Les patriotes de Sana Krasikov aux Éditions Albin Michel
Traduit de l’américain par Sarah Gurcel
” « C’est ça qui compte aujourd’hui pour les bons patriotes, Florence ! De parfait culs-bénits qui agitent leurs petits drapeaux américains. Voilà ceux qui ont le pouvoir et voilà pourquoi j’en ai fini avec les grands États-Unis d’Amérique. »
Florence entendait de grosses larmes s’accumuler derrière certaines de ces tirades nasillardes. (…)
« Tu prêches une convertie » lui dit-elle joyeusement. Elle se demanda pourquoi le désarroi d’Essie la rendait si gaie. Puis elle réalisa que, pour la première fois depuis qu’elle avait quitté sa famille et embarqué sur le Brême, elle était absolument convaincue d’avoir pris la bonne décision. L’Amérique n’avait rien à lui offrir. «
Alors que les États-Unis sont frappés par la grande dépression, Florence Fein décide de quitter son pays pour rejoindre l’Urss. À seulement 24 ans, elle laisse derrière elle sa famille à Brooklyn.
Ayant soif d’indépendance et de liberté, elle espère beaucoup de cette nouvelle vie, mais hélas les désillusions arrivent très vite et le retour en arrière impossible.
» « Et toi, comment tu t’es retrouvée ici ? » demandra-t-elle une fois.
Florence avait appris à ce stade qu’il valait mieux privilégier les réponses simple. « Il n’y avait pas de travail aux États-Unis. Alors je suis venue en Russie. J’ai rencontré un homme et je suis restée. »
Comme de nombreux Refuzniks, son fils Julian, une fois adulte, émigre aux États-Unis.
Quelques années plus tard, en apprenant l’ouverture des archives du KGB, il retourne en Russie et décide de faire des recherches pour essayer de comprendre les zones d’ombre qui entouraient la vie de sa mère et tenté de persuader son propre fils de rentrer aux États-Unis avec lui.
” Ce qui a poussé sa mère à venir en Russie ne m’a jamais semblé étrange. Ce qui l’a poussé à y rester, voilà une autre histoire, sur laquelle je me suis interrogé. Par quel sortilège, en vertu de quoi (ou de qui) le paysage insipide autour d’elle s’était-il transformé en mosaïque prolétarienne colorée comme celles qui ornent encore cette ville mercantile ? “
” Je me suis dit qu’elle avait peut-être tout simplement fini par renoncer aux États-Unis, de la même manière que les États-Unis avaient si cruellement renoncé à elle.“
Entre passé et présent, Les patriotes nous embarque à travers le destin de trois générations d’une famille juive, l’histoire méconnue de milliers d’Américains abandonnés par leur pays en pleine terreur Stalinienne.
Ce que j’en dis :
Dès le départ j’ai été captivé par cette histoire au souffle romanesque extraordinaire. Il est impossible de ne pas s’attacher à Florence et de se révolter pour tout ce qu’elle va subir, alors qu’elle voulait juste retrouver l’homme aux yeux noirs dont elle s’était éprise et offrir ses services à ce pays.
Elle qui rêvait d’amour, de liberté, d’indépendance, va se retrouver prisonnière dans un pays qui n’est pas le sien et subir une dictature et des privations sans limites. Et pourtant elle gardera la foi et ne se détournera jamais de ses convictions, même dans les pires souffrances.
À travers ce roman choral qui couvre trois générations, on fait également connaissance avec son fils et son petit fils, et on se rends compte des conséquences que peuvent avoir certains choix de vie sur les générations futures.
Un roman ambitieux, qui se mérite et demande une lecture attentive et nous permet de saluer le courage de cette femme à une époque où justement il y avait tant à prouver. Par amour et pour ses convictions, elle sacrifiera presque toute sa vie à un pays qui la considérera toujours comme une étrangère, et peut-être même une espionne, elle aurait pourtant mérité amplement son statut de ” Patriote “.
Sana Krasikov nous offre un impressionnant premier roman, aux personnages touchants, bouleversants dans une ambiance communiste effrayante .
À découvrir absolument.
Pour info :
Sana Krasikov. Née en Ukraine en 1979, Sana Krasikov a grandi dans l’ancienne république soviétique de Géorgie avant d’émigrer aux États-Unis avec sa famille. Elle est l’auteur d’un recueil de nouvelles, L’An prochain à Tbilissi (Albin Michel, 2011), récompensé par le O. Henry Award et le prix Sami Rohr.
Je remercie les Éditions Albin Michel pour ce fabuleux roman.
Très belle chronique, Christelle, pour ce récit qui est pour moi un véritable coup de cœur de cette rentrée. Magnifiques photos.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2019/08/22/les-patriotes-de-sana-krasikov/
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Merci c’est gentil 😉 ce livre mérite tellement d’éloges.
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C’est peut-être le roman qui me remettra en selle après 3 déconvenues littéraires, dont un Gallmeister et l’autre bourré de prix ! La grouika !
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Faudra médire que j’évite le bourré 😂😂
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Je pense que tu l’as lu et aimé… Ici n’est plus ici…
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Oui et même chroniquer et toi ?
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Oui, chroniqué le 10 octobre et passé à côté tout à fait !
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Mince j’ai raté ça, je vais y remédier
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J’aurais dû ajouter des klaxons pour te prévenir ! PTDR
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Mais non mais je passe moins sur Facebook du coup voilà…trop de livre à lire 😂
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Tu t’abonnes chez moi et tu auras les mails, sinon, tu pousses ma porte tous les jours et tu auras une chronique par jour (en forme toujours) :p
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Mais je suis abonnée, mais suis débordée 😂😂
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Ah, toi aussi ??? 😀
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J’ai même plus le temps de passer sur Facebook 😂😂
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Mais enfin ! Bah, tant que tu passes chez nous 🙂
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Superbe chronique. Merci de m’avoir éclairée sur ce roman
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Merci beaucoup 🙏🙏j’espère qu’il te plaira 🤗
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