurez qu’une envie : découvrir ses précédents romans qui sont tous aussi passionnants.

Sous ce pseudonyme se cache un homme brillant, discret qui mérite toute votre attention, pas question de garder cela secret.

Pour info :

Derrière ce pseudonyme : John N Turner se cache un scientifique de renommée internationale. Il est bactériologiste, spécialiste notamment de l’anthrax ou « maladie du charbon » un des sujets principaux traités dans son premier roman Amérithrax, absolument grandiose, publié chez le même éditeur en 2014. Puis en 2015, il publie Alabama Shooting, une enquête saisissante qui retrace le parcours d’un professeur qui abattit froidement trois collègues à Huntsville, l’université d’Alabama.

John est passionné par la littérature américaine contemporaine, les grands espaces et la culture de ce pays-continent.

Nos chemins étaient faits pour se rencontrer.

Éphé [mère] est son troisième roman.

Je remercie l’auteur pour sa délicate attention et les Éditions de l’Aube pour ce roman bluffant absolument remarquable.