“ Les nouveaux héritiers ”

Les nouveaux héritiers de Kent Wascom aux Éditions Gallmeister

Traduit de l’américain par Éric Chédaille

En 1914, sur la côte sauvage de Floride vit un jeune artiste peintre très amoureux de la nature.

” Il y a eut quelques été où la famille ne vint pas du tout sur l’île, à la différence des migrateurs qui n’y manquèrent jamais. Et si l’on avait dit à Isaac qu’un jour viendrait où ceux-ci n’y paraîtraient plus, leurs aires de ponte retournées, leurs œufs changés en gelée par les pesticides, il aurait voulu mourir sur-le-champ. “

Son passé reste un mystère mais il ne semble pas en souffrir, contrairement à Kemper Woolsack, une jeune héritière qu’il vient de rencontrer.

” Les familles sont des machines en perpétuel mouvement, alimentées en permanence par tel ou tel principe. (Mythe, Orgueil, Attente, Espérance.) Or Kemper comprit dès l’enfance que les Woolsack étaient une machine qui fonctionnait au malheur. “

Angel son frère aîné aux mœurs différentes s’éloigne de cette famille étouffante, quand à son frère cadet, il semble habité par une grande violence qui effraie même toute sa famille.

Kemper, douce et rebelle tombe amoureuse d’Isaac. Un amour partagé qui les amènent à fuir ensemble vers des contrées plus paisibles sur la côte du Golf.

” Leurs hanches étaient contusionnées, leurs lèvres endolories, si bien que persistaient les élancements de leur union même quand ils étaient séparés.

(…) Elle se réveilla une nuit après le départ d’Isaac, humant dans le noir l’odeur de ses empreintes de pas humides sur le carrelage, et cela la laissa avec l’idée que c’étaient les dernières fois qu’elle se réveillerait seule.  »

Malgré une vie douce et paisible, ils vont devoir essuyer quelques tempêtes et à l’approche de la Première Guerre mondiale, ils seront rattrapés par l’Histoire.

Ce que j’en dis :

Quitte à lire, autant en prendre plein les yeux et c’est ce que nous propose Kent Wascom avec son dernier roman.

Tel Isaac, le peintre de cette histoire, l’auteur nous offre une fresque grandiose mettant en scène un couple à travers des tableaux de toutes beautés.

Qu’il invoque l’amour, la famille, la faune ou la flore tout y est magnifiquement représenté et mis en valeur par une plume singulière de toute beauté.

On sent derrière ses mots et cette histoire sa passion pour la nature et le règne animal mais également ses inquiétudes pour les trésors de cette planète qu’il aimerait tant préserver. Ses mots nous touchent, nous bouleversent tout comme ce couple, habité d’une passion dévorante qui pourrait vivre dans le luxe et préfère les plaisirs simples entourés de décors bucoliques où l’émerveillement est quotidien.

Les nouveaux héritiers se déguste, se savoure, on revient en arrière pour relire certains passages et admirer le talent de l’écrivain, poétique et mélodique, capable de nous plonger dans une histoire d’amour où les drames familiaux façonnent les êtres pour en faire des personnes hors du commun. Et quand la guerre s’invite dans l’Histoire, on s’accroche comme pour l’arrivée d’une tempête, et on espère qu’elle ne détruira pas tout sur son passage.

Vous l’aurez compris, j’ai un véritable coup de cœur pour ce chef-d’œuvre littéraire et je ne tarderai pas à découvrir Le sang des cieux, son premier roman déjà présent dans ma bibliothèque.

Kent Wascom s’impose avec classe dans le paysage littéraire américain et on ne peut que remercier Oliver Gallmeister de l’accueillir dans sa maison d’éditions et de lui offrir cette magnifique couverture qui donne le ton et l’envie de découvrir ce qui se cache derrière ce tableau luxuriant.

Pour info :

Kent Wascom est né en 1986 à La Nouvelle Orléans et à grandit à Pensacola, en Floride.

Son premier roman, Le Sang des cieux, (Bourgois, 2014) a fait partie des meilleurs livres de l’année sélectionnés par le Washington Post et la radio publique américaine. Il a également reçu le prix Tennessee Williams remis dans le cadre du festival littéraire de La Nouvelle Orléans. Il vit en Louisiane, où il enseigne à la Southeastern Louisiana Unversity. 

Les Nouveaux Héritiers est son troisième roman.

