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115 de Benoît Séverac aux Éditions La Manufacture de livres.

‘  » Au lieu de nous faire iech, vous feriez mieux d’aller voir ce que font les Gitans le soir. Ils sont pas nets, eux non plus. Mais peut-être que vous avez pas les couilles ?  » 

Une ou deux réflexions isolées ne portent pas à conséquence, parce que les Arabes et les Gitans se détestent, mais quand ça revient trop souvent ça veut dire que quelque chose couve et qu’il est temps de s’en inquiéter. ‘ 

Commence alors une nouvelle enquête menée par Nathalie Decrest, chef de groupe de la Brigade Spécialisée de Terrain de la Police Nationale après une descente dans un camp de Gitans. Elle ne s’attendait pas à y trouver caché dans un container deux albanaises et un enfant, cherchant plutôt de la drogue.

 » les trois parrains, quant à eux, demeurent muets. S’ils sont contrariés par la descente de police, ils n’en laissent rien paraître. Sans avoir à prononcer un mot, ils intiment l’ordre à leurs sous-fifres, menottés comme eux, de se taire. De vrais durs, habitués aux déboires avec la justice. Par la seule force de leurs regards, la consigne passe : il en cuira à celui qui bave.  » 

Nathalie devra une fois encore affronter la dure loi du silence des malfrats.

Ce soir là elle était accompagnée par Sergine Hollard, une vétérinaire afin qu’elle gère les volailles qui servaient à des combats. Guère ravie d’être là Sergine devra pourtant faire bonne figure. Un vieux contentieux sépare les deux femmes qui ne s’apprécient plus guère.

Sergine souhaiterait crée une clinique vétérinaire ambulante pour aider les animaux des sdf. Contrairement à eux-mêmes ils prennent grand soin de leurs bêtes  et sont prêts à de nombreux sacrifices pour leur bien-être. C’est là qu’elle rencontre Cyril, un jeune autiste qui vit dans la rue. Il est sous la coupe des sœurs jumelles Charybde et Scylla.

Ils sont nombreux à vivre dans la rue, dans l’attente de jour meilleur, d’une rencontre qui changerait leur condition de vie, qui sauverait certaines de la prostitution.

 » La rencontre qui changera tout, le retournement inattendu, le coup de main du destin qui arrêtera la roue de la fortune sur la bonne case…les gens de la rue veulent tous croire à cette chimère, mais au fond, ils savent bien que chaque année passée à la rue les éloigne d’un happy end. »

Les deux jeunes femmes, policière et vétérinaire,  déjà confrontées à la misère des gens en grande précarité vont en plus découvrir la violence qui s’y cache.

Pour nous livrer une histoire aussi authentique, l’auteur s’est immergé dans le monde de l’extrême pauvreté.

Dans ce roman noir social, notre société n’apparaît pas sous son meilleur jour. Elle reflète malheureusement l’envers du décor, celui de la rue, des SDF, de la prostitution. Des personnes mises à mal chaque jour en mode survie. 

L’auteur nous plonge dans la noirceur du monde, à travers un polar contemporain aussi réaliste que tous les faits divers qui encombrent les journaux chaque jour. Une écriture maîtrisée, dure, en parfaite harmonie avec l’histoire dépeinte à travers ces lignes. On y sent de la colère, de la révolte pour ces injustices via les deux personnages féminins plein d’humanité. Non démuni de sensibilité, plein de souffle et de cœur. 

115, un roman d’action sociale aussi brillant que la noirceur qui l’habite. 

Benoît Séverac enseigne l’anglais à l’école vétérinaire de Toulouse où il vit. Il a publié à la Manufacture de livres, Le Chien arabe, Prix de l’embouchure 2016, paru chez Pocket en 2017 sous le titre Trafics. En 2016 à paru chez Syros, Little Sister. Il est aussi l’auteur de Les Chevelus aux éditions Tme, traduit aux USA et de Silence, adapté au théâtre.

Je remercie les Éditions La Manufacture de Livres pour cette lecture déchirante tel un cri dans la nuit. 


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