“ Au nom du bien ”

Au nom du bien de Jake Hinkson aux Éditions Gallmeister

Traduit de l’américain par Sophie Aslanides

” – Richard ?

– Quoi ?

– Si tu ne viens pas aujourd’hui, nous entrerons dans la phase conséquences.

Je suis là, en pantalon de pyjama et vieux T-Shirt, mes pieds nus sur le sol en béton froid, et j’éprouve une peur indescriptible à l’idée du danger que ce garçon représente pour moi, mais malgré tout, ma voix tremble d’indignation quand je lui dis :

– J’y serai. “

Apparemment Richard a des problèmes. Il a beau être le pasteur respecté d’une petite ville de l’Arkansas, un de ses agneaux est sur le point de le faire chanter et il n’attendra pas longtemps à nous révéler certains secrets en dehors du confessionnal.

Richard a commis le péché de chair, mais pas avec sa femme, il devrait donc filer tout droit en enfer.

” Je n’ai jamais voulu qu’arrive quoi que ce soit de ce genre. Lui non plus. C’est arrivé c’est tout. Le diable nous a tout deux trompés. Le diable promet la même solution facile à tous les problèmes, la même rustine pour toutes les brèches : fais ce que tu veux.

C’est ce que j’ai fait. J’ai comblé mon manque. “

Si Richard va devoir agir pour éviter un scandale, sa respectabilité est en danger, il risque de perdre bien plus que sa femme et ses cinq enfants. Alors il est temps d’agir même s’il doit demander de l’aide au tout-puissant.

” C’est une absurdité et une hérésie de demander son assistance à Dieu dans une entreprise aussi basse et sordide que celle-ci, bien entendu, mais je ne peux pas m’en empêcher. C’est une prière profane émise par une âme profane. “

Richard n’a que peu de temps pour réécrire l’histoire parsemée de mensonges quitte à piéger au passage quelques innocents.

Et peut-être qu’après tout ça, il passera à confesse ou pas…

Ce que j’en dis :

Pardonnez-moi très cher Pasteur pour n’avoir pas encore lu tous les livres de votre créateur Jake Hinkson, qui sont pourtant bien présent dans ma bibliothèque (la preuve en photo) et bien plus plaisant à lire que la Bible. Oui moi aussi j’ai une addiction, mais bien plus honorable que la vôtre, je ne m’intéresse pas aux garçons (quoi que) mais aux livres, alors délivrez moi de mon péché et peut-être que je vous délivrerai du vôtre…

Il est certain que le portrait que l’on brosse ici de votre personne n’est guère reluisant et démontre une fois encore une certaine hypocrisie de cette Amérique puritaine.

Si l’habit ne fait pas le moine, vos secrets n’en demeurent pas moins inavouables et ne passeront même pas la porte du confessionnal, même arrosés à l’eau bénite.

On peut compter sur votre créateur pour nous parler du pire de la meilleure façon possible à travers cet excellent roman noir qui enverra très certainement votre âme brûler en enfer.

Jake Hinkson exorcise ses obsessions liées à la religion et au crime à travers cette histoire brutale qui s’avale comme un shot de whisky.

Il est certain que je ne refuserai pas une prochaine tournée, un bon Jake Hinkson ça ne se refuse pas, je ne me ferai pas prier.

Pour info :

Jake Hinkson, par Jake Hinkson

Flannery O’Connor a un jour écrit qu’“un écrivain qui a survécu à son enfance dispose d’assez d’informations sur la vie pour tenir jusqu’à la fin de ses jours”. Flannery O’Connor est mon auteure préférée.

Je suis né dans l’Arkansas en 1975. Mon père était charpentier et diacre dans une église évangélique, ma mère secrétaire dans une église. J’ai deux frères, l’un plus âgé, l’autre plus jeune. Le grand est devenu pasteur. Le petit enseigne l’histoire. Nous avons grandi dans une famille stricte, baptiste, du Sud des États-Unis. À l’époque, je ne considérais ni ma famille ni moi-même comme des gens “religieux”. C’était simplement la vie telle que je la connaissais. Nous allions à l’église trois fois par semaine.