Je remercie les Éditions Gallmeister pour ce magnifique chef-d’œuvre littéraire.

“ Les habits du plongeur abandonnés sur le rivage ”

Les habits du plongeur abandonnés sur le rivage de Vendela Vida aux Éditions Albin Michel

Traduit de l’américain par Adèle Carasso

Mais où est ton sac à dos ? Tu regardes par terre. Rien. Tu te tâtes le dos tout en tournant la tête, dans l’espoir d’apercevoir ton sac par-dessus ton épaule. Tu expliques au réceptionniste que tu n’as plus ton sac à dos et tu regardes au pied du comptoir surélevé, te disant qu’il a peut-être glissé dessous. L’homme inspecte le sol de son côté : rien non plus.

La panique te gagne – tu es au Maroc et tu as perdu ton sac à dos. Tu penses à tout ce qu’il contient – ordinateur portable, portefeuille avec toutes tes cartes de crédit et tout l’argent retiré à l’aéroport de Miami. Un appareil photo acheté. (…)

À peine arrivée sur le sol marocain, une jeune femme se fait voler son sac contenant ses papiers d’identité et tout son argent entre autres. Elle réussit à prévenir la police après un long périple qui dès le lendemain lui remet un sac qui n’est hélas pas le sien mais qui contient un passeport. Toujours sans ses papiers, elle n’a pas d’autres choix que de s’approprier cette identité qui lui permet d’autant plus d’être embauchée sur le tournage d’un film comme doublure d’une actrice de son hôtel.

Commence alors une aventure rocambolesque qui la mène jour après jour vers un voyage intérieur et nous révèle petit à petit les raisons dramatiques qui l’ont conduite à Casablanca.

L’histoire vertigineuse d’une femme blessée qui tente de se libérer d’un poids douloureux du passé…

Ce que j’en dis :

À travers cette histoire originale, bien rythmée qui ne manque pas d’humour, se cache pourtant une drame bien sombre.

Notre héroïne fuit un passé douloureux en s’offrant une escapade qui va vite tourner en aventure rocambolesque, mais quand l’occasion se présente pour elle de prendre une nouvelle identité, tout en jouant le sosie d’une actrice, elle n’hésite pas. Un double jeu qui lui permet d’affronter ce qui lui arrive et de régler ses comptes avec le passé.

Un roman surprenant, étonnant, intriguant où l’auteur explore à travers ce portrait de femme malmenée , le thème de l’identité.

Une bien belle découverte.

Pour info :

Figure de l’avant-garde intellectuelle et littéraire de la côte Ouest des États-Unis, Vendela Vida est éditrice du magazine The Believer, fondé avec son mari Dave Eggers.

On lui doit déjà trois romans parus en français, Sans gravité et Soleil de minuit aux Éditions de l’Olivier ; Se souvenir des jours heureux chez Albin Michel, qui tous furent encensés par la presse.

Je remercie les Éditions Albin Michel pour ce roman plein de surprises.

“ Canyons ”

Canyons de Samuel Western aux Éditions Gallmeister

Traduit de l’américain par Juliane Nivelt

 » Il avait les idées merveilleusement claires, mais aucune trace du goût saumâtre qui l’envahissait chaque fois qu’il pensait à Ward. Soudain des événements anciens lui revinrent en mémoire : porter le cercueil de Gwen par une matinée d’octobre exceptionnellement froide et pluvieuse à Valentine ; traverser une forêt de stèles en marbre blanc d’un pas lourd, les chaussures trempées ; le bruit du train qui était passé pendant la cérémonie, noyant les paroles du pasteur de ses cliquetis et grondements ; le sang sur l’imperméable de son père qui , voulant regagner la voiture, s’était cogné le menton contre la portière, si violemment qu’il lui avait fallu des points de suture.

Une rage brûlante l’envahit, imprégnant ses muscles d’un feu glacé. “

Dans les années 70, en Idaho, Ward, Gwen sa petite amie, et Éric le frère jumeau de Gwen partagent une partie de chasse au cours d’une magnifique journée.

La vie semble sourire à ces trois jeunes adultes plutôt insouciants. Mais c’est sans compter sur le destin tragique que leur réserve cette journée.

Ward tue accidentellement Gwen en rangeant son fusil, anéantissant au passage leur avenir.

