Les femmes de Heart Spring Mountain de Robin MacArthur aux éditions Albin Michel
Traduit de l’américain par France Camus-Pichon
” Vale trinque, son verre à elle contre son bourbon à lui: « Ils s’en sortiront, là-haut », assure-t-elle. Elle vient du Vermont – d’un appartement aux murs bleus surplombant la rivière. Les ouragans ne montent pas jusque là. C’est l’un de ces lieux étrangement épargnés : par les araignées et les serpents venimeux, les tornades, les tremblements de terre, les glissements de terrain. Mais le plan suivant montre un mobile home – revêtement de plastique vert, volets noirs – emporté par les flots. « Merde », murmure-t-elle (…) Bonnie, la mère de Vale, vit justement dans l’une de ces villes en bordures de rivière qui sont actuellement dévastées par les inondations…
En août 2011, un nouvel ouragan s’abat sur les État-Unis, le Vermont ne sera pas épargné, et offre à présent un triste spectacle de désolation.
Loin de là, à la Nouvelle– Orléans, Vale suit les informations avec intérêt, même si elle a quitté cette région depuis plusieurs années, et tourné le dos à sa famille. Sa mère y vit toujours, et elle vient d’apprendre sa disparition lors du passage de la tempête. Une inquiétude la gagne et ne lui laisse d’autres choix que de rentrer à Heart Spring Mountain, sa ville natale.
” Elle adore cette ville – sa douce chaleur, sa musique, sa lumière. Et elle déteste sa ville natale – son silence, sa blancheur, ses nids-de-poule, les gens qu’elle y a laissés.
« Bonnie », murmure-y-elle.
Le lendemain matin, elle enfile ses bottes, mets quelques affaires dans son sac à dos, retire de l’argent et part à pied vers la gare routière de Loyola Avenue. “
Elle va y retrouver les femmes qui ont bercé son enfance, la vieille Hazel que la mémoire fuit et Deb, toujours fidèle à ses idéaux hippies.
” Vale contemple par la vitre les champs, un silo gris, une grange rouge, le ruban étincelant de la Silver Creek qui leur fait des clins d’œil entre les arbres. Chaque centimètre est familier, mais dans chaque carré de paysage quelque chose a changé, est comme renversé ou sculpté différemment. À force de vivre à la Nouvelle-Orléans, on finit par s’habituer à la menace des ouragans, à l’affaissement mais indéniable des terres. À constater l’impermanence du sol, des arbres, des murs, de sa propre peau.
Mais ici ? Elle est habituée à ce que les choses soient immuables. “
Sa mère reste introuvable, mais jour après jour Vale découvre les secrets des générations de femmes qui l’ ont précédées et décèle un attachement féroce pour cette terre qu’elle a tant cherché à fuir.
” Une citation de No Word for Time lui vient alors à l’esprit, une phrase qu’elle a lue le matin même : « Peu importe le sol que vous foulez, il devrait être sacré, car la terre tout entière est sacrée. » Elle ferme les yeux. Sent la terre solide et fertile sous ses pieds, et entend résonner à ses oreilles l’eau qui court sur les galets de la rivière. “
” Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. “
Ce que j’en dis :
Retrouver une auteure, découverte en 2017 à travers le plus merveilleux recueil de nouvelles de ma vie de lectrice, Le cœur sauvage, (retrouvez ma chronique ici) était prémisse d’un moment de lecture intensément délicieux, et je ne me suis pas trompée.
On retrouve le Vermont, état cher à l’auteur, réputé pour ses paysages naturels et ses nombreuses forêts. Le dernier ouragan ne l’a pas épargné, dévastant au passage certaines zones rurales et la vie des habitants déjà malmenée.
C’est ici, au cœur du désastre que l’on va découvrir trois générations de femmes, à travers un roman choral où le passé s’invite dans le présent et nous révèle certains secrets de famille. À travers ces flash-back, habités par certaines croyances, la vie de ces femmes prends forme et envahit Vale d’une douce nostalgie et l’aide à mieux comprendre sa mère dont elle s’était éloignée.
Robin MacArthur est une merveilleuse conteuse, sa plume est un enchantement. Elle dégage une musicalité particulière qui transporte et envoûte les lecteurs. Elle donne à ses personnages féminins une force sauvage et aux plus rebelles une belle âme. Même cabossées , les femmes demeurent de grandes battantes.
En deux livres, l’auteure s’impose remarquablement dans le paysage de la littérature américaine. Elle nous touche, nous bouleverse aux fils des pages avec autant d’émotions que ce soit dans ce roman où dans son recueil de nouvelles.
Cette femme du Vermont n’a pas fini de nous éblouir et je n’ai qu’une hâte, celle de la retrouver très vite.
Je salue au passage la très belle couverture et la magnifique traduction qui m’a permis ce nouveau voyage livresque dans le Vermont aux côtés de femmes admirables.
Un nouveau coup de cœur pour cette écrivaine talentueuse que je vous encourage à découvrir.
Pour info :
Robin MacArthur est originaire du Vermont, où elle vit toujours aujourd’hui.
Elle a créé avec son mari un groupe de musique folk baptisé Red Heart the Ticker, et ses nouvelles ont été publiées dans de nombreuses revues littéraires.
Régulièrement comparée à Annie Proulx et Anthony Doerr, elle s’impose en deux livres seulement comme un des jeunes écrivains les plus prometteurs de sa génération.
Je remercie les éditions Albin Michel pour cette sublime balade livresque dans le Vermont en compagnie de femmes comme j’aime.
Plus je lis de retours concernant ce roman, plus j’ai envie de le découvrir ! J’attendrai probablement sa sortie en format poche mais pour sûr, je le lirai !
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Je t’y invite fortement, et également son recueil de nouvelles 😉
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Nom de Zeus, Marty, j’ai encore oublié de lire le premier et je voudrais en plus lire le second !! Mais comment je vais y arriver ?? 😀
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T’arrête de dormir et puis c’est tout ou sinon je te pete un genou si tu préfères…
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Non, c’est bon, le gauche me refait mal de temps en temps et le droit a bloqué quelques fois dimanche, on se calme, on ne touche plus mes genoux !! 😀
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