Harlem Shuffle

Harlem Shuffle de Colson Whitehead aux Éditions Albin Michel

Collection Terres d’Amérique

Traduit de l’américain par Charles Recoursé

“ La ville exerçait son emprise sur toutes les choses et les dispersait dans tous les sens. Parfois on avait son mot à dire, parfois non. ”

1960.

Harlem, quartier de New-York, occupé majoritairement par une population afro-américaine, les loyers y étant plus accessibles et face à la ségrégation raciale, certains quartiers les rejetaient toujours.

C’est là que réside Ray Carney, en attendant que son magasin d’ameublement et d’électroménager à New-York sur la 125 ème rue devienne plus florissant tout en rêvant à un appartement en banlieue plus confortable.

“ L’Amérique était un grand pays souillé par des régions faisandées où régnaient l’intolérance et la violence raciale. ”

Ray est un père attentionné, et un époux aimant,lui le fils d’un homme lié à la pègre local essaie de se tenir éloigné des problèmes, s’en tenant à quelques petites magouilles.

“ À ses yeux, la vie nous enseigne qu’on n’est pas obligé de reproduire ce qu’on nous a appris. On vient tous de quelque part, mais ce qui compte c’est la destination qu’on se choisit. ”

Il est également le cousin de Freddie un voyou qu’il considère comme son frère.

“ La chose qui s’agitait en lui, qui l’entraînait et qui hurlait parfois n’était pas la même que celle qui avait animé son père. Le mal qui avait dominé sa vie entière. Le mal auquel Freddie s’adonnait de plus en plus.

Carney avait ce penchant – comment aurait-il pu y échapper avec le père qu’il avait eu ? Une fois adulte, il fallait identifier ses limites et s’y tenir. ”

Alors, lorsque celui-ci lui propose de braquer le célèbre Hôtel Theresa, le fameux Waldorf de Harlem, par loyauté il est prêt à faire quelques entorses à ses principes, sans imaginer toutes les conséquences qui en découleront.

Grande adepte des romans noirs américains autant que des grands films américains tel que : Il était une fois le Bronx , ou encore plus récemment Brooklyn Affairs réalisé par Edward Norton, ou la série Godfather of Harlem qui nous plonge dans l’Amérique du passé auprès de malfrats renommés , je ne pouvais que me réjouir de découvrir Harlem Shuffle, d’autant plus que j’avais été subjugué par ses deux précédents romans : Underground Railroad, et : Nickel Boys, couronnés tous deux par le prestigieux Prix Pulitzer.

Une nouvelle histoire, très éloignée pourtant de l’univers de ses deux précédents romans, mais qui garde le thème de prédilection qui lui tient à cœur : les luttes raciales pour les droits des populations noires.

Et une fois de plus, il s’en sort à merveille en nous offrant dans un autre registre, un récit grandiose à travers une histoire qui nous plonge dans le passé américain, à l’époque des gangs mafieux, avec un casting de personnages qui se révèlent extrêmement fidèles à ceux que j’ai pu croiser sur pellicule. Il retranscrit à merveille cette époque, avec une bonne dose d’humour en plus, sans oublier le contexte où les violences raciales et urbaines sont monnaies courantes tout en insufflant ici et là son engagement, sa colère.

Il suffisait à Carney de marcher cinq minutes dans n’importe quelle direction, et les maisons de ville immaculées d’une génération donnée devenaient les maisons de shoot de la suivante, des taudis racontaient en chœur le même abandon, et des commerces ressortaient saccagés et détruits de quelques nuits d’émeutes. Qu’est-ce qui avait mis le feu aux poudres, cette semaine ? Un policier blanc avait abattu un jeune Noir de trois balles dans le corps. Le savoir-faire américain dans toute sa splendeur : on crée des merveilles, on crée de l’injustice, on n’arrête jamais. ”

Vous l’aurez compris, j’ai adoré cette errance à Harlem, haut lieu de ce récit, en compagnie de Carney, de Freddie son cousin, un peu l’épine dans le pied de Carney, mais on ne lâche pas la famille même si on aspire à devenir quelqu’un.

[…] Carney ne se sentait ni minuscule ni insignifiant sous les étoiles, il se sentait accepté. Les étoiles avaient leur place et lui la sienne. Nous avons tous – individus, étoiles, villes– un rôle dans la vie, et même si personne ne veillait sur Carney, même si personne n’aurait misé grand-chose sur lui, il allait devenir quelqu’un. ”

Colson Whitehead est devenu bien plus que quelqu’un, en offrant sa plume au service des opprimés, en revendiquant sa position auprès des siens, ces gens de couleurs qu’on ne cesse de brimer aux États-Unis et hélas ailleurs aussi.

Harlem Shuffle un roman noir engagé à la frontière du polar dans l’ambiance new-yorkaise des années 60 à ne pas rater.

5 réflexions sur “Harlem Shuffle

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