Vingt-cinq années passent, Ward et Éric ont survécu et construit leur vie du mieux qu’ils pouvaient, hantés par le douloureux souvenir. Eric est quasiment fauché malgré son immense talent de musicien, il n’a pas réussi à surmonter la perte de Gwen et Ward semble s’enfoncer chaque jour un peu plus dans une insurmontable dépression, pourtant bien entouré de sa femme et de ses enfants.

” Son cerveau était en proie à une douleur indescriptible, un genre de désespoir, une sensation qui l’avait saisi dès l’instant où il avait entendu rugir le fusil un quart de siècle plus tôt. “

C’est à l’occasion de retrouvailles improbables qu’Eric invite Ward dans son ranch pour une ultime partie de chasse. Peut-être, est enfin venu le moment de régler ses comptes ou de pardonner ?

Ce que j’en dis :

Dès le départ ça claque, à peine le temps de s’attacher aux personnages qu’un drame surgit, et c’est quelques années plus tard que l’on retrouve ceux qui restent.

Fracassés, chacun a tenté de survivre en dansant bien trop souvent au bord de l’abîme.

Malgré tout, une nouvelle partie de chasse est programmée et une certaine tension s’installe et laisse présager une rencontre sanglante sous le signe de la vengeance.

Et pourtant l’aventure prends des allures de rédemption et les deux hommes se retrouvent rattrapés par le destin et contre toute attente, apprivoisent la notion du pardon.

Un bon blues au cœur des rocheuses, sauvage, brutal, inquiétant, mais qui s’illuminera parfois, comme avec quelques notes d’espoir, tel un arc en ciel après l’orage.

Un roman aux beautés multiples, à savourer, accompagné d’un bon whisky, en se laissant porter par la plume touchante de l’auteur qui nous transporte dans ces vies tourmentées et ces paysages grandioses.

Pour info :

Samuel Western est né dans le Vermont et a servi dans la marine marchande suédoise, puis a travaillé comme bûcheron, pêcheur professionnel, docker et guide de chasse. Diplômé de l’Université de Virginie, il a enseigné l’anglais avant de s’installer à Sheridan, dans le Wyoming.

Canyons est son premier roman.

Je remercie les Éditions Gallmeister et les félicite pour réussir à toujours m’éblouir en me faisant découvrir de nouveau auteur de l’Ouest américain aussi talentueux.

“ Ici n’est plus ici ”

Ici n’est plus ici de Tommy Orange aux Éditions Albin Michel

Traduit de l’américain par Stéphane Roques

” Certains d’entre nous ont grandi avec des histoires de massacre. Des histoires sur ce qui est arrivé à notre peuple il n’y a pas si longtemps. Sur la façon dont on s’en est sorti. “

Les indiens étaient pourtant les premiers occupants du continent américain, néanmoins on n’a eu de cesse de les exterminer pour s’approprier leurs terres.

Après avoir perdu la majorité de leurs territoires, ils furent contraints d’intégrer des réserves et continuèrent à disparaître. Ravagé par le chômage, la pauvreté, l’alcool et la drogue, ce peuple faillit disparaître.

” Nous amener en ville devait être la nécessaire étape finale de notre assimilation, l’absorption, l’effacement, l’achèvement de cinq cents ans de campagne génocidaire. Mais la ville nous a renouvelés, et nous nous la sommes appropriée. “

Il faudra attendre les années 70 pour qu’enfin la population augmente et que les traditions reprennent vie.

” On appelle Indiens urbains cette génération née en ville. Il y a longtemps que nous nous déplaçons, mais la terre se déplace avec nous comme un souvenir. Un indien urbain appartient à la ville, et la ville appartient à la terre. (…) Les indiens urbains se sentent chez eux quand ils marchent à l’ombre d’un building. Nous sommes désormais plus habitués à la silhouette des gratte-ciel d’Oakland qu’à n’importe quelle chaîne de montage sacrées, aux séquoias des collines d’Oakland qu’à n’importe quelle forêt sauvage. “

Comme à Oakland où vivent des indiens façonnés par la rue et la pauvreté où ils ont grandi loin des réserves. Ils portent en eux des histoires douloureuses mais ont toujours envie de transmettre et de partager leurs cultures avec ceux de leur sang, en se réunissant à l’occasion d’un grand Pow-wow.