L’été de mes quatorze ans, nous sommes partis dans les monts Ozark nous installer dans un camp religieux géré par mon oncle et ma tante, des missionnaires. Ma famille s’est entassée dans un petit chalet et j’ai passé l’année de ma seconde à dormir sur le canapé.

Le camp organisait des réunions pour le renouveau de la foi et d’autres ateliers pour les jeunes. J’ai participé à un camp de travail pour les garçons, ce qui était aussi amusant que ça en a l’air. On y alterne travail en extérieur (défrichage, cimentage) et étude intensive de la Bible.

À cette époque,  j’ai commencé à lire des romans policiers que je sélectionnais à la bibliothèque. Mickey Spillane est le premier auteur dans lequel je me suis plongé. J’ai fait la découverte de Bogart au même moment, et via ses films, je suis arrivé jusqu’à Hammett et Chandler. C’est à cette période que j’ai loué en secret le film La Mort sera si douce, en pensant qu’il s’agissait là d’un porno soft, et c’est ainsi que j’ai découvert Jim Thompson.

Les deux obsessions de mes jeunes années – la religion et le crime – m’habitent encore aujourd’hui. À l’université, j’ai découvert O’Connor et Faulkner, Dickinson et Baldwin, mais toutes ces œuvres ramenaient aux notions de péché et de rédemption, de transgression et de ruine, qui ont constitué mon enfance.

Durant ma première année de fac, j’ai traversé une crise religieuse. Malheureux au sein de l’Église baptiste du Sud, conservatrice, mais réticent à l’idée d’assumer mon scepticisme, je me suis enfoncé plus encore dans la croyance et ai rejoint l’Église pentecôtiste ultra orthodoxe. 

Quatre ans plus tard, lessivé par les services charismatiques (aucun maniement de serpent, malheureusement, mais un grand nombre de cris, de touchers, de prophéties et de langages codés), j’ai abandonné complètement l’Église.

J’ai repris mes études, et trouvé un petit boulot dans une vieille librairie de Little Rock. J’ai  discuté un jour de westerns avec Charles Portis. Une autre fois de livres électroniques avec Dee Brown.

Quelques années plus tard, j’ai intégré en Caroline du Nord, à Wilmington, un master de création littéraire où John Jeremiah Sullivan, Clyde Edgerton, Rebecca Lee, et Karen E. Bender enseignent. C’est à cette période, à tout juste trente ans, que j’ai découvert l’alcool. La première fois que je me suis saoulé, j’ai discuté avec Donna Tartt de La Corde, le film d’Hitchcock.

J’ai passé la grande partie des dix dernières années à enseigner, à l’Université du Maryland, à Trinity Washington University, et à Monmouth University dans le New Jersey. Depuis un an, j’habite à Chicago.

Mes principaux centres d’intérêt, mis à part lire et écrire, sont aujourd’hui d’observer les mystères inhérents à mon chat, Little Edie Beale, et de hanter les différentes salles de cinéma de la ville. Mes goûts musicaux s’orientent vers le gospel d’antan – the Louvin Brothers, Sister Rosetta Tharpe, The Five Blind Boys of Mississippi.

J’écris souvent dans des magazines tels que la Los Angeles Review of Books, Mental Floss, Mystery Scene, Criminal Element et Tor. Depuis cinq ans, je publie des articles dans le journal de cinéma d’Eddie Muller, Noir City. Début 2015, Broken River Books a publié un recueil de mes articles consacrés au cinéma et intitulé The Blind Alley : Exploring Film Noir’s Forgotten Corners. Est sorti au même moment mon premier recueil de nouvelles, The Deepening Shade, aux éditions All Due Respect.

Voici, en résumé, ma vie jusqu’ici. 


“ Toute une vie et un soir ”

Toute une vie et un soir d’Anne Griffin aux Éditions Delcourt

Traduit de l’anglais (Irlande) par Claire Desserrey

Dans une bourgade d’Irlande, un vieil homme prends place au bar du Rainsford House Hotel, seul comme toujours.

Ici c’est le calme plat. Pas un péquin en vue. Il n’y a que moi, qui marmonne dans ma barbe et tambourine sur le bar, pressé de boire ma première gorgée. Si je réussi à me la faire servir… “

Il est amoureux de Sadie depuis leur première rencontre, mais hélas il y a deux ans Sadie est partie pour toujours.

