Vieux criminels de Nicolas de Crécy aux Éditions Gallimard
Collection Sygne
“ La France ?
Il n’est pas sûr de l’aimer. Pour différentes raisons. Cela dit, le pays garde quelques charmes, dont le principal tient en quatre mots : ce serait pire ailleurs.
[…] … Alors pourquoi tergiverser ? Assurément, ce serait pire ailleurs. […] Claude se tourne vers l’intérieur, sans regarder les détails. Il évite de lever les yeux, refusant incontestablement à faire un constat qui serait dommageable pour son moral ; l’état de son commerce est lamentable : carrelage fêlé, points de rouille aux angles des machines , auréolés noirâtres d’humidité sur les murs. Les lieux sont déprimants, mais surtout ils sont sales, ce qui pose problème lorsque le thématique de propreté est au cœur du concept commercial mis en place. ”
Après avoir connu la gloire, semant la mort le long des routes du Texas , Bonnie Parker et Clyde Barrow sont bien décidés à se faire oublier. Installés en France, sous une nouvelle identité Éva et Claude vivent planqués du côté de l’Atlantique.
Ils tiennent dorénavant un lavomatique, proposant de manière illicite une autre forme de poudre, un blanchiment on ne peut plus ingénieux.
“ – Le plus dur c’étaient les premiers mots de cette nouvelle langue. Surtout pour Claude ; il était pas doué, tu t’en doutes bien ! Il n’a jamais été fort à l’école, son école c’était la prison : chacun a des pistes différentes pour acquérir son éducation. La prison n’est pas pire que l’école, on n’y append pas les mêmes choses, c’est tout. ”
Mais les affaires vont mal, les clients se font rare dans ce trou perdus des Cévennes, et malgré leur âge proche de la retraite, ils vont devoir envisager de revenir à leur premier amour et peut-être même organiser un hold-up.
Seulement c’est un fiasco total, et sur le chemin du retour, plus vulnérables que jamais, ils vont faire une découverte miraculeuse.
La nouvelle vie peut enfin commencer.
Ce que j’en dis :
Après s’être imposé depuis 1992 comme auteur dessinateur, remportant en 1998 le prix Meilleur Album au Festival d’Angoulême avec Léon La Came, puis récompensé par le prix Vendredi pour son roman jeunesse : Les amours d’un fantôme en temps de guerre, le voilà Nicolas de Crécy de retour avec un roman absolument jubilatoire.
L’auteur ressuscite à sa façon avec un humour particulièrement grinçant , Bonnie Parker et Clyde Barrow, le duo criminel, célèbre des États-Unis, leur offrant une préretraite en France bien méritée. Évidemment ces personnages n’ont rien perdu de leur côté Borderline, même s’ils ont perdu de leur renommée, étant passés de vie à trépas dans leur pays. Agissant maintenant sous un pseudo typiquement français, nos vieux criminels gardent néanmoins un certain panache et se découvrent même de nouveaux talents.
L’auteur nous régale autant par l’histoire que par son style s’amusant avec les mots que la langue française nous a offert.
Une superbe découverte, il est juste dommage de ne pas y avoir trouvé quelques dessins qui auraient donné un peu plus de cachet puisque l’auteur excelle également dans ce domaine, mais c’est juste pour pinailler un peu car sincèrement je me suis éclatée et j’espère retrouver cette plume prochainement.
Une belle parenthèse littéraire qui donne le sourire.
N’hésitez pas.
Pour info :
Nicolas de Crécy étudie aux beaux-arts d’Angoulême avant de publier en 1991 son premier livre, Foligatto, avec Alexio Tjoyas, qui reçoit un accueil unanime.
S’ensuivent plusieurs albums récompensés par des prix prestigieux (Prix du meilleur album Angoulême 1998 pour Léon la Came). Maître du dessin et de l’aquarelle, il distille le fantastique avec un talent inégalé, et fait naître des univers singuliers aux ambiances toujours prégnantes.
Son travail est aussi marqué par des incursions dans le dessin animé, le carnet de voyage et la collaboration avec les grandes institutions.
Traduite de par le monde, son œuvre fait l’objet d’expositions en Europe et au Japon.
Il vit à Paris.