Rosine une criminelle ordinaire de Sandrine Cohen aux Éditions du Caïman

– Tu l’as vue ?
– Oui, j’ai demandé l’affaire. Le parquet m’a saisi. J’ai été la voir à l’hôpital. Elle a tué ses filles hier vers vingt heures, le petit ami était là, c’est lui qui a appelé le SAMU et les flics. Elle était en état de choc, d’où l’hospitalisation. Elle dit qu’elle est un monstre, qu’elle ne veut pas d’avocat. Elle ne dit rien d’autre. Elle ne sait pas pourquoi elle a fait ça. Elle veut mourir. Le petit ami venait de lui dire qu’il voulait réfléchir.
– Et tu crois qu’il y a quelque chose derrière.
– J’en suis sûr. Regarde.
Qu’est-ce qui peut bien conduire une mère si protectrice et si aimante envers ses deux filles à commettre un telle ignominie.

Clèlia, enquêtrice de personnalités auprès des tribunaux, va tout tenter pour comprendre ce qui a poussé cette femme à cet acte indicible. Cette femme est coupable là n’est pas la question, mais si elle prouve que cette mère peut bénéficier de circonstances atténuantes, sa peine d’emprisonnement pourrait être amoindrie. Clèlia veut comprendre, persuadée que derrière cette histoire tragique se cache un drame enfoui dans les méandres de la mémoire de Rosine, cette mère coupable d’infanticide.
[…] « Qui peut dire avec certitude qu’il connaît tout de lui-même ? Qui peut dire avec certitude qu’il n’est pas une Rosine Delsaux en puissance ? Qui peut dire avec certitude qu’il n’est pas un criminel ordinaire en puissance ? » De quoi donner des frissons. Et convaincre un jury.

Ce que j’en dis :
Ayant été confronté à un drame aussi tragique dans mon quartier en 2017, (Une jeune femme a mis fin à la vie de ses deux jeunes enfants) j’appréhendais cette lecture, après avoir lu quelques lignes de la quatrième de couverture. Je me souviens encore de la marche blanche qui avait été organisée, en souvenir de ces enfants. Dans l’impossibilité de marcher cette année là, j’avais partagé leurs émotions douloureuses du haut de mon balcon. Il y a quelques semaines, cette femme a été jugée et a écopé de trente années d’emprisonnement.
Bien évidemment, dans ce polar, le drame ne nous est pas épargné, mais l’histoire est centrée sur l’enquête de Clèlia qui tente à démontrer que derrière cet acte se cachent de terribles secrets qui ont conduit cette mère à commettre l’innommable, sans être prémédité mais malheureusement inévitable.
Elle veut comprendre et prouver que Rosine n’est pas la seule responsable, même si rien n’excusera son horrible geste.
Pour elle, seul un traumatisme a pu amener cette femme à tuer ses enfants, elle ira jusqu’au bout pour trouver ce qui a déclenché cette folie meurtrière.
Elle a beau être une enquêtrice hors paire, sa mauvaise réputation liée à son comportement borderline la précède et ne lui facilite pas la tâche, elle n’hésite pas à sortir des limites autorisées pour réussir à prouver que son intuition ne la trompe pas. Si son attitude et son humour au premier degré ne plaisent guère à sa hiérarchie, elles apportent à cette histoire dramatique un peu de légèreté et permet de poursuivre la lecture avec moins d’appréhension car faut bien le reconnaître, elle m’a plus cette nana au caractère bien trempé et je me suis très vite attachée à elle.
Si Rosine, la coupable est une femme ordinaire, ce polar est loin de l’être. Sandrine Cohen nous confronte à l’impensable, donner une deuxième chance à une criminelle en nous prouvant par l’intermédiaire de son enquêtrice qu’elle avait des circonstances atténuantes en nous le démontrant pas après pas en explorant les mécanismes du passage à l’acte.
Contre toutes attentes, ce polar est vraiment une belle découverte, et je suis persuadée qu’il plaira à tous les fan de la série MINDHUNTER.
Ce serait dommage de passer à côté…
Pour info :

Sandrine Cohen est comédienne, scénariste et réalisatrice de fictions et de documentaires.
Passionnée de faits divers, elle a notamment réalisé trois documentaires sur des crimes de proximité, passionnels et familiaux.
Elle s’est intéressée, au-delà du sensationnel au mécanisme du passage à l’acte. Rosine, une criminelle ordinaire est tiré de ces expériences.
Je remercie Olivia et les Éditions du Caïman pour ce polar surprenant terriblement addictif.