Une vie et des poussières

Une vie et des poussières de Valérie Clo aux Éditions Buchet . Chastel

” Un soir, il y’a quelques semaines, avant de partir, elle m’a apporté ce carnet. J’ai adoré sa couverture en cuir marron, ornée de belles fleurs colorées. Elle s’est dit qu’une ancienne journaliste devait sans doute aimer écrire. Je l’ai prise au mot et, depuis, je me suis remise à l’écriture. J’avais oublié le plaisir que c’était. “

Mathilde vient d’être placé dans une maison de retraite. Pas facile au départ de se retrouver avec tous ces vieux (comme elle dit), alors elle s’attache à Delphine, une aide soignante qu’elle baptise Maryline en souvenir de l’actrice.

 » Depuis que je suis ici, j’ai le temps de penser. Je n’ai même que cela à faire. Penser et observer. Et je peux vous assurer que ce que je vois n’est pas triste. Il y a de sacrés énergumènes qui vivent dans cet établissement. Je ne savais pas que cela pouvait exister des zozos pareils. Personne n’a idée de ce qui se passe en fin de parcours. Je crois surtout que l’on a pas envie de le savoir. On nous cache, il ne faudrait pas que l’on vienne gâcher la fête. C’est comme si on entrait dans un monde invisible. “

Même si la mémoire de Mathilde lui fait parfois défaut, elle n’en demeure pas moins lucide, et avec beaucoup d’humour elle nous raconte sa vie passée et présente à travers le journal que Maryline lui a gentiment offert. Une façon comme une autre de laisser une trace de son passé sur terre et de répondre un peu à toutes les interrogations de sa fille.

” Lorsque je regarde mes compagnons de la dernière heure, je me demande si eux aussi ont des questions sans réponses à l’hiver de leur vie. Des choses non résolues, des haines toujours vivaces, des regrets, des remords, des rancœurs ? Des histoires de famille insolvables ? Des traumatismes encore présents ? Des nœuds dans leur cœur, impossible à défaire, qu’ils emporteront avec eux dans leur tombe ? Il y en a de si coriaces qu’ils sont capables de leur survivre et de venir hanter l’âme de leurs enfants. “

Entre hier et aujourd’hui, Mathilde partage avec nous ses souvenirs douloureux de son enfance pendant la guerre mais aussi sa vie actuelle où chaque jour apporte son lot de joie et parfois de peine.

Un magnifique portrait de femme et un bel hommage à ces maisons de retraites trop souvent oubliées.

Ce que j’en dis (aussi) :

Comme chacun a pu se rendre compte, vieillir n’est pas une partie de plaisir, et lorsque l’on se retrouve comme Mathilde placée en EPHAD, ce n’est guère réjouissant, comme j’ai pu le constater à maintes reprises au cours de mon travail.

À travers ce sublime portrait de femme, Valérie Clo nous confronte à tout ce qui peut survenir en fin de vie, sans larmoiement, avec élégance, humour et beaucoup de tendresse.

De la vieillesse qu’il faut supporter, au placement en maison de retraite, à la culpabilité de la famille, à toutes ces interrogations qui persistent et tous ces souvenirs qui ont du mal à lâcher prise même quand la mémoire se défile.

Sortie avant le confinement, ce récit m’a profondément touché car il a pris suite aux événements actuels, une résonance particulière et m’a rapproché un peu plus de tous les anciens que je côtoie pour un embellissement capillaire.

D »une justesse extraordinaire, ce roman nous conforte à ne surtout pas oublier nos aînés et à saluer toutes les personnes qui prennent chaque jour soin d’eux.

Découvrez le vous aussi, avant que notre vie parte en poussière…

Pour info :

Valérie Clo vit à Meudon.

Depuis plusieurs années, elle est art-thérapeute et intervient auprès de publics en grandes difficultés.

Je remercie les Éditions Buchet Chastel pour ce roman de toute beauté.

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