Même de mauvais poil, elle était jolie. Des cheveux châtains bouclés avec des reflets roux assortis à son rouge à lèvres. Une peau laiteuse. Des tâches de rousseur parfaites partout sur son nez froncé comme si elle les avait dessinées le matin devant sa glace. Des yeux bleus comme un ciel d’été dans le comté de Meath.

Inconsolable, ne pouvant vivre sans elle, il a pris une décision importante, mais avant cela, il va porter cinq toasts, aux cinq personnes qui ont le plus compté dans sa vie.

Je suis prêts pour le premier de mes cinq toasts : cinq toasts, cinq personnes, cinq souvenirs. Je pousse vers elle ma bouteille vide. Elle l’attrape et se détourne, ravie de s’occuper les mains, et moi je murmure dans ma barbe : « Je suis ici pour me souvenir – de ce que j’ai été et de ce que je ne serai plus. »

Le temps d’une soirée, toast après toast, on fait la connaissance de son grand frère Tony, de Noreen, sa belle-sœur un peu fêlée, de la petite Molly, son premier enfant, de son fils Kevin, un brillant journaliste qui mène sa vie aux États-Unis et de Sadie, sa femme qu’il a tant aimé. Cinq toasts pour rendre hommage à ceux qui ont jalonné sa vie pour le meilleur et parfois pour le pire…

Toute une vie se révèle le temps d’un soir, sans fards, à cœur ouvert, avec pudeur et grâce, et nous offre une belle histoire qui contient toute l’âme de l’Irlande.

” En balayant la salle du regard, je repense à la journée que je viens de passer, à l’année – deux années, en fait – sans ta mère. Je me sens fatigué et pour tout dire, pas rassuré. Je frotte mon menton râpeux en observant les bulles remonter, je m’éclaircis la gorge pour évacuer mes soucis. Il est trop tard pour reculer, fiston. Trop tard. “

Ce que j’en dis :

Et si à mon tour je portais cinq toasts pour saluer dignement ce superbe roman.

Le premier toast sera pour le magnifique moment de lecture qu’il m’a fait passé en compagnie d’un homme plein de surprises. J’ai adoré partager les confidences et découvrir cette vie le temps d’une soirée accompagnés de quelques verres.

Je lève mon verre pour un deuxième toast pour souligner l’originalité du récit pour nous présenter les souvenirs de ce taiseux qui a pourtant beaucoup à nous confier.

Des félicitations s’imposent et amènent un troisième toast pour la couverture et le titre qui prennent tous leurs sens au cours de la lecture.

Une histoire ne peut être réussie sans une belle plume et c’est avec grand plaisir que j’ai savouré celle-ci et lui porte un quatrième toast.

Et mon dernier toast sera commun pour féliciter l’auteur Anne Griffin et pour remercier les Éditions Delcourt de l’avoir accueilli dans leur maison auprès de talentueux auteurs du monde entier.

Alors si comme moi, vous aimez les histoires atypiques qui ont une âme, n’hésitez pas à découvrir Toute une vie et un soir et n’oubliez pas de trinquer à son succès absolument mérité.

Une nouvelle plume irlandaise divinement savoureuse, à lire sans modération.

Pour info :

Récompensée par le John McGahern Award, Anne Griffin a publié ses nouvelles dans The Irish Times et The Stinging Fly. Elle a été libraire à Dublin et Londres, et travaille pour plusieurs associations caritatives. Née à Dublin, elle vit aujourd’hui à Mullingar. Son premier roman, Toute une vie et un soir, paraît dans sept pays en 2019.

Je remercie les éditions Delcourt pour ce fabuleux roman absolument inoubliable.

“ Le dernier thriller norvégien ”

Le dernier thriller norvégien de Luc Chomarat aux Éditions de La Manufacture de livres

” – Sacré Delafeuille, il n’a pas changé. ( Murnau donna un coup de coude à son compagnon, un jeune homme élégant au visage pâle et aux yeux étrangement exorbités, qui semblait manquer d’humour.) Vous savez que c’est un phénomène, ce bon Delafeuille. Il trimballe partout des bouquins avec lui. Des trucs en papier.