 » Les gens ne veulent rien de plus qu’une petite histoire qu’ils peuvent rapporter chez eux, pour la raconter à leurs amis ou à leur famille pendant le dîner, pour dire qu’ils ont vu un véritable Amérindien dans le métro, qu’il en existe encore. “

C’est l’histoire de douze d’entre eux que nous allons découvrir à travers ce roman. Douze hommes et femmes liés par le destin qui vont se retrouver plongés au cœur d’une violence destructrice comme leurs ancêtres il y a fort longtemps.

” Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part. “

Ce que j’en dis :

Quand un indien prends la plume, c’est toujours avec beaucoup d’émotions que je me plonge entre les pages de cette nouvelle histoire et qu’une fois encore je découvre avec grand plaisir un nouveau talent dans le paysage littéraire.

Tommy Orange appartient à la tribu des Cheyennes, et même s’il a grandi à Oakland, il n’en demeure pas moins habité par le passé douloureux de ses ancêtres. Ce roman en témoigne et grâce à cette rage qui demeure en lui, il nous offre un récit aussi puissant qu’un uppercut, porté par une écriture singulière où la poésie s’invite au côté de la fureur.

À travers ce roman choral à la construction particulière, une peu à la manière des nouvelles mais qui s’enchaînent majestueusement les unes après les autres pour former une tribu de personnages où chaque voix fait écho à une histoire, leur Histoire.

L’histoire d’un peuple qui tente de transmettre à ses descendants leurs souvenirs et leurs traditions au cœur d’une ville où la nouvelle génération est déjà en marche.

Un récit sous haute tension, absolument déchirant qui reflète sans aucune exagération mais au contraire avec beaucoup de réalisme ce que ces hommes et ces femmes continuent de subir dans ce monde où le chaos s’invite bien trop souvent à la fête…

Tommy Orange s’impose tel un cri dans la nuit et permet à son peuple de ne pas s’éteindre même si trop souvent les balles continuent de siffler dans le paysage américain.

Une véritable révélation littéraire à découvrir absolument.

Pour info:

Né en 1982, Tommy Orange a grandi à Oakland, en Californie, mais ses racines sont en Oklahoma. Il appartient à la tribu des Cheyennes du Sud.

Diplômé de l’Institute of American Indian Arts, où il a eu comme professeurs Sherman Alexie et Joseph Boyden, il a fait sensation sur la scène littéraire américaine avec ce premier roman.

Je remercie infiniment les Éditions Albin Michel de m’avoir permis de découvrir cette merveille.

La fourrure blanche

La fourrure blanche de Jardine Libaire aux Éditions Pocket

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Barbaste

” – Comment s’appelle-t-il ?

– Jamey

– Où vous êtes-vous rencontrés ? (…)

– À New Haven. On était voisins. Ce qui est marrant parce qu’on vient vraiment de deux planètes différentes.

– De laquelle vient-il ?

Elise hausse les épaules. Buck s’est allongé à ses pieds et elle lui frictionne le ventre des orteils.

– Celle du fric. Il vient d’une famille super classe.

– La classe, tu n’en manques pas, ma petite. “

Elise a beau venir d’un Ghetto, elle n’en demeure pas moins sexy même si elle manque un peu de classe avec son petit côté vulgaire. Elle a quitté sa famille et vit en colocation avec son pote Robbie, un gay qui multiplie les aventures amoureuses. Dans la maison voisine habitent deux étudiants de Yale. Elise tombe amoureuse de l’un des deux et très vite, contre toute attente, ils deviennent inséparables.

” Il y a chez Elise une absence de fioritures, une pureté de lignes, réduites à leur plus simple expression, comme une épave de voiture qui a été dépecée et vendue pièce par pièce. Le parfum qu’elle portait le soir du dîner sentait le shampoing pour moquettes. Ce qu’elle lui a fait relève du vaudou. “

Jamey est issu d’une famille de banquiers renommés. Une famille qui va tout mettre en œuvre pour mettre fin à cette mascarade.

Les saisons se suivent, leur passion vire à l’obsession, mais parviendront-ils à garder intact le feu de l’amour qui brûle en eux, face à tous ceux qui tentent de l’éteindre ?

Ce que j’en dis :

Quand tu ne lis pas les quatrième de couverture, tu peux t’attendre à certaines surprises, comme découvrir que tu t’apprête à lire l’histoire d’un amour impossible qui donne déjà à travers le premier chapitre une entrée en matière surprenante et très prometteuse.

Ce n’est pourtant pas ta came, mais dès les premières pages, tu te retrouves captivée par l’écriture fabuleusement envoûtante.

