Les enfants endormis de Anthony Passeron aux Éditions Globe
“ Dans la famille, tous ont fait pareil à propos de Desiré. Mon père et mon grand-père n’en parlaient pas. Ma mère interrompait toujours ses explications trop tôt, avec la même formule : « C’est quand même bien malheureux tout ça. » Ma grand-mère, enfin, éludait tout avec des euphémismes à la con, des histoires de cadavres montés au ciel pour observer les vivants depuis là-haut. Chacun à sa manière a confisqué la vérité. Il ne reste aujourd’hui presque plus rien de cette histoire. Mon père a quitté le village, mes grands-parents sont morts. Même le décor s’effondre. ”
Dans les années 80 le virus du Sida fait son apparition aux États-Unis, et très vite des rumeurs circulent sur sa propagation, on s’en souviens tous. Lorsque l’on a commencé à en parler en France, c’était déjà trop tard, le mal était déjà fait, et le virus du Sida était devenu un sujet tabou qui coulait parfois dans les veines de jeunes personnes qui n’avaient pourtant jamais eu de relations sexuelles, ni même touchées à la drogue, mais avaient seulement été transfusé.
C’est comme ça que j’ai découvert le virus du SIDA, en perdant Loïc, un copain du village qui était hémophile, il avait une dizaine d’année comme moi.
C’est le genre de souvenir qui nous marque à jamais. Ma première fois face à l’injustice.
Pour Anthony Passeron, c’est la mort de son oncle qui l’a marqué, mais également tout le déni autour de cette mort dans cette famille de taiseux qui l’on amené à écrire cette histoire.
“ Quand l’image disparaît brusquement du mur de ma chambre, je comprends qu’ils auraient pu avoir une vie en dehors de la drogue. Une vie où ils auraient été heureux. Une vie où j’aurais pu les connaître. Une vie simple qui n’aurait sans doute pas mérité d’être racontée, mais une vie toute entière. C’est à ce jour-là qu’il faudrait pouvoir remonter pour tenter de tout recommencer autrement. Désormais, il n’y a plus qu’en regardant les super-8 de mon père dans le désordre qu’on peut ramener ces gens à la vie. ”
En alternant l’histoire de sa famille et la maladie côté scientifique, il nous confie les secrets tabous des siens, de cette famille de boucher en milieu rural, complètement dépassée par cette maladie qui engendrait tellement de honte qu’ils préféraient l’ignorer jusqu’au déni total, tout en revenant sur la découverte de ce virus, les premières recherches, les premières rumeurs, les mensonges, les premiers espoirs, les premiers traitements qui m’ont ramené direct à la dernière épidémie en date et m’a donnée des sueurs froides, à croire que les scientifiques ne retiennent jamais la leçon et que le schéma se répète inlassablement.
Tout est vrai, dans ce récit et c’est d’autant plus déchirant.
Tout en sobriété et avec délicatesse, pour un sujet extrêmement sensible, douloureux, trop longtemps caché sous le manteau de la honte et du mensonge.
“ Le sida ne voulait rien savoir. Il se jouait de tout le monde ; des chercheurs, des médecins, des malades et de leurs proches. Personne n’en réchappait, pas même le fils préféré d’une famille de commerçants de l’arrière-pays. ”
Pour info :
Anthony Passeron est né à Nice en 1993. Il enseigne les lettres et l’histoire- géographie dans un lycée professionnel.
Les enfants endormis est son premier roman.
Je me souviens de cette époque difficile où les clichés avaient la vie dure…
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Quelle injustice pour beaucoup de contaminés .
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