– Je ne savais pas que ça existait encore, avoua l’autre avec une incrédibilité surjouée. “

Delafeuille est éditeur à Paris. Il est à Copenhague pour y rencontrer le maître du polar nordique et apparemment il n’est pas le seul sur le coup.

” – Vous êtes là pour Olaf Grundozwkzson, n’est-ce pas ? “

Ces derniers temps, il n’y a pas que dans les livres que l’on trouve des serials killers. La police locale est sur les traces de l’un d’entre eux bien réel, surnommé l’Esquimau.

Mais Delafeuille a bien d’autres préoccupations depuis qu’on lui a livré un exemplaire flambant neuf du nouvel Olaf Gründozwkzson dans sa chambre.

Au cours de sa lecture, il découvre que la réalité et la fiction sont curieusement imbriquées, et il pourrait bien se retrouver piégé au cœur de ce polar nordique en incarnant sans le savoir un des personnages…

Et ce n’est pas l’apparition de Sherlock Holmes dans cette histoire à tiroirs qui va éviter au livre de lui tomber des mains.

” Il n’osa pas aller jusqu’à la fin. Cette histoire ne pouvait que mal finir. Le livre lui tomba des mains. Il n’en croyait pas ses yeux. À la panique succéda la colère. Encore ? Il croyait en avoir fini avec cette histoire. Il n’y avait pas de doute possible. Il était dans le livre, à nouveau “

(…)

– Absolument, répondis Holmes en souriant. Je ne sais pas comment nous allons nous en sortir.

– Oui nous sommes piégés.

– Nous pourrions aller aux putes.

– En effet.

– Ou même nous mettre tout nus et courir dans le froid en faisant coin-coin.

– C’est atroce.

– Mais vrai.

– Tenez bon, la fin du chapitre n’est plus très loin.

– Qui vous dit que ce ne sera pas pire dans le suivant ?

– Il est obligé de reprendre le cours de l’intrigue. “

À travers cette épopée littéraire, Luc Chomarat a très certainement pris son pied pour nous offrir une histoire délirante qui ne manque pas d’humour en pointant du doigt certaines dérives du monde de l’édition, sans en avoir l’air, mais une chose et sûre il connaît bien la chanson.

Ce que j’en dis :

Les auteurs sont des grands manipulateurs, tout le monde le sait. Et quand il se tape un délire littéraire ça donne une histoire hilarante. L’auteur s’est éclaté c’est certain.

En bousculant les codes du polar, à travers des clins d’œil à la littérature nordique et en incluant quelques invités surprises tel que Sherlock Holmes ou encore la petite sirène, il crée une œuvre atypique et n’hésite pas à balancer ironiquement sur la face cachée du monde de l’édition, sur les écrivains et même sur la crédulité de certains lecteurs parfois prêts à lire n’importe quel livre placé en tête de gondole sous prétexte qu’ils ont un bandeau prometteur.

Ça balance, ça balance et on ne peut s’empêcher de sourire, et de penser inévitablement à quelques personnes de sa connaissance, forcément.

Vous l’aurez compris, enfin je l’espère, ce dernier thriller norvégien va vous faire passer un moment de lecture extraordinaire plein de surprises. Vous y trouverez des personnages surprenants, un serial killer, du sang, du sexe, des bombasses et même de l’alcool, une lecture très Rock’n Roll qui risque d’en faire sourire plus d’un j’en suis sûre.

N’hésitez pas, ça vaut le détour.

Pour info :

Luc Chomarat est né à Tizi-Ouzou (Algérie) en 1959.
Quand il n’écrit pas pour les gens qui lisent des livres,
il travaille dans la communication.


Il pratique le vélo urbain, la restauration de petits meubles,
la guitare électrique, et la cuisine à l’huile d’olive.

Il a publié à vingt-deux ans son premier roman qui lui a valu de figurer sur la liste du Magazine littéraire des meilleurs auteurs vivants de roman policier. Également traducteur de Jim Thompson, il a reçu le Grand Prix de littérature policière pour son roman, Un trou dans la toile en 2016 (Rivages)et a publié Le Polar de l’été (La Manufacture de livres, 2017) et Un petit chef-d’œuvre de litter (Marest, 2018)

Il vit à Paris.

