Fatal Baby

Fatal Baby de Nicolas Jaillet aux Éditions de la Manufacture de livres

En septembre 2020, j’ai fait la connaissance de Julie, une jeune institutrice, célibattante qui n’a rien en commun avec la vierge Marie, et qui va pourtant se retrouver enceinte à son insu. Mais comment cela est-il possible ? Évidemment, Dieu seul le sait. Un vrai miracle pour cette jeune femme qui aurait pu s’attendre à tout sauf à devenir une future maman. Et c’est sans compter sur les supers pouvoirs, qu’elle semble désormais posséder. Une double énigme qu’elle compte bien résoudre pour affronter le futur.

Juillet 2021, le Baby est né et c’est une fille. et voilà notre duo mère fille , prêt pour de nouvelles aventures. Les supers pouvoirs ont entre-temps migré vers ce bébé qui s’en amuse. Seulement voilà notre duo se retrouve obligé de prendre la tangente, étant poursuivi par un laboratoire pharmaceutique prêt à tout pour mettre la main sur super Baby.

Mais va d’abord falloir passer sur le corps de la mère qui de son côté a plus d’un tour dans son sac à langer pour protéger son bébé.

[…] Il y a une chance sur mille pour que Julie ait une raison de s’inquiéter. Mais tant que cette chance existe, il faut qu’elle s’inquiète. S’inquiéter, c’est sa fonction. Son devoir. C’est une question de survie. ”

Ce que j’en dis :

Vous vous souvenez de Bridget Jones ? Ben vous pouvez l’oublier, toute façon depuis le temps, elle a du prendre sa retraite et elle a bien fait, car notre Julie assure la relève avec brio. Et même si elle succombe au charme de certains mâles croisés sur sa route, elle n’en demeure pas moins une femme au caractère bien trempé, qui telle une louve sortira les crocs pour protéger sa fille.

Ok, elle ne refuse pas l’aide masculine, ni une petite idylle au passage, mais on s’attache pas, les priorités sont ailleurs.

En tout cas, une chose est sûre, on ne s’ennuie pas avec Julie, action suspens, humour et même de la tendresse bordel, voir plus si affinités… Ça flingue, ça pouponne, ça baise, ça s’éclate quoi.

Une super woman qui n’a rien d’une chochotte, et qui risque bien de vous rendre accro à ses aventures qui ne manquent pas de piquant.

Cet été, rejoignez la team Girl Power, en commençant par Mauvaise graine avant de poursuivre avec Fatal Baby, ce serait dommage de rater le début de cette histoire de dingue.

C’est à la Manufacture de livres, une maison pleine de surprises inattendues comme ce fatal Baby issu de mauvaise graine, nés sous la plume de Nicolas Jaillet.

Pour info :


Nicolas Jaillet est né en 1971 en région parisienne.

Il a été comédien, musicien et a publié cinq romans, notamment aux éditions Bragelonne, ainsi que deux livres jeunesse.

Passant de la comédie au western avec des détours vers le thriller, le récit historique et le roman d’aventure, Nicolas Jaillet explore les frontières des genres avec intelligence et maitrise.

Je remercie la Manufacture de livres et l’agence Trames pour ces aventures palpitantes absolument jubilatoires

Son autre mort

Son autre mort d’Elsa Marpeau aux Éditions Gallimard / Folio

“ Aujourd’hui, elle comprenait. Et désormais, elle sentirait à chaque instant le regard de l’écrivain posé sur elle, sur Antoine, sur les filles. Son regard qui les pillait, qui les métamorphosait en chair à fiction. D’un seul coup, l’univers de Charles Bernier ne lui sembla plus si humaniste.

Les humbles qu’il décrivait, c’était eux; les zones périphériques, leur maison. ”

Alex est une femme ordinaire, mariée à Antoine avec lequel elle a eu deux filles. Ils tiennent un gîte : Le domaine des Bruyères en Loire-Atlantique à vingt minutes de Nantes.

Alex est une femme discrète, plutôt introvertie qui s’adonne à l’écriture en secret.