Deux êtres que tout oppose, issus de classes sociales différentes de même que leurs origines raciales, vont se retrouver piéger par la même passion dévorante l’un envers l’autre, prêts à vivre un amour enragé, bercé par une folie douce et même parfois furieuse. Chacun se retrouve face aux préjugés de leurs familles et de leurs amis qui les amèneront à prendre des décisions radicales.

La force de leur amour résistera-t’il à tant de pression ?

Au cœur de New-York où la richesse côtoie la pauvreté, où l’amour flirte avec la haine, il n’est pas surprenant que deux êtres d’origines si différentes s’éprennent l’un de l’autre et se laissent aller à s’aimer, un peu, beaucoup, à la folie…

Pretty woman fait pâle figure dorénavant face à cette histoire aussi surprenante que touchante.

Une belle et grande histoire d’amour, non cousue de fil blanc, intense, féroce, torride, souvent irrévérencieuse, à découvrir absolument.

Un roman magistral, porté par une plume extraordinaire.

Un véritable coup de foudre à la hauteur de cette folle histoire d’amour.

Pour info :

Diplômée d’arts de l’université du Michigan et du Skidmore College, Jardine Libaire vit à Austin, au Texas. 

La Fourrure blanche est son deuxième roman et le premier à être publié à l’étranger. 

je remercie les Éditions Pocket pour cette aventure amoureuse enragée et passionnée.

“ La grande escapade ”

La grande escapade de Jean-Philippe Blondel aux Éditions Buchet.Chastel

” Parfois les adultes ignorent le poids qu’ils peuvent avoir sur la destinée des enfants qui ne sont pas les leurs. “

Les habitants d’une petite ville de province nous propulsent à travers cette histoire dans les années 70. On y croise notamment une bande d’instits bien pensants, persuadés du bienfait de leur travail sur ces enfants quitte à filer quelques claques pour se faire entendre. À l’époque c’était permis, on est encore bien loin de l’interdiction de la fessée.

C’est l’époque des cabanes dans les arbres, des jeux de plein air, du film très attendu le mardi et le samedi soir, des commères de village toujours promptes à débusquer les couples adultères et autres cancans tout aussi truculents.

” Bien sûr, elle cesserait d’être une simple spectatrice. Elle trouverait elle aussi une raison imparable pour se rendre dans la capitale (…) Et elle interviendrait. Parfaitement. Parce que là, stop, hein. Passe encore qu’on se morfonde devant un amour inassouvi en se rendant compte qu’on a raté sa vie, mais qu’on fasse en sorte de rattraper le temps perdu, et puis quoi encore ? On est sur cette terre pour souffrir. On est responsable de ses choix. On les assume. Sinon, c’est la chienlit. “

C’est l’époque des coups de foudre mais aussi des trahisons. Des grandes amitiés et des premières fugues. Des grands éclats de rire et de quelques larmes. L’époque de la sagesse et des grandes ambitions. Des électrochocs en cas de folie…

” (…) elle ne se rend pas compte du barouf qu’elle a créé dans le quartier, tout le monde est au courant de ce qu’elle a hurlé, de toute façon, à peine auront-ils posé le pied par terre que c’est direction la psychiatrie et les électrochocs, c’est sans doute ce qu’il y a de mieux pour remettre d’aplomb sa caboche à celle-ci, de toute façon, les tarés, honnêtement, s’il pouvait ne pas se rater, ça rendrait le monde meilleur, mais bon, ça, c’est des raisonnements que tu ne peux pas tenir à haute voix, surtout quand tu es pompier. “

Puis le port de la ceinture de sécurité devient obligatoire, les classes deviennent mixtes, les femmes commence à s’affirmer…

Une époque pas si lointaine et pourtant…

Ce que j’en dis :

Quel bonheur cette virée dans le passé aux côtés de personnages qu’on imagine très bien, tellement l’auteur en brosse les portraits avec un réalisme surprenant.

On les a tous croisé dans sa vie, à moins d’avoir 20 ans, c’est certain et page après page, cette histoire réveille nos souvenirs et nous rends mélancolique de ce passé si simple, si doux, bien avant l’affluence en tout genre. Une époque où l’on pouvait encore rêver, s’amuser simplement, aimer et croire aux lendemains qui chantent.

Un récit qui fait sourire, très plaisant à lire, idéal pour tous les nostalgiques du temps passé, de l’ambiance noire et blanche et des décors vintages.