Je remercie les Éditions de la Manufacture de livres pour ce polar délicieusement délirant.

“ Pères et fils ”

Pères et fils de Howard Cunnell aux Éditions Buchet . Chastel

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Stéphane Roques

C’est par Seaside Road que l’on entre et sort de la ville. Si on prend à droite, et qu’on va assez loin, on tombe sur le Régal, la salle de jeu, et sur le Painted Wagon près du centre-ville, où tout les petits durs qui habitent à l’est de la jetée traînent les soirs d’été, fumant et crachant par terre, attendant qu’il se passe quelque chose. Dans quelques année, Luke sera l’un des pires durs du coin. Pour ma part, je ferai seulement semblant d’en être un. (…) Je veux que les autres garçons m’aiment bien parce que cela pourrait contredire ce que je sais à mon sujet. Que je ne vaux rien. Que c’est pour ça que mon père est parti. Sans moi, il n’aurait pas quitté maman et Luke, et ils seraient toujours heureux. Papa savait à quoi s’en tenir avec moi avant même ma naissance. Ça ne valait pas le coup de rester pour moi. “

Grandir sans père, le narrateur s’y est attelé du mieux qu’il ait pu, même si ce fut difficile. L’absence du père crée un manque douloureux, un vide difficile à combler et l’entraîne jour après jour vers une rébellion qui l’incite à jouer les durs pour ne pas montrer ses faiblesses aux autres.

J’ai bu une gorgée, puis une autre.

La colère en moi était permanente, et je n’aurais jamais pensé pouvoir éprouver autre chose.

La colère était un monstre qui vivait en moi, se nourrissait de l’absence.

Mon père ne voulait pas de moi parce que j’étais une merde.

Boire fit disparaître le monstre. Dès la première gorgée. Je n’arrivais pas à y croire. Cela me protègera de ce que j’éprouve. “

Longtemps, emplis de culpabilité. Il laissera le chaos envahir sa vie. Des années noires, se mettant en danger en permanence, jusqu’au jour où il laissera entrer dans sa vie l’amour et connaîtra à son tour la paternité.

Même si en premier temps, il sera un père de substitution pour les enfants de sa compagne, il prendra ce rôle très au sérieux, surtout pour Jay, qui vit une adolescence torturée et se révèle peu à peu être un garçon.

” C’est là – tandis que son cœur bat fort contre ma main – que Jay, en plus de tout ce qu’elle est par ailleurs, me donne plus que tout l’impression d’être un cadeau.

Je me dis en brossant les cheveux de Jay qu’en l’absence de liens du sang, la force où tout ce qui fait la connexion entre nous reposera toujours sur l’amour et rien que sur l’amour. L’amour que je donne à Jay, à ses deux sœurs et à leur mère me sera toujours rendu au centuple.

Cette hache qui sculpte, c’est l’amour. “

Ce que j’en dis :

Construit à la manière d’un diptyque, on suit le chemin de la vie du narrateur, de sa jeunesse à l’âge adulte. Un parcours à la fois chaotique et bouleversant où l’on découvre les souffrances et la culpabilité de cet homme qui a grandi sans père.

Habité par une profonde colère il réussira pourtant à donner l’amour que l’on peut attendre d’un père, aux enfants de sa compagne, avant d’être père biologique si l’on peut dire, à son tour. Un défi d’autant plus grand, qu’il sera confronté avec la femme qu’il aime, aux changements qui s’opèrent jour après jour sur Jay, cette jeune fille qui se sent garçon.

L’auteur puise dans les souvenirs de son enfance, dans ses propres expériences qui lui ont donné une certaine maturité pour nous offrir un récit très intime et touchant, et pourtant complètement autofictionnel.

Il explore l’absence du père à travers des références littéraires – de Kerouac à Hemingway en passant par Carver – des auteurs qui l’ont aidé à se construire, à accepter cet abandon et à comprendre son histoire.

Une écriture poignante, une langue délicate qui s’habille de lyrisme pour nous offrir un très beau récit sur la paternité.

Une très belle découverte,

Pour info :

Howard Cunnell est universitaire et écrivain. Il est l’éditeur et le coordinateur de Sur la route ; Le rouleau original de Jack Kerouac.

