La république des faibles de Gwenaël Bulteau aux Éditions de La Manufacture de livres

“ Dans le halo terne de sa lampe, il faisait sa moisson à l’aide de son crochet quand soudain il entendit un bruissement et, du coin de l’œil, surprit un mouvement de fuite. Il plissa les yeux. Non, ce n’était pas un rat, plutôt une espèce de cabot à la recherche d’une ordure comestible. Il siffla mais la bête, ne lui prêtant aucune attention, disparut dans l’obscurité. […] Perdu dans ses pensées morbides, il continua sa récolte et tomba sur une vieille couverture. C’était rare, ce genre de trouvailles. En général, les gens les usaient jusqu’à ce qu’elles tombent en lambeaux. D’un geste aguerri, il la piqua pour la ramener vers lui, dévoilant en dessous une forme difficile à distinguer. Une impression bizarre le saisit. Il approcha la lampe et faillit tourner de l’œil à la vue du corps mutilé. ”
Le soir du premier janvier 1898, à Lyon dans le quartier de La Croix Rousse, le corps mutilé d’un enfant est découvert par un chiffonnier.
Il s’avère qu’il vient des quartiers populaires et qu’il était porté disparu depuis quelques semaines.

Alors qu’à Paris, l’affaire Dreyfus fait les gros titres des journaux, de fortes tensions sévissent à Lyon, à l’approche des élections.
Le commissaire Jules Soubielle, chargé de l’enquête va devoir se montrer ingénieux pour résoudre cette affaire.
La fin du siècle approche, il serait temps de rendre justice à ces ouvriers, ces petits commerçants, la république étant censée défendre les faibles.
“ – On disait : Vive la république ! et le client répondait : Qui prend soin des faibles ! […] Dans cette république dévoyée, les faibles buvaient le calice jusqu’à la lie. ”
Ce que j’en dis :
Pour oublier le présent, rien de tel qu’un voyage dans le passé, l’occasion de découvrir un premier polar historique de très belle facture.
Dès le départ on se retrouve transporté à une autre époque, dans l’ambiance lyonnaise de jadis.
Dans une atmosphère magnifiquement reconstituée, sous une plume singulière de toute beauté. l’histoire se profile et nous emmène vers les quartiers pauvres où même la mort d’un enfant a du mal à émouvoir l’administration.
Gwenaël Bulteau réussi d’une main de maître à nous captiver à travers une formidable intrigue. On redécouvre le contexte antisémite lié à l’affaire Dreyfus, mais également la place des femmes, le travail des enfants, les mœurs, la misère d’un côté, la bourgeoisie de l’autre.
Sa mise en scène est remarquable tout comme ses personnages forts bien représentés et très attachants. Tout sonne juste et nous rappelle les romans de Zola ou plus récemment ceux d’ Hervé Le Corre.
Moi qui avait tant aimé également L’aliéniste de Caleb Carr ou dernièrement la série télévisée Paris 1900, j’ai vraiment apprécié cette nouvelle voix de la littérature française, d’autant plus qu’elle met en lumière les plus faibles trop souvent oubliés hier et encore aujourd’hui par la République.
Un premier roman éblouissant à découvrir pour se remémorer le chemin parcouru de nos ancêtres et le long chemin qu’il reste à faire pour être enfin, libres, égaux et fraternels.
C’est publié à La Manufacture de livres, une maison d’éditions où les belles plumes y ont une place de choix.
Pour info :

Né en 1973, Gwenaël Bulteau est professeur des écoles. Particulièrement attiré par le genre noir, il écrit diverses nouvelles et remporte plusieurs prix. En 2017, il est notamment lauréat du prix de la nouvelle du festival Quais du Polar, pour Encore une victoire de la police moderne !
Je remercie la Manufacture de livres et l’agence Trames pour ce polar historique d’exception.
Il est dans ma PAL de mars aussi !
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Rhoooo trop bien ☺️
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Je sais, je sais…. *voix de Jean Gabin*
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