Fata Morgana de Chika Inigwe aux Éditions Globe
Traduit de l’anglais (Nigeria) par Marguerite Capelle
“ Enfin, elle vit Peter et sa façon de se couler dans le sort que la vie lui avait attribué […] Elle savait que, comme son père, il ne sortirait jamais de sa condition. Elle n’avait pas envie d’être aspirée dans cette vie. Elle s’imagina elle- mème, dans un an de cela, si elle restait à Lagos. Mais pouvait-elle vraiment se résoudre à ça ? Elle n’était pas ce genre de fille. Elle fit mine de partir mais ses pieds étaient comme figés. Ils refusaient de bouger. Dele leva les yeux vers elle. Il sourit.
« You fit sleep on it. La nuit porte conseil. Pas besoin de te décider maintenant. Mais je te jure, avec tes melons, tu vas faire fortune ! » ”
Qui ne rêverait pas de quitter le Lagos et cette vie misérable qui attend Sisi. Mais est-elle prête à vendre ses charmes à l’étranger pour y parvenir. Qui plus est il faut avancer 30000 euros. C’est le prix à payer pour accéder à une vie meilleure, il semblerait.
“ Qui ne voulait pas partir à l’étranger ? Les gens venaient au monde avec cette ambition, et ils mourraient en essayant de la réaliser. […] Personne n’avait envie de rester là, à part les gens qui avaient de l’argent à la pelle pour survivre à ce pays. ”
Rien n’est jamais gratuit, il faut payer le voyage, et une fois sur place en Belgique, il faudra rajouter à cette dette, le prix du loyer.
Il en faudra du temps pour rembourser, même en travaillant dix heures par jour une fois arrivée à Anvers, dans les quartiers chaud de la ville, où elle retrouvera d’autres filles qui ont également quitté le Nigeria possédant les mêmes rêves qu’elle.
Mais à peine arrivée, les illusions s’envolent, très vite la voilà prisonnière de cette nouvelle vie.
“ « Ah, donne moi ton passeport. À partir de maintenant et jusqu’à ce que ta dette soit payée, c’est moi qui m’en charge. » ”
Madame veille sur ses filles, sur l’appartement qu’elles partagent.
“ Toute la lumière du monde n’aurait pu l’arracher à l’abandon lugubre dans lequel elle s’était engluée, un désespoir que le temps ne ferait que rendre plus profond encore. ”
Chaque soir, elles rejoignent les vitrines du quartier rouge d’Anvers, subissant leur sort tout en rêvant à accéder un jour à une part de la richesse européenne, jusqu’à ce que l’une d’elles soit retrouvée brutalement assassinée.
À travers une traduction remarquable de Marguerite Capelle, qui a réussi à retranscrire toute la richesse culturelle et linguistique du roman de Chika Unigwe, on découvre les portraits de quatre nigérianes qui après une vie emplie de désillusions ont choisi de quitter leur pays pour la Belgique, espérant une nouvelle vie.
Sous couvert du meurtre de l’une d’entre elles, c’est toutes leurs vies passées et présentes qui défilent devant nos yeux, sans aucun jugement mais avec beaucoup d’humanité et même une dose d’humour où la poésie adoucit également la brutalité vécue par ces femmes qui se retrouvent victimes de l’esclavage sexuel.
Chika Unigwe donne la voix aux migrantes et nous offre un récit incroyable, rendant justice à toutes ces apatrides qui n’ont fait que rêver à un avenir meilleur loin de celui auquel on les destinait.
Pour info :
Chika Unigwe est née en 1974 à Enugu, au Nigeria, où elle a vécu avant de poursuivre ses études en Belgique et d’obtenir un doctorat en littérature.
Elle vit aujourd’hui aux États-Unis avec son mari et leurs quatre enfants.
Fata Morgana est son deuxième roman.
Chika Unigwe est considérée comme l’un des cinq auteurs africains les plus importants de ces dix dernières années.
Si un jour j’ai du temps…. :p
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Lecture et construction intéressante. Un jour peut-être.
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Oui, qui sait ? 🙂
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