Il vit à Londres avec sa famille.

Pères et fils est son premier roman traduit en français.

Je remercie Claire et les éditions Buchet . Chastel pour cette très belle découverte.

“ Vraie folie ”

Vraie folie de Linwood Barclay aux éditions Belfond

Traduit de l’anglais (Canada) par Renaud Morin

Rappelles- vous, précédemment à Promise Falls, les événements survenus.

«  Il avait commencé avec le meurtre horrible de Rosemary Gaynor. Et puis un certain nombre d’événements étranges s’étaient produits en ville. Des écureuils morts, une grande roue qui s’était mise en route toute seule, un prédateur sexuel à l’université et un bus en flamme qui avait dévalé une rue du centre-ville.

Et comme si ça ne suffisait pas, quelqu’un avait fait sauter le drive-in, tuant quatre personnes. ”

On ne peut vraiment pas dire que cette bourgade est paisible et tranquille.

Mais là, il semble que la situation s’est comme qui dirait aggravée.

– Il faut que vous veniez au poste, dit Carlson. On rappelle tout le monde.

– Que se passe-t-il ?

– C’est la fin du monde, répondis Carlson. Plus ou moins. ”

Depuis ce matin les sirènes d’ambulances n’ont pas chômé et les urgences accueillent à chaque instant de nouvelles victimes. Une véritable épidémie semble s’être abattue sur la ville. Le réseau hydraulique de la ville a été contaminé.

Pour l’inspecteur Barry Duckworth tout semble lié à l’insatiable meurtrier fanatique du nombre 23 qui sévit depuis quelques temps.

Mais ce n’est peut-être pas le seul meurtrier, il est temps de mettre un terme rapidement à ce carnage, même si pour cela un inspecteur et un privé devront unir leurs forces pour y parvenir.

Ce que j’en dis :

Après Fausses promesses (ma chronique ici) et Faux Amis (ma chronique ici) Vraie Folie clôture la trilogie et lève enfin le voile sur toutes les énigmes de Promise Falls.

Les catastrophes s’enchaînent à une vitesse vertigineuse et le climat est de plus en plus mortel. Une véritable tornade s’est abattue sur la ville.

Linwood Barclay ne laisse aucun répit à ses lecteurs et même si j’ai été moins emballé cette fois par l’écriture, j’ai apprécié de connaître enfin la vérité.

Ce final apocalyptique tient toutes ses promesses et sera d’autant plus apprécié si le lecteur a suivi chronologiquement les aventures de cette bourgade américaine.

Vous l’avez attendu, alors ne ratez pas ce dernier tome, et preparez-vous pour un final explosif.

Pour info :

Star aux États-Unis et en Angleterre, Linwood Barclay s’est fait un nom dans le club très fermé des grands maîtres du thriller.

Belfond a déjà publié treize de ses romans, dont Cette nuit-là (2009), Fenêtre sur crime (2014), La Fille dans le rétroviseur (2016), En lieux sûrs (2017) ou encore la série des aventures de Zack Walker. Tous sont repris chez J’ai lu.

Après Fausses promesses (2018 ; J’ai lu, 2019) et Faux Amis (2018), Vraie folie clôt la trilogie consacrée à la petite ville fictive de Promise Falls.

Je remercie les Éditions Belfond pour ce thriller démoniaque.


“ Les Dieux de Howl Mountain ”

Les dieux de Howl Mountain de Taylor Brown aux Éditions Albin Michel

Traduit de l’américain par Laurent Boscq

Le garçon leva un bref instant les yeux vers la vieille maison, dont les rondins de chênes découpés à la hache s’imbriquaient en queue d’aronde. La véranda s’affaissait un peu sous le toit de tôle, mais elle tenait bon. Les fenêtres brillaient d’une chaude lumière ; autour des vitres, le mastic d’argile miroitait dans l’obscurité comme des bandes blanches. Derrière, il y avait la cabane qui servait de grange, avec son toit aux panneaux arrachés, puis la porcherie et le fumoir. Chaque chose était à sa place. Et la prairie tout autour, pas impeccable mais entretenue, miroitait d’un bleu profond sous la lune. “

C’est ici, dans cette vieille maison, que vit Rory Docherty auprès de sa grand-mère, une femme étonnante. De retour de la guerre de Corée, où il y a laissé une jambe, il tente de se reconstruire malgré les cauchemars qui le hantent trop souvent. Pas facile d’oublier cette guerre, quand la douleur et un membre fantôme vous le rappellent constamment.

