Les bonnes âmes de Sarah Court de Craig Davidson aux Éditions Albin Michel
Traduit de l’anglais (Canada) par Éric Fontaine
” Ce n’est pas une ville dénuée de charme. Une falaise en marque l’extrémité sud-ouest ; les millénaires s’écoulent en minces filets entre les rigoles de ses escarpements. Les eaux vertes du lac, parsemées de voiliers, s’embrasent, lisses et dorées, au contact de la lune cuivrée d’automne. Ceux qui vivent à l’intérieur des limites de la ville sont de braves gens. S’il fallait leur trouver un défaut, ce serait sans doute cette tendance qu’ils ont à relever avec un peu trop d’empressement les défis que leur lance l’existence. L’arrivée du mariage et de la vie de famille marque la fin des folles ambitions. Certains qualifient ce patelin de repaire de laideur abritant quelques très belles personnes ; d’autres estiment au contraire qu’il s’agit d’un lieu d’une beauté singulière abritant quelques irréductibles salauds. “
À Sarah Court, morne lotissement situé au nord de Niagara Falls dans l’Ontario, se côtoient cinq familles, assez atypique dans leur genre.
Parmi elles, un batelier qui récupère les noyés au pied des célèbres chutes, un cascadeur accro au danger, un neurochirurgien alcoolique en disgrâce, un boxeur raté père d’un jeune garçon obèse aux multiples personnalités, une cleptomane qui rêve de maternité, un orphelin d’une mère toxicomane devenu fabricant de feux d’artifice et occasionnellement criminel, sans oublier les écureuils gris qui pullulent dans le coin.
” Certaines créatures vivent à la manière des étoiles : une vive et puissante combustion qui réduit en cendres les êtres qu’ils côtoient, mais surtout eux-mêmes. Leurs vies sont des brasiers au cœur desquels les trouvent leur bonheur. Ils se consument à petit feu jusqu’à ce qu’il ne reste que le désir des flammes. “
Mais connaît-on vraiment ses voisins ? Et sa propre famille ?
Craig Davidson explore les âmes humaines aussi étranges et sombres qu’elles puissent être et nous livre un roman surprenant à la frontière des genres.
Ce que j’en dis :
Après ma fabuleuse découverte de son recueil de nouvelles De rouille et d’os, magnifiquement adapté au cinéma par Jacques Audiard en 2012, j’étais impatiente de me plonger dans son dernier roman.
Cette fois il nous entraîne à Sarah Court dans l’Ontario une bourgade américaine proche des chute de Niagara Falls, où vivent cinq familles assez malmenées par la vie.
L’auteur reste fidèle à son thème de prédilection, le drame et toute sa noirceur.
À travers des personnages de caractère assez cabossés, on découvre ce roman choral qui flirte avec le recueil de nouvelles avec une once de fantastique. Les histoires s’enchaînent, les personnages se suivent, leurs vies s’entremêlent, leurs destins se croisent entre tension et émotion, humour et horreur, férocité et compassion.
Sous la plume de Craig Davidson, les gens ordinaires nous paraissent extraordinaires, et même habillée de noirceur, la petite bourgade s’illumine sous le feu des projecteurs le temps d’une soirée.
Craig Davidson confirme son talent et même si cette histoire peut paraître parfois déroutante, elle n’en demeure pas moins captivante et savoureuse.
J’ai adoré.
Pour info :
Craig Davidson, né en 1976 à Toronto, est un écrivain canadien anglophone. Il vit à Calgary, en Alberta. Il s’est fait connaître avec un recueil de nouvelles, Un goût de rouille et d’os (Albin Michel, 2006), vendu à plus de 50 000 exemplaires et adapté à l’écran par Jacques Audiard en 2012. Son premier ouvrage, Juste être un homme (2008), a confirmé le talent et la singularité de ce jeune écrivain.
Craig Davidson a également publié de nombreux romans d’horreur sous les pseudonymes de Patrick Lestewka et Nick Cutter.
Je remercie les Éditions Albin Michel pour cette plongée toujours aussi savoureuse dans l’univers impitoyable de cet auteur Canadien d’exception.