“ La libraire ”

La libraire de Penelope Fitzgerald aux Éditions Quai Voltaire / La Table Ronde

Traduit de l’anglais par Michèle Lévy-Bram

” En 1959, Hardborough ne possédait ni fish and chips, ni laverie automatique, ni cinéma, bien qu’il y eût une projection nocturne un samedi sur deux. Si on ressentait le besoin de ces commodités, personne n’avait jamais envisagé l’ouverture d’une librairie – personne en tout cas n’avait songé que Mrs. Green eût pu l’envisager. “

Hardborough, une sympathique petite ville de l’East Anglia plutôt paisible s’apprête à vivre quelques bouleversements. Une jeune veuve se met en tête d’ouvrir une librairie se mettant illico tous les notables à dos. Cette femme était loin d’imaginer qu’elle devrait faire face à tant de médisances.

Sans oublier l’ostracisme féroce d’une partie de la population.

Et pourtant…

” Un bon livre est l’élément vital et précieux d’un esprit supérieur ; il est embaumé et chéri pour attendre une vie située au-delà de la vie. En tant que tel, on peut sûrement le considérer comme une denrée de première nécessité, non ? ”

Et lorsqu’elle met en vente Lolita, le sulfureux roman de Nabocov, on lui déclare la guerre. Florence se retrouvera très seule face au conformisme ambiant.

” Chère Mrs. Green,

Je reçois ce jour une lettre lettre (…) Ils nous informent que la marchandise exposée dans votre vitrine attire, de la part de certains clients potentiels et effectifs, une attention jugée indésirable en ce qu’elle crée sur la voie publique une obstruction qu’on pourrait qualifier de déraisonnable, tant par le quantum que par la durée. (…) Qui plus est, les usagers habituels de votre bibliothèque de prêt qui, je vous le rappelle, jouissent légalement du statut d’invités, se sont vus importunés, voire poussés, bousculés, ou apostrophés par des personnes étrangères au quartier sous les termes de « vieux lapin », «vieille bique », « vieille dinde » et même « vieille carne »…

(…) Je pense aussi que nous devrions cesser d’offrir à la vente ce qui, par son sensationnalisme, est devenu un sujet de plainte – j’ai nommé le roman de V. Nabokov… “

Pourra-t’elle faire face à tant de mauvaise fois ? Arrivera- t’elle à surmonter tous ces obstacles mis en travers de sa route ?

Ce que j’en dis :

Étant très cinéphile mais également bibliophile, il me tenait à cœur de découvrir ce petit bijou de la littérature anglaise et faire également connaissance avec la délicieuse écriture de l’auteure. Un premier rendez-vous qui a tenu toutes ses promesses et m’a embarqué dans une histoire qui ravira tous les amoureux des livres et des librairies.

Impossible de ne pas succomber aux charmes de cette plume et de cette histoire truculente qui nous plonge au cœur de la bourgeoisie anglaise de province où notre héroïne se verra confrontée à une société ignorante, avide d’argent, sans scrupules, et attirés par les rivalités.

L’humour « So brtish ” est de mise, dans ce tableau plein d’ironie grinçante et n’épargnera pas cette population où les différentes classes sociales sont magnifiquement représentées. Bien difficile de faire accepter la littérature dans des esprits aussi étroits.

Ce roman est une pépite, une petite merveille et on ne peut que remercier les éditions Quai Voltaire d’avoir réédité ce livre fantastique, tout en y apportant une touche soignée et extraordinaire qui rend à cet objet littéraire, tout le charme dont il mérite.

Je ne peux que vous inciter à le découvrir à votre tour et vous verrez que même si les années ont passé, certaines idées préconçues face à la lecture et au métier de libraire sont loin d’être abolies. Alors n’hésitons pas à continuer à partager notre passion, à arpenter les librairies, à lire, tout n’est pas encore perdu, bien au contraire…

La libraire, un magnifique roman à lire et à offrir sans modération.

Pour info :

Après avoir connu plusieurs vies en France sous les titres « L’Affaire Lolita » et « La Libraire », le roman de Penelope Fitzgerald devient un film d’Isabel Coixet intitulé « The Bookshop ».

Aujourd’hui dans les salles !

Ce film a été primé des Goyas du Meilleur film, du Meilleur réalisateur et de la Meilleur adaptation en Espagne.

Penelope Fitzgerald

Romancière et biographe anglaise de très haute réputation, Penelope Fitzgerald a été lauréate des trois prix littéraires les plus prestigieux.

Elle est diplômée de Somerville College de l’Université d’Oxford en 1938. Elle a travaillé comme journaliste à la BBC pendant la Seconde Guerre mondiale, créé un magazine culturel, « World Review », et animé une librairie avant de connaître le succès.

Après avoir écrit son premier ouvrage, la biographie du peintre Edward Burne-Jones, en 1975, elle publie son premier roman, « The Golden Child », en 1977.

Elle obtient le prix Booker en 1979 pour « À la dérive » (Offshore, 1979), un roman autobiographique.

En 2012, « La fleur bleu » (The Blue Flower, 1995), son dernier roman, a été nommé dans la catégorie du meilleur roman historique par « The Observer ».

La réalisatrice espagnole Isabel Coixet adapte le roman « La Libraire » ( aussi réédité sous le titre « L’Affaire Lolita ») (The Bookshop, 1978), en 2017.

Mère de trois enfants, Penelope Fitzgerald est célèbre pour sa prose raffinée et son humour noir.

Je remercie les éditions Quai Voltaire / LaTable Ronde pour cette délicieuse aventure très British qui ne manque ni d’humour ni de grâce.

10 réflexions sur ““ La libraire ”

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