Sa mère, est hélas internée dans un hôpital psychiatrique depuis une agression qu’elle a subi avant la naissance de Rory. Muette depuis, elle n’a jamais pu révéler le noms de ses agresseurs. Rongée par les remords et la culpabilité, de n’avoir pu protéger sa fille, Ma fait son possible pour veiller sur son petit-fils.

” Parfois, elle se demandait comment elle avait pu donner naissance à une aussi belle et douce enfant. Et comment elle avait pu échouer à protéger cette créature de lumière des démons de l’enfer. Elle n’avait jamais retrouvé ses agresseurs. Elle ne les avait jamais fait payer pour leur crime, ne leur avait pas tranché la gorge ni arraché le cœur. Depuis ce jour, l’univers de sa fille s’était désaxé. Malgré ses ruses et ses talents de sorcière, elle avait échoué à lui rendre son équilibre. Et aujourd’hui que son petit-fils était revenu chez elle avec la guerre dans le sang, elle s’inquiétait de savoir où ça pourrait le mener. Au bout de cette route engloutie depuis longtemps par la montée des eaux. Elle s’inquiétait aussi de la peur et de la culpabilité qui pourrait surgir et obscurcir son cœur. Elle ne connaissait ça que trop bien. “

Rory livre pour le compte de son oncle de l’alcool de contrebande. Longtemps considéré comme le baron de l’alcool clandestin, Eustace voit son empire menacé par la concurrence et par l’arrivée d’un nouvel agent fédéral prompte à faire du zèle. Au volant de Maybelline, Rory va devoir ruser pour déjouer la surveillance des agents fédéraux bien décidés à mettre fin à ce trafic, tout en affrontant ses rivaux et les fantômes liés au passé. Et ce n’est pas l’apparition de cette belle fille dans le paysage qui va beaucoup l’aider à ne pas perdre la tête.

Ce que j’en dis :

Qu’il fut bon de croiser sur ma route Les Dieux de Howl Mountain et de découvrir la magnifique plume de Taylor Brown pour me raconter cette histoire.

Ce roman possède toute les qualités dont je pouvais rêver. Une écriture singulière qui s’habille de lyrisme pour nous décrire cet endroit de Caroline du Nord, des personnages authentiques auxquels on s’attache forcément, qu’ils soient du passé ou du présent, on ne peut rester insensible à leurs vécus et à la force qui les habite, pour faire face à tous ses mauvais coups disséminés sur leurs routes.

Et c’est avec plaisir que l’on savoure ces pointes d’humour caustiques et parfois gonflées qui s’immiscent entre les lignes pourtant très sombre, qui apportent un peu de douceur dans ce monde de brutes.

Entre Rory et Ma sa grand-mère, on sent un attachement féroce, un respect mutuel, une belle complicité, un grand amour malgré les années qui les séparent et le passé douloureux qui les a réuni.

Mais également les personnages secondaires, qui ne manquent pas de caractère, tel que Eli l’ami de Rory ou encore Eustace son oncle. Et d’autres bien évidemment que je vous laisse le plaisir de découvrir…

Taylor Brown nous offre un récit fabuleux aux côtés de ces bootleggers, dans les années cinquante, parsemant son histoire de coutumes et de croyances, dans un coin reculé des États-Unis et rejoint de ce fait le clan des auteurs qui donnent voix avec beaucoup de talent aux oubliés de l’Amérique tels que Ron Rash, Donald Ray Pollock ou encore Tom Franklin.

Une nouvelle voix qui ne manque ni de style, ni de caractère, ni d’humour. Je n’ai pas aimé, j’ai adoré, et c’est avec une grande impatience que je me prépare pour une future rencontre grâce à Léa créatrice du Picabo River Book Club et aux Éditions Albin Michel.

