Le noir entre les étoiles de Stefan Merrill Block aux Éditions Albin Michel
Traduit de l’américain par Marina Boraso
” Une image à l’écran. Le tourbillon des gyrophares des voitures de police, l’image vacillante et floue. Elle s’est retournée, sans comprendre ce que la journaliste, Tricia Flip d’Action News Six, était en train d’expliquer devant les caméras. Impossible. Voilà le premier mot qui lui a traversé l’esprit, ce mot qui la liait déjà à des centaines de mères comme elle, des mères qui lui inspiraient une forme de pitié abstraite chaque fois qu’une soudaine irruption de violence était rapportée aux informations, survenue en quelque endroit lointain. Impossible – non, a-t-elle pensé, pourquoi ajouter une telle catastrophe à la longue liste de ses soucis, un événement pareil ne pouvait pas se produire chez eux. Et pourtant, le téléphone hurlait déjà dans la cuisine.
Eve a lâché la corbeille, le linge s’est renversé par terre et elle a trébuché dessus en se ruant vers l’appareil. Elle a collé le combiné à son oreille, et ce qui a suivi devait rester à jamais ancré dans sa mémoire. “
Eve n’était pas préparée à vivre un tel moment même si malgré tout elle a du y penser, parfois, comme de nombreuses familles américaines.
Une fusillade a eu lieu dans le lycée de ses enfants, faisant plusieurs victimes dont Oliver son aîné, toujours en vie mais abîmé à jamais.
” Que faisait Oliver à cet endroit ? Une question qu’Eve se gardait bien de soulever, même si la curiosité déraisonnable qu’elle abritait tout près de son cœur ne pouvait se défendre d’y revenir encore et encore. Elle s’était efforcée d’accepter les faits bruts : Oliver se trouvait là, sur la route d’Hector, et ce dernier l’avait visé avec son fusil, avant d’assassiner l’avenir de sa famille. “
Oliver se retrouve plongé dans un coma profond. Sa famille est brisée par ce drame et se désunie jour après jour. Jed, le père, un artiste raté s’enfonce davantage dans une profonde dépression et trouve refuge dans l’alcool. Charlie, le cadet, quitte le Texas et rejoint New-York, rêvant de devenir écrivain, seule Eve reste présente auprès de son aîné, refusant de perdre l’espoir qu’il se réveille.
Dix ans sont passés lorsque de nouveaux examens révèlent chez Oliver, les signes d’une activité cérébrale. Cette nouvelle redonne un brin d’espoir et réunit enfin sa famille à son chevet…
” Le vent se lève à l’ouest, et un spectre de poussière évanescent se dépose sur Bliss, érodant un peu plus les façades de Main Street. Puis le nuage s’envole vers l’est, aspiré par le bleu immaculé du ciel, et s’évanouit dans un soupir, retourné au néant. “
Ce que j’en dis :
Se plonger dans une des dernières parutions de la collection Terres d’Amérique des éditions Albin Michel est toujours pour moi prémisse de lecture époustouflante et celle-ci ne déroge pas à la règle.
Ce n’est pourtant pas un sujet facile, une fusillade dans un lycée, thème souvent abordée dans la littérature américaine, un pays tellement armé qu’il est souvent au proie de telles dérives mortelles, mais Stefan Merrill Block l’aborde avec une extrême délicatesse et nous offre un récit bouleversant.
C’est à travers les voix de ceux qui restent que l’on découvre cette histoire, notamment Eve la mère d’Oliver, présente chaque jour auprès de son fils.
Les dommages collatéraux n’ont pas épargné les membres de cette famille, et chacun à sa manière tente de survivre à ce traumatisme et entame le long processus de résilience.
Chacun essaie de comprendre en se remémorant cette soirée où leurs vies a basculé sans pouvoir éviter de culpabiliser.
Et lorsque Oliver se manifeste par le pouvoir de ses pensées c’est on peu plus émouvant.
Stefan Merrill Block nous offre un second roman ambitieux, captivant, emplit d’humanité d’amour et d’espoir, absolument déchirant.
Une lecture marquante, et une plume remarquable qui m’a follement envie de découvrir l’Histoire de l’oubli, son premier roman.
Un énorme coup de cœur.
Pour info :
Né en 1982, Stefan Merrill Block est originaire du Texas et vit aujourd’hui à Brooklyn.
Son premier roman, Histoire de l’oubli (Albin Michel, 2009), a connu un immense succès, tant critique que commercial.
Traduit en une dizaine de langues, il a été distingué par de multiples récompenses dont le Prix du Meilleur Premier Roman au festival international de littérature de Rome.
Je remercie les Éditions Albin Michel pour ce roman époustouflant.
Tu en parles bien et tu donnes vraiment envie de dévorer ce livre…
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Merci, j’espère que tu te laisseras tenter, il est magnifique ❤️
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J’ai pas mal de services de presse qui vont débarquer incessamment mais je garde le titre dans un coin de ma tête 😉
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Rhoooo lesquels ?
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4 de chez Gallimard (Le testament russe de Shumona Sinha, Vingt et un jours de Laurence Tellier-Loniewski, Nos espérances de Anna Hope et un F. Olivier Giesberg), 1 de chez gallmeister et normalement le dernier Bondoux-Mourlevat… ça fait beaucoup !
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Je plaisantais mais belles prochaines lectures. C’est cool j’ai pas tout à fait les miennes que toi.
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Haha merci 😉
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