Les vacances se terminent pour certains mais la rentrée littéraire est déjà là, alors profitez d’une petite pause pour vous projeter hors du temps pour une recréation livresque pleine de charme, de rire et juste quelques larmes de bonheur.

Pour info :

Jean-Philippe Blondel est né en 1964. Marié, deux enfants, il enseigne l’anglais en lycée et vit près de Troyes, en Champagne Ardennes. Il a déjà publié chez Buchet Chastel sept romans.

Je remercie les Éditions Buchet Chastel pour cette lecture pleine de nostalgie absolument savoureuse.

“ Le couteau ”

Le couteau de Jo Nesbø aux Éditions Gallimard série noire

Traduit du Norvégien par Céline Romand-Monnier

« Un couteau dans le ventre, murmura-t-il, et ce sera passé. »

Elle serra les paupières et deux larmes brillantes se détachèrent de ses cils. Swein Finne rit doucement.

« Tu savais que j’allais venir. Tu savais que je ne pouvais pas te laisser partir. C’était une promesse que je t’avais faite. »

Il passa l’index sur sa joue où la sueur se mêlait aux larmes. Il contempla son œil à travers le trou béant de sa main. C’était l’œuvre d’une balle tirée par un tout jeune policier. Swein Finne avait été condamné à vingt ans de prison pour dix-huit agressions sexuelles… “

Swein Finne vient tout juste de retrouver la liberté après vingt ans passés derrière les barreaux. À l’époque c’est Harry Hole, tout jeune policier qui avait réussi à arrêter cet agresseur sanguinaire.

Mais cette libération ne réjouit pas Harry, et Swein l’obsède à tel point qu’il décide de le traquer, outrepassant les ordres de sa supérieure hiérarchique.

Il vient de se séparer de sa femme et le supportant très mal, il enchaîne les soirées trop arrosées.

Quand un matin, il se réveille sans aucun souvenir et les mains couvertes de sang, sa vie bascule.

” Dans le silence qui suivit, il sentit de nouveau la griffe dans sa poitrine, et bien qu’il ne croie pas outre mesure à la télépathie et à la clairvoyance, c’était comme si ce qui allait venir était ce que la griffe et les flashs essayaient de lui dire depuis le début. “

C’est le début d’une interminable descente en enfer où jour après jour tout s’effondre autour de lui, et même s’il croit avoir déjà tout perdu, il est bien loin d’imaginer que c’est encore loin d’être fini.

” Harry avait entendu cette chanson à maintes reprises. Elle ne parlait pas seulement de la vérité qui allait se faire jour, mais des traîtres qui vivaient heureux pendant que ceux qu’ils avaient trahis souffraient. “

Ce que j’en dis :

Découvrir un auteur avec son dernier roman, sans connaître le personnage principal peut s’avérer parfois ardu pour bien s’immerger dans l’histoire, manquant parfois d’informations importantes, mais cela n’a pas été le cas ici. Jamais je n’ai été gênée, j’ai juste éprouvée quelques regrets, sachant qu’en plus un certain nombre de ses thrillers figurent dans ma bibliothèque.

Dans cette nouvelle enquête où l’on retrouve Harry Hole, ainsi qu’une belle brochette de personnages qui ont tous leur importance, Jo Nesbø nous offre une intrigue démentielle où le mal s’offre plusieurs portes de sorties et nous entraîne sur des fausses pistes, sans jamais nous laisser en bord de chemin.

Je réalise enfin que son succès dans le monde du thriller n’est point démérité, et moi qui m’éloigne parfois de ce genre littéraire réalise qu’il suffit d’une belle pointure sur mon chemin pour me redonner l’envie d’y revenir.

Vous l’aurez compris, j’ai grandement apprécié ce thriller scandinave, sans fausses notes, où la musique s’invite entre les pages.

Un récit ambitieux, parfaitement maîtrisé qui ne manque ni d’intelligence, ni de suspens.

Les fans seront aux anges et pour ceux et celles qui tout comme moi débarquent dans l’univers de Nesbø c’est que du bonheur, on ne sera pas tenu d’attendre patiemment le prochain, il nous reste tous ses précédents titres à découvrir.

Une très belle découverte, digne de la série noire de Gallimard.