Je les remercie tous deux infiniment pour cette divine lecture pleine de charme et pour ce prochain rendez-vous qui va me permettre de féliciter en live ce grand auteur.

À souligner également la magnifique traduction de Laurent Boscq et la magnifique couverture très représentative qui nous embarque à bord de cette voiture vers une contrée mystérieuse.

” – Il y a quelque chose qui cloche chez ce type, reprit-il, genre depuis la naissance.

– J’en ai connu des comme ça, là-bas. Des mauvais de naissance.

Eli pivota sur un coude et le fixa du regard.

– En Corée ?

Rory acquiesça.

– C’était comment ? (…)

– Tout ce que je peux te dire, c’est que c’est un endroit où tu as envie que ce genre de fils de pute soient de ton côté, et derrière toi. Les pires. Les plus fous. Là-bas, le mal était un bien.

(…) je crois bien que tu reviens en plein bordel, conclut-il en secouant la tête.

Rory jeta sa cigarette par terre et l’écrasa avec son pied valide.

– Au moins, je suis revenu, dit-il. Enfin, en partie. “

Pour info :

Taylor Brown est né en 1982 en Géorgie, dans le sud des Etats-Unis, puis il a vécu à Buenos Aires et San Francisco avant de s’installer en Caroline du Nord. 

Les dieux de Howl Mountain est son troisième roman après La Poudre et la Cendre (Autrement, 2017) et The River of Kings (à paraître chez Albin Michel).

Par ailleurs nouvelliste, il a publié ses textes dans une vingtaine de revues littéraires, et a été récompensé par le Montana Prize in Fiction.

“ Viens voir dans l’Ouest ”

Viens voir dans l’Ouest de Maxim Loskutoff aux Éditions Albin Michel

Collection Terres d’Amérique

Traduit de l’américain par Charles Recoursé

” J’ai écouté l’écho de mon cœur dans mes oreilles et j’ai pensé aux Indiens – ça aurait été le bon moment pour qu’ils débarquent avec leurs cris de guerre. “

L’Ouest de l’Amérique est au bord de la guerre civile. Des milices armées tentent de prendre possessions du territoire.

L’Amérique semble désunie…

” La première frappe aérienne a rasé le terrain de golf – l’a changé en terre fumante et a tué quarante hommes. La seconde n’a laissé de la salle municipale qu’un cratère à la forme compliquée. L’explosion nous a réveillés, on a senti un tremblement profond et terrifiant, puis on a entendu les sirènes et les cris. “

Dans ce chaos, des hommes et des femmes tentent de combler leur solitude, d’oublier leur chagrin, leur manque d’amour en s’accrochant comme ils peuvent à ce qui les entoure, à ce qui leur reste.

” Je me suis demandé si mes parents avaient déjà connu des journées comme celle-ci, quand j’avais l’âge de Gigi. Si tout le monde connaissait des journées comme celle-ci. Marcher trop longtemps, aimer trop fort. Si les blessures finissaient par se refermer, ou s’il fallait vivre avec les cicatrices, parfois cachées, parfois non. Fragiles dans ce monde avec tant à perdre. “

À travers ces nouvelles Maxim Loskutoff, nous offre une vision étonnamment proche de l’Amérique d’aujourd’hui, en explorant le destin de tous ces gens ordinaires.

Des nouvelles étonnantes, parfois surprenantes, où il est question d’amour, de peur, de survie, de frustration, le combat de vie ordinaire de tout à chacun dans une Amérique tourmentée.

Un auteur à la plume audacieuse, maîtrisée plutôt prometteuse que j’aurai plaisir à retrouver pour son premier roman actuellement en cours d’écriture.

Pour info :

Maxim Loskutoff a grandi dans les petites villes de l’Ouest américain, et ses nouvelles ont été publiées dans de nombreux magazines littéraires aux États-Unis.

Elles lui ont valu d’être couronné par le prix Nelson Algren.

S’il a été l’élève de David Foster Wallace et de Zadie Smith, il enseigne lui-même aujourd’hui à l’université du Montana à Missoula.

Il termine actuellement son premier roman.

Je remercie les Éditions Albin Michel et le picabos river book club pour ce chouette partenariat de m’avoir permis de découvrir ces nouvelles d’Amérique aussi étranges que surprenantes.