Les saisons et les jours de Caroline Miller aux Éditions Belfond, collection Vintage
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michèle Valencia
À présent, les bois lâchaient de brèves respirations sous les rafales de vent ; l’hiver leur tombait dessus et ils avaient peur. Cramoisies, les feuilles semblaient prises de fièvre. Des arbrisseaux sauvages tremblaient, tournaient leurs feuilles de-ci de-là, pour échapper au vent froid qui soufflait la mort sur eux. Les vieux pins soupiraient sans cesse; l’hiver ne tuerait pas leurs longues aiguilles luisantes ; ils conserveraient leur splendeur verte, de nouvelles aiguilles pousseraient pour remplacer celles qui tombaient , si bien que, en observant leur costume, personne ne pourrait deviner en quelle saison on était. Les érables en revanche, secs et élimés, ressemblaient à des balais-brosses appuyés contre le ciel; les chênes vacillaient, tels de gigantesques églantiers morts ; car l’hiver précipitait toutes les feuilles, à l’exception des aiguilles de pin, vers la terre imbibée de pluie, durcie par un soleil implacable, la grande tombe où elle pourriraient peu à peu comme n’importe quel être humain. Les autres créatures vivantes partiraient en même temps que les feuilles ; elle se cacheraient dans l’obscurité froide de creux d’arbre et de grottes jusqu’à ce qu’une nouvelle année fasse glisser la peau mouchetée des serpents à sonnette, incite les lapins à se frotter de leur doux museau et à s’unir pour proclamer l’arrivée du printemps. ”
Difficile de rester insensible devant tant de beauté littéraire, pas étonnant que ce roman dont je vous offre un extrait ait reçu le prestigieux Prix Pulitzer en 1934, après avoir connu un immense succès aux États-Unis dès sa parution, et réédité par la suite plus de trente fois.
Nous sommes en Géorgie entre 1820 et 1850, en pleine campagne où tout est à construire, pour ce jeune couple fraîchement marié. À l’époque, le dur labeur commençait en premier lieu par la construction de la maison, des meubles, puis de la grange, et du jardin afin de subvenir de manière complètement autonome au besoin de sa famille, et de pouvoir procéder à des échanges et vendre une partie de la récolte quand le moment serait venu de se rendre en ville.
“ Sa mère l’avait avertie : aux femmes les fruits, le potager, le lait, le beurre et les enfants ; aux hommes l’élevage et l’abattage des animaux, les semailles et la moisson. ”
Au fil des saisons, la famille s’agrandit, les plantations poussent, certaines récoltes permettent de renflouer les finances et parfois la colère du Dieu qu’on tentait toujours de satisfaire semblait envoyer un ouragan qui détruisait toute la plantation. Mais que ce soit la venue d’un enfant qui donnait une bouche de plus à nourrir ou le décès de l’un d’entre eux, qui apportait un immense chagrin ou encore une mauvaise saison qui mettait à mal les récoltes, pas le temps de s’apitoyer sur son sort, il fallait travailler dur pour poursuivre son chemin.
Et quand la guerre civile fut déclarée, on remerciait Dieu de ne pas avoir que des garçons et on s’en remettait une fois de plus à Lui pour qu’il protège ceux qui partaient mais aussi ceux qui restaient.
Porté par une plume extraordinaire, pleine de grâce et de poésie, Caroline Miller nous offre un magnifique roman qui retrace la vie d’une famille de fermiers blancs du vieux Sud, où les saisons et les jours apportent son lot de joies et de peines.
Un roman incontournable que nous offre la collection Vintage des éditions Belfond, qui ont la bonne idée de rééditer les chef-d’œuvres de la littérature parfois trop méconnu et pourtant à découvrir absolument.
Pour info :
Caroline Miller est née en 1903 à Waycross en Géorgie. Elle a entrepris un véritable travail historique et ethnologique en collectant dans les petits villages de Géorgie des temoi et des récits de vie qui vont lui fournir l’inestimable matériau pour Les saisons et les jours.
En forme d’hommage aux paysans du Grand Sud, ce roman connaît un immense succès à sa parution aux États-Unis avec pas moins de trente-sept réimpressions de la première édition. Publié en France dans une version incomplète en 1938 (Hachette), il a paru une première fois chez Belfond en 2012 dans une nouvelle traduction, rejoignant ensuite la collection Vintage.
Caroline Miller écrira tous les jours jusqu’à sa mort en 1992.
Le côté daté et l’écoulement étrange du temps m’ont empêchée de vraiment m’attacher aux héros et au récit, même si j’ai apprécié ce voyage dans le XIXème.
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C’est pas un coup de cœur, l’ambiance année folle m’a plus mais je me suis un peu perdue parfois …
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Années folles ? Ici ?
Pourtant, à te lire, j’ai eu l’impression que tu étais emballée… parlons nous du même livre ? 🙈
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Ah oui excuse-moi, non là j’ai vraiment adoré, j’ai cru que tu me parlais des rêveurs éveillés.
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Ne t’en fais pas, ça m’arrive aussi ! Ravie d’avoir lu ton retour en tout cas 🙂
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Merci, en attendant. Belles futures lectures.
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Merci !
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