“ La carte du souvenir et de l’espoir ”

La carte du souvenir et de l’espoir de Jennifer Zeynab Joukhadar aux Éditions Les Escales

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Séverine Gupta

” Quel que soit l’endroit où Allah nous mène, on rêve toujours d’un ailleurs. “

Été 2011, à New-York, le père de Nour est emporté par un cancer, sa mère décide de quitter les États-Unis et de rejoindre leur famille en Syrie.

C’est un déchirement pour Nour qui était très proche de son père. Pour préserver son souvenir, elle se remémore sans cesse leur conte préféré : l’histoire de Rawiya, une jeune fille du douzième siècle qui s’était travestie pour pour devenir l’apprenti d’al-Hidrisi, le légendaire cartographe médiéval.

” J’appuie mon visage contre le hublot. Sur l’île en contrebas les trous de Manhattan ressemblent à de la dentelle. Je cherche des yeux celui où Baba repose et tente de me souvenir du début de l’histoire. Mes mots traversent la vitre et dégringolent sur terre. “

La famille est à peine installées à Homs, la guerre éclate, et la ville commence à disparaître sous les bombes.

 » Les rues de la ville ne sont plus qu’un dédale de béton tordu et de squelette d’acier. “

Nour et sa famille sont obligés de fuir et sans le savoir s’apprêtent à parcourir les sept mêmes pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord qu’ont sillonnés, neuf cents ans plus tôt, les cartographes qu’elle admire tant.

 » Plus je parcours le monde, plus il me parait vaste, et j’ai toujours l’impression qu’il est plus simple de quitter un lieu que d’y revenir. “

Commence alors un long périple, un voyage entre passé et présent, où se dessine au fil des pages la carte du souvenir et de l’espoir.

Les récit s’habillent de mots, mais c’est pour dresser la carte de l’âme. “

Ce que j’en dis :

Voyager au cœur de l’Orient et découvrir l’histoire croisée de deux héroïnes, à travers une épopée magnifique et bouleversante, dépeinte par une jeune auteure américano-syrienne.

Entre passé et présent, ce roman initiatique nous fait découvrir une extraordinaire période de l’histoire, une formidable quête d’aventure, d’amour et d’espoir digne des contes des mille et une nuit.

Un monde où se côtoient splendeurs et souffrances et rend hommage à la Syrie, aux réfugiés qui ont connu la guerre et ont du fuir à travers le monde en quête de paix et de liberté.

Dans la lignée de l’écrivain Khaled Hosseini ( Les cerfs-volants de Kaboul), Jennifer Zeynab Joukhadar nous offre un récit époustouflant, qui virevolte avec un équilibre extraordinaire, entre le conte oriental et le témoignage bouleversant sur le quotidien des réfugiés, et rend ce récit universel.

Une étoile de plus brille dans l’univers des écrivains dont il faudra se souvenir.

Pour un premier roman, on ne peut être qu’admirative.

Une formidable invitation aux voyages, peuplés de légendes et d’Histoire que je vous recommande vivement.

Pour info :

“ Les chants du large ”

Les chants du large d’ Emma Hooper aux Éditions Les Escales

Traduit de l’anglais (Canada) par Carole Hanna

” Il n’y avait personne d’autre qu’eux. Avec ce brouillard, on n’y voyait rien, ni lumières de bateaux ni rien du tout. Trop de silence et trop de nuit pour la musique, trop d’appel de la mer pour lire. Il n’y avait rien d’autre à faire que raconter des histoires. Raconter cette histoire. “

À Terre-Neuve, sur une île isolée au fin fond du Canada, vit Finn, un jeune garçon de onze ans aux côtés de sa sœur et de ses parents.

Chaque jour, Finn compte les bateaux de pêche, hélas de moins en moins nombreux. Les poissons ont disparu donc le travail s’est arrêté. Les bateaux restent au port.

Peu à peu, les maisons se vident, et certains habitants quittent l’île tandis que d’autres résistent.

” Quatre mois après l’arrivée du premier avis, celui que Finn n’avait pu lire, debout sur une grande pierre plate avec sa sœur et son père, il avait regardé sa maison flotter au loin. Sa mère, sur l’eau, dans un doris, participait à son transport de leur village à l’est (…) Leur maison était la dernière des cinq situées à l’est de la crique et passées désormais à l’ouest. Une relocalisation. “

Pourtant très attachés à leur île, les habitants sont condamnés à l’exil suite à la désertification de la faune marine. Le cœur déchiré, les pêcheurs abandonnent leurs bateaux et leurs maisons.

Finn s’inquiète. Il voit son île se vider peu à peu de ses habitants. Même ses parents travaillent à tour de rôle dans l’Alberta, et sa sœur est partie, après avoir décoré les maisons vides aux couleurs de différents pays.

Avec la mer ce n’est pas comme avec le diable, elle, elle n’offre pas de marché. Elle se contente d’exiger et de prendre. “

Finn espère bien trouver un moyen de faire revenir tout le monde, à commencer par les poissons. Avec les caribous, le lichen et le vent, ses seuls compagnons, il va échafauder un plan pour sauver sa famille et son île.

” Il avait une idée, un plan. Plus de faux-semblants. Lui, Finn Connor, était le seul à pouvoir faire revenir les poissons, ce qui voulait dire qu’il était le seul qui devait le faire. Il allait préparer un véritable plan. (…) Oui, lui Finn Connor, il ferait revenir les poissons, tous les poissons, et les gens, et tout, tout le monde reviendrait, pour de vrai, pour de bon. “

Ce que j’en dis :

À travers ce conte moderne, Emma Hooper nous offre tout en musicalité une merveilleuse histoire.

Un véritable chant d’amour telle que les sirènes murmurent à l’oreille des marins.

Parce que tout le monde y croyait. Tout le monde savait que les sirènes étaient les morts de la mer qui vous chantaient leur amour. Quand la pluie ou les vagues ne faisaient pas trop de bruit, vous pouviez les entendre dans le vent, la plupart des nuits. “

Sur les rivages de Terre-Neuve, les légendes voguent au fil de l’eau jusqu’aux cœurs des hommes et des femmes amoureux de leur île.

Une île si difficile à quitter, une vie si difficile à changer pour ces pêcheurs en mal de mer.

Un très beau roman qui apporte vague après vague de l’espoir et du rêve dans un décor féerique.

Un magnifique voyage porté par une écriture poétique, tendre et fantaisiste.

Un roman qui donne une folle envie de découvrir cet endroit magique.

Pour info:

Emma Hooper a grandi au Canada. Titulaire d’un doctorat en études musico-littéraires de l’université d’East Anglia, elle enseigne actuellement à l’université de Bath Spa. Musicienne, elle joue dans différents groupes. Son premier roman, Etta et Otto (et Russell et James) a été publié aux Escales en 2015 et chez Pocket en 2016.

Je remercie les Éditions Les Escales pour cette escapade poétique à Terre-Neuve.