Pour info :

Né à Oslo en 1960, Jo Nesbø est également musicien, auteur-interprète et journaliste économique.
En 1997, il est propulsé sur le devant de la scène littéraire avec L’Homme Chauve-Souris qui reçoit le prix du meilleur roman policier nordique de l’année 1998. Pour la première fois, il y met en scène le personnage de Harry Hole, qui redevient très vite un inspecteur récurrent dans ses romans.

Je remercie les éditions Gallimard pour cette formidable enquête scandinave.

“ L’été où tout a fondu ”

L’été où tout a fondu de Tiffany McDaniel aux Éditions Joëlle Losfeld

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christophe Mercier

Dans les années 80, dans l’Ohio, au Sud des Appalaches, le procureur Autopsy invite par l’intermédiaire d’une lettre, le diable dans sa petite ville de Breathed.

” Cher Monsieur le Diable, Messire Satan, Seigneur Lucifer, et tous les autres croix que vous portez, je vous invite cordialement à Breathed, Ohio. Pays de collines et de meules de foin, de pêcheurs et de rédempteurs.

Puissiez-vous venir en paix.

Avec une grande foi,

Autopsy Bliss “

S’attendant à voir débarquer une bête monstrueuse avec des cornes, sa surprise fut d’autant plus grande en voyant apparaître un jeune garçon noir aux yeux verts prénommé Sal.

Pensant cet enfant échappé d’une ferme voisine, le procureur décide de l’accueillir chez lui.

” La chaleur est arrivée en même temps que le diable. C’était l’été 1984, et si le diable avait été invité, tel n’était pas le cas de la chaleur. Mais on aurait dû s’y attendre. Après tout, la chaleur est la marque fabrique du diable, et depuis quand voyagerait-on sans sa marque de fabrique ?

Cette chaleur ne s’est pas contentée de faire fondre des choses tangibles, comme la crème glacée, le chocolat, les Popsicles. Elle a aussi fait fondre l’intangible. La peur, la foi, la colère, et les lieux communs du bon sens le plus éprouvé. Elle a fait fondre des vies aussi, qui n’ont connu que le triste destin de la terre pelletée par le fossoyeur. “

Le temps d’un été, Sal va partager la vie de cette famille, auprès du jeune Fielding et de son grand-frère Grand, de leur mère qui a la phobie de la pluie et ne sort jamais de leur maison, de l’irascible tante Fedelia et de la chienne Granny, sans oublier le procureur.

La canicule s’est installée au même moment déclenchant simultanément quelques événements plutôt inquiétants.

Les habitants voient d’un mauvais œil l’arrivée de ce noir, si jeune soit-il et un climat de discrimination envahit la ville où règne déjà une importante ferveur religieuse.

Il ne faut pas longtemps pour la suspicion et le racisme prennent possession de la ville où la mort rôde.

” Le fait d’être le diable faisait de lui une cible, mais lui donnait aussi un pouvoir qu’il n’avait pas en tant que simple garçon. Les gens le regardaient, l’écoutaient. Le fait d’être le diable faisait de lui quelqu’un d’important, le rendait visible. Et n’est-ce pas ce qu’il y a de plus tragique dans cette histoire ? Qu’un garçon doive être le diable pour être pris en considération ? « 

Ce que j’en dis :

C’est à travers les souvenirs de Fielding que cette histoire nous est comtée.

Si au départ j’ai cru m’aventurer dans un roman aux allures du grand Stephen King, j’ai très vite réalisé qu’il possédait une véritable profondeur mettant le doigt sur certains principes religieux mais surtout sur les ravages occasionnés par la discrimination raciale et homophobe.

Le mal sommeille dans chaque personne et il aura suffit d’un prétexte comme l’arrivée de ce jeune noir en même temps que cet embrasement caniculaire qui sévit sur la ville pour déclencher une véritable épidémie de méchanceté, de rumeurs et autres mauvaises actions entraînant la mort.

Tel un incendie, le mal attisé par tant de partisan s’intensifie et envahit ce petit coin de paradis et le transforme en enfer.

Un roman profond qui brosse le portrait peu flatteur d’une Amérique hélas égale à elle-même sur bien des sujets toujours présents de nos jours.

Un premier roman extraordinaire qui mérite toute votre attention.

Pour Info :

Tiffany McDaniel est née et a grandi dans l’Ohio. L’été où tout a fondu est son premier roman, pour lequel elle a remporté le Guardian’s Not the Booker prize 2016 du Guardian.

Je remercie les Éditions Joëlle Losfeld pour ce roman fabuleux.