Pour tout bagage

Pour tout bagage de Patrick Pécherot aux Éditions Gallimard

Collection La Noire

“ Quarante ans plus tôt, je les aurais peut-être applaudis, moi , les gueux. Avec le recul, je les voyais autrement. Rejetons de coupeurs de tête, sans culotte et sans plus de jugeote. La meute, c’est jamais bon.

Antoine ? Désolé, Edmond, je l’avais laissé en plan… Retrouvons-le sur le parking. Il tremble un peu, Antoine, le flingue est lourd. Il va nous faire son numéro, les clowns sont des marrants… Il a fermé un œil. Il vise… Pan ! Ça c’est imprévu, tu es sorti de voiture, tu prends la balle en pleine poitrine. Oh ! La belle galipette ! Bravo ! Tu vas te relever, sortir la balle de ta bouche et saluer. Le couac, c’est que tu ne te relèves pas. La séquence est ratée. ”

On pourrait dire qu’Edmond se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment en 1974, quand cinq lycéens qui voulaient jouer au héros l’ont malencontreusement descendu.

Ça se passe à l’époque où un groupe anar venait d’enlever un banquier espagnol à Paris.

La belle affaire pour eux, qui voient cet accident passé pour un dommage collatéral.

Mais lorsque quarante-cinq ans plus tard, des lettres mystérieuses racontant leur histoire surgissent, l’un d’eux va partir à la recherche de ses anciens camarades liés à cette mort, dont on ignore toujours le nom du véritable tireur.

Même les plus chouettes souvenirs, ça t’a une de ces gueules…

Léo radinait enfoncer son clou de tristesse. Fais chier, Ferré ! ”

En compagnie du narrateur, l’auteur nous invite à remonter le fil du temps, convoquant au passage quelques fantômes, pour découvrir enfin les circonstances du drame.

« Il laisse des traces, le Champo. Des demi-siècle plus tard, on en est encore barbouillé, on se compose des vies pellicule. Des séquences du spectateur…[…] On naviguait dans le non-dit, le frôlement des mains, des rêvasseries muettes. Aux retours de mémoire, elles nous feraient des histoires à colorier. Des contes sans queue ni tête, qui n’iront pas plus loin que la mélancolie. ”

Si Léo Ferré avait eu besoin d’un parolier à l’époque, on aurait pu lui recommander Patrick Pècherot qui lui rend dans ce roman un bel hommage.

Qu’on le considère comme un polar ou un roman noir, le plaisir de lecture restera le même pour cette intrigue en noire et blanc portée par une plume pleine de panache.

Sa verve insolente, vive, spirituelle, audacieuse diablement efficace et même poétique vous transportera avec délice dans les années soixante-dix vers la jeunesse pleine d’illusions avant que la culpabilité assombrisse leurs vies futures.

Décidément, les auteurs de La Noire de Gallimard ne cessent de me surprendre de la manière la plus agréable qu’il soit.

Pour info :

Patrick Pécherot est né à Courbevoie. Il a grandi et it en banlieue parisienne.

Il est notamment l’auteur des Brouillards de la butte ( Grand prix de littérature policière 2002), premier volet d’une tribologie sur le Paris populaire de l’entre-d’eux-guerres, de Tranchecaille (Trophée 813du meilleur roman francophone 2009) et d’Une plaie ouverte (Prix Transfuge du meilleur polar 2015). Hével, son neuvième roman publié à la Série Noire en 2018, a reçu le prix Marcel Aymé et le prix Mystère de la critique en 2019.

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