À l’arrivée d’un nouvel hôte, un écrivain célèbre qui se cache derrière un pseudonyme, un étrange climat s’installe entre eux.

L’écrivain réussit à sympathiser avec Alex d’un caractère plutôt sauvage. Alex se libère de sa timidité jusqu’au soir de son anniversaire où tout bascule après la fête…

La vie d’Alex prends alors des allures de roman, où la suite de cette soirée est à écrire pour élaborer un scénario qui tient la route afin de trouver le coupable idéal dans les relations de l’auteur qu’elle a malheureusement tué en voulant se défendre, car elle refuse de perdre sa famille.

Ce que j’en dis :

À travers ce scénario diabolique qui pourrait bien donner des sueurs froides à certains auteurs dont un panel de lecteurs rêverait de se débarrasser, Elsa Marpeau nous entraîne dans une chasse au coupable idéal, en égratignant au passage la folie des réseaux sociaux mais également le monde de l’édition, chacun en prend pour son grade avec une belle ironie.

Tout en abordant le thème de la schizophrénie, et la double identité, à travers le personnage d’Alex, l’auteure nous pose un regard aiguisé sur notre société actuelle, toujours encline à faire le buzz sur la toile. Un polar qui fait également écho avec brio au mouvement social #Metoo, une véritable mise en garde aux prédateurs sexuels qui se croyaient jusqu’à présent intouchables.

Une belle découverte d’une plume que j’aurai grand plaisir à retrouver en septembre dans La Noire de chez Gallimard.

Aussi efficace que redoutable, je n’ai pas boudé mon plaisir en dévorant Son autre mort. J’en connais quelques unes qui piqueraient bien l’idée pour se débarrasser des encombrants…

Pour info :

Agrégée de lettres, Elsa Marpeau est auteur de romans.

Elle a grandi à Nantes, avant de venir s’installer à Paris pour ses 18 ans après avoir répondu à une petite annonce matrimoniale du Nouvel Observateur. Pour y occuper ses journées, elle signe une thèse sur les mondes imaginaires dans le théâtre du XVIIe siècle et enseigne les arts du spectacle cinq ans à Nanterre.

Elle quitte Paris pour Singapour qui lui inspire son troisième roman publié à la Série Noire, « L’Expatriée », un thriller autobiographique qui obtient le Prix Plume de Cristal du roman noir 2013, dans le cadre du 7e Festival International du Film Policier de Liège.

Son premier roman, Les yeux des morts, avaient déjà été récompensé du Prix Nouvel Obs-Bibliobs du roman noir 2011.

Je remercie les éditions Gallimard pour ce polar psychologique étonnant.

Tokyo, la nuit

Tokyo, la nuit de Nick Bradley aux Éditions Belfond

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Maxime Berrée

Assis bien droit, le chat me regardait.

Dans ses yeux d’un vert lumineux, je vis quelque chose. Quelque chose de chaotique. Une ville se reflétait dans ses iris. Comme si ce chat nous voyait tous nous agiter, et de même que l’image de la ville rebondissait contre ses rétines sans s’y imprimer, le chat rejetait toute idée de contrôle par l’homme. Ce chat n’avait pas de maître, et je l’enviais pour cela. ”

Récemment à Tokyo, depuis cette fameuse pandémie planétaire, un félin géant en 3D, hyperréaliste, miaule entre deux publicités sur l’écran géant installé sur un building au cœur du quartier très fréquenté de Shinjuku. (À voir en cliquant sur le lien Ci-dessous)

https://youtu.be/GPnxESJz4XY

Aurait-il inspiré Nick Bradley pour ce formidable roman qui nous offre un voyage extraordinaire au cœur de Tokyo à travers des portraits de Tokyoïte, qui sans le savoir et sans même se connaître sont liés l’un à l’autre, recevant à tour de rôle la visite d’une chatte qui semble veiller sur eux.

Au hasard de ses errances, dans des quartiers isolés, abandonnés, cette chatte nous entraîne en premier lieu chez Kentaro, un tatoueur de Yakuza, où nous croisons Naomi, une mystérieuse cliente dont le tatouage en cours de réalisation semble prendre vie, y invitant même le félin à le parcourir à sa guise. Sakura, un chauffeur de taxi, qui rêvait de devenir poète. Puis viendra la rencontre avec Ichiro, une star déchue qui vit en ermite dans un hôtel désaffecté ; puis Makoto un salaryman, incapable de trouver l’amour ; le détective, Ishikawa qui gagne sa vie piégeant sur pellicules les liaisons adultères ; ou encore Mari et Georges, un couple d’amoureux dysfonctionnel qui ne parvient pas à se quitter…

Il est encore tôt, le ciel vide d’étoiles étale sa noirceur derrière le chaos de néon de la ville. Les rue zigzaguent, serpentent, s’élèvent en pont routier, s’enfoncent en tunnel. Tout s’entremêle, et s‘entrecroise, comme des nouilles blanches dans un bol d’udon. Et à mesure que la soirée avance, la ville commence à transpirer et à empester. La fumée monte des bouis-bouis de yakitori nichés sous les rails de la gare se Shimbashi, puis dérive entre les lampadaires aux lumières vives et les affiches jaunies de cinéma de l’ère Showa qui pèlent sur les murs. Dehors, les employés de bureau sont assis sur des fûts de bière vides transformés en tabourets. Ils fument et discutent, se goinfrent de brochettes de poulet yakitori et font tout passer avec des verres de bière glacée.

La nuit s’avance, les ivrognes esseulés braillent de plus en plus fort. ”

Des hommes et des femmes qui vivent secrètement au cœur de cette ville, parfois en solitaire, paumés, en marge de la société et pourtant tous très attachés à Tokyo.

Nick Bradley nous offre une belle galerie de portraits rendant hommage également à cette mégalopole toujours en pleine effervescence que l’on tente de purifier avant d’accueillir les prochains jeux olympiques au détriment d’une certaine population.

Présenté d’une manière très originale, à la manière des nouvelles qui misent bout à bout nous donnent une multitude d’histoires pour n’en faire qu’une absolument grandiose.

Un petit côté fantastique, petit clin d’œil à Murakami, sans oublier la culture, les traditions, font de ce roman un voyage aussi dépaysant q’enrichissant développant au passage un fort attachement à tous ces personnages croisés au fil des pages.

Un premier roman très réussi, une très belle découverte que je vous invite à lire cet été afin de briser la monotonie ambiante qui nous prive encore de grands voyages.

Pour info :

Nick Bradley est né en 1982 en Allemagne et a passé son enfance à Bath, en Angleterre.

Après des études en littérature anglaise, il part au Japon pour un an et y restera une dizaine d’années.

Tokyo, la nuit est son premier roman.

Il vit aujourd’hui à Norwich.

Je remercie les Éditions Belfond pour ce roman qui ne manque pas d’originalité ni de profondeur.

La cavale de Jaxie Clackton

La cavale de Jaxie Clackton de Tim Winston à La Noire de chez Gallimard

Traduit de l’anglais (Australie) par Jean Esch

C’était un sale radin, c’est ça qui l’a tué. […] N’importe quel crétin aurait su que c’était pas malin. Il faut jamais passer sous un véhicule qui repose sur un de ces faiseurs de veuves.

Mais il n’y a pas de veuve. Et personne ne verse une larme sur lui. Ni à Monkton, ni nulle part ailleurs dans le monde. ”

Jaxie en a rêvé de voir son vieux crevé, pensant même souvent à lui faire la peau lui-même. Alors quand cet accident met fin au débat, il ne peut que se réjouir. Il ne va quand même pas pleurer sur cette ordure qui a fait tant de mal à sa mère. Un putain d’ivrogne qui cognait sec.

Les Clackton, on était des moins-que-rien. Dans un bled comme Monkton, un bar, un restau de routiers, un silo à grains et douze rues, dont la moitié déserte, assez petit pour que tout le monde entende quelque chose et se fasse une putain d’opinion. Mais jamais aucun voisin n’a rappelé les flics. Quand ce gros t’as de merde partait en vrille. Dans nôtre bled, on avait beaucoup de grandes opinions, mais dès qu’il s’agissait de voler au secours de Shirley Clackton, y’avait pas une seule paire de couilles dans tout le comté. ”

Avant d’être accusé à tort, Jaxie fait son paquetage et trace, droit devant lui, vers l’immensité éblouissante du lac salé.

Mal préparé, il va très vite crevé de soif et de faim. Mais malgré tout, notre ado rebelle en a dans la caboche, les coups du vieux l’ont quelque peu endurcis. Alors lorsqu’il tombe sur une cabane où vit un vieil homme, il l’observe un moment avant de se jeter dans la gueule du loup.

Il m’avait repéré, c’est sûr, et maintenant, il rusait. C’était un vieil enfoiré sournois ou un pauvre maboul ? ”

Le vieux a su y faire, il a bien compris que le ventre vide de cet ado le ferait craquer. Tel un jeune chien abandonné, il va falloir l’apprivoiser, et rien de tel qu’une assiette à l’odeur alléchante pour attirer cette âme errante dans sa tanière.

Les jours passent, une amitié particulière s’installe entre ce vieux prêtre défroqué et cet ado rebelle, chacun restant pourtant sur ses gardes, loin d’imaginer que le vrai danger est ailleurs.

Ce que j’en dis :

On s’attache vite à une collection telle que La Noire, toujours très représentative de roman de qualité où le noir brille dans toute sa splendeur.

Tim Winton y fait son entrée, et une fois dévoré son roman on comprend bien pourquoi, il y a sa place.

Cet australien ferait presque de l’ombre à mes américains préférés même en plein désert, en tout cas il n’a rien à leur envier.

Au cœur du bush australien, dans un décor envoûtant on découvre le style trash et poétique de Tim Winton qui colle parfaitement à son personnage, Jaxie Clackton, capable du pire comme du meilleur.

Brutalisé par son père, ce jeune ado fort attachant, désormais orphelin de mère et de père, en passe de se marginaliser, fonce vers un avenir douteux, avec ce passé qui lui colle aux basques que l’on découvre jour après jour, quand la nostalgie le gagne, dans ses moments de solitude.

“ Les gens disent que j’ai aucun self-control, aucune discipline. Ils parlent sans savoir. J’aimerais bien les voir se taper une nuit pareille. […] Ce que je veux dire, c’est que vous êtes là sans être là. Vous allez quelque part dans votre tête. Sinon, vous êtes foutu. J’ai l’habitude. Comme j’ai l’habitude d’être seule. ”

Lors de cette cavale qui prends des allures de voyage initiatique, Jaxie sera confronté une fois de plus au mal, surgit de nulle part, mais connaîtra pourtant une profonde amitié, absolument improbable qui lui permettra peut-être de parvenir au bout de sa quête finale.

On peut dire que cette cavale infernale, au rythme d’enfer, m’aura donné un sacré plaisir de lecture. Un voyage australien sous haute tension, dans un décor à couper le souffle, avec un petit bonhomme forcément attendrissant.

Dépaysant, drôle, un brin vulgaire mais trop beau, dans une ambiance oppressante, tendue, cette cavale magnifiquement traduit par Jean Esch est à découvrir absolument.

Pour info :

Né en 1960 à Perth, Tim Winton est l’écrivain australien le plus célèbre de sa génération. Deux fois finaliste du Booker Prize, quatre fois lauréat du Miles Franklin Literary Award – l’équivalent du Goncourt – , auteur d’une dizaine de romans dont six traduit en français, de plusieurs albums pour la jeunesse et de recueils de nouvelles, il a été nommé « National Living Treasure » par le National Trust. C’est aussi un surfeur assidu, engagé dans de nombreuses associations pour la protection de l’environnement.

Il vit en Australie-Occidentale.

Je remercie les éditions Gallimard pour ce voyage